La première partie est ici.La deuxième partie est ici.TROISIEME PARTIE : THE DAY AFTERI do not know how the Third World War will be fought, but I can tell you what they will use in the Fourth — rocks !Albert Einstein
« Quand il ouvrit le troisième sceau, j'entendis le troisième être vivant qui disait: Viens. Je regardai, et voici, parut un cheval noir. Celui qui le montait tenait une balance dans sa main. »« Et j'entendis au milieu des quatre êtres vivants une voix qui disait: Une mesure de blé pour un denier, et trois mesures d'orge pour un denier; mais ne fais point de mal à l'huile et au vin. »Apocalypse (6:5-6)
1983 : Le temps s'accélère. Deux ans ont passé depuis « Malevil ». Deux ans passeront encore avant la diffusion par la BBC de « The Bomb ».
L'époque, si elle reflète une inquiétude légitime face au nucléaire n'en montre guère un reflet réaliste d'un point de vue cinématographique.
1981 voit la production d'une émission de télévision de la série « Conflits » intitulée « Les forces nucléaires françaises » (Jean Bescout, 18 minutes) et d'un court-métrage documentaire de Patrick Tessier de 15 minutes :
« Supplément au voyage de Bougainville : les armées françaises en Polynésie. »Coté fiction, le meilleur film post-apocalyptique de cette année là est, et de loin, « Mad Max 2 » :
L'année suivante voit la réalisation de plusieurs documentaires, en grande partie japonais :
« La génération immolée » : Yuzen Yachibana, 20 minutes.
« Hiroshima and Nagasaki, The Harvest of Nuclear War : 48 minutes.
« Prophétie » : Susuma Hani, 40 minutes.
Mais le plus remarquable est certainement « Atomic Café » de K. et Pierce Rafferty et Jane Loader, 88 minutes. Celui-ci présente l'histoire de la bombe avec une touche d'humour noir causée par la distance entre les deux visions de celle-ci de la part du public : celle de l'époque et celle de la création du documentaire. Le film reflète la nostalgie et le cynisme qui prévalent en Amérique alors, suite à la guerre du Vietnam, le scandale du Watergate et l'éternelle guerre froide entre l'Est et l'Ouest.
En fiction, nous avons « Le dernier combat » de Luc Besson (90 minutes).
Et un téléfilm américain en deux parties de D. Greene : « La troisième guerre mondiale » (3 heures).
En 1983, en plus de divers nanards italiens et deux James Bond, nous avons « Der Stand der Dinge », mise en abyme de Wim Wenders (127 minutes), « Silkwood » de Mike Nichols (130 minutes) sur le décès mystérieux de Karen Silkwood en 1974, « Testament » de Lynne Littman (90 minutes) sur un thème qui n'est pas sans rappeler « On the beach ».
Mais aussi, sur un ton moins dramatique « War Games » de John Badham (114 minutes) :
Sur le plan géopolitique, Ronald Reagan est président des États-Unis depuis 1981 et s'est lancé dans le financement du plus vaste programme militaire depuis la guerre de Corée impliquant un accroissement des forces nucléaires permettant d'assurer 1) l'impossibilité de la part de l'URSS de lancer une contre-attaque en cas d'attaque préventive de la part des USA, et 2) la destruction totale des forces et des ressources soviétiques en cas d'attaque surprise de la part de ces derniers.
En août, il licencie 11 000 contrôleurs aériens grévistes, un acte qui trouve en partie sa justification dans l'idée de montrer aux dirigeants soviétiques que, poussé à bout, rien ne l'arrêterait.
Reagan étend également l'embargo contre l'URSS aux technologies.
Dans le reste du monde, la guerre Iran-Irak se poursuit, de même que celle d'Afghanistan, les mois d'avril à juin voient la guerre des Malouines, en juin, c'est l'invasion du Liban par les israéliens et en septembre le massacre de Sabra et Chatila, le mouvement du Sentier Lumineux se développe au Pérou. En URSS, Brejnev décède le 10 novembre et se voit succédé par Iouri Andropov, ancien chef du KGB.
En 1983, Reagan annonce l'Initiative de Défense Stratégique (IDS) et qualifie l'URSS d' « empire du mal », la guerre Iran-Irak se poursuit, guerres civiles au Soudan et au Sri-Lanka. Le 20 janvier François Mitterrand approuve le déploiement des missiles Pershing en Europe. Le 18 avril, l'ambassade des États-Unis à Beyrouth est attaquée.
Le 22 juillet, fin de l'état de guerre en Pologne. En août, la France intervient dans le conflit tchado-lybien. Le 21, Benigno Aquino est assassiné à l'aéroport de Manille à son retour d'exil. Le 1er septembre, la chasse soviétique abat un Boeing 747 de la Korean Airlines, le 23 octobre deux attentats frappent les forces américaine et française à Beyrouth, le 25 c'est l'invasion de la Grenade.
Le 26 septembre, Stanislav Petrov détecte une fausse alerte nucléaire dans un centre de commandement et évite une riposte nucléaire.
Le 5 octobre, Lech Walesa obtient le prix Nobel de la Paix, mais ne peut aller le chercher.
Du 2 au 11 novembre, exercice militaire « Able Archer 83 » en Europe. Le niveau de réalisme est tel dans un environnement international tendu que les soviétiques craignent une première frappe américaine et se mettent en état d'alerte maximum. « Able Archer » se base sur un soutien accru de « Orange » envers l'Iran, suivi de l'envoi de conseillers militaires de « Bleu » dans les états du Golfe Persique et l'augmentation de sa présence navale. Des troubles éclatent en Europe de l'Est et en Yougoslavie. Invasion de la Yougoslavie et de la Finlande par Orange, puis de l'Allemagne. Utilisation d'armes chimiques par Orange et réplique nucléaire de Bleu.
Durant cet exercice, l'état d'alerte des missiles nucléaires soviétiques fut ramené au niveau « combat » et les forces soviétiques ne cessèrent d'augmenter leur niveau d'alerte.
En décembre, nouvel attentat contre les forces françaises au Liban.
Le 8 août 1945, Albert Camus, dans son éditorial de « Combat » écrit à propos de la bombe : « qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. »
Au mois d'octobre, Jean-Paul Sartre écrit dans « Temps Modernes » que désormais
« l’humanité (est) en possession de sa propre mort. »Dans un discours, le 25 septembre 1961, John Fitzgerald Kennedy déclare :
« Chaque homme, chaque femme et chaque enfant vit sous le coup d’une épée de Damoclès atomique suspendue par le plus fin des fils, susceptible d’être coupé à n’importe quel moment par accident, erreur ou folie ». Le 13 août, le gouvernement est-allemand a entamé la construction du mur de Berlin. Or Kennedy ne s'y est pas opposé, en échange du déploiement de missiles américains en Grèce et en Turquie.
Son successeur, Lyndon B. Johnson arrive à la conclusion en 1964 qu'un arsenal dépassant les 450 missiles Minuteman représente à la fois un excès de capacité destructrice mais aussi un gaspillage financier.
De son côté, le secrétaire à la Défense Robert McNamara réclame le déploiement de 10 000 Minuteman (il se contentera de 1 000). Le même McNamara déclarera, toujours en 1964, qu'une capacité de 400 mégatonnes suffisait à la stratégie de « destruction mutuelle assurée » (les stocks américains atteignaient les 17 000 mégatonnes).
En 1965, l'arsenal américain atteint 32 000 armes. Les rivalités entre l'armée de terre, l'US Air Force et l'US Navy ont amené à la conception, entre 1945 et 1991, de 65 modèles de bombes et têtes nucléaires, pour 116 types de vecteurs différents.
Le développement de l'arsenal militaire américain est vu comme une mesure d'économie. Selon Stephen Schwartz : « si 10 kilos d'explosifs conventionnels peuvent tuer ou blesser 100 personnes, 10 kilos de plutonium peuvent tuer ou blesser 100 000 personnes. »
De même, le représentant Brian McMahon, premier dirigeant du « Joint Committee on Atomic Energy » déclarait devant le Sénat, le 18 septembre 1951 que ces « armes effroyables » déployées par milliers, dissuaderaient Staline jusqu'à ce que « ses millions d'esclaves brisent leurs chaînes et se joignent à nous dans la paix et la fraternité ».
« Pulvériser une douzaine d'usines de guerre ennemies à coups de bombes atomiques ne coûterait pas plus cher que d'en détruire une seule avec des bombes conventionnelles, sans parler du fait qu'un seul avion suffit pour lancer une bombe A, quand le transport de la charge équivalente de TNT nécessite une immense flotte aérienne. »Par ailleurs, au cas où l'ennemi
« oserait nous attaquer, il ne pourrait trouver aucun refuge où nous échapper ». En outre, déclarait-il encore, les forces nucléaires, " en bonne logique et suivant le sens commun ", permettraient une diminution du nombre d'Américains sous les armes et " une réduction massive des dizaines de milliards de dollars que nous aurions autrement à dépenser en stocks d'armes conventionnelles ".
A l'époque, ces arguments ont été contestés par diverses autorités militaires. Moins de deux années plus tard, le général Matthew B. Ridgway, commandant en chef des forces alliées en Europe, indiquait ainsi que " les nouvelles armes nucléaires tactiques exigeraient plus de personnel, mais augmenteraient aussi le prix à payer par le contribuable pour la défense ". Et son successeur, le général Alfred B. Gruenther, vieil ami et partenaire de bridge du président Eisenhower, ajoutait que " les nouvelles armes ont souvent pour effet de créer de nouveaux problèmes et de nouvelles tâches, sans pour autant éliminer ceux auxquels nous étions précédemment confrontés ".
« The day after » est, à l'origine un projet télévisé de la chaine ABC et tout particulièrement de Brandon Stoddard, président de ABC Motion Picture Divison. Le film bénéficia d'une sortie en salle en dehors des USA et c'est à cette occasion que je le vis pour la première fois, malgré des critiques souvent défavorables. Des années plus tard, étudiant à l'UQAM, j'empruntais la VHS qui comportait un avertissement, prévenant de la médiocrité du film. Ce jugement définitif me fut confirmé par le jeune homme au comptoir d'emprunt. Décidément ! Pourquoi tant de haine ?
Peut-être parce qu'il n'y a rien de plus « banal » qu'un film sur la guerre nucléaire, rien qui manque plus d'imagination. Pas d'invasion extra-terrestre, pas de combat divin entre le bien et le mal. Ici, le destin du monde repose entièrement entre nos mains. On pourrait presque parler de « banalité du mal », ou du moins d'indifférence. Dans le film « Testament », sorti à la même époque, et qui se déroule dans la ville fictive de Hamlin, on peut voir la représentation d'une pièce consacrée au fameux joueur de flute par des enfants survivants.
Se pose alors la question de la culpabilité. Les habitants de Hamlin perdent leurs enfants pour avoir refusé de verser leur dû au joueur. Ceux du film sont peut-être coupables d'avoir ignoré qu'ils étaient heureux, coupables d'en avoir voulu plus. Comme l'écrit Hélène Puiseux (« L'Apocalypse Nucléaire et son Cinéma » - 7RT, 1987), ce film « condamne le bovarysme moderne des nantis ».
« En caricaturant à peine, le film conduit à penser que si Carol n'avait pas grogné en sortant sa poubelle, rien ne serait arrivé. »(Ibid.)
L'idée d'un téléfilm sur la troisième guerre mondiale vient à Brandon Stoddard suite au visionnement de « The China Syndrome ». Son vice-président, Stu Samuels invente le titre « The Day After » afin d'insister sur le fait qu'il s'agit plus d'un film sur les conséquences de la guerre nucléaire que celle-ci en tant que telle.
Le script original met l'accent plus sur la destruction de la « Whiteman Air Force Base » que sur celle de la ville de Kansas City. L'action du film doit également se dérouler dans une ville fictive appelée « Hampton ». Au cours de la recherche d'un lieu de tournage approprié, le scénariste Edward Hume et le producteur Robert Papazian choisissent la ville de Lawrence pour la présence d'une université, d'un hôpital, de terrains de football et de basket, des fermes et un terrain plat. Les résidents demandèrent et obtinrent que « Hampton » devienne « Lawrence » dans le script.
Lawrence devait se révéler un site de tournage idéal pour de multiples raisons : les habitants se révélèrent d'enthousiastes collaborateurs, la ville se trouvait virtuellement au centre des États-Unis et se révéla enfin être une cible principale en cas d'attaque en raison de la présence sur place de 150 silos de missiles Minuteman.
Dès le début, le projet dut faire face à certaines controverses, de même qu'au problème de la représentation des explosions nucléaires, nécessitant la création d'effets spéciaux inédits. Le réalisateur Robert Butler travailla plusieurs mois sur le script et les story-boards avant d'abandonner le projet en raison de conflits contractuels. Nicolas Meyer, qui venait de réaliser « Star Trek II : The Wrath of Khan » (le meilleur film de cette série à ce jour à mon humble avis) fut approché pour le remplacer. Il accepta cette assignation malgré des craintes de censure du projet.
Meyer s'assura que cela n'arriverait pas tout en s'efforçant d'éviter au maximum de faire de « The Day After » un film catastrophe classique, ce qui aurait atténué son impact. Il refusa également la présence d'acteurs célèbres, mais s'accorda avec la production sur la présence de Jason Robards, un nom qui attirerait les spectateurs européens dans les salles. Cela étant entendu, à l'époque, je reconnus plusieurs acteurs dont au moins les visages m'étaient familiers pour les avoir déjà vus au cinéma où à la télévision : John Lithgow, Bibi Besch, Steve Guttenberg, Amy Madigan, John Cullum, Jeff East...
Meyer se lança dans d'importantes recherches sur les conséquences d'un conflit nucléaire, recherches qui le rendirent pessimiste à l'idée d'un tel événement qu'il en devint littéralement malade.
Au cours d'un voyage à Kansas-City, Meyer et Papazian visitèrent les locaux de la « Federal Emergency Management Agency » (FEMA). Interrogé sur les plans pour survivre à une attaque nucléaire, un responsable répondit que la FEMA expérimentait avec la publication d'instructions d'évacuation dans les annuaires du téléphone de Nouvelle Angleterre. « Dans environ six ans, tous le monde devrait les avoir. » Cette rencontre conduisit par la suite Meyer à parler de la FEMA comme d'« une blague totale » (22 ans avant Katrina).
Le projet provoqua également d'intenses conflits entre Meyer et Papazian d'une part et les censeurs d'autres part. Par ailleurs, le Ministère de la Défense accepta de soutenir le projet à condition qu'il soit spécifié que les soviétiques étaient les agresseurs, ce que les deux hommes se refusaient à faire.
Par ailleurs, Meyer, Papazian et Hume consacrèrent une bonne partie de 1982 à compléter la distribution, cherchant à embaucher un maximum de locaux plutôt que des professionnels hollywoodiens. Ainsi, sur 80 personnages environ, seuls 15 devaient provenir de Los Angeles.
Les figurants furent payés $ 75 pour se faire raser le crane et porter des prothèses de latex simulant des brulures. On leur demanda également de ne pas se laver jusqu'à la fin du tournage (du 16 août au 11 septembre 1982). Une scène de panique dans un supermarché provoqua la fuite d'un client et de son fils, apparemment inconscients de l'existence du tournage.
Le montage fut une épreuve douloureuse pour Nicholas Meyer, les censeurs de ABC imposant leur droit de regard pour couper des scènes jugées trop longues et ralentissant le rythme du film.
ABC projetait de programmer le film en deux parties pour une durée totale de trois heures sans coupures commerciales. Meyer proposa de son côté de retrancher une heure et de diffuser le film en une seule fois. La chaine céda lorsqu'elle s'aperçut de la difficulté de trouver des commanditaires. Meyer produisit alors une version de 140 minutes. Les responsables semblèrent profondément affectés par le résultat et Meyer fut convaincu d'avoir réussi à les satisfaire.
Malheureusement, un conflit de six mois s'ensuivit au cours duquel la chaine fit pression pour réduire encore la durée du film. En conséquence, Meyer prit la porte et son monteur Bill Dornisch fut licencié. De nouveaux monteurs furent impliqués mais la chaine se montra insatisfaite de leurs versions. Finalement, Meyer fut rappelé et un compromis fut obtenu sur une version de 120 minutes.
Programmé pour mai 1983, la projection de « The Day After » fut repoussée au mois de novembre. Trois scènes furent encore coupées sur ordre des censeurs : celle d'un enfant faisant un cauchemar sur l'apocalypse nucléaire, celle d'un patient de l'hôpital se réveillant hurlant et une du personnage de Denise tenant un diaphragme.
Meyer persuada les responsables de ABC de rendre hommage dans le générique au habitants de Lawrence et d'ajouter un avertissement sur le fait que le film minimisait les conséquences d'une guerre nucléaire pour les besoins de l'histoire, tout en rajoutant une liste de livres sur le sujet.
Présenté pour la première fois le 20 novembre 1983, le film fut précédé d'un avertissement de l'acteur John Cullum (Jim Dahlberg), interpellant le public sur le contenu particulièrement violent de l'œuvre et encourageant les parents de jeunes enfants à regarder celui-ci en famille et d'en discuter ensuite.
Des lignes 1-800 furent mises en place afin de permettre au public de communiquer avec des psychologues.
Un débat suivit le film, animé par le journaliste Ted Koppel et réunissant le scientifique Carl Sagan, l'ex secrétaire d'état Henry Kissinger, Elie Wiesel, l'ex secrétaire à la Défense Robert McNamara, le général Brent Scowcroft et le commentateur conservateur William F. Buckley, Jr. Sagan décrivit la course aux armements en ces termes :
« Imaginez une pièce remplie d'essence, et cette pièce renferme deux ennemis implacables. L'un a neuf mille allumettes, l'autre sept mille. Chacun d'eux ne se préoccupe que de savoir qui est en tête, qui est le plus fort. »Un psychothérapeute prit des consultations de la part de spectateurs à la « Shawnee Mission East High School » de Kansas City et des manifestations pour la paix se tinrent au « Penn Valley Park » et à l'université de Lawrence.
Une semaine avant la diffusion du film, un groupe conservateur : « Citizens for America » publia le communiqué suivant : « Notre réponse à cette démonstration de propagande pour le gel de nos forces nucléaires doit être rapide et convaincante. Le président Reagan a présenté à ce pays l'unique option face à un désastre nucléaire : la construction d'un système de défense stratégique pouvant protéger le monde libre d'une agression sans recourir à la menace de l'annihilation comme moyen dissuasif. »
Le film fut largement commenté dans les médias notamment le Time, Newsweek, U.S. News & World Report et T.V. Guide le présentant comme sensationnaliste ou au contraire en-dessous de la réalité. Il reçut douze nominations et reçut deux « Emmy ».
Cent millions d'américains le virent et il fut diffusé en salle à travers le monde, y compris dans le Bloc de l'Est, la Chine, la Corée du Nord et Cuba.
Le commentateur politique Ben Stein écrivit dans le « Los Angeles Herald Examiner » un texte critiquant le message du film et posant la question de la vie en Amérique sous domination Soviétique. Cet article mena ultimement à la création par ABC de la mini-série « Amerika ».
Le « New-York Post » accusa Meyer de traitrise et demanda : « Pourquoi Nicholas Meyer fait-il le travail de Youri Andropov ? » Le néoconservateur Richard Grenier accusa le film dans le « National Review » d'être « antipatriotique » et de promouvoir un comportement pro-soviétique.
En 2016, le critique Matt Zoller Seitz nomma dans « TV (The Book) « The Day After » le quatrième plus grand téléfilm américain de tous les temps. « Fort probablement le plus sombre téléfilm jamais projeté, « The Day After » est une proclamation résolument anti-guerre entièrement consacrée à montrer au public ce qui arriverait si des armes nucléaires étaient utilisées contre des populations civiles aux États-Unis.
Le film s'ouvre sur une séquence se déroulant sur la base aérienne du SAC d'Omaha, au Nebraska, à 194 miles au nord de Kansas City, Missouri alors qu'un appareil de type KC-135, version militaire du Dash 80 s'apprête à décoller, emmenant avec lui le général Sumter.
C'est la première partie du film, qui sera divisée en trois : l'avant, le pendant et l'après. Celle-ci constitue une mise-en-place du décors et des principaux acteurs. L'essentiel de l'action tournera autour de quatre cellules familiales :
les Oakes : lui médecin, elle femme au foyer, deux enfants dont une adulte et un étudiant,
les Dahlberg : fermiers, trois enfants, l'ainée sur le point de se marier, une fille d'environ treize ans et un garçon de dix,
les Hendry : fermiers également, deux enfants en bas âge, un garçon et une fille,
les McCoy : lui, membre du SAC, elle femme au foyer à la base avec leur bébé.
De nombreux lieux figurant l'intimité ou la vie professionnelle seront montrés : résidences avec chambres à coucher, salles de bains, coiffeuses, cuisines, télévisions omniprésentes ; lieux de travail : base militaire, silos, université, hôpital, boutique de coiffeur, supermarché, station-service.
Le réalisateur prend le soin de montrer le tissu d'une région et d'une ville (Kansas-City) : musée, bibliothèque, campus, banlieue, terrains de sport, fermes, silos à grains et silos à missiles. Il y a un parti pris de « normalité ».
D'emblée, on peut noter une petite erreur : le KC-135 montré dans le premier plan de l'extérieur a ses réacteurs protégés par de jolies bâches rouges. Oups, quelqu'un a oublié d'enlever l'emballage cadeau. Cet appareil destiné au ravitaillement en vol était considéré comme le « couteau suisse » de l'Air Force et ses utilisations furent multiples et variées (tel le « Rivet Joint » de reconnaissance électromagnétique).
Selon un militaire, il est 4 heures 15 du matin. Le président se trouve à Camp David, le commandant en chef des forces américaines en Europe est en déplacement jusqu'au 21.
L'équipage doit observer les éventuels déplacements de sous-marins nucléaires au large des côtes ouest et est.
Alors que l'appareil décolle, on découvre la superbe vision des terres du Mid-West à basse altitude : cultures, fermes, voies ferrées, terrains de sport et la tranquille petite ville de Lawrence avec son université, puis Kansas City au loin, ranche, usine laitière, terrain de football, le mémorial « Liberty », Kansas City elle-même avec ses lieux emblématiques. Scènes classiques de gens vaquant à leurs occupations : travail, jeux, école, bourse locale. C'est une belle journée d'été.
Les premières nouvelles de l'orage à venir nous sont données par la télévision dans la salle d'échanges boursiers, dans l'indifférence générale. L'URSS s'est vu imposer des sanctions économiques, cependant qu'il intensifie sa présence militaire le long de la frontière ouest-allemande. Ce regroupement est présenté comme des manœuvres militaires. L'ambassadeur des USA a répondu que « Ces explications étaient inacceptables et que ces manœuvres étaient une provocation. »
En direct, on assiste à la réponse de l'ambassadeur soviétique : « Une provocation ? C'est vous qui parlez de provocation ? Pourtant c'est vous les américains qui avez amassés 260 000 hommes et 7 000 engins nucléaires juste de l'autre côté de notre frontière, alors ne me parlez pas de provocation. »
On passe ensuite au Memorial General Hospital de Kansas City. Le Dr. Russel Oakes (Jason Robards) discute d'une prochaine opération du cœur avec son collègue, le Dr. Sam Hachiya (Calvin Jung). Celui-ci l'informe qu'il ne pourra pas procéder à l'opération car il doit se rendre à Lawrence.
Suit une séquence à bord d'un hélicoptère de l'US Air Force, transportant quatre militaires du SAC, assignés à un silo nucléaire. Trois d'entre eux se montrent particulièrement joyeux, tout est tranquille à l'horizon. Le première classe Billy McCoy (William Allen Young) se réjouit de prendre trente jours de permission. Le quatrième membre de son équipe vient doucher son enthousiasme, l'enjoignant de ne pas « faire trop de projets pour l'instant » en désignant la « une » de son journal, consacrée aux manœuvres du Pacte de Varsovie.
L'hélicoptère survole la ferme des Dahlberg, à Harrisonville, à 40 miles au sud-est de Kansas City. Denise Dahlberg (Lori Lethin) et son fiancé Bruce Gallatin (Jeff East) en sortent précipitamment, tout échevelés. On devine qu'ils n'ont pas attendu le mariage pour commencer à pratiquer. Bien qu'on ne soit pas dans le même genre de film, on se permettra de rappeler que dans les films d'horreur, ce genre d'activité est plutôt mal vue et ne rapporte la plupart du temps que des ennuis.
De fait, ils sont déjà en retard pour la répétition de leur mariage à l'Église de la Fraternité où les attendent les Dahlberg : Jim (John Cullum) et Eve (Bibi Besch) les parents, Danny (Doug Scott) et Joleen (Helen Anthony) les enfants.
Pendant ce temps, l'hélicoptère atterrit sur le site de lancement « Oscar » à Sweetsage, 20 miles de Kansas City. L'équipe de relève rejoint ses binômes au fond du Silo. Tout est normal à l'exception d'un missile sur lequel travaille l'équipe d'entretien. Le missile en question est présenté sur une musique triomphante, puis le « Liberty Memorial » se superpose à celui-ci.
Le Dr. Oakes discute avec sa fille Marylin (Kyle Aletter). Celle-ci l'emmène au musée. « On dirait que tu hésites à me dire quelque chose... » dit Robards. Meyer place cette conversation devant un tableau de Joseph Ducreux : « Le Discret ».
Marylin annonce à son père son intention de déménager à Boston avec « Gary ». Elle projette d'en faire l'annonce à sa mère le lendemain.
On passe à la ferme des Hendry, à Sweetsage. Celle-ci est toute proche du silo auquel est assignée l'équipe de l'hélicoptère. Dennis Hendry (Clayton Day) rentre son tracteur, sa femme Ellen (Anthonie Becker) va mettre à sécher le linge sur les cordes, accompagnée de leurs deux enfants. On peut deviner qu'il y a peut-être certains sentiments entre Ellen et Billy McCoy.
Plus tard, Ellen passe le fer à repasser tout en regardant un débat télévisé sur la crise en Europe qui serait due au déploiement de missiles Pershing II et à moyenne portée. L'un des intervenants explique que les USA ne sont sans doute pas près à « sacrifier Boston pour Hambourg ».
D'autres nouvelles nous sont données par l'intermédiaire de l'autoradio du véhicule de Oakes : déploiement de forces soviétiques, protestations des USA à l'ONU, contre-accusations soviétiques. Le docteur retrouve son épouse Helen (Georgann Johnson) dans leur coquette maison de banlieue. Leur fils (que l'on ne verra que dans une courte scène d'entrainement au football) est absent. La montre d'Helen indique presque 19 heures 30, mais inversée, la grande aiguille semble proche de minuit, une référence à l'horloge de l'apocalypse ?
Leur discussion est interrompue par un bulletin spécial à la télévision. Le présentateur fait état du blocus de Berlin-Ouest et de la rébellion d'unités des forces Est-Allemandes.
La nuit est tombée sur la ferme des Dahlberg. Bruce et Denise se bécotent dans la grange. Denise va chercher son diaphragme, mais sa petite sœur s'est amusée à le cacher. Jim regarde un matche de base-ball à la télé lorsque le programme est interrompu par un nouveau bulletin spécial : le blocus de Berlin est désormais étendu à l'espace aérien : « C'est une violation délibérée et inadmissible du droit international ont déclaré les ministres des affaires étrangères membres de l'OTAN. » Le présentateur annonce également que si l'aéroport de Berlin n'était pas réouvert à 6 heures du matin, heure allemande, « cet incident serait considéré comme un acte de guerre. » Le président a annoncé que les forces armées étaient en état « DEFCON-2 » et l'ambassadeur soviétique à Washington a été convoqué à la Maison Blanche.
De leur coté, les Oakes se remémorent les événements de 1962 : « En tout cas, je suis sûre que nous avons fait Marilyn ce jour là » dit Helen.
« On s'est levé et on s'est mis à la fenêtre pour attendre les bombes. »
« Qui ne sont pas venues. Si ça arrivait maintenant ? »
« Non, les gens sont cinglés, mais pas à ce point là. »
Leurs voisins ont filé à Guadalajaja.
Les uns passent cette dernière soirée dans l'insouciance, les autres regardent le ciel, attendant.
On passe au foyer des McCoy à la base de l'Air Force de Whiteman à Sedalia, à 85 miles de Kansas City. Billy a été rappelé et sa femme Maureen est furieuse et paniquée à la fois.
Voilà nos quatre hommes de retour dans leur hélicoptère, mais l'ambiance n'est plus la même.
Le 16 septembre. Les Dahlberg vaquent à leurs occupations, le Dr. Oakes ramasse son journal qui titre : « Berlin Blockade » et en-dessous « NATO Ultimatum ». Il est 5 heures 30 à Kansas City, donc 12 heures 30 à Berlin. La radio annonce que le porte-parole de la Maison-Blanche a nié toute intervention militaire tout en déclarant que les USA resteraient fidèles à leurs alliés de l'OTAN.
Bruce ramène Denise à la ferme. Son père n'est pas très heureux du comportement de sa fille qui se marie le lendemain.
En route vers son hôpital, le Dr. Oakes écoute la radio. Les nouvelles sont alarmantes : les combats pour forcer le blocus de Berlin ont commencé. Plus tard, un collègue lui annonce que les russes évacueraient Moscou et que des habitants de Kansas-City quitteraient la ville. (…)On ne parle plus d'Hiroshima, maintenant. Hiroshima c'était... du pipi de chat. »
« Qu'est-ce qui nous arrive ? Est-ce que tu sais ? Ce qui est à l'origine de cette folie sur terre ? »
« Oui, l'imbécilité. C'est la tare la plus répandue sur Terre ! »
Une réflexion qui renvoie à la célèbre citation d'Einstein : « Deux choses sont infinies : l'Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l'Univers, je n'en ai pas encore acquis la certitude absolue. »
Tandis que Oakes tente d'appeller sa femme, la radio annonce que le Kremlin a officiellement donné l'ordre d'évacuer Moscou.
Suit une séquence à l'université du Kansas à Lawrence, à 38 miles à l'ouest de Kansas-City où se rend Bruce à moto. Le docteur Hachiya se voit informer par l'infirmière Nancy Bauer (JoBeth Williams) que le directeur de l'hôpital a besoin d'un médecin pour informer tout le personnel de la marche à suivre en cas d'évacuation, mais celui-ci doit évaluer la santé physique de 120 hommes appelés sous les drapeaux. Parmi eux, Stephen Klein (Steve Guttenberg), étudiant en première année de médecine.
A l'université, Bruce apprend que les russes ont envahi l'Allemagne de l'Ouest. A la télévision, un présentateur explique que les forces soviétiques ont bousculé celles de l'OTAN et que l'organisation alliée n'a pas exclu l'utilisation d'armes nucléaires tactiques.
Des étudiants débattent. L'un fait référence au feuilleton d'Orson Welles « La Guerre des Mondes » qui avait déclenché une panique en 1938. Son interlocutrice lui fait remarquer qu'on n'a rien fait pour les Tchèques, les Hongrois, les Afghans ou les Polonais. « Je vous garantit qu'on ne vitrifiera pas les Russes pour sauver les Allemands. C'est vrai que s'il s'agissait de sauver notre pétrole en Arabie, là on pourrait s'inquiéter. »
Bruce s'en va chez le coiffeur. Stephen fait du stop pour rejoindre Joplin et se fait prendre par un homme armé d'un fusil. Des bouchons se forment.
Dans le salon de coiffure, des clients discutent de la situation. Parmi ceux-ci Joe Huxley (John Lithgow).
Bruce : « Ben, vous croyez vraiment qu'il y ait des chances que des bombes nous tombent dessus ici, dans ce trou perdu du Kansas ? »
Joe : « Ce trou perdu ? Ah, Ah, Ah, Ah. Les trous perdus, ça n'existe plus. Vous êtes juste à côté de la base aérienne de Whitman où il y a à peu près 150 silos de missiles Minuteman alignés sur une zone qui va jusqu'à la moitié du Missouri. Alors vous savez... C'est pas les cibles qui manquent dans la région. »
De son côté, le Dr. Oakes est pris dans les bouchons. La radio annonce l'explosion d'engins nucléaires à Wiesbaden (siège des forces aériennes de l'OTAN en Europe) et dans la banlieue de Francfort (à proximité de la base de Rammstein). Le programme est interrompu par un message du Centre de Radiodiffusion de la Défense Civile : les habitants de la région de Kansas-City sont appelés à se rendre dans les lieux marqués « abri ».
Après avoir aidé à protéger le sous-sol de l'église, Jim Dahlberg rentre chez lui avec son fils en lui donnant pour instruction de remplir d'eau des bidons de lait. Le Dr. Oakes fait la queue, en vain, pour accéder à une cabine. Dans les supermarchés, les clients se jettent sur tout ce qui est comestible. Bruce se trouve à la caisse lorsqu'un client l'informe que les Russes ont « coulé un de nos bateaux dans le Golfe Persique. (...) Mais on a finit par leur couler un de leurs bateaux. »
Cette annonce pousse Bruce à ré-enfourcher sa moto en urgence.
Chez les Hendry, c'est l'heure de manger, mais Dennis a autre chose en tête, emmenant Ellen à l'étage sans prêter attention à l'annonce à la télévision (religieusement regardée par les enfants) que « les Etats-Unis ont procédé à l'explosion aérienne de trois engins nucléaires d'intensité moyenne ce matin au-dessus d'unités soviétiques dans la région... »
Coupe sur le personnel d'une base aérienne se ruant vers leurs véhicules au son de l'alarme, en direction de B-52.
Les enfants continuent à écouter les nouvelles, inconscients de ce qui se prépare.
Les B-52 décollent.
« Une bombe nucléaire de puissance indéterminée a explosé sur le quartier général régional de l'OTAN. »
A la ferme des Dahlberg, Danny remplit des bidons tandis qu'une trainée blanche traverse le ciel. Jim entrepose des vivres au sous-sol et s'enquiert de ses filles auprès de sa femme qui ne semble nullement préoccupée de la situation : « Je sais que tu es très occupée, mais je te signale que tout le pays est en état d'urgence. »
« Hé bien, il sera en état d'urgence sans moi parce que tu sais que ta fille se marie demain et que j'ai 67 bouches à nourrir ? (...)Si on t'écoutait, on croirait que c'est la fin du monde. »
Arrive Joleen qui a entendu à la radio « qu'il y aurait peut-être une guerre. Il a dit qu'il fallait débrancher toutes les radios et les appareils électriques. »
Dans une base, le personnel se hâte de monter les têtes de missiles, tandis que l'appareil de commandement du SAC survole le Kansas. A bord, le général Sumter s'entend dire qu'il lui faut sortir « les clefs et les documents d'identification. »
C'est la deuxième partie du film. La plus courte.
Les Dahlberg se hâtent d'organiser leur abri souterrain. Stephen se fait déposer à un carrefour en pleine campagne. Tout est extraordinairement calme et silencieux excepté le son des grillons. Dans les prés paissent des vaches. Dans un autre, un cheval blanc solitaire. On songe à « Apocalypse 6:2) :
« Je regardai, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait avait un arc; une couronne lui fut donnée, et il partit en vainqueur et pour vaincre. »
Le calme de ce paysage contraste avec le chaos qui règne à l'intérieur d'un silo dont le personnel s'apprête à faire décoller le Minuteman sous sa responsabilité. Les ordres fusent à toute vitesse dans le tonnerre des klaxons. Les opérateurs procèdent au déverrouillage et entament le compte à rebours. Ces dernières scènes, ainsi que celles à bord du KC-135 et le décollage des B-52 sont en fait extraites d'un documentaire de PBS de 1979, appelé « First Strike ». Dans ce film, le silo est détruit avant que ses opérateurs puissent lancer leur missile, d'où l'interruption du compte à rebours dans « The Day After ».
Dans ce court-métrage, la guerre-éclair a pour résultat la quasi annihilation des forces nucléaires américaines et la mort de huit millions d'américains. Le président n'a pas d'autre choix que de consentir à un cessez-le-feu unilatéral.
Chez les Hendry, Ellen procède à sa toilette après l'amour lorsque la maison est secouée comme par un tremblement de terre. Dehors un jet de flamme jaillit de terre. Le missile près de chez eux est en pleine phase de décollage. L'un après l'autre, d'autres missiles suivent Ces images proviennent de tests de lancement d'ICBM provenant de films déclassifiés de la bibliothèque du Ministère de la Défense.
Les habitants de la région observent médusés les trainées blanches qui s'élèvent dans le ciel. Jim Dahlberg est contraint de trainer au sous-sol sa femme en plein déni et occupée à faire les lits.
Billy et ses collègues arrivent en trombe à leur silo. Il n'y a plus de nouvelles, plus d'ordres, plus d'instructions sinon celles qu'on leur a inculqué dans un tel cas de figure : en gros, rester à son poste et attendre les hélicoptères.
« La guerre, c'est terminé. Terminé. Nous on a fait notre job. Alors qu'est-ce que tu gardes encore, hein ? Leur putain de silo à la con en attendant que ça te tombe sur le coin de la gueule ? »
L'équipe en place est enfermée à l'intérieur et ne les laisseront jamais entrer. Billy propose de descendre par l'échelle jusqu'à l'ascenseur mais, au dernier moment, il refuse de se joindre à ses camarades et s'enfuit.
Le Dr. Oakes se dirige vers Kansas-City. Tandis que la route est vide devant et derrière lui, sur les files de gauche, c'est un interminable bouchon. Après les communications, c'est le réseau de circulation qui s'effondre, avant même que la première bombe ait explosé.
Au stade de foot de Lawrence, Joe Huxley contemple les tracées blanches des missiles en compagnie de deux étudiants.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? »
« C'est des missiles Minuteman. »
« Mais qu'est ce qu'ils font ? C'est un exercice ? »
« Ils sont en route pour la Russie. Il leur faut à peu près trente minutes pour atteindre leur cible. »
« Et ceux des Russes ? Pareil ? »
A bord du KC-135, on relève « 32 trajectoires repérées et dix traces d'impact. » On confirme une « attaque massive contre les États-Unis. »
« Plus de 300 missiles en approche. »
A Kansas-City, les sirènes se mettent à hurler. Par hauts-parleurs, on intime l'ordre à la population de se rendre aux abris. Les gens courent dans les rues comme des fourmis affolées. Certaines de ces scènes auraient été empruntées au film « Two-Minute Warning » de Larry Peerce.
Marilyn se réfugie dans les sous-sols du musée. Une cloche se met à sonner comme un ultime avertissement, puis une sirène alors que la foule court vers un improbable salut.
Kansas-City nous est montrée à l'horizon, puis une série de zooms arrières nous la montre de plus en plus lointaine. Et puis c'est le blanc. Comme une masse énorme qui semble descendre du ciel pour écraser la ville. Une onde thermique se déplaçant à la vitesse de la lumière. Tous les appareils, tous les véhicules s'arrêtent brutalement. Il est près de 15 heures 40. Un missile vient de détonner au-dessus de Kansas-City. Le premier indice en est l'Impulsion Electromagnétique (EMP) qui a pour effet de détruire toutes les installations électriques et électroniques non protégées. Partout, tout s'éteint, tout s'arrête.
Les différents conducteurs tentent sans succès de redémarrer leur véhicule. Seul Billy réalise ce qui se passe et se précipite en courant vers les bois proches.
Et puis l'éclair, l'horizon s'enflamme. Une lueur blanche aveuglante, un rugissement, suivi de la masse rouge-orangée d'un champignon nucléaire s'élevant dans le ciel.
A l'époque du tournage, le gouvernement américain insista pour qu'il soit clairement exprimé que les soviétiques étaient responsables de la première frappe. Devant le refus de l'équipe du film, celui-ci lui refusa l'utilisation d'images d'archives. La production eut alors recours à des effets spéciaux résultant dans la vision d'un nuage atomique crédible. L'effet fut obtenu en injectant de la peinture à l'huile et de l'encre dans un aquarium à l'aide d'un piston, le tout filmé à l'aide d'une caméra placée à l'envers. Le résultat fut optiquement modifié avec inversion des contrastes. L'aquarium utilisé fut celui de la « Nébuleuse Mutara » de « Star Trek II ».
La responsabilité des uns et des autres est éludée, comme dans « Malevil » et la question de savoir qui a « gagné » n'a que peu d'importance face à l'ampleur de la catastrophe.
A Kansas City, les immeubles en flammes s'effondrent broyant les habitants avant que la tempête de feu ne les réduise en cendres. Suit une deuxième explosion, puis une troisième.
Chez les Dahlberg, le jeune Danny a les rétines brulées par un éclair. Bruce et Marilyn font partie des victimes. Les Hendry sont victime de la proximité de leur ferme avec les silos. Stephen, errant dans Harrisonville abandonnée se réfugie dans un magasin.
Certaines images furent empruntées à des dossiers déclassifiés, des nouvelles et des films « Meteor » (1979), « Superman » (1978) et « Damnation Alley » (1977).
Il semble que huit minutes et demi de scènes extrêmement graphiques sur les conséquences d'une explosion nucléaire sur les corps humains et de survivants suffocant dans leurs abris aient été coupées.
Après les incendies, la pluie radioactive. Il semble que l'on ait utilisé du maïs soufflé pour ces scènes.
Nous arrivons à la troisième et dernière partie du film : l'après.
Les Dahlberg sont enfermés dans leur cave. Joleen s'inquiète du sort de leur chien Rusty resté dehors. Son père, qui a tenté sans succès de capter quelque chose à la radio, lui explique qu'il ignore combien de temps ils devront rester ici.
« Je ne sais rien sur les effets des radiations. »
« C'est quoi ça les radiations ? »
Des survivants errent dans les rues ravagées de Lawrence. Parmi eux, le Dr. Oakes.
Au pavillon des sciences fondamentales de l'université de Lawrence, le professeur Huxley tente de fabriquer un poste émetteur de fortune avec l'aide des étudiants vus précédemment. A l'extérieur, une étudiante risque sa vie pour tenter de rebrancher l'antenne. Le détecteur de rayons X crachote violemment.
Le Dr. Oakes regagne son hôpital. C'est la panique. L'établissement est surpeuplé et le groupe de secours n'est pas branché. Certains médecins sont morts, d'autres disparus.
« MAIS QU'EST-CE QUE VOUS AVEZ VU ? Vous arrivez tout droit de Kansas-City. QU'EST-CE QUE VOUS AVEZ VU ? »
« J'étais sur l'autoroute à plus de trente kilomètres de la ville. Je suis pas très sûr. C'était très haut en l'air, exactement au-dessus du centre-ville. J'ai cru que... que le soleil explosait. »
L'annonce que les soins ne seront accordés qu'aux personnes les plus gravement atteintes est très mal prise. Le Dr. Oakes parvient à ramener le calme. Plus tard, un conseil de guerre se monte entre médecins. L'absence d'électricité est expliquée. Il leur faudra tout faire à la main, en risquant de s'exposer aux radiations. Pas question d'utiliser du bois pour faire du feu, car il est contaminé.
Stephen rejoint la ferme des Dahlberg, et après discussion, est accepté dans le sous-sol.
A l'hôpital, on opère à la lumière des lampes torches.
« Il est possible qu'on soit le seul hôpital qui fonctionne à cent kilomètres à la ronde. Tout le monde à moitié en vie ou à moitié mort va rappliquer ici. (...)Je me demande qui est épargné. Je me demande si New-York, Paris, Moscou ressemblent à Kansas-City maintenant. »
Dehors, Billy passe devant un monument « A la mémoire de nos anciens combattants » au pied duquel un adulte et un enfant se sont effondrés. La pluie a cessé, mais le soleil brule. Dans un magasin, il s'équipe d'une paire de lunettes de soleil, trouve des barres de chocolat. Au loin, des coups de feux.
A l'université, le professeur Huxley parvient à communiquer avec le Dr. Oakes. « Nous avons un coefficient de radioactivité en-dessous de 50 rads à l'heure.
Selon la méthode française de zonage, ils se trouvent donc en « zone orange », la dernière avant la « zone rouge ». Il s'agit d'une zone contrôlée, spécialement réglementée. Les conséquences pour la santé sont les suivantes : « Apparition éventuelle de phénomènes spécifiquement radio-induits aux expositions prolongées. »
Pour être supportables, les radiations devraient retomber à 2 rads/heure, c'est-à-dire en « zone bleue », la première.
Des cafards apparaissent : « L'héritage de l'humanité, c'est le cafard, le seul qui avait la garantie de survivre à un conflit nucléaire. »
Chez les Dahlberg, Denise commence à craquer : « Ça fait à peine cinq jours qu'on est là, et je ne me souviens même plus du visage de mon fiancé. »
Paniquée, elle sort, poursuivie par Stephen. Sa première vision est celle du cadavre de Rusty.
« Tu vois ? Il n'y a rien. C'est fini. Il fait très beau. »
Des cadavres d'oiseaux gisent un peu partout. La terre est blanche et couverte de cadavres de bovins.
« Écoute, écoute : c'est invisible, ça n'a pas d'odeur, et c'est insaisissable. Mais c'est bien là, en ce moment, tout autour de nous. Ça te traverse le corps comme un rayon X, jusque dans tes cellules. Qui a tué toutes ces bêtes d'après toi ?
Sur la route, Billy aborde un convoi de survivants : « Y'a plus de Sedalia. »
A l'hôpital, le chaos s'installe. La foule tente de forcer l'entrée. Les morts s'accumulent, entrainant un risque de choléra. On manque de morphine, il y a eu des vols. La cuisine a été pillée et un médecin blessé. On parle de pelotons d'exécutions pour « terrorisme, assassinats, viols, pillage. »
Billy est témoin de scènes de conflit autour d'un point d'eau. Il emmène un survivant traumatisé à Lawrence, partageant ses maigres vivres avec lui.
A l'hôpital, le Dr. Oakes traite une femme enceinte, en retard de deux semaines : « Si vous étiez dans mon ventre et qu'on vous laisse le chois sur la question, est-ce que vous seriez très impatient de naitre dans un monde pareil ? »
« Vous devez laisser place à l'espoir. »
« L'espoir en quoi ? A votre avis qu'est-ce qui va se passer maintenant ? Vous croyez qu'on va ramasser les morts, qu'on va les mettre dans des fosses et qu'on va reconstruire des supermarchés ? Vous ne croyez quand même pas que les survivants vont gentiment nous dire : « Oh, je suis désolé. Ce n'est pas notre faute. Embrassons-nous et n'en parlons plus ? Vous le savez bien pourtant. On savait tout sur les bombes et sur les retombées nucléaires. On savait que ça finirait par arriver un jour ou l'autre. Et personne ne s'en est soucié. (...)Donnez moi une raison, parlez-moi d'espoir. Pourquoi est-ce que vous vous tuez au travail ? »
« Je l'ignore. »
De fait, acteurs et spectateurs ont été prévenus à foison mais ont ignorés les signes : radio que personne n'écoute dans la salle de courtage, radio qu'un client de supermarché écoute avec attention, suivant les infos comme s'il s'agissait d'un matche de foot en tenant les scores, télévision que le Dr. Oakes éteint ou que Mme Oakes regarde distraitement en faisant la cuisine, télévision encore que les enfants Hendry regardent religieusement quand leurs parents préfèrent se glisser à l'étage pour faire l'amour, télévision enfin lorsque Jim Dahlberg voit son programme sportif interrompu par un flash spécial mais voit son attention détournée par la dispute de ses filles, tandis que sa femme la laisse en marche sans y prêter attention, plus préoccupée par le mariage de sa fille.
Lorsque l'on tente de communiquer ou de recevoir des informations, plus rien ne fonctionne : les cabines téléphoniques sont prises d'assaut, les véhicules sont embouteillés avant de tomber en panne, les radios ne captent plus rien et les postes émetteurs-récepteurs ne transmettent qu'à quelques mètres de distance et captent un message présidentiel inepte.
Jim Dahlberg fait le bilan morbide de leur situation. Sa femme lui répond : « On a encore la chance d'être en vie. »
« C'est l'avenir qui dira si c'est une chance. »
Dans un camp de réfugié, Billy et son compagnon passent devant un homme en uniforme qui prend des notes sur leur état de santé. Billy souffre de vomissements, il perd ses cheveux, il a des brulures sur les bras.
« Ecoutez. Je sais qu'on a été irradié et que c'est dangereux. Ce que je veux savoir c'est s'il y a quelque chose à faire pour se soigner. »
L'homme les regarde avec fatalisme.
A l'hôpital, le professeur Huxley annonce que le coefficient de radiations est tombé à 0,4 rads/heure.
Les Dahlberg sont réveillés par une cloche qui sonne au loin et sortent. On les retrouve ensuite à l'église en ruine, au milieu d'une assemblée qui écoute un sermon du prêcheur.
« Il y eut un violent tremblement de terre. Alors, le ciel devint noir comme une étoffe de crin et le tiers de la terre fut consumé. Le tiers des arbres fut consumé. Et de cette fumée, des sauterelles se répandirent sur terre avec un pouvoir pareil à celui des scorpions. Alors, on leur dit... Alors, on leur demanda d'épargner les prairies, toute verdure et tout arbre de la terre et de s'en prendre seulement aux hommes qui ne porteraient pas sur le front le sceau de Dieu. »
Il s'agit d'extraits d'Apocalypse (6:12) : « Je regardai, quand il ouvrit le sixième sceau; et il y eut un grand tremblement de terre, le soleil devint noir comme un sac de crin, la lune entière devint comme du sang, »
Apocalypse (8:7) : « Le premier sonna de la trompette. Et il y eut de la grêle et du feu mêlés de sang, qui furent jetés sur la terre; et le tiers de la terre fut brûlé, et le tiers des arbres fut brûlé, et toute herbe verte fut brûlée. »
Apocalypse (9:3) : « De la fumée sortirent des sauterelles, qui se répandirent sur la terre; et il leur fut donné un pouvoir comme le pouvoir qu'ont les scorpions de la terre. »
Apocalypse (9:4) : « Il leur fut dit de ne point faire de mal à l'herbe de la terre, ni à aucune verdure, ni à aucun arbre, mais seulement aux hommes qui n'avaient pas le sceau de Dieu sur le front. »
Au cours du sermon, du sang apparaît entre les jambes de Denise, qui est emportée par sa famille.
« Les fidèles serviteurs de Dieu sont réunis ici aujourd'hui... Nous te remercions, Seigneur, Dieu tout-puissant, d'avoir récompensé tes serviteurs et ceux qui, grands ou petits, craignent ton nom. Et d'avoir anéanti les destructeurs de la terre. »
Décision est prise : Stephen emmènera Denise et Danny à l'hôpital de Lawrence.
Danny : « Qu'est-ce que tu vois ? »
Stephen : « Oh, des vaches, des poteaux télégraphiques, rien de spécial. »
Mais la vérité est toute autre. Les cadavres des vaches s'entassent dans les champs et des soldats embarquent les corps dans un camion.
A Lawrence, les réfugiés affluent. Huxley parvient enfin à capter un message. C'est un message du président.
« Mes chers concitoyens, il est encore trop tôt pour évaluer avec précision l'étendue des dommages extrêmement graves subis par notre pays. Les premiers rapports indiquent que l'attaque soviétique a principalement touché les bases militaires et les secteurs industriels sur la majeure partie du territoire des États-Unis. Nous sommes maintenant parvenus à un cessez-le-feu avec l'Union Soviétique qui a également subit des dommages catastrophiques.
Parmi ceux qui m'écoutent aujourd'hui, beaucoup ont personnellement souffert, beaucoup continuent à souffrir, beaucoup pleurent la disparition d'êtres chers. Je compatis à votre douleur et ma famille n'a pas été épargnée.
En ce moment de tristesse, je tiens à vous donner l'assurance que l'Amérique a survécu à cette terrible épreuve. L'Amérique ne s'est pas rendue ! Nous sommes restés fidèles aux principes de liberté et de démocratie si chers aux yeux du monde libre dont nous serons toujours les garants. Nous restons un exemple pour toutes les nations du monde, grâce à Dieu tout-puissant.
Le gouvernement jouera son rôle malgré une situation extraordinairement difficile. Nous sommes disposés à faire tous les efforts pour coordonner les programmes d'aide et d'assistance à la population au niveau local et fédéral. Au cours des prochaines semaines; tous mes collaborateurs s'emploieront en priorité à mettre sur pied un ministère de la Reconstruction Nationale. Pour l'heure, et en attendant que la liste complète des coefficients de radioactivité de chaque région soient portés à votre connaissance par la Défense Civile ou par les autorités locales, je vous recommande de rester dans des abris offrant le maximum de protection contre les risques de retombées radioactives et de vous conformer aux éventuels couvre-feux.
Nous comptons sur vous, sur votre force, votre patience, votre volonté et votre courage pour nous aider à reconstruire cette grande nation qu'est la notre. Dieu vous bénisse. »
Ce texte est déclamé tout en montrant des images de cadavres, de survivants gravement blessés et/ou choqués, de cadavres déplacés, de destructions diverses, et se termine par l'image d'une enfant solitaire à l'aspect asiatique : symbole d'Hiroshima.
Dans la version originale, la voix du président était calquée sur celle de Ronald Reagan. Par la suite, elle fut remplacée par celle d'un autre acteur.
L'un des étudiants à l'écoute réagit violemment à ce discours : « C'est tout ? C'est tout ce qu'il a à nous dire ? »
« Hé, peut-être que c'est pas si grave ? »
« Qu'est-ce que tu voulais entendre ? »
« Je veux savoir qui a commencé, qui a fait feu le premier sans prévenir personne. »
Huxley : « Ça, on ne le saura jamais. »
« A quoi ça t'avancerait de le savoir ? »
« On ne connait même pas l'étendue des dégâts. »
« S'ils avaient tiré les premiers, ils nous l'aurait dit, j'en suis sûr. »
« Ils ne veut pas qu'on croie qu'on a perdu la guerre. »
« Vous gobez ces histoires, vous gobez tout ce qu'on vous raconte alors ? »
« Docteur... »
Huxley : « Vous savez ce qu'à dit Einstein sur la troisième guerre mondiale ? Il a dit qu'il ignorait à coup de quoi on ferait la troisième guerre mondiale, mais qu'à son avis on ferait la quatrième guerre mondiale à coups de bâtons et de pierres. »
Dans un corridor de l'hôpital, le Dr. Oakes, épuisé, titubant, est interpellé par ses confrères. Le nombre de cadavres à gérer devient alarmant. Il s'écroule et se retrouve sur un lit d'hôpital. Il délire. Dans un lit adjacent on retrouve Billy, très choqué et dont la santé s'est visiblement fortement dégradée.
A l'extérieur, on enterre les corps dans des fosses communes. Stephen aide à cette tache macabre. Des soldats distribuent des rations. Lorsque celles-ci s'épuisent, c'est l'émeute, les soldats sont molestés et ouvrent le feu.
A la campagne, on assiste à une réunion de fermier : « Donc, ce qu'on vous demande de faire, c'est de bruler toutes les récoltes qui son encore sur pied, de commencer la décontamination des sols et de préparer les plantations du printemps prochain. On vous demande de choisir les variétés les moins sensibles aux variations ultraviolettes et destinées à la consommation humaine plutôt qu'animale. »
« Excuse-moi, Mel, mais, comment ça se fait la décontamination des sols ? »
« Hé bien, il faut que tu attendes que le coefficient de radioactivité soit devenu inoffensif et soit tu laboures très creux, soit tu enlèves les couches supérieures. »
« Comment on saura que c'est inoffensif ? »
« Euh, ils vont envoyer des conseillers agricoles du Ministère de la Reconstruction Nationale à toutes les coopératives. »
Jim Dahlberg intervient : « Tu peux expliquer ce que tu veux dire par enlever les couches supérieures de terre arable ? »
« Exactement ça, Jim. Tu enlèves les dix ou quinze premiers centimètres de la couche arable. »
« Ouais, et qu'est-ce que j'en fais ? On a tous jusqu'à 80 et même jusqu'à 100 hectares par tête dans la région. C'est facile de parler, mais faut être réaliste. En supposant qu'on trouve un trou assez grand pour mettre toute cette terre stérile, qu'est-ce qui nous restera comme terre arable pour les prochaines cultures ? »
« Un peu de sang-froid ! Il s'agit d'une catastrophe, pas de la vie de tous les jours. Écoutez, le premier objectif du Ministère de la Reconstruction Nationale est de rétablir l'ordre et de vous aider à tout mettre en œuvre pour nourrir le pays tout entier. »
Tout ce discours s'adresse à des hommes marqués par les radiations, brulés au troisième degré, choqués et pour certains amorphes et sans réactions. L'effort colossal demandé, en l'absence de toute technologie appropriée est absurde.
Suit une séquence fort intéressante (de mon point de vue, du moins) pour ce qu'elle sous-entend et annonce de l'avenir de ce monde.
Jim Dahlberg rentre chez lui, à cheval. Il fait nuit et il aperçoit dans un coin un groupe d'hommes dépenaillés accompagnés d'une petite fille rassemblés autour d'un feu. Sa réaction est du style « Get out of my property ». Il descend de cheval et prend son fusil. L'un des hommes disparaît. L'attitude de Jim n'est pas vraiment hostile. Il est clair que ces gens totalement silencieux lui font plus pitié qu'autre chose. Ils sont en train de se nourrir de l'une des carcasses irradiées qui parsèment la plaine.
« C'est chez moi, ici » a-t-il le temps de dire avant d'être abattu. La petite fille ne cille même pas. L'assassin reprend son travail de découpe de la viande.
Il me semble que l'on a ici une référence sous-jacente aux films de zombies. Rappelons que le plus célèbre d'entre eux : « Night of the living dead » prend pour prétexte de la résurrection des morts, la chute sur Terre d'un satellite militaire à propulsion nucléaire. Dans les premiers films sur l'apocalypse nucléaire, les survivants se voyaient parfois confrontés à des mutants radioactifs.
Contrairement à la théorie prévalente qui veut que la popularité des films de morts-vivants aille de pair avec une guerre en cours (à l'époque, celle du Vietnam) et en soit la métaphore, il me semble que les morts-vivants (dont l'existence défie toute logique) soient la conséquence métaphorique de la guerre nucléaire, de l'impossibilité de soigner les survivants gravement irradiés, de les nourrir, de les loger.
Dans un monde aux infrastructures quasiment détruites, aux liens sociaux dégradés, seuls les plus forts survivraient. Ceux qui seraient capables de survivre par leurs propres moyens, qui auraient eu la prévoyance de se construire un abri adéquat, d'amasser des vivres et des médicaments et d'échapper aux radiations.
Il serait humainement impossible de la part de ces individus de venir en aide à plus démunis, plus malade qu'eux. « The Day After » montre clairement l'inanité du gouvernement face à une catastrophe nucléaire. Donc, pour survivre, il faudrait se débarrasser non seulement des morts, mais des morts en sursis. Quel meilleur moyen de s'y préparer que de les montrer déshumanisés ? Leur extermination ne serait plus seulement une nécessité mais un acte d'humanité.
Et s'ils se montrent hostiles, ça devient un acte de légitime défense tout naturel.
Le Dr. Oakes se rétablit, mais il perd ses cheveux et son front est marqué et saigne. Il apprend le décès de l'infirmière Bauer. Il annonce au Dr. Hachiya son intention de retourner à Kansas-City : « J'aimerais revoir ma maison avant de mourir. »
En chemin, il assiste à l'exécution de deux soldats par un peloton, scène qui fut coupée lors du passage à la télé et qui renvoie à une séquence similaire dans « The Bomb ».
L'état de Danny ne s'améliore pas et il demande au Dr. Hachiya à rentrer chez lui. Stephen apparaît, dans un état de délabrement physique spectaculaire.
« Vous n'êtes pas vraiment Italien, pas vrai ? Vous êtes d'où exactement ? »
« De Kansas-City. »
Stephen traverse un terrain de basket rempli de malades et de blessés, image qui peut renvoyer à la séquence de l'hôpital à ciel ouvert d'Atlanta dans « Gone with the wind ».
Il retrouve Denise qui semble avoir vieilli de cinquante ans. Elle ne le reconnaît pas, croyant parler à son fiancé : « On croirait que tu es tombé de ta bécane. »
Elle a perdu presque tous ses cheveux. Stephen enlève sa casquette, révélant un crane nu.
Tous ces gens sont irrémédiablement condamnés : pertes de sang, brulures inexplicables, pertes de cheveux. Tout cela est le signe de la fin prochaine.
« Quatre jours après le bombardement, monsieur T... emprunta une pioche et une bicyclette attelée d'une petite remorque et repartit vers la ville sous un soleil brillant. Après avoir, non sans peine, localisé ce qui restait de sa maison, il dégagea l'abri des décombres qui le recouvraient. Puis il revint au village avec ses vêtements, de la literie et différents objets qu'il avait pu sauver. Après s'être lavé au puits, il aperçut sur ses deux genoux des cloques de la grosseur d'un pouce. Le matin même, avant de partir, il s'était assis sur une souche pour fumer sa pipe, mais il n'avait rien remarqué d'anormal sur ses genoux. Comme il était épuisé, il s'endormit sans y prêter plus ample attention. Le lendemain matin, il fut très surpris de constater que les cloques recouvraient ses jambes pratiquement des chevilles jusqu'aux genoux. Un soldat du service de santé, venu pour soigner sa femme, vida la sécrétion contenue dans les vésicules à l'aide d'une seringue et, troublé par l'étrangeté de ces cloques, il lui dit qu'il ne pensait pas qu'elles aient pu être provoquées par un simple coup de soleil. L'œdème se reforma très rapidement, et monsieur T... dut plusieurs fois extraire le liquide avec une aiguille. Cela dura cinq jours. A peine avait-il extrait le liquide que des démangeaisons insupportables le prenaient.
Sachant que la mort suivait l'apparition de symptômes étranges, progressivement plus nombreux, monsieur T... me demanda de l'examiner. Je ne pus malheureusement pas répondre à sa requête: je consacrais tout mon temps à des malades beaucoup plus gravement atteints. Un soir cependant, je pus me libérer et je courus vers la ferme pour l'examiner. En entrant dans le hangar, je vis sa femme en pleurs, qui l'étreignait. Il venait de rendre son dernier soupir, après s'être complètement vidé de son sang. Le jour même, aux environs de midi, je l'avais aperçu, il m'avait souri et, tout en agitant la main, il m'avait dit: « Quand vous rentrerez chez vous, passez nous voir. Je vous préparerai un bon thé ! » Sa femme me raconta que dans l'après-midi il avait commencé à avoir des sueurs froides et s'était plaint de douleurs à la gorge et à la nuque. Puis il avait eu des saignements de nez et du sang était apparu dans ses selles. Ses cheveux s'étaient mis à tomber par touffes entières. Il avait dit: « J'étais dans l'abri, je n'ai pas été touché par leur sacré pikadon... Et mes cheveux, tu as vu mes cheveux ? Ce n'est pas possible ! ».
https://www.dissident-media.org/infonucleaire/temoig_hida.htmlLe Dr. Oakes parvient au centre de Kansas-City, passant devant les ruines du mémorial (reconstitué en fibre de verre par crainte de l'endommager) édifié en 1926 « En l'honneur de ceux qui servirent durant la guerre mondiale en défendant la liberté et leur pays. »
Oakes contemple de cette perspective le panorama de la ville en ruine qui rappelle les photos et films d'Hiroshima après le bombardement.
Oakes erre dans les ruines de la ville à la recherche de sa maison. Ces scènes ont été tournées sur le site de démolition de l'hôpital St. Joseph que Meyer remplit d'épaves de voitures et de faux cadavres. Au même moment, la femme enceinte de l'hôpital universitaire accouche enfin d'un bébé apparemment normal.
Le Dr. Oakes retrouve ce qui reste de sa maison et la montre de sa femme dans les ruines. Un bruit l'interpelle. Un groupe de survivants s'est installé là : « Sortez de ma maison ! »
Comme en réponse à la séquence de la mort de Jim Dahlberg, Oakes s'avance vers eux : « Est-ce que vous avez compris ? Je vous ais dit de sortir de ma maison. » Mais cette fois, l'un des hommes lui tend un fruit. Oakes s'éloigne et tombe à genoux. L'homme se lève et le prend dans ses bras pour partager sa douleur.
Fondu au noir alors que l'on entend Huxley tentant de communiquer par radio : « Allo, est-ce que vous m'entendez ? Est-ce que quelqu'un m'entend ? »
Le film se termine sur le texte défilant suivant :
« The catastrophic events
you have just witnessed are,
in all likelihood, less severe
than the destruction
that would actually occur
in the event of
a full nuclear strike against
the United States.
It is hoped that the images
of this film will inspire
the nations of this earth,
their peoples and leaders,
to find the means to avert
the fateful day. »
Cette fin est malgré ce dernier avertissement, particulièrement sombre. Les liens sociaux sont brisés : Mme Oakes et ses deux enfants sont morts dans l'explosion, le docteur sera victime des radiations, Jim Dahlberg abattu par des pillards, sa fille et son fils condamnés par les radiations, de même que Stephen, Bruce, le fiancé, mort dans l'explosion, l'infirmière Nancy Bauer décédée d'une méningite, Mme McCoy et son bébé morts dans l'explosion, Billy sévèrement irradié. Enfin, la déclaration inepte du Président et les conseils irréalistes destinés aux fermiers, la loi du plus fort qui devient la norme : un homme sort son pistolet pour aider Billy à faire accéder un survivant à une pompe, un autre sort son fusil pour abattre Jim Dahlberg, la foule s'en prend aux soldats, les soldats répliquent par des pelotons d'exécution.
En fin de compte, la leçon d'un tel film est que la sécurité des nations dépend de l'immobilisme de leurs dirigeants, et éventuellement l'activisme des populations.
Une VHS du film fut envoyée à la Maison-Blanche plusieurs jours avant le passage du film à la télévision. Ronald Reagan le visionna le 5 novembre 1983. Il écrivit dans son journal :
« Columbus Day. In the morning at Camp D. I ran the tape of the movie ABC is running on the air Nov. 20. It’s called “The Day After.” It has Lawrence, Kansas wiped out in a nuclear war with Russia. It is powerfully done—all $7 mil. worth. It’s very effective & left me greatly depressed. So far they haven’t sold any of the 25 spot ads scheduled & I can see why. Whether it will be of help to the “anti nukes” or not, I can’t say. My own reaction was one of our having to do all we can to have a deterrent & to see there is never a nuclear war. »
Un conseiller du gouvernement, ami de Meyer, qui assista à la projection lui dit : « If you wanted to draw blood, you did it. Those guys sat there like they were turned to stone. »
Dans « Dutch », la biographie de Reagan, Edmund Morris dépeint un président déprimé plusieurs jours après avoir vu le film. La vision de ce dernier aurait pu convaincre le président de poursuivre la négociation du traité portant sur l'élimination des missiles nucléaires à moyenne portée (300 à 3 400 miles) et qui conduisit quatre ans plus tard à la destruction de plus de 2 500 engins.
Pourtant, une seconde entrée, deux semaines plus tard, le 18 novembre, se lit ainsi :
« George [Shultz] is going on ABC right after its big Nuclear bomb film Sunday night. We know it’s “anti-nuke” propaganda but we’re going to take it over & say it shows why we must keep on doing what we’re doing.
Le 20 novembre au soir, lors du débat qui suivit le film Schults expliqua au modérateur Ted Koppel : « The film is a vivid and dramatic portrayal of the fact that nuclear war is simply not acceptable, and that fact and the realization of it has been the basis for the policy of the United States for decades now—the successful policy of the United States. Based on the idea that we simply do not accept nuclear war and we’ve been accepting in preventing it. »
Schultz ajouta que les États-Unis ne déclareraient jamais la guerre à l'Union Soviétique.
Pourtant, le sept novembre précédent, le monde était passé tout près de l'apocalypse nucléaire, alors que les forces de l'OTAN effectuaient l'exercice « Able Archer ».
Le 20 novembre, le président ne regarda pas « The Day After ». En compagnie de son épouse, Nancy, il préféra revoir « The Adventures of Robin Hood. »
« The Day After » apparaît dans l'épisode 9 de la saison 4 de « The Americans ».
"These bloody days have broken my heart
My lust, my youth did them depart
and blind desire of estate
who hasts to climb seeks to revert
Of truth, circa Regnant tonat
(about the throne the thunder rolls)"
Sir Thomas Wyatt (the Elder)