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FANTASTIC FOUR: BIG TOWN #1-4

Janvier à avril 2001
Scénario: Steve Englehart
Dessins: Mike McKone
Encrage: Mark McKenna

Cette mini-série de 4 numéros se déroule dans une réalité alternative. Dans ce monde, Reed Richards et Tony Stark ont ​​décidé de rendre publiques leurs découvertes scientifiques. Le résultat est Big Town: une nouvelle ville futuriste high-tech qui s'appelait jadis New York. Beaucoup de visages familiers habitent Big Town. Les FF et les Avengers sont là. Cette dernière équipe est composée du Swordsman (apparemment le chef), Hawkeye et Mockingbird (mariés et se chamaillant comme toujours), Black Panther et Thor (plongés dans un perpétuel conflit à propos d'un groupe suprématiste blanc qui s'appelle l'Odin-Cult), Iron Man et The Wasp (qui couchent ensemble même si Jan est toujours mariée à Hank Pym et bizarrement, il est au courant de leur liaison) et Captain America, bien sûr. Les X-Men originaux sont également présents. Ils se nomment les "Mutts" et ils sont des voyous et des voleurs vivant dans les ruelles sombres de Newark. Quant à Spidey, il est à la retraite et a vendu les droits d'utiliser son nom à toutes sortes d'entreprises.

Quant aux méchants, ils se sentent menacés par ce nouvel âge d'or de l'humanité. Beaucoup se regroupent pour y mettre un terme. L'alliance des bad guys (un concept repris à plusieurs reprises, comme par exemple dans Acts of Vengeance) est formée entre Doc Doom, le Red Skull, Magneto, Ultron, le Hulk gris et Namor.

Ce qui est cool:

Je suis un mordu fini d'uchronies et de "What Ifs" donc je ne pouvais pas résister à cette série. Je dois dire qu'elle m'a réservé quelques surprises. Mais seulement quelques-unes. Le sort de Hawkeye à la fin du dernier livre est très cool. Le design de l'armure d'Iron Man est génial et c'était amusant de le voir à nouveau impliqué dans une relation avec Wasp, même si c'était le triangle amoureux le plus étrange que j'ai vu dans un comic.

Ce qui est mauvais:

Il me semble que cette réalité alternative avait tellement de potentiel qui demeure malheureusement si peu exploité. Ce monde est trop semblable à l'univers Marvel tel que nous le connaissons déjà! La guerre entre Doom et les héros n'a rien d'exceptionnel, c'est une histoire qui aurait pu être racontée dans n'importe quel titre de Marvel (et cela a d'ailleurs été le cas à de maintes occasions). En fait, ce monde alternatif ne sert que de décor... de prétexte. Il demeure tragiquement sous-exploité et l'action principale est centrée sur des personnages qui, pour l'essentiel, sont inchangés. The Thing est amer et se sent comme un monstre déformé qui ne connaîtra jamais l'amour, Namor est amoureux de Susan Richards, Hawkeye réprimande sa femme pour avoir tué un ennemi... rien d'innovateur ici!

L'histoire manque également de complexité et de profondeur. Le tout est trop simple, presque enfantin. Et donc l'histoire semble étirée pendant quatre numéros alors qu'elle aurait facilement pu être racontée dans deux bandes dessinées pleines d'action. Les seules surprises que vous obtiendrez (à part peut-être pour la foi de Hawkeye) sont dans les deux premiers numéros... après cela, tout est plutôt prévisible et guère excitant.

Les combats ont beaucoup de potentiel mais eux aussi déçoivent. Iron Man contre Ultron? Quelques cases et c'est fini. Iron Man contre le Silver Surfer? Deux cases et pas un seul mot échangé. Où est le plaisir dans tout ça? La plupart des dialogues sont ennuyeux aux larmes. J'ai essayé de lire toute la série une seconde fois avant d'écrire cette critique, mais je ne pouvais tout simplement pas le faire. J'ai dû sauter plusieurs pages qui étaient trop ennuyeuses.

L'histoire a également plusieurs incohérences et erreurs. Par exemple, Pym se plaint au Prof X qu'il aimerait que leur équipe de super-flics ait "au moins un mutant" ... et à la page suivante, on constate que Nightcrawler en fait déjà partie. Si Kurt n'est pas un mutant, je ne sais pas qui l'est! Plus tard, les griffes d'adamantium de Wolverine s'avèrent incapables de percer la peau de Thing! C'est idiot, nous savons qu'elles le peuvent, c'est déjà arrivé par le passé. Ensuite, Black Panther est frappé au bas du dos par Namor (nous entendons même sa colonne vertébrale se briser). Dans le troisième numéro, il est comateux, est empoisonné par le Red Skull, puis sauvé par Human Torch et Thor... et finalement, dans le dernier numéro (qui se déroule seulement quelques heures plus tard) il est en pleine forme et combat l'Odin-Cult comme si rien ne s'était jamais produit.

Et c'est quoi le truc avec Stark et Janet Van Dyne? Ils couchent ensemble, Pym le sait et pourtant elle appelle toujours Hank "my guy" et il professe toujours "our mariage works, that's the bottom line." Pym est-il jaloux de Stark? Non, c'est plutôt Stark qui est jaloux de Pym! Que diable? Et après avoir appelé Pym "hon" et professant qu'elle l'aime, The Wasp se retourne et fait des avances à Tony. Si quelqu'un y comprend quelque chose, expliquez-moi. J'ai entendu parler de beaucoup de relations compliquées dans ma vie, mais celle-là est ridicule.

Les occasionnelles erreurs de couleurs rendent également l'action difficile à suivre, comme les "Chevaliers du Destin" (l'armée de Doc Doom) qui sont argentés, puis vert et ensuite argentés à nouveau (bien qu'avec des touches de rouge cette fois) et ensuite dans le deuxième numéro? Ils reviennent au vert! Les cheveux de Hawkeye passent du brun au blanc en quelques heures. C'est agaçant et distrayant.

Citation:

The Wasp atterrit sur le bras d'Iron Man et, devant son mari, Stark dit: "And since we're optimistic about you and me, Jan - in about thirty minutes?"Réponse de Wasp: "You know action turns me on, Iron Man!" 

Quelqu'un connaît un bon thérapeute pour super-héros?




Adieu Simone: extraits

Les ayatollahs féministes


L'oeuvre ci-dessus est un tableau d'Egon Schiele intitulé "Trois femmes nues".

Si vous croyez qu'il s'agit d'une oeuvre magnifique, détrompez-vous! C'est un humiliant symbole de la domination des femmes, une objectification éhontée du corps féminin qui suscite la colère de TOUTES les femmes! 

Le fanatisme idéologique des féministes ne cessera jamais de me renverser complètement.

La plus récente salve est signée par Pascale Navarro:

Le 7 janvier dernier, au Teatro Del Maggio à Florence, le metteur en scène italien Leo Muscato présentait sa version de l’opéra Carmen. Dans le livret original de Prosper Mérimée, Carmen finit sous les coups de son amant jaloux. Afin de faire réfléchir aux violences sexuelles, sujet de l’heure pour dire le moins, la compagnie florentine a proposé de changer la fin ; ce n’est plus José qui tue Carmen, mais l’inverse. 

Personnellement, ce choix ne me scandalise pas du tout. Au contraire même, j'aime bien qu'on nous montre que des hommes peuvent également être victimes de la violence des femmes. Bien que, dans ce cas-ci, je soupçonne que ce n'est pas le but de l'exercice. Mais comme je n'ai pas lu les justifications des gens qui sont responsables de cette pièce (et que ça ne m'intéresse pas du tout), je ne vais pas m'aventurer plus loin.

Cette entorse à l’œuvre originale a créé la polémique en Europe, et scandalisé les mélomanes. Il n’en fallait pas plus pour dénoncer la censure et la rectitude politique. On lance de gros mots comme « hystérie vengeresse » (Le Figaro) et on ridiculise le geste (La Stampa), pendant que la critique démolit la pièce.

Si les changements ont été faits dans un but idéologique, pour pervertir le sens original de la pièce et lui substituer une propagande dogmatique féministe, alors je comprends parfaitement qu'on soit outré.

Mais je le répète, personnellement, je ne le suis pas. Pour que je monte aux barricades, il faudrait qu'on tente d'effacer la version originale, qu'on la retire des tablettes pour lui substituer une nouvelle version féministe revue et corrigée. Là, je hurlerais.

Mais dans les circonstances, tout le monde sait que cette nouvelle version n'est pas l'originale et personne n'affirme le contraire. La version originale continue d'être disponible. Je ne vois pas vraiment où est le mal. Cela étant dit, l'idée ne suscite nullement mon intérêt et je n'irais pas la voir, mais je ne ressens pas le besoin de déchirer ma chemise non plus.

La modification d'une oeuvre ancienne n'est pas nécessairement un outrage. Si je décide de monter une pièce de théâtre inspirée d'une oeuvre originale, mais que j'y apporte des changements importants pour... je ne sais pas, moi... la rendre plus contemporaine par exemple, ben pourquoi pas? Si je veux raconter l'histoire d'Arthur Pendragon en le mettant dans la peau d'un politicien moderne, chef du parti de la Table Ronde, où est le mal?

Cela étant dit, on devine que Mme Navarro s'indigne de la réaction des critiques, non pas parce qu'elle veut tourner en dérision les puristes, mais plutôt parce qu'elle y voit un complot du patriarcat misogyne... il suffit de lire la suite pour s'en convaincre.

De son côté, la National Gallery of Art de Washington a choisi de reporter une exposition des œuvres du peintre Chuck Close, ainsi que du photographe Thomas Roma, le mois dernier, à la suite des accusations envers les artistes de harcèlement sexuel. Chuck Close, lui, nie les allégations, mais la galerie maintient sa décision ; parallèlement à cela, d’autres musées et galeries dans le monde sont en train de se demander quoi faire avec ses œuvres ; et la question se posera de plus en plus pour d’autres artistes sur qui pèsent des allégations.

Tout ce qu'il y a de scandaleux là-dedans, c'est qu'on fasse subir un tel traitement à des hommes qui sont uniquement la cible d'allégations et qui n'ont été trouvés coupables d'aucun crime.

M. Close nie les allégations. Et dans le cas de M. Roma, selon cet article, son accusatrice décrit elle-même leur relation comme "consensuelle".

Et de toute façon, en ce qui me concerne, même si ces types étaient de parfaits salauds, ce n'est pas une raison pour censurer leurs oeuvres.

Imaginez qu'une personne trouvée coupable et incarcérée pour meurtre découvre la peinture en prison et s'avère un véritable génie. Imaginez que ses toiles soient des oeuvres d'un calibre inégalé et d'une qualité exceptionnelle. Faudrait-il refuser de les exposer sous prétexte que l'auteur est un tueur?

La faillite morale d'un individu invalide-t-elle la qualité de toutes les oeuvres qu'il a produites dans sa vie?

Poser la question, c'est y répondre. Une oeuvre peut être appréciée tout à fait indépendamment de l'identité ou de la moralité de l'artiste qui l'a produite. Lorsque je me promène dans les galeries du Musée des beaux-arts, j'ignore tout de la vaste majorité des artistes qui ont créé les toiles que je vois, mais cela ne m'empêche pas du tout de m'extasier devant leur talent et la qualité du résultat final.

Doit-on parler de censure ? Difficile d’accoler cette étiquette aux démarches des institutions en question. Il s’agirait de censure si l’on interdisait des œuvres à cause de leur contenu. Ce n’est pas le cas. On agit plutôt sur la sélection des artistes.

N'en déplaise à Mme Navarro, il s'agit bel et bien de censure. Ce n'est pas parce qu'elle est d'accord avec les motifs que ce n'est pas de la censure.

Nous vivons dans une époque où de simples allégations sont suffisantes pour anéantir la réputation et la carrière de quiconque en est la cible. J'ai goûté à l'horreur de fausses allégations, alors je sais trop bien de quoi je parle.

Je n'ai aucune envie de prendre part à ce mouvement d'hystérie collective. Je continue à trouver les monologues de Louis C.K. hilarants, je continue à adorer les différentes performances de Kevin Spacey et je ne me gênerai pas pour apprécier les entrevues de Charlie Rose.

De la même façon, ce n'est pas parce que j'ai la scientologie en horreur que je vais m'empêcher de voir des films qui mettent en vedette des scientologues. Ce n'est pas parce que le catholicisme me répugne que je vais éviter d'écouter les pièces de musiciens catholiques. Ce n'est pas parce que le communisme m'horripile que je vais refuser de voir les tableaux de peintres communistes.

Je ne suis pas un fanatique, moi, Mme Navarro.

Et une autre question se pose alors : devra-t-on ranger aux oubliettes les tableaux de Picasso et de tous ceux dont on sait qu’ils ont brutalisé des femmes et des hommes au nom de la création ? Au pilori, les films de Woody Allen ? On n’en a pas fini ! Depuis que le monde est monde, bien des auteurs et créateurs ne passeraient pas le test de la conduite irréprochable. Le Penseur de Rodin a beau symboliser le prestige de l’art, son auteur a quand même participé à la destruction d’une femme, Camille Claudel, et de son œuvre. On peut difficilement effacer de notre culture ce qui est déjà fait.

On peut difficilement le faire, mais Mme Navarro aimerait bien qu'on s'y mette quand même!

La meilleure réponse possible à ce paragraphe délirant est signée Sophie Durocher:

Mes amis, on devrait avoir un malaise à regarder Le Penseur de Rodin, parce que le sculpteur a supposément « participé à la destruction » de Camille Claudel. Misère, il y a des limites à faire du révisionnisme historique ! Non seulement Rodin a toujours vanté les qualités artistiques de Claudel, mais il a déjà déclaré : « Je lui ai montré où trouver de l’or, mais l’or qu’elle trouve est bien à elle ».

Il faudrait qu’on ait un malaise à regarder des Picasso parce que Pablo n’a pas toujours été fin avec ses 1001 amantes ? On n’a pas fini.

Bien sûr, ces néo-féministes ne disent pas un mot sur les femmes artistes qui ont été des véritables monstres pour leur entourage. J’imagine que la grand-mère d’Anaïs Barbeau-Lavalette (dont l’histoire est racontée dans La femme qui fuit) est une sainte, malgré le fait qu’elle ait lâchement abandonné ses deux enfants en bas âge pour se consacrer à « son art » ?

Et vlan! Dans les dents!

Mais l’on peut faire ses propres choix. Pour moi, et je ne suis pas la seule, bien des statues sont déjà démolies. J’ai eu beau entendre pendant mes études universitaires qu’il fallait « séparer l’œuvre et l’auteur », ça ne passe plus. Je conçois que certains fans écoutent encore les chansons de Noir Désir ou vont voir les films des Allen ou Polanski, mais pour moi, c’est terminé. Je n’oblige personne à faire ce choix, c’est ma façon de protester.

Mme Navarro aimerait nous faire croire qu'il ne s'agit que d'un simple choix personnel qu'elle fait. Mais elle ment.

Lorsqu'elle écrit cet article et lorsqu'elle applaudit le fait qu'on bannisse des artistes à cause de simples allégations, ce n'est pas simplement l'expression d'un choix personnel de sa part.

C'est un geste public. Elle prend activement part à une détestable mouvance populaire qui anéantit des carrières, des réputations et des vies. Et on voit très facilement que son objectif est de convaincre ses lecteurs de se joindre à elle dans sa croisade qu'elle qualifie de "protestation".

La mauvaise foi de Mme Navarro est tout simplement choquante.

Pour ce qui est du fait qu'elle "n'oblige personne à faire ce choix", ce n'est pas là une manifestation de sa grandeur d'âme, c'est tout simplement qu'elle n'a pas le pouvoir d'obliger qui que ce soit à le faire. Si elle avait le pouvoir et l'autorité, elle n'hésiterait probablement pas à en abuser. Nommez Mme Navarro censeure officielle des arts et préparez-vous au cataclysme! Si vous croyez que les Talibans et Daech ont été impitoyables avec les oeuvres pré-islamiques qu'ils ont trouvées sur leur chemin, vous n'avez encore rien vu!

Comment savoir qu'elle abuserait de ce pouvoir? Simple: regardez ce qu'elle fait du seul pouvoir qu'elle possède présentement: sa tribune!

Elle s'en sert pour tenter de nous convaincre qu'il faut bannir les artistes qui sont la cible d'allégations, qu'il ne faut jamais séparer l'oeuvre de son auteur, que Rodin et Picasso étaient des salauds qu'il est préférable d'ignorer en guise de protestation! Et en plus, elle a la malhonnêteté de déguiser ceci en supposé "choix personnel"! Imaginez si Mme Navarro avait du VRAI pouvoir! J'en frissonne d'horreur...

Depuis que nous sommes petites, nous entrons dans des musées dont les murs sont couverts de femmes déshabillées et dont les images font la gloire de leurs auteurs. Les femmes ont servi de support à tant d’œuvres et nourri tant de génies portés aux nues, que les petites filles qui regardent (ce qu’elles deviendront ? ce qu’on attend d’elles ? leur miroir ?) sentent une colère monter. Cette colère grandira quand elles verront que ces artistes, cinéastes, génies et grands esprits sont magnifiés, entourés d’une autorité et d’une impunité qu’elles n’ont pas le droit de remettre en question.

Voilà que désormais, elles prennent ce droit.

Délirant. Tout simplement délirant.

Imaginez à quel point il faut être fanatisé pour écrire des sottises pareilles.

Imaginez si moi, en voyant la statue de David, j'y voyais un affront envers tous "les hommes"! Imaginez si j'y voyais l'exploitation du corps de ces pauvre modèle anonyme par un artiste sans scrupules qui a abusé de lui pour se créer une réputation qu'il ne mérite pas! Imaginez si j'affirmais que cette oeuvre doit mettre les petits garçons en colère et les traumatiser parce qu'ils n'y voient pas une simple sculpture, mais plutôt ce que la société souhaitent qu'ils soient en tant qu'hommes!

Si je disais des conneries pareilles, on remettrait sérieusement en question ma santé mentale. Et avec raison.

Ah! mais si c'est une femme qui le dit à propos de tableaux de femmes nues, elle devient une héroïne féministe, on lui donne une tribune dans La Presse et on paye le gros prix pour aller entendre ses conférences!

Mme Navarro, en bonne féministe fanatisée, voit du complot patriarcal partout.

La réalité est toute autre et elle est toute simple. Pour un homme hétérosexuel, il n'y a rien de plus beau et de plus inspirant en ce bas monde qu'une jolie femme. Les femmes ont inspiré combien de tableaux? Combien de poèmes? Combien de sculptures? Combien de chansons? Combien de films? Combien de romans?

Depuis toujours, les hommes hétérosexuels s'extasient devant la beauté des jolies femmes et ceux qui ont du talent en font des oeuvres remarquables, parfois même immortelles. La Vénus de Willendorf aurait 24 000 ans!

Il n'y a rien de mal, rien de monstrueux, rien d'anormal et rien de sale là-dedans.

Dans le contexte actuel du #metoo, #etmaintenant, nous sommes là, justement, dans la suite. Il est « permis », maintenant, d’expliquer pourquoi les femmes en ont marre qu’on les efface derrière les privilèges et le statut des grands hommes. 

Qui êtes-vous, Mme Navarro, pour parler au nom "des femmes"? Qui êtes-vous pour affirmer que les petites filles qui visitent les musées ressentent de la colère et que les femmes partagent toutes votre idéologie de cinglée?

Jamais je n'aurais la témérité et l'arrogance de m'exprimer au nom de gens qui n'y ont pas préalablement consenti. Mais apparemment, vous n'y voyez absolument aucun problème. C'est étrange, je croyais que le concept de consentement était au centre même de ce mouvement que vous endossez. Le consentement serait-il donc seulement une obligation masculine, Mme Navarro?

Aucune femme ne vous a choisie pour parler en son nom et aucune femme n'a voté pour vous. Ne vous en déplaise, les femmes ne représentent pas un bloc idéologique homogène. Les femmes ne pensent pas toutes comme vous, dieu merci! Si vous étiez capable de reconnaître que les femmes sont des êtres humains à part entière, des adultes diversifiés, intelligents et libres qui ont des points de vue différents du vôtre pour des raisons parfaitement valides, vous les respecteriez peut-être un peu plus.

Les femmes ne sont pas de pauvres petites victimes éplorées qui ont besoin de vous comme sauveuse, Mme Navarro. Cessez de les sous-estimer, de les infantiliser et de les traiter comme de bêtes brebis incapables de réfléchir par elles-mêmes!

En prenant notre place dans la société, dans les instances culturelles et politiques, en occupant par la parole le discours public, nous imposons aussi le respect de nous-mêmes et nous gagnons nous aussi une autorité : ceci signifie pour beaucoup d’entre nous que demeurer objectifiées n’est juste plus possible.

Aucune femme n'est "objectifiée" sans son consentement. Autrement, celui qui la force se retrouve en prison.

Les femmes qui acceptent de se dénuder pour un peintre, pour un photographe, pour un cinéaste ou pour un sculpteur le font en pleine connaissance de cause. Elles donnent leur consentement à ce que leur corps soit "objectifié" comme vous l'exprimez si mal. C'est leur choix à elle, leur corps à elle. Elles n'ont pas besoin de votre approbation ou de votre permission. Elles ne font de mal à personne. Elles sont des individus à part entière, libres et émancipés. Elles continuent à se dénuder pour des artistes masculins et elles continueront de le faire tant que des fanatiques comme vous ne leur aurez pas arraché leur liberté de choisir.

Comme vous venez de le faire pour les femmes de la F1.

Que les institutions réfléchissent, que les créateurs s’interrogent sur ce qu’ils font, que le public soit plus critique, il n’y a rien là-dedans de très inquiétant pour l’art. Ça s’appelle l’évolution des mentalités.

Non, Mme Navarro. Vous dites cela parce que vous êtes complètement aveuglée par vos obsessions idéologiques. Vous êtes fanatisée au point de croire que seule votre idéologie incarne l'évolution et le progrès, alors que quiconque s'y oppose est un anachronisme embarrassant et probablement un sale misogyne phallocrate exploiteur de femmes.

Ce que vous faites, ça s'appelle de la propagande idéologique qui vise à faire des femmes non pas des individus différents les uns les autres, mais une armée de brebis fanatisées qui exigera comme vous la censure des arts, la censure des corps dénudés, la censure des gens qui sont la cible d'allégations ou qui osent vous contredire.

Vous êtes une despote en jupon, Mme Navarro.

Mais vous trouverez toujours des gens comme moi pour vous le rappeler. Des gens épris de liberté. Des gens qui n'essaient pas d'imposer leurs valeurs, leurs choix ou leurs idées aux autres. Des gens qui respectent le fait que chaque individu a le droit de faire ses propres choix.

Des gens qui s'opposeront toujours à des petites ayatollahs de carnaval comme vous.

Je vous laisse avec cette oeuvre sublime de Gustave Caillebotte réalisée en 1873 et intitulée "Femme nue étendue sur un divan":



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Christophe Kiciak II

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LE GRAND SILENCE II



DEUXIEME PARTIE : MALEVIL

(La première partie est ici.)

« O le plus bel être de la création, le dernier et le meilleur ouvrage de Dieu,créature en qui excelle, pour charmer la vue et la pensée, tout ce qui a été forméde sacré, de divin, de bon, d'aimable, de doux ! Comment t'es-tu perdue ? »
Le Paradis Perdu (1667), Chant IX de John Milton

« Quand il ouvrit le second sceau, j'entendis le second être vivant qui disait: Viens. »
« Et il sortit un autre cheval, roux. Celui qui le montait reçut le pouvoir d'enlever la paix de la terre, afin que les hommes s'égorgeassent les uns les autres; et une grande épée lui fut donnée. »
Apocalypse (6:3-4)

1981 : seize ans ont passé depuis « The War Game ». Quatre passeront encore avant que la BBC ne projette le film de Peter Watkins pour la première fois, à la télévision.

Cette année là sort donc en salle un film de science-fiction français : « Malevil » de Christian de Chalonge.

Là, le lecteur est en droit de faire une pause dans sa lecture (voire de passer totalement à autre chose, je n'oblige personne) :« Ça existe les films de science-fiction français ?  Et pourquoi pas un mammifère qui pond des œufs, tant qu'à faire ? »

Et la réponse – aussi gênante puisse t-elle être pour l'histoire – est oui. La preuve :


Je vous rassure, cette infâme créature est en voie de disparition tout comme le cinéma de SF français (si quelqu'un ne s'occupe pas rapidement de Luc Besson – Nikita, où es tu ?), voire le cinéma français tout court.

En fait, le site www.senscritique.com n'en liste pas moins de 122 (en comptant ceux qui doivent sortir en 2018) depuis « Le voyage dans la lune » (1902) de Georges Méliès.

De fait, si les premiers films sur la menace nucléaire semblent exclusivement Étasuniens de « The Phantom Empire » (1935) à « The Atom Strikes », « The Beginning or the End », « Cloak and Dagger » et « A Tale of two cities » (1946). Ça commence à changer dès 1947 avec « La Bataille de l'eau lourde », film franco-norvégien de Titus Vibe Muller et Jean Dréville.

Suivent en 1950 le court-métrage documentaire « La Bombe atomique en action » et « La Beauté du Diable » de René Clair, énième version de la légende de Faust et qui est, à ma connaissance, le premier à imaginer la vision d'une guerre nucléaire.



Ben oui, on est comme ça en France, « On n'a pas de pétrole, mais on a des idées ».



Bon, en même temps, j'ai jamais dit qu'elles étaient bonnes, mais on a la bombe à neutrons, hein... Alors, attention dans les commentaires.

Bon, en même temps... Y'a l'autre là :

«Oui, ils ont la bombe, mais ils n’ont pas aujourd’hui les capacités de frappe qu’ils auront dans cinq ans. S’ils n’y renoncent pas –et je ne parle pas de réduire ni même de cesser de produire des bombes, parce que cesser ne signifie rien. Je veux dire se débarrasser de toutes leurs bombes. Et s’ils ne le font pas, j’imposerai à ce pays des sanctions tellement dures, tellement incroyables…»
Donald Trump, 1987.

Autrement dit JE ferais mieux de surveiller mes commentaires.

En tout cas, revenons à nos moutons.





Donc, en 1959 suit « Hiroshima, mon amour » (qui n'est pas un film XXX, bande de petits malins), puis à partir de 1960 une série de documentaires :

→ De Valmy à Reggane : ce document de 12 minutes est diffusé sur la RTF en octobre 1960. Le journaliste Pierre Sabbagh écrit au directeur des programmes Alain Ollivier que « le ministre de l'information vient de me demander une campagne d'information pour la Défense nationale ». Le film sera réalisé avec le concours des services cinématographiques de l'Armée. Un mois plus tôt, en prévision d'un débat mené par Michel Droit, René Thibault (directeur des informations) a informé son patron Raymond Janot que « le choix des participants sera arrêté en accord avec le service d'information du ministère de la Défense nationale et le cabinet de M. Messmer. »
La télévision des trente glorieuses : culture et politique (Marie-Françoise Lévy)

→ La même année voit également la réalisation de « Reggane à l'heure H », autre court-métrage documentaire de 26 minutes consacré aux préparatifs et constructions des laboratoires français, les mines d'uranium, l'explosion test et les mesures de contamination.
Un ex-légionnaire allemand déserteur aurait témoigné de l'utilisation de cobayes humains lors de ce test : des prisonniers algériens.

→ En 1966, c'est « Atolls à l'heure nucléaire » consacré aux expérimentations nucléaires françaises à Mururoa et Fangataufa. Court-métrage documentaire de 29 minutes.

→ En 1967 est réalisé le court-métrage documentaire « Marine, atome, Tahiti » d'une durée de 20 minutes : participation de la marine aux expérimentations nucléaires du Pacifique.

→ « La bombe de A à H » (1971 : dossier de 71 minutes sur la force de dissuasion française.

→ « L'explosion nucléaire » (1973) : court-métrage documentaire de 25 minutes sur les effets thermiques, mécaniques et radioactifs de l'explosion d'une arme nucléaire.

→ « La Défense contre les armes nucléaires » (1975) : court-métrage documentaire de 21 minutes sur les effets des armes nucléaires et les moyens pour s'en protéger.

→ « Les engins balistiques » (1975) : court-métrage documentaire de 9 minutes sur les deux composantes de la force de dissuasion française : les sous-marins lanceurs d'engins et les missiles du plateau d'Albion.

→ « Les abris antisouffle improvisés (1977) : court-métrage documentaire de 19 minutes réalisé par la sécurité civile sur la réalisation d'abri simple, peu onéreuse, d'exécution rapide et pouvant abriter jusqu'à plusieurs dizaines de personnes.

→ « Ce monde est dangereux » (1977) : moyen-métrage documentaire de 50 minutes sur l'« équilibre » et les forces de dissuasion. Le titre semble tiré d'une citation d'Einstein : « Le monde est trop dangereux pour qu'on y vive, non à cause des gens qui font le mal, mais à cause de ceux qui les laissent faire sans bouger. »

→ « Les engins à charge nucléaire » (1979) : court-métrage documentaire de 11 minutes sur les caractéristiques des missiles.

Jusque-là, donc, l'information est contrôlée et distillée par l'État et l'armée. Elle est à leur gloire et se veut rassurante.

1980 voit la réalisation de deux documentaires sur les événements de Plogoff, en Bretagne, où la population s'oppose violemment à un projet de centrale nucléaire.

→ « Dossier Plogoff» : reportage de 50 minutes sur les réactions de la population du cap Sizun pendant l'enquête d'utilité publique qui a précédé le chantier de la centrale.

Cliquez ici.

→ « Plogoff, des pierres contre des fusils » : documentaire de 112 minutes sur les manifestations antinucléaires.



Pour la première fois, donc, on a droit à des œuvres documentaires indépendantes qui remettent en question le discours officiel. L'information a beau être sous contrôle, la France reste une démocratie – aussi imparfaite fut-elle – et sa population se pose des questions.

Au niveau des œuvres de fiction, on compte durant cette période les films suivants :

→ « L'Atlantide » (1961) : adaptation franco-italienne niveau nanard de Ulmer, Mazini et Borzage (tombé fort opportunément malade après quelques jours de tournage) du roman de Pierre Benoît. Trois hommes se retrouvent dans le royaume souterrain de l'Atlantide (situé en plein Sahara) après le crash de leur hélicoptère. Pas de bol : un test nucléaire est prévu dans le coin.

→ « RoGoPaG » (1962) : sketche « Le nouveau monde » de Jean-Luc Godard. Une explosion atomique a lieu. La radio déclare qu'il n'y a aucune conséquence mais le monde est devenu complètement insensible sur le plan psychologique. Le titre est dérivé des noms des quatre metteurs-en-scène : ROssellini, GOdard, PAsolini, Gregoritti. Le sketche « La Ricotta » de Pasolini provoqua la mise sous séquestre du film par la censure italienne pour « offense à la religion d'état ». Le film sortit en Italie dépouillé de celui-ci et fut invisible en France jusqu'en 1991.



Il faudra patienter ensuite jusqu'en 1975 pour découvrir l'étrange « Demain les mômes » de Jean Pourtalé. Une catastrophe inconnue (nucléaire ?) à annihilé toute la population. Un couple tente de survivre. La femme est assassinée. L'homme découvre la présence près de chez lui d'une communauté d'enfants étrangement insensibles, s'avérant de plus en plus menaçants. Le film a un caractère écologique quasi-inédit, se déroulant quasi exclusivement à la campagne et s'achevant sur la vision d'une mer primordiale.

Dans la littérature de science-fiction, l'enfant joue un rôle particulièrement important. Il symbolise l'avenir et l'espoir bien sûr, mais se fait également l'interprète de l'auteur et de ses opinions sur l'avenir. Il est l'élément par lequel renaitra (ou pas) l'humanité dans l'avenir. Il est innocence et donc terrain fertile pour représenter les bases morales de la future humanité. Il permet (en principe) de séparer le bien du mal.

Or, dans « Demain les mômes », si l'adulte s'émerveille au départ de voir s'installer près de chez lui cette communauté d'enfants. L'inquiétude ne tarde pas à s'installer alors que ceux-là refusent obstinément tout dialogue avec celui-ci, se montrent d'une inhumaine indifférence à son égard et n'acceptent son enseignement et son aide que pour apprendre à se servir d'une arme. Lorsque l'adulte tente de reprendre le contrôle, de s'imposer en figure d'autorité, c'en est fini de toute « tolérance » à son égard.



Cinq ans plus tard, l'inénarrable Serge Korber nous gratifiera de « Cherchez l'erreur » avec Roland Magdane, humoriste très populaire à l'époque : un savant très étourdit travaille dans un laboratoire de recherches nucléaires. Il trouve un peu de réconfort chez un chien (n'allez pas vous faire encore des idées, bande de mécréants).



Ces films, aussi exceptionnels soient-ils dans leur rareté (expression d'une forme de censure ou désintérêt des producteurs ?), ont au moins le mérite d'exprimer une inquiétude vis-à-vis de la Bombe et du nucléaire. A la fin de « Cherchez l'erreur », le savant détruit sa formule. Assez, c't'assez.

Pour en finir avec cette mise en bouche (encore un peu de courage, on y arrive), j'évoquerais quelques pépites qui me sont passé sous le nez dans la rédaction de ma première partie :

→ « Rat » (La Guerre) (1960) : film serbo-croate de Veljko Bulajic de 84 minutes. Ce film qui semble avoir été distribué aux USA sous le titre « The Atomic Warbride» (amputé d'une douzaine de minutes) raconte l'histoire d'un jeune couple qui se marie le jour du déclenchement de la 3ème guerre mondiale.

→ « Ikarie X.B.1» : film tchécoslovaque de Jindřich Polák (1963) : pas vraiment de rapport avec la guerre nucléaire ici. Il s'agit de suivre l'expédition du vaisseau « Icarus X.B.1 » en 2163 vers une mystérieuse « Planète blanche » en orbite d'Alpha du Centaure. L'expédition, qui doit durer 28 mois en temps spatial et quinze ans en temps terrien est notamment menacée par une « étoile noire » radioactive. Le film de 86 minutes a « bénéficié » d'une sortie aux USA de 65 minutes avec une fin modifiée où l'on découvre que la planète blanche est en fait la Terre, ravagée par une guerre nucléaire.

→ « 23 Skidoo» (1964) : court-métrage canadien de 8 minutes tourné à Montréal par Julian Biggs et Kathleen Shannon. Le film nous montre la grande métropole totalement désertée de ses habitants. Les équipements demeurent opérationnels. Le plan d'une dépêche incomplète nous donne l'explication : la première bombe à neutrons a explosé.

→ « Crack in the world» (1965) : film Américain de Andrew Marton de 96 minutes. Un groupe de scientifiques tente d'exploiter l'énergie géothermique en employant un missile nucléaire lancé dans un puits préalablement creusé. L'entreprise entraine une catastrophe planétaire.

→ « The Bedford Incident» (1965) : film anglo-américain de James B. Harris de 100 minutes, produit et interprété par Richard Widmark. Un capitaine de destroyer traque un sous-marin soviétique dans l'Arctique, poussant ses hommes à bout jusqu'à l'erreur fatale.

→ « Hiroshima-Nagasaki, August 1945» : court-métrage documentaire américain de Erik Barnouw, de 16 minutes, réalisé à partir de trois heures de documents originaux. L'américain Erik Barnouw et le japonais Iwasaki furent les premiers à filmer des images des conséquences des bombardements de 1945. Celles-ci, gardées secrètes jusque là, furent réunies pour ce documentaire à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire des attaques. Surréaliste et effrayant.

→ « Hiroshima. A document of the Atomic Bombing» : version de Ogasawa du précédent. Durée : 30 minutes.

→ « Hiroshima-Nagasaki » : documentaire américain en trois parties : reportage sur une exposition de photos sur Hiroshima ; extraits du film de Barnouw ; extraits du film de Reed (1967 -  BBC) : « Building the Bomb ».

→ « Glen and Ronda» (1971) : film américain de Jim McBride (94 minutes). Vingt ans après la Bombe, un jeune couple découvre des comic-books évoquant la cité de Metropolis et partent en quête de celle-ci. Le film fut classé X pour nudité masculine.

→ « Zero Population Growth» (1971) : film britannique de Michael Campus (90 minutes). Dans le futur, la Terre est à la fois surpeuplée et gravement polluée. Le gouvernement prend la décision d'interdire toute nouvelle naissance pour les vingt-cinq prochaines années. Oliver Reed et Géraldine Chaplin ont malgré tout un enfant et s'enfuient. La fin du film semble indiquer que la pollution est d'origine nucléaire.

→ « Arms and Security : How Much Is Enough ? » (1972) : documentaire américain de Howard Enders : l'escalade nucléaire depuis 1946.

→ « Only the Strong » (1972) : documentaire américain produit par l'« Institute for American Strategy ». Éloge de la Bombe, symbole de paix.

→ « Rumour of War » (1972) : documentaire britannique de Peter Jones. Interview du capitaine Murchison, chargé de la surveillance de la base d'Albuquerque.

→ « And when the War is over : the American Military in the 70's » (1973) : documentaire américain de Fred Freed. Images du travail quotidien de ceux qui travaillent dans le nucléaire, simplification à outrance et statistiques douteuses.

→ « Dark Star » (1974) : premier long-métrage (85 minutes) de John Carpenter sur scénario de Dan O'Bannon (« Alien »). L'équipage du vaisseau « Dark Star », chargé depuis vingt ans de détruire des planètes instables est confronté à un « alien de compagnie » et une bombe récalcitrante.



→ « A Boy and his Dog (1975) : film américain de J.Q. Jones (89 minutes) d'après un scénario de ce dernier et de Harlan Ellison (auteur de la nouvelle originale). Kennedy n'a pas été assassiné en 1963 et la troisième guerre mondiale a eu lieu entre 1950 et 1983, la quatrième en 2007. Entretemps, les États-Unis ont développés des chiens savants et télépathes. Blood est le chien, Vic l'humain. Ils survivent dans un désert recouvrant ce qui fut Phoenix. Le premier fournit des femmes au second, le second fournit de la nourriture au premier. Blood est nettement le « cerveau » des deux. Dans le désert de 2024, Vic est enlevé par les habitants d'une cité souterraine appelée Topeka dont les habitants mâles – stériles – sont des plus conservateurs. « A boy and his Dog » est ainsi en quelque sorte dans la continuité de « Dr Strangelove ». Ellison se sentit insulté par la dernière réplique du film et écrivit une suite dessinée par Richard Corben. On peut reconnaître Don Johnson dans un de ses premiers rôles.

→ « To Die, To Live » (1975) : documentaire britannique de Robert Vas réalisé à l'occasion du trentième anniversaire de Hiroshima et Nagasaki, mêlant images du passé et du présent, problème des « hibakushas ».

→ « Voyage dans les centrales de la Terre (1975) : documentaire Danois de Per Mannstaedt (52 minutes). Interrogation sur les dangers des centrales nucléaires et des déchets radioactifs.

→ « The Day the Sun Blowed up (1976) : documentaire Britannique de Stephen Peet sur les premiers essais de bombes atomiques.

→ « Papaya dei Caraibi (1978) : celui que vous attendiez tous ! Film Italien (86 minutes) de Jo D'Amato, alias Steve Benson, Hugo Clevero, David Hills, Kevin Mancuso, Peter Newton, Michael Wotruba, Robert Yip, Zak Roberts, George Hudson, Federico Slonisko, Gerry Lively, Igor Horwess. De son vrai nom : Aristide Massacesi, grand réalisateur de nanard-bis devant l'Éternel (215 films en tant que réalisateur, douze en tant que producteur) dont plusieurs « Black Emmanuelle », mais aussi « Caligula », « Messaline », des Rocco Siffredi, mais surtout connu pour les ignobles « Blue Holocaust », « Antropophagous » et « Horrible ». Ici, nous suivons les aventures de la cheffe d'une tribu cannibale qui s'oppose à une équipe de géologues venus dans son île dans le but de procéder à des essais nucléaires (ou la construction d'une centrale, je sais pas trop)... en les séduisant. Je sais bien que vous arrêterez votre lecture après cette bande-annonce, bande de parpaillots !



→ « The China Syndrome» ((1979) : film Américain de James Bridge (120 minutes). Une équipe de télévision enquête sur des malfaçons dans une centrale nucléaire. Le film sortit le 16 mars 1979 et fut immédiatement attaqué par l'industrie nucléaire américaine comme  « pure fiction ». Douze jours plus tard eut lieu l'incident de « Three Mile Island » dû à un dysfonctionnement du système de refroidissement du réacteur. Le film s'inspire en partie de l'affaire Silkwood qui vit la mort mystérieuse de l'activiste Karen Silkwood, décédée dans un accident de voiture alors qu'elle se rendait à un rendez-vous avec le journaliste David Burnham du « New York Times ». Le « syndrome chinois » est une expression utilisée pour décrire la fusion des composants d'un réacteur qui s'enfoncerait alors dans le sol « jusqu'en Chine. »

→ « Meteor» (1979) : film Américain de Ronald Neame (107 minutes). Un géocroiseur gigantesque se dirige vers la Terre. Les USA et l'Union Soviétique s'allient pour diriger leurs plate-formes spatiales de missiles vers celui-ci. Ironiquement, la sortie du film correspondit à l'échec des négociations SALT II.

→ « Paul Jacobs and the Nuclear Gang» (1979) : documentaire Américain (60 minutes) de Jack Willis et Saul Landau. Film sur la censure exercée par le gouvernement américain concernant les retombées dans le désert du Nevada et l'enquête de Paul Jacobs sur les conséquences de celles-ci sur les populations civiles et les militaires utilisés comme cobayes. Paul Jacobs est décédé d'un cancer avant la fin du tournage.

→ « Сталкер» (« Stalker ») (1979) : film ouest-germano-soviétique (163 minutes) de Andreï Tarkovski, scénario de Arcadi et Boris Strougatski d'après leur roman. Deux hommes emploient un « stalker » pour pénétrer dans une zone « interdite » pour une raison inconnue (catastrophe nucléaire, présence extra-terrestre ?) au cœur de laquelle existe une « chambre » où tous les vœux peuvent être réalisés. - 7 ans avant Tchernobyl.

→ « Enola Gay» (1980) : film Américain de David Lowell Rich (120 minutes). La décision et l'entrainement des équipages chargés des bombardements de Hiroshima et Nagasaki.
Le film consacre 113 minutes à  la préparation des équipages de B29 et à la vie des acteurs de l'événement. Le monde scientifique est à peine représenté, le monde politique encore moins. Tout l'espace du film appartient aux militaires et pour des pilotes, ça ne vole pas très haut : « Je crois qu'à la guerre, faut pas trop réfléchir, ça doit être un boulot comme un autre et puis c'est tout. » « Enola Gay » est un film de guerre classique avec tous les stéréotypes du genre, même si le point de vue japonais y est également représenté.

Jusque-là, la pratique des distributeurs représente un élément aggravant pour la diffusion de ces films qui sont retirés des salles au bout de quelques mois au plus et condamnés aux circuits des cinémathèques et des festivals. Même avec l'avènement de la vidéo, la plupart de ces films demeureront indisponibles.

Soulignons également que la plupart des films de fiction situés dans l'avenir – à l'exception de « On the beach », par exemple » nous montre la survivance d'une humanité, ou du moins de quelques-uns de ses membres. Même « Planet of the apes » (1968 – Franklin J. Schaffner) nous montre des survivants humains revenus à l'état sauvage.

Dans quelques rares cas, la position de l'œuvre est ambivalente : l'atome est à la fois source de vie et de mort comme dans la mini-série « L'île aux trente cercueils » (1979) où la légendaire « Pierre-Dieu » est à l'origine de magnifiques jardins en surface mais contamine tous ceux qui l'approche en-dessous.

Également, le légendaire « The Day the Earth stood still » de Robert Wise (1951) où l'extra-terrestre Klaatu tente d'avertir l'humanité des dangers de l'atome, en faisant une démonstration : pendant une demi-heure, toute activité électrique s'arrête sur Terre (un peu comme si une guerre nucléaire avait eu lieu) à l'exception des endroits les plus vitaux. Dans le même temps, il offre au professeur Barnhardt la formule pour l'utilisation de l'atome à des fins de voyages interplanétaires.

A la fin du film, Klaatu délivre un message qui est à la fois une offre de paix et un avertissement :

« Je pars bientôt, vous m'excuserez si mes paroles sont brutales. L'univers est plus petit chaque jour, et la menace d'une agression, d'où qu'elle vienne, n'est plus acceptable. La sécurité doit être pour tous ou nul ne sera en sécurité. Cela ne signifie pas renoncer à la liberté mais renoncer à agir avec irresponsabilité. Vos ancêtres l'avaient compris quand ils ont créé les lois et engagé des policiers pour les faire respecter. Sur les autres planètes, nous avons accepté ce principe depuis longtemps.

(...) Je suis venu vous donner ces informations. La façon dont vous dirigez votre planète ne nous regarde pas. Mais si vous menacez d'étendre votre violence, votre Terre sera réduite à un tas de cendres. Votre choix est simple : joignez-vous à nous et vivez en paix ou continuez sur votre voie et exposez-vous à la destruction. »

Dans « Holocaust 2000 /The Chosen/Rain of fire/Lucifer's curse » (G.-B./It. 1977) de  Alberto de Martino (surtout connu pour son cultissime « Operation Kid Brother » avec... Neil Connery, avec Bernard Lee et Lois Maxwell qui reprennent quasiment leurs rôles des « James Bond »), le nucléaire est carrément l'œuvre du démon. Kirk Douglas y interprète un riche homme d'affaire, Robert Caine, qui désire faire construire une centrale nucléaire sur un site biblique. Les morts inexplicables s'ensuivent parmi les opposants au projet, jusqu'à ce que Caine comprenne que son propre fils Angel n'est rien moins que l'antéchrist ! Notons au passage, l'allusion biblique : Angel Caine est forcément mauvais puisqu'il est le fils de... Caine, autrement dit Caïn, le premier assassin de l'histoire. L'idée sera reprise par Ridley Scott pour « Alien » dans lequel la première victime de la créature se nomme Kane.

A noter que la fin de la version US diffère de la version internationale :

Version US :



Version internationale :



Du point de vue du contexte international, entre « The War Game » et « Malevil », la situation s'est légèrement améliorée : la guerre du Viet-Nam est terminée, l'heure est à la « détente », du moins jusqu'en 1975, année qui voit :

→ la reprise des négociations de SALT II (janvier) qui aboutiront en 1979,
→ le début de la guerre civile angolaise (3 février),
→ la partition de Chypre (13 février),
→ la dernière tournée de Kissinger au Proche-Orient, refus d'Israël du principe de non-utilisation de → la force dans la résolution de la question israëlo-arabe, échec de la politique de Kissinger (7-22 mars),
→ l'échec du putsch de de Spinola au Portugal (11 mars),
→ l'abolition de la monarchie éthiopienne par le Derg (22 mars),
→ le début de la guerre du Liban (13 avril),
→ la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges (17 avril),
→ la chute de Saigon (30 avril),
→ l'installation d'une base soviétique à Berbera en Somalie (13 juin),
→ les accords d'Helsinki (1er août),
→ la prise de pouvoir par le Pathet Lao au Laos (23 août),
→ l'accorde de Sinaï II entre l'Égypte et Israël (4 septembre),
→ l'attribution du prix Nobel de la paix à Andreï Sakharov (qui ne pourra aller chercher son prix) (9 octobre),
→ le vote de la résolution 3379 de l'ONU assimilant le sionisme à une forme de racisme et de discrimination raciale (10 novembre),
→ l'accord franco-irakien pour la livraison du réacteur Osirak (18 novembre),
→ la mort de Franco en Espagne (20 novembre),
→ l'échec du putsch de de Carvalho au Portugal (25 novembre),
→ l'abolition de la monarchie du Laos et l'installation de centaines de troupes et de conseillers soviétiques (2 décembre),
→ la proclamation de l'indépendance du Timor oriental (28 novembre) et invasion de celui-ci par l'Indonésie (7 décembre).

En 1975, débute la « guerre fraiche », Brejnev est au pouvoir en URSS depuis 1964 (il décédera en 1982), Reagan sera élu président des USA en 1980.

En novembre 1979, un article de « Science et Vie » fait état de la découverte de fissures un an plus tôt par un ouvrier de Framatome à Chatou-sur-Saône dans la plaque d'acier qui forme la base du générateur de vapeur.

« A travers cette plaque passent les quelque 3400 tubes du circuit primaire, véhiculant l'eau radioactive provenant du cœur, dont la chaleur vaporise l'eau du circuit secondaire qui fait alors tourner la turbine. L'étanchéité de cette plaque est donc essentielle à la sécurité puisqu'une fissure à ce niveau permet à la radioactivité de fuir vers l'extérieur par le circuit secondaire. Cette plaque d'acier est protégée de la corrosion par la soudure d'une couche d'alliage, l'iconel. »

D'autres fissures sont découvertes à la fois derrière les plaques d'iconel mais aussi « dans une partie encore plus sensible du réacteur : dans les tubulures qui assurent la jonction entre le circuit primaire et le cœur du réacteur, et qui, de surcroît, supportent, en suspension, les 400 tonnes du réacteur lui-même. Là, c'est une couche d'acier inoxydable qui est appliquée par soudure. Et là encore, c'est la soudure qui provoque les fissures. »

Intervient alors la question des coûts de réparation pouvant aller jusqu'au démontage des réacteurs. Les autorités font le choix de fermer les yeux et de garder le secret.

La même année le biologiste dissident soviétique Jaures Medvedev publie « Le désastre nucléaire de l'Oural » qui fait état d'une catastrophe nucléaire à Kychtym, le 29 septembre 1957 au complexe nucléaire Maïak. Celle-ci fut provoquée par la panne du système de refroidissement de l'un des réservoirs de déchets nucléaires. Les réservoirs – d'un volume de 250 m3 – étaient installés dans des fosses à béton de 60 cm d'épaisseur et recouverts d'une dalle de 150 cm de béton d'un poids de 160 tonnes. La température à l'intérieur avoisinait entre 300 et 350 degrés Celsius.

L'explosion fut estimée à entre 70 et 100 tonnes de TNT. Les retombées radioactives (césium 137 et strontium 90) contaminèrent à long terme une région de 800 km2. A partir du 6 octobre, 10 000 personnes furent évacuées sans explication officielle. On estime le nombre de décès à 200.

Les chercheurs Robert Cochran et Robert Standish Noris du « National Ressources Defense Council » estimèrent que Kyshtym était « l' endroit le plus pollué de la planète. » Les rejets radioactifs auraient atteint les 120 millions de curies, soit deux fois et demie les doses relachées par Tchernobyl. Encore aujourd’hui, un homme qui s'aventurerait dans la zone contaminée sans protection serait exposé à une dose de 500 rad/heure, suffisante pour le tuer en une heure.

« Je travaille ici depuis 1959. Je suis du pays, né dans le village de Kuyach, que vous avez traversé en venant ici. Au moment de l'accident je me trouvais au village tout à fait par hasard, étant revenu de la tselina (les terres vierges du Kazakhstan) où je faisais un stage à l'Institut de mécanisation et d'électrification agricoles. Je ne connaissais rien au nucléaire. On profitait du dernier soleil, c'était un dimanche sec et chaud, on se baignait et on bronzait au bord du lac. Des troupeaux de vaches paissaient dans les pâturages, dans les champs on terminait la moisson. Soudain, vers 16 heures, du côté de la ville, on entendit une forte explosion. Les vitres tremblèrent. Personne n'y prêta attention car on savait que l'on était toujours en train de construire ou de faire quelque chose en ville, des tranchées, des fondations et les explosions étaient monnaie courante. La journée se termina tranquillement." Le lendemain, à l'aube, je fus réveillé par ma mère. Je vis partout des soldats, des véhicules tout terrain, des gens avec des dosimètres qui allaient et venaient, effectuaient des mesures sans rien expliquer. »

Le 28 mars 1979 a lieu l'incident de Three Mile Island. A l'époque, la Nuclear Regulatory Commission a classé les incidents nucléaires en neuf catégories : classe 1 : incidents mineurs (faible émission radioactive à l'extérieur du bâtiment ; classe 8 : problèmes importants (perte de liquide de refroidissement, rupture en chaîne des instruments de contrôle, etc.) ; classe 9 : « succession d'accidents plus graves que ceux des classes précédentes. »

La probabilité d'un incident de classe 9 est jugé si peu probable aux yeux des officiels de la NRC, des responsables des compagnies d'électricité et des fabricants de réacteur que l'on n'a pas jugé utile de l'inclure dans les programmes d'entrainement et de simulation. C'est pourtant ce qui s'est produit le 28 mars.

L'incident permet de déterminer les limites des instruments de mesure : on ignorait où se trouvait le niveau de l'eau dans le circuit primaire ; quand s'est formée une bulle d'hydrogène, on n'a pas pu déterminer sa taille ; la température du cœur du réacteur était plus devinée que mesurée car l'ordinateur de la salle de contrôle était programmé pour lire des températures ne dépassant pas 370° C. Or, durant la première phase de l'accident la température du combustible nucléaire a atteint près de 2 000° C. On ignorait même comment se formaient les bulles d'hydrogène et de pression.

Peu de temps avant, le 5 mars, a débuté le procès Silkwood. Karen Silkwood, employée dans une usine de fabrications de combustibles nucléaires de la Kerr Mc Gee Nuclear Corp. avait été sérieusement contaminée par du plutonium et s'apprêtait à faire des révélations à la presse sur les usines qui manipulent le plutonium. Elle devait décéder le 13 novembre 1974 dans un accident de voiture.

Le mois de mars voit également une série de révélations sur les conséquences des essais nucléaires du Nevada avec augmentations des taux de leucémies et de cancers.

Enfin, le 16 mars avait vu la sortie dans 663 salles du film qualifié de « prémonitoire » : « The China Syndrome ». Le gouverneur de l'État de New-York en vient à déclarer que « le nucléaire n'est plus le futur ». Le gouverneur de Californie, Jerry Brown, réclame la fermeture immédiate de la centrale de Rancho Secopés de Sacramento et le sénateur Kennedy passe dans le camp des opposants.

Les manifestations antinucléaires se multiplient : 100 000 personnes à Hanovre, 3 000 à Francfort, 10 000 à Stockholm (ce qui entraine la fermeture de la centrale de Ringhalls), 20 000 à Copenhague, 2 500 à Borssele en Hollande. Le maire de Huy en Belgique ordonne la fermeture de la centrale de Tihange.

En France, le discours officiel est : «  Ça ne peut pas arriver ici car les réacteurs sont différents des réacteurs PWR (3) du type Westinghouse et que celui de Harrisburg était un PWR conçu par la firme Babcock et Wilcox (il y en a d'ailleurs huit identiques aux Etats-Unis). »

La différence se situe en fait dans la circulation de l'eau des circuits primaires. Dans les réacteurs Babcock et Wilcox, elle est contenue dans un tuyau qui traverse en ligne droite, du haut vers le bas, à travers le générateur de vapeur avant d'être refoulée vers le cœur du réacteur grâce à une pompe d'eau. Dans les réacteurs Westinghouse et donc Framatome, l'eau parcourt un U inversé, ce qui entraine un débit d'eau deux fois plus important dans le circuit secondaire. L'affirmation est donc fausse, l'accident est bel et bien possible. Il surviendra simplement deux fois moins rapidement.

En 1978, il y eut 2 835 incidents dans les 72 réacteurs en service aux États-Unis. Des incidents mineurs, mais qui, en s'additionnant seraient susceptibles de déclencher une catastrophe.

Le 11 avril 1979, la NRC annonçait que des modifications devaient être apportées sur les réacteurs du type de Three Mile Island, ainsi que ceux de Westinghouse. Le 24, André Giraud, ministre français de l'industrie déclarait pourtant : «  il n'est apparu aucun élément de nature à modifier notre attitude à l'égard des centrales à eau légère du modèle utilisé en France, ou à remettre en cause notre doctrine en matière de sûreté nucléaire. »

Quelle est la position de la France sur le plan militaire ?

En 1961, l'ONU a condamné les bombardements nucléaires comme « crimes contre l'humanité ». La même année, le 25 septembre, John Fitzgerald Kennedy déclare : « Chaque homme, chaque femme et chaque enfant vit sous le coup d’une épée de Damoclès atomique suspendue par le plus fin des fils, susceptible d’être coupé à n’importe quel moment par accident, erreur ou folie. »

Or, comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, la politique américaine en est une « du fort au fort » : en cas de conflit armé, on passera à une riposte graduée : guerre mini-nucléaire, nucléaire tactique, nucléaire de théâtre, nucléaire stratégique. C'est le principe de la dissuasion : gravité de la sanction et certitude de celle-ci. « Si vis pacem, para bellum. » Si la réalité de la riposte nucléaire n'est pas crédible, alors la dissuasion ne fonctionne pas, or la France reste dans le flou quand à sa capacité à riposter. Elle n'est donc pas crédible.

Contrairement aux États-Unis et à l'Union Soviétique, la France – qui s'est affranchie du parapluie de l'OTAN – est contrainte de mener une politique du « faible au fort ». Elle ne dispose pas de moyens pour assurer une riposte graduée. En cas d'attaque par des forces conventionnelles, si la France ne peut repousser l'adversaire, elle n'aura pas d'autre choix que de passer directement à l'ultime option : la riposte nucléaire sous la forme d'armes dites préstratégiques (nucléaires tactiques), qui auront pour objet d'adresser un ultime avertissement à celui-ci. Si celui-ci demeure incompris, on passera aux frappes massives.

Autrement dit, la stratégie française vise à l'anéantissement total et massif de l'adversaire. Il ne s'agit plus de détruire quelques objectifs comme à Hiroshima et Nagasaki, mais d'anéantir l'ensemble des intérêts vitaux de l'ennemi en une seule frappe. Pendant ce temps, l'Union Soviétique remplace, en 1977, ses SS 4 et ses SS 5 par des SS 20 d'une plus longue portée (et donc moins susceptibles d'entrainer des retombées sur les pays du Bloc soviétique) et plus précis.

Comme on l'a vu, la majorité des films portant sur le sujet et la nature de l'apocalypse nucléaire sont Américains : ils définissent le cadre social et familial, celui du travail, celui des forces armées. La guerre s'annonce d'abord par l'intermédiaire des médias (quand elle n'a pas déjà eu lieu : catégorie post-atomique) : journaux, radio, télévision. C'est « chez eux » que la catastrophe survient, ce sont eux qui subissent les premiers les conséquences du conflit, conséquence – peut-être – d'un sentiment de culpabilité (cf. la célèbre « chute » de « Planet of the Apes »).

Dans l'univers post-nucléaire, les appareils électriques deviennent des pièces de musées, les véhicules des coquilles vides, la nourriture est contaminée. Les manières sont aussi affectées : à la solidarité succède le « chacun pour soit », le pillage, l'abandon d'accessoires comme les assiettes et les couverts, le meurtre voire le cannibalisme.

Cependant, cet univers de modernité se retrouve également dans les films japonais et européens, même si le modèle original américain est celui du bouclier de l'Occident et tout ces éléments où plutôt leur perte servent à souligner quelque part la responsabilité des survivants, même si on peut se poser la question, si les films « de monstres » japonais de type « Godzilla » ne représentent pas un moyen d'exorciser Hiroshima et Nagasaki en montrant une armée conventionnelle impuissante face à des créatures issues de l'atome. Dans les années 70, le Japon s'équipe en centrales nucléaires, Godzilla passe alors dans le camp des « bons », combattant des créatures comme Mothra, Rodan ou Megalon. Les survivants sont « élus » mais en même temps coupables, à la fois de ne pas avoir su prévenir la catastrophe mais aussi de ne pas avoir su profiter du « paradis » que représentait « le temps d'avant ». La punition réside dans la survivance, la rédemption dans la reconstruction.

Rien de tel dans le cinéma des pays communistes de l'époque, comme l'Union Soviétique, la Chine, la Corée du Nord. La science-fiction y est absente. « Stalker » est l'œuvre d'un dissident. La chercheuse Hélène Puiseux, évoquant un voyage en Corée du Nord au temps de Kim-Il-Sung, fait état d'une discussion avec trois interprètes. Elle leur demande s'ils ont de la science-fiction, mais devant leur incompréhension, se voit contrainte de leur expliquer le concept. Avec un air très choqué, ils lui répondent : « Ah non, on ne s’amuse pas à faire ça, on représente le présent, les améliorations qu’on peut y apporter, ou le passé et les améliorations qu’on y a apporté. »

En 1979, Pierre Granier-Deferre réalise « Le Toubib» (90 minutes), mettant en vedette Alain Delon et Véronique Jannot, d'après le roman de Jean Freustié : « Harmonie, ou les horreurs de la guerre » qui se déroulait sur une période de vingt-quatre heures. Le film, qui fut tourné en grande partie aux camps militaires de Sissonne et de Mourmelon, bénéficia de l'assistance de l'armée française. Alors que le roman se plaçait dans le cadre de la seconde guerre mondiale, le film nous installe dans une troisième guerre (à ce stade strictement conventionnelle) située dans le futur proche de 1983 mais qui évoque par moment la première guerre mondiale (les souterrains remplis de cadavres fusionnés dans les parois) et la – future, à ce stade – guerre de l'ex-Yougoslavie. L'aspect « anti-guerre » y est souligné par l'usage de mines antipersonnel redoutables, de gaz de combat, de munitions « sales ».

Passons à « Malevil ».

« Malevil » est, à la base, un roman de l'écrivain français né le 29 août 1908 à Tebessa, en Algérie. Il déménage en France en 1918 et devient agrégé d'anglais et docteur ès lettres (il consacre sa thèse de doctorat à Oscar Wilde). Dans les années qui suivent, il est professeur de lycée à Bordeaux et Neuilly-sur-Seine. En 1939, il est mobilisé comme agent de liaisons avec les forces britanniques à Dunkerque où il est fait prisonnier. Il en tirera en 1949 le roman « Week-end à Zuydcoote » (prix Nobel de littérature en 1949, adapté à l'écran par Henri Verneuil en 1962 (https://www.youtube.com/watch?v=D2gfMxETEms). Proche du Parti Communiste, Merle entame avec ce roman sa période antibelliciste, ponctuée par « La mort est mon métier» (1952), pseudo-mémoires de Rudolf Hoss, commandant du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz,  adapté au petit écran par Theodor Kotulla en 1977, « L'île » (1962), inspiré des révoltés du Bounty, prix de la Fraternité, adapté au petit écran en 1987 par Serge Leterrier. Ce roman préfigure la période « historique » de Merle, qu'il entamera en 1976.

En 1967 paraît le roman de science-fiction « Un animal doué de raison» qui imagine l'utilisation de dauphins supérieurement intelligents à des fins militaires en pleine guerre du Vietnam mais aussi leur capacité à se rebeller contre le rôle qu'on cherche à les contraindre à suivre. Le film devait être adapté par Roman Polanski, mais celui-ci y renonça suite au meurtre de son épouse Sharon Tate par la « famille Manson ». Le film fut finalement dirigé par Mike Nichols en 1973.

Suit en 1970 « Derrière la vitre », récit romancé de l'occupation de l'université de Nanterre en 1968.

Puis, en 1972, paraît le roman qui nous intéresse : « Malevil » qui recevra le prix « John Wood Campbell Memorial ».

En 1974, c'est au tour de « Les hommes protégés », roman avant-gardiste décrivant un monde où le patriarcat a été renversé suite à une épidémie foudroyante d'encéphalite ne s'attaquant qu'aux hommes. Suit « Madrapour » en 1976, histoire de passagers d'un avion sans équipage, métaphore de l'au-delà.

En 1977, il entame sa série historique « Fortune de France » (13 épisodes jusqu'en 2003).

En 1986 il publie « Le jour ne se lève pas pour nous », récit-reportage sur la vie à bord du sous-marin nucléaire « L'Inflexible ».

Suivent le roman historique « L'Idole » en 1987, « Le propre de l'homme » en 1989 sur un thème proche de « Un animal doué de raison », adapté au petit écran par Marc Rivière en 1996 et enfin l'inédit « Dernier été à Primerol » écrit par l'auteur au cours de sa captivité en Allemagne.

Par ailleurs, Robert Merle est l'auteur de quatre pièces de théâtre et cinq essais. Il a reçu le grand prix Jean Giono en 2003 pour l'ensemble de son œuvre. Robert Merle est décédé le 27 mars 2004.

Dans l´œuvre de Robert Merle on peut distinguer une deuxième période qui correspond à sa production dans le genre de la science-fiction. Il y développe complètement, jusqu´à l´absurde, des situations que la société ne révélait encore qu´à l´état latent et dont les conséquences n´étaient pas claires. Le but de l´auteur était de dénoncer, sous une forme romanesque, les dangers qui menaçaient l´espèce humaine, au nom des valeurs auxquelles il était attaché. Le risque nucléaire et la renaissance d´une société post-atomique est le sujet principal de Malevil (1972). Cette œuvre, dont la gravité a frappé les lecteurs du monde entier, a obtenu l´une des plus importantes distinctions attribuées aux États-Unis à une œuvre de science-fiction: le prix John W. Campbell (1974). Il s´agit d´un fait exceptionnel pour un roman français. Le prix John Wood Campbell Memorial, crée en 1973, a pour objectif de récompenser des œuvres de science-fiction. Le prix, étant un hommage à l´écrivain J.W.Campbell (qui était également l´éditeur du magazine Astouding Science Fiction), est remis lors des conférences annuelles dans les locaux de l´Université du Kansas. Malevil a aussi fait l´objet d´une adaptation au cinéma (1981). L´adaptation cinématographique de Malevil, réalisée par Christian de Chalonge, s´écarte du livre et s´achève par une fin complètement différente. Merle, estimant que l´esprit de son roman a été dénaturé, s´est montré distant du film; ainsi, il n´y apparaît que la mention «d´après un roman publié aux éditions Gallimard».

En 1981, donc, sort l'adaptation cinématographique du roman « Malevil » de Robert Merle. Quelle est la situation politique internationale sur l'écran de laquelle se projette le film ?

En 1979, le 11 février voit la victoire de la Révolution iranienne ; du 17 février au 16 mars, c'est la guerre sino-vietnamienne ; le 26 mars le traité de paix israélo-égyptien ; fin mars voit le début du second choc pétrolier ; le 19 juillet voit le triomphe de la révolution sandiniste au Nicaragua ; le 4 novembre, c'est le début de la crise des otages en Iran ; le 27 décembre, l'intervention soviétique en Afghanistan.

En 1980, c'est le début de l'embargo céréalier contre l'URSS le 4 janvier ; le 24 mars, la guerre civile au Salvador ; le 18 mai, le soulèvement de Gwangju en Corée du Sud contre la dictature ; le 31 août, l'accord de Gdansk qui autorise les syndicats libres en Pologne ; le 22 septembre, le début de la guerre Iran-Irak et le début de la « Révolution conservatrice » marquée par les élections de Ronald Reagan aux USA  et de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne.

En 1981, le 20 janvier c'est la libération des otages américains de Téhéran ; le 23 février, l'échec d'une tentative de coup d'État militaire en Espagne ; le 10 mai, l'élection du président socialiste François Mitterrand en France ; le 6 octobre l'assassinat d'Anouar el-Sadate ; le 13 décembre, l'état de siège en Pologne.

Comme on le voit, ce ne sont pas les occasions de désespérer qui manquent : République des Mollahs en Iran (les otages sont libérés quelques minutes après l'investiture de Reagan), intervention soviétique en Afghanistan (et boycott des Jeux Olympiques de Moscou, embargo céréalier), fin d'une guerre civile et début d'une autre en Amérique du Sud (avec autorisation du financement secret des « contras » par Ronald Reagan), chaos politique en Europe (coup d'État en Espagne, élection de Mitterrand, élection de Thatcher et mort du militant Bobby Sands), début de la guerre Iran-Irak, assassinat de Sadate, état de siège en Pologne (et les risques d'intervention soviétique que cela entraine).

Ajoutons à ce brillant tableau l'élection de Pieter Botha en Afrique du Sud, l'affrontement de chasseurs américains et libyens au-dessus du golfe de Syrte, les décès « accidentels » des présidents équatorien, panaméen et péruvien, le procès de la « bande des quatre » en Chine, la guerre du Liban, la destruction du réacteur nucléaire d'Osirak par l'aviation Israélienne, les débuts de la dictature de Moubarak, l'assassinat de l'ambassadeur français au Liban, l'élection du général Jaruzelski en Pologne, la tentative d'assassinat contre Jean-Paul II, grandes manœuvres soviétiques et pressions de Moscou sur Varsovie, l'établissement de sanctions contre les deux pays par les USA, l'enlèvement du général James L. Dozier par les Brigades Rouges , l'incident du « S-363 » en Suède, enfin l'évocation d'une « guerre limitée » en Europe par Reagan.



« Malevil », le roman relate l'histoire d'un groupe d'amis, résidents et notables d'un petit village qui survivent miraculeusement à l'explosion d'une bombe au lithium (ou bombe H) qui a détruit toute la France. Nous sommes en 1977 et la troisième guerre mondiale a commencé. Elle est également terminée. Le monde n'existe plus. Ce premier groupe de survivants est composé de Emmanuel Comte, Meyssonnier, Colin, Peyssou,  Thomas, la Menou et son fils attardé mental, Momo.

Le projet de la bombe au lithium est lancé en 1949, lorsque les Soviétiques font exploser leur propre bombe à fission utilisant le plutonium. Le choc est important pour les américains qui pensaient bénéficier d'une avance technologique de dix ans. Le président Truman lance alors le projet de bombe à fusion des noyaux. Oppenheimer s'y oppose, y voyant un instrument de génocide. Le professeur Ulam suggère alors la fabrication d'une bombe à fission à une extrémité avec du matériel thermonucléaire à l'autre et fonctionnant par ondes de chocs afin d'allumer ce matériel. Le professeur Teller suggère alors l'utilisation de radiations pour comprimer le matériel. La première bombe H explose le 1er novembre 1952.

L'énergie est libérée tout d'abord sous la forme de rayonnements qui provoquent d'importantes brulures et des incendies. La Tsar Bomba provoqua des brulures au troisième degré dans un rayon de cent kilomètres.

Suit l'onde de choc, un souffle d'environ 1 000 kilomètres/heures provoquant la destruction des bâtiments et d'importants traumatismes sur les êtres vivants.

Enfin les radiations : instantanées et retombées. Dans le premier cas les survivants souffriront d'une fatigue générale, un mal de tête, des diarrhées et des vomissements. La victime se sentira ensuite mieux et souffrira à nouveau de diarrhées, pertes de cheveux, hémorragies et cancers. A long terme, les radiations affecteront les fœtus : fausses-couches. Si l'enfant survit il souffrira de troubles génétiques et de malformations.

Ces informations sont parvenues jusqu'à nous en observant les conséquences de telles explosions sur des cobayes humains.

La Mk41 (ou B41) produite par l'armée américaine était une bombe à trois étages fonctionnant sur le principe Teller-Ulam et contenant et comprenant un cylindre d'uranium naturel avec une enveloppe interne d'U238. Celle-ci contenait entre 500 et 1 000 kg de deutérure de lithium 6. Elle était qualifiée de « bombe H sale » en raison des grandes quantités de retombées très radioactives.



Pour le petit groupe de survivants de Malevil, c'est déjà l'après-guerre et l'heure est à la survivance. Le récit est relaté à travers les yeux de Emmanuel qui reporte des notes dans son journal intime. Un deuxième point de vue nous est donné par Thomas, ce qui nous permet d'obtenir une narration plus objective.

Le petit groupe se retrouve brutalement replongé au Moyen-Age. Ils ont cependant un avantage : ce sont des « gens de la campagne ». Ils disposent donc d'une capacité de résilience que des citadins n'auraient pas. Il sont capables de subsister en mode autarcique. Ils ne se déchirent pas entre eux, ils coopèrent pour le bien de tous. S'il y a un leader, celui-ci n'est pas un dictateur. La communauté décide, il a le dernier mot. Ce système d'union amicale permet d'aller de l'avant et même d'intégrer des représentants de communautés hostiles.

La bombe ne semble pas  avoir laissé de retombées, cependant chaque jour est un combat : soins du bétail, réparation d'outils, améliorations de l'habitation, défense. Chaque événement devient essentiel pour la survie ou la destruction de la communauté. Malevil devient une « robinsonnade ». C'est un écosystème indépendant.

Le danger principal ne peut donc venir que de l'extérieur comme « ceux de La Roque ».

Les femmes prennent une place plus importante dans cette société : la Menou est la gardienne des traditions, les autres représentent l'avenir de la communauté en tant que génitrices.

Le rapport à la nature a également changé. La bombe a tout dévasté, tout a brulé, même le ciel a disparu. Il faut donc veiller à lui rendre sa vitalité autant que possible, car elle est pour les survivants leur seul moyen de subsistance.

Enfin, afin d'assurer et entretenir la cohésion sociale, Emmanuel est amené à adopter un rôle de chef religieux.

Lorsque « Malevil » sort sur les écrans français en 1980, Christian de Challonge est un jeune metteur-en-scène de 43 ans qui n'en est qu'à son quatrième long-métrage. Son deuxième film – « L'alliance » – sorti en 1971 évoque déjà le spectre du nucléaire. Après avoir obtenu le prix Jean Vigo pour son premier long-métrage « O Salto », il signe un coup de maitre en 1978 avec « L'argent des autres » dans lequel Jean-Louis Trintignant incarne un fondé de pouvoir licencié pour avoir accordé des prêts importants, auxquels il était opposé, à un homme d'affaire véreux. « L'argent des autres » évoque le scandale de la garantie foncière survenu en 1971, scandale politico-financier basé sur le système de Ponzi qui nuira gravement au parti gaulliste. Le film remportera le prestigieux prix Louis-Delluc en 1978 et les Césars du meilleur film et du meilleur réalisateur l'année suivante.

Christian de Challonge s'attaque ensuite à l'adaptation du pavé de 600 pages de Robert Merle à l'aide du scénariste Pierre Dumayet.

La distribution est à la fois prestigieuse et étonnante car elle utilise les talents de plusieurs acteurs qualifiés de « comiques » : Michel Serrault (Emmanuel Comte), Robert Dhéry (Peyssou) et Jacques Villeret (Momo). A quoi viennent s'ajouter Jacques Dutronc (Colin), Jean-Louis Trintignant (Fulbert), Hanns Zischler (le vétérinaire), Pénélope Palmer (Évelyne), Jean Leuvrais (Bouvreuil), Emilie Lihou (La Menou),  Jacqueline Parent (Cathy), Eduard Linkers (Fabrelatre), Marianik Révillon (Emma), Guy Saint-Jean et Bernard Waver (deux gendarmes), Reine Bartève (Judith), Michel Berto (le bébé) et André Cerf.

Le tournage a eu lieu dans le département de l'Aveyron, au château des Bourines à Bertholène, à Sévérac-l'Église, ainsi que dans le département de l'Hérault au Caylar et à Saint-Thibéry.

D'entrée, bien que superbe, l'affiche de Michel Landi nous induit quelque peu en erreur. Elle représente un convoi de survivants à pied et en charrettes traversant un immense désert ocre, évoquant un exode, alors que l'action du film tourne principalement autour de la bastide d'Emmanuel Comte et les environs.

Le film s'ouvre sur un magnifique décor champêtre. Tout n'est que verdure, prés et bois. Une 2CV Citroën de la Poste circule sur une petite route départementale.  De l'accordéon passe sur la radio du véhicule, la voix enchanteresse d'une présentatrice annonce du beau temps. Les paysans vaquent à leurs occupations, les enfants jouent. On y passerait ses vacances.

A la bastide, Momo accompagné de son chien s'enfuit, poursuivi par les cris de la Menou. Nous sommes samedi et pour Momo, c'est le jour du bain, opération qui sera menée sans façon dans une bassine dans la cour avec l'aide d'Emmanuel. On apprend que Momo a trente-deux ans.

Emmanuel rejoint le vétérinaire et Germain, son employé à l'écurie où le premier examine la jument et la truie. Emmanuel l'invite à déguster sa dernière cuvée à la cave. Le postier livre son courrier. C'est ainsi que l'on apprend qu'Emmanuel est le maire du village. Il est onze heures. La lettre du facteur vient d'Australie, c'est le fils d'Emmanuel.

La cave est un magnifique travail de construction médiévale. Pour un peu, on en ferait une salle de torture, mais dehors le coq chante, les poules caquètent et tout est bien... jusqu'à ce que débarquent Colin et Bouvreuil, le pharmacien pour une ridicule histoire de lampadaire. Emmanuel leur propose de poursuivre la conversation dans la cuisine, Bouvreuil refuse. Cette décision va leur sauver la vie.

Au-dehors, la 2CV repart dans un ronflement caractéristique. Bouvreuil pinaille sur l'emplacement du lampadaire, projet qui a déjà été modifié dix-sept fois ! Comme un gamin capricieux et borné, il met en jeu sa voix au conseil municipal.

Emmanuel reste d'un calme olympien, ce ne sera jamais que la dix-huitième modification ! Et il invite même le pharmacien à sa dégustation. Germain, Momo et sa mère les rejoignent.

Et puis la lumière s'éteint. Ils ne le savent pas encore, mais une bombe vient d'exploser et tous les appareils électriques ont été instantanément grillés par une impulsion électromagnétique. L'auteure Hélène Puiseux (« L'apocalypse nucléaire et son cinéma ») y voit la possibilité de l'explosion d'une centrale périgourdine. Pourtant, dès 1979, Jacqueline Denis-Lempereur avait anéanti cette possibilité dans un article pour « Science et Vie » : « Ce que serait l'accident majeur » :

« En premier lieu, il faut savoir que contrairement à une opinion répandue, un réacteur nucléaire PWR ne peut pas exploser comme une bombe atomique. En effet, dès l'arrêt du réacteur, la réaction en chaîne s'étouffe d'elle-même. Cette éventualité d'explosion est en revanche envisagée pour les surrégénérateurs à neutrons rapides ! »

Dehors, une étrange lumière bleutée apparaît à travers les rares ouvertures tandis qu'un sourd grondement va en s'amplifiant. L'énergie thermique est emportée par ce flash de lumière et par des rayons X qui transforme l'air en une boule de feu. La lumière bleue disparaît mais le petit groupe y voit comme si l'éclairage électrique était revenu. Un monstre se met à hurler au-dehors et on se bouche les oreilles pour y échapper : c'est l'onde de choc progressant à une vitesse de 1 000 km/h sous la forme d'un mur d'air solide et sphérique engendrée par la suppression due à l'expansion des gaz chauds.

Dans la cave, la chaleur devient insoutenable, les bouchons de bouteilles sautent, de même que ceux des futs de chêne. Les pâtés grésillent et fondent ainsi que les jambons suspendus au plafond. La vieille Menou se traine pour consoler son Momo, bientôt rejoint par Emmanuel qui lui enlève son chandail.

Dehors, tout redevient calme, enfin, mais aussi silencieux qu'un tombeau. La porte de la cave s'ouvre et lentement, pas à pas, un homme descend puis s'écroule. C'est le facteur, brulé vif. Le pharmacien s'avance. Va t-il l'aider ? Non, il monte l'escalier en rampant. C'est Emmanuel qui se traine jusqu'au mort pour l'identifier.

Plus tard, Colin est le premier à parler : « J'y vais. » Le pharmacien redescendu se contente de répéter : « C'est dangereux ». Colin regagne la cave et vomit. Momo est le suivant, suivi de sa mère qui démontre une puissance de volonté à l'inverse de son aspect fragile.

On a donc eu droit ici à une vision indirecte de la catastrophe nucléaire, soit que de Challonge n'ait pas disposé des moyens pour montrer celle-ci en tant que telle tout en se refusant à employer des images d'archives, soit que le metteur-en-scène ait fait le choix de la représenter par une série de détails troublants, renforcés par le jeu des acteurs. En l'occurrence, on se trouve enfermé dans cette cave avec ces gens, on les voit souffrir sans connaître la nature ni l'origine de leur souffrance.

A l'extérieur, Momo découvre un spectacle d'intense désolation : tout est gris ou noirci, de la cendre tombe du ciel, de nombreux bâtiments ont été gravement endommagés ou tombent en ruine, des arbres on été déracinés, leur faite comme tronçonné. Là où quelques minutes plus tôt régnait un insolent soleil estival, le crépuscule règne, et le silence.

De tout cela, Momo n'en a cure. Le grand enfant qu'il est part à la recherche de son chien.

Incapable de le suivre, la Menou redescend à la cave. Emmanuel lui demande : « Mais qu'est-ce que vous avez vu ? »

Et puis, dans ce désert soudain le miracle : un son. Celui, familier de la jument qui a miraculeusement survécu, de même que la truie et sa portée. Emmanuel traine le corps du vétérinaire dans la cuisine qui semble avoir été ravagée par un incendie aussi violent que bref. Le calendrier de la poste a brulé. Le temps s'est effectivement arrêté. Il y aura désormais une différence entre « avant » et « maintenant ».

Plus tard, soignant leurs bêtes (auxquelles s'est ajoutée une vache), Emmanuel et la Menou voient surgir Colin et Germain. Ceux-ci étaient partis en direction du village. Germain tend un objet à Emmanuel : la petite tête de bronze d'un enfant. « C'est tout ce qui reste. »

Plus tard, à la nuit tombée, chacun reste dans son coin prostré, sans voix. « Malevil » est un film de peu de mots. Le vétérinaire s'agite sur son banc. Au-dehors, Momo hurle. Jusque là, c'est le seul qui semble capable de faire entendre sa souffrance, sa douleur, mais comme une bête. Emmanuel : « On pourrait peut-être se remettre à parler. » Mais personne ne lui répond.

Au matin, le vétérinaire se met debout et découvre l'étendue de la catastrophe : le contraste entre un ciel bleu et un environnement ravagé, le bruit caractéristique des pas dans l'épaisse couche de cendres.

Les hommes vaquent à leurs occupations. Il faut enterrer les cadavres d'animaux. La Menou presse Bouvreuil de l'aider à évacuer le cadavre du postier. Cette femme très âgée continue à impressionner par son énergie et son bon sens paysan. C'est la première sortie de Bouvier depuis la veille. Il continue à psalmodier : « C'est dangereux, c'est dangereux ». Enfin, dehors il dit : « J'imaginais pire. »

La Menou prend la jument pour retrouver Momo, errant dans un paysage ravagé, totalement carbonisé et silencieux, avec parfois la vision d'un animal figé dans la posture de l'instant de mort.

A la ferme, on s'organise, on fait les comptes des ressources. Le retour de la Menou suscite l'irritation d'Emmanuel. Si elle était tombée, ils auraient perdu le cheval, « mon cheval ». Colin s'irrite de cette remarque. Emmanuel se reprend : « Tout ce qui est ici ne m'appartiens plus. La Pervenche est à nous tous. »

Le vétérinaire et Bouvreuil papotent dans leur coin : « Vous trouvez ça normal qu'on ne parle jamais des autres ? » « Oui, c'est mieux. »

Colin les rejoint : « Vous avez vu quelque chose ? » Pas de réponse. Il n'y rien à voir dans ce paysage lunaire, dépourvu du moindre brin d'herbe.

« On a tourné ça sur le plateau du Larzac qui est un endroit complètement désolé, raconte Jean-Louis Trintignant. L'endroit est complètement désolé et nous, en plus, on a détruit le peu de nature qu'il y a sur le plateau... Pas totalement, et puis ça a repoussé ! Mais on a vraiment tout brulé ! »
(Source : Jean-Louis Trintignant. L'inconformiste. Vincent Quivy)

Cette nuit là, la jument et un porcelet disparaissent. Le lendemain, Emmanuel et Colin se lancent à leur recherche, passant devant les restes de la 2CV à demi-enterrée. Colin apercevant quelque chose ouvre le feu. Fausse alerte : un chasseur figé dans la position dans laquelle la bombe l'a pris.

Plus loin, la jument à l'entrée d'une vaste grotte dans laquelle Colin découvre Momo nourrissant une jeune fille aveugle : Evelyne.

Au retour, on constate que la rivière a été détournée et charrie des débris. On installera un barrage.

Le soir, Evelyne demande des nouvelles de sa mère.

Emmanuel : « Il faut... il faut attendre pour savoir. »

Colin : « Tu crois qu'on saura un jour ? »

A l'unanimité – et malgré une petite réserve de la part de Bouvreuil – Emmanuel demeurera Maire jusqu'à ce qu'on ait des nouvelles.

On se préoccupe du feu – « Si un avion passait ? » Malevil est désormais une île dans l'obscurité de l'univers.

Un jour, alors que Colin remet en marche le tracteur et que Bouvreuil fait l'inventaire de la pharmacie, un nouveau miracle : au milieu de ce silence uniquement dérangé par le bruit des hommes : le chant d'un oiseau. Chacun interrompt sa tache, tentant d'identifier l'origine du chant : c'est Evelyne. Mais la déception est de courte durée. Momo vient chercher Emmanuel, le tirant jusqu'à la grange où les autres les rejoignent. Un bourdonnement caractéristique : « Elles sont revenues ». La vie est décidément faite de petits riens.

Un jour, le vétérinaire discute avec Evelyne après l'avoir examinée. Elle était l'amie d'Éric. Le vétérinaire était son père.

« Tu allais souvent jouer dans la grotte avec lui. »

« Pas seulement avec lui... »

« L'autre jour, quand la foudre est tombée, tu étais toute seule ? »

« Oui. Il n'avait pas pu venir, il était puni. »

Quelques mots suffisent, pas de pathos futile, pour exprimer la douleur sourde d'un père qui a peut-être involontairement tué son fils.

La vie se poursuit. La terre sera t-elle encore bonne ? Et la pluie, non contaminée ? Saura t-on trouver une source de nourriture au-delà des deux mois de réserves ? La vache vient à vêler. C'est un mâle. Dans un an il pourra faire un petit à sa mère. Dans un an. Le bout du monde.

Une nuit, on entend deux explosions lointaines. Le phénomène se répétera plus tard, toujours la nuit.

Momo trouve un vieux « Jour de France » pour sa mère. En couverture : « La France reçoit les souverains de Suède. »

La Menou : « Y'en a qu'on d'la chance. »

Colin construit un émetteur, qui nécessitera du carburant pour son fonctionnement. Emmanuel met la nouvelle sur la table, pointant que Colin a entamé son projet « sans en parler à personne » mais sans chercher à y opposer son véto non plus. Une fois de plus, il se pose en leader, mettant chaque décision vitale pour la communauté aux voix. En cela, il est le prototype du héros de science-fiction. Placé devant le fait accompli, il se voit contraint d'agir sans délai. C'est un personnage « fait », son caractère est achevé et son développement personnel largement inconnu (on apprend juste que sa femme a emmené leur fils en Australie). C'est le genre humain dans son ensemble.

Vient la pluie. Occasion propice à un test. On place un appareil photo sous le déluge, puis on le récupère. « Si la pellicule est noire, la pluie est pourrie. » Elle sera blanche. Pour les hommes comme pour les bêtes, c'est la fête.

Des couleurs reviennent dans ce monde gris. Evelyne réalise brutalement la réalité de la mort de  sa mère.

Vient l'hiver. Le paysage se couvre de neige. Puis le printemps. La vie reprend : le petit peuple des profondeurs de la terre, l'herbe, les plantes du potager.

Des coups de feu. D'autres survivants sont apparus. Pauvres créatures revenues à l'état sauvage dans une séquence qui n'est pas sans évoquer « Planet of the apes » de Franklin J. Schaffner. Il s'agit pour « ceux de Malevil » de les chasser, aussi pacifiquement que possible, mais de les chasser quand même. Deux hommes et une femme tombent. Légitime défense où perte des repères moraux ?

Le vétérinaire : « Tu te souviens des vieilles histoires de naufrage ? Quand il y a un radeau, tout le monde veut monter dessus, alors ceux qui sont sur le radeau leur coupent les mains. »

Un autre jour, on aperçoit un large groupe de survivants. Que faire ? On part en délégation, armée. Deux coups de feus. Mais qui a tiré cette fois ? Les traces mènent jusqu'à une vallée. Bien avant que d'y être, on perçoit une sorte de mélopée religieuse. En bas, un groupe vêtu de blanc et un homme qui s'adresse à lui. C'est Fulbert (Jean-Louis Trintignant).

Après la communauté démocratique, les sauvages, voici la communauté sur le mode quasi-tribal, dirigée par un chef charismatique et dictatorial. Jean-Louis Trintignant y apparaît sous les traits de Fulbert comme l'un de ces personnages effrayants et borderline qu'il affectionne tant.

« C'est intéressant de repartir à zéro, déclare l'acteur, d'un air peu enjoué, parce que tout est à réinventer... On n'est pas embarrassé de tout ce qui existe et notamment de tout ce qui nous encombre, nous aliène, même si on n'en a pas conscience. Là, il faut vraiment survivre, donc on ne part que de choses essentielles. »
(Source : Jean-Louis Trintignant. Vincent Quivy)

« N'oubliez pas notre pacte, notre pacte avec Dieu. Dieu nous a choisi. Nous sommes les seuls survivants de la Terre, et c'est ici, et par nous, que naitrons les nouvelles souches de l'humanité. Terminé ! »

On voit le groupe gagner un tunnel. Fulbert s'ingéniant à accélérer le pas, voire courir afin de passer en tête. Bouvreuil et Colin vont à leur rencontre, en ambassade. L'alerte est rapidement donnée. L'accueil peu chaleureux. Comme si cela avait une quelconque importance, le garde à l'entrée exige de voir leurs papiers d'identité. Leur chef, c'est « Monsieur le Directeur. »

Dans le tunnel, un train. Bouvreuil et Colin sont introduits devant Fulbert : « Nous SOMMES les premiers survivants ! » Le dialogue est tendu. Bouvreuil a tendance à donner sans méfiance toutes les informations demandées. Fulbert est nettement moins loquace et visiblement des plus circonspect. Il ne semble se rassurer que lorsque l'une des passagères – Cathy – leur est amenée pour les identifier.

Bouvreuil s'offre de rester pour soigner un malade fort agité. Colin découvre la présence d'une « prison ». A l'extérieur, Germain, à travers une ouverture perçoit la présence d'une mère et de ses enfants. Tous semblent sous-alimentés.

De retour à Malevil, Colin fait son rapport, pour lui Fulbert est fou.

Quelques jours plus tard, Momo trouve Cathy, très affaiblie, qui s'est enfuie. Elle fait le récit de la dictature de Fulbert – qui s'est depuis allié à un nouveau venu, « le commandant » : sexe contre nourriture ou non-maltraitance, leitmotiv quotidien du peuple élu « seul survivant » choisi par Dieu, contrôle des vivres, enfermement des dissidents.

Un peu plus tard, Bouvreuil revient, accompagné de Fulbert à cheval et d'un individu présenté comme « gendarme ». Un système de troc est mis en place : médicaments contre lait, batteries contre cochon. Mais le face à face est tendu. Cathy refuse de retourner au tunnel et incite Colin à tuer Fulbert.

Fulbert : « Vous voulez la guerre ? »

Emmanuel : « Non, mais dites-vous que vous n'êtes plus seul. Ce sera moins simple maintenant. »

Et puis un jour, la guerre, à nouveau. Quatrième guerre mondiale ? Sous les regards de ceux de Malevil, des hommes avancent, armés, dans la plaine en contrebas.

Les premiers coups de feu sont échangés. Des hommes tombent. Ceux de Malevil ont aussi creusé des pièges.

Puis c'est le reflux. Bouvreuil est mort près de Momo qui serre son cadavre dans ses bras. Colin passe : « Tu l'aimais tant que ça ? »

Puis c'est la contre-attaque. Les survivants sont interceptés sur le chemin du retour. Trois sont tués, deux fait prisonniers dont le gendarme et un jeune homme efféminé qui explique être de la Bastide. Le « commandant » qui s'est révélé être médecin, a tué son père et l'a enrôlé. Quand au gendarme – un vrai celui-là – il obéissait aux ordres du « directeur ». Merveilleuse discipline militaire française...

Le gendarme et le jeune homme armés emmènent Emmanuel au tunnel. Confrontation avec le directeur devant son peuple décharné, aux visages émaciés. Un homme porte même une couverture rayée comme les prisonniers des camps nazis.

« Nous ne sommes pas nombreux, mais je ne te laisserais pas la vie. Tu es un homme d'avant la catastrophe. Tu ne mérites pas de vivre. »

Le gendarme sonne du cors et annonce que le commandant a demandé à ce que tous les prisonniers soient jugés en même temps. On va chercher José et Judith. Fulbert annonce à Emmanuel que s'il parvient à faire avouer à Judith ses crimes, il sera gracié.

On amène Judith, une pauvre chose aux yeux écarquillés dont on ne peut que deviner la souffrance.

Emmanuel : « Est-ce au commandant ou au directeur que tu as désobéi ? »

Judith : « Je n'ai pas désobéi. Ils m'ont violée. »

Emmanuel : « N'as tu pas refusé... de leur sourire ? »

Judith : « Si. »

Emmanuel : « Très bien. Comment expliques-tu que le commandant n'ait pas tué le directeur ? »

Fulbert : « J'annule cette question ! »

Un homme arrive alors : « Le prisonnier ne veut pas venir. »

Cette annonce met Fulbert en rage, mais celle-ci est rapidement éteinte par de nouveaux événements. Ceux de Malevil sont là. Soudain, le peuple du tunnel jette un regard différent sur le directeur. Celui-ci n'est plus qu'une bête traquée, en quête d'une minute de vie supplémentaire. Mais José est mort et Fulbert le rejoindra bientôt.

On enterre Bouvreuil. Evelyne demande : « Qu'est ce qu'on va devenir ? », Germain répond : « Une ile. » Et puis surgit le convoi. Ceux du tunnel rejoignent ceux de Malevil.

La Menou : « On aura pas assez d'assiettes. »

Puis vient l'été et tout reverdit. C'est le temps des moissons. Colin et Judith se bécottent. Germain irrigue un potager florissant. Evelyne est enceinte. Le vétérinaire est avec Cathy. On fait cuire des cochons à la broche. Bref, la vie reprend le dessus. D'un certain point de vue, la communauté représente ici l'archétype de la famille « nucléaire », libérale, basée sur des notions de liberté et d'égalité, d'individualisme et de refus de l'autorité. Tous les hommes sont égaux et il y a un certain libre-arbitre qui réduit l'autorité divine.

Et puis soudain, un bruit étrange, artificiel au loin, qui grossit comme un orage qui se rapproche. Une nouvelle attaque ?

Par-dessus les collines surgit un essaim d'insectes géants, l'un rouge, les autres bruns. Des hélicoptères de l'armée et de la sécurité civile.

Une voix se fait entendre sur haut-parleur : « Ici Unité d'évacuation numéro 7 ». L'évacuation immédiate est ordonnée. Il est interdit d'emporter quoi que ce soit.

Les hélicoptères se posent. Des hommes en tenue antiradiation en descendent.

Ceux de Malevil se retrouvent, dans une scène pleine d'ironie macabre, assis face à d'autres survivants bien mal en point par rapport à eux, tandis qu'un haut-parleur diffuse une ridicule musique d'ascenseur.

On leur annonce que « par décision internationale, les territoires des nations détruites sont déclarés zones inhabitables. » Ces mêmes territoires seront consacrés à des « expériences scientifiques et militaires ».

Tout en bas, symbole de liberté ou de perte de celle-ci, la jument galope vers la rivière. Sur celle-ci, à travers un paysage transformé qui n'est pas sans rappeler la « zone interdite » de « Planet of the apes », vogue un radeau : le jeune homme de la Bastide, Germain et Evelyne ont refusé le diktat d'autorités inconnues qui ont brutalement mis fin à leur utopie. Cette dernière image préfigure le destin des « Samossiols », ces habitants de la région de Tchernobyl qui se sont réinstallés dans la zone interdite après la catastrophe et malgré les taux élevés de radiations enregistrés.

La fin du film laisse une question en suspens. Une question que ses protagonistes n'avaient peut-être pas eu vraiment l'occasion de se poser, vivant au jour le jour : « Et après ? » Ils avaient fondé une communauté utopiste, peut-être irréaliste, mais bien concrète. « Ceux de Malevil » étaient avant tout des paysans. C'est à leur terre qu'on les arrache. On ne peut que deviner leur angoisse et leur déchirement. Et tout cela pourquoi ? Pour être rattrapé par la « civilisation »? Celle des militaires ?Celle-là même qui a tout détruit ? Les voilà ramenés au statut de sujets administratifs, peut-être aux mains d'un autre Fulbert, plus efficace ou plus chanceux.

Le film porte au générique de début la mention « inspiré librement du roman Malevil (éditions Gallimard). » C'est que Robert Merle a peu apprécié son œuvre modifiée à ce point pour le grand écran. Mais comment placer 600 pages de textes en 120 minutes ? On peut également s'étonner d'une telle réaction de la part de Merle, surtout quand on compare son roman « Un animal doué de raison » avec ce que les américains en ont fait. En tout cas, si j'en juge par les commentaires glanés sur Internet, on peut dire que ceux qui ont aimé le film n'ont pas lu le roman et que ceux qui l'ont détesté l'avaient lu avant de le voir. Une version télévisée – telle celle de Wolfgang Petersen pour l'adaptation du roman « Das boot » d'après le roman de L. G. Buchheim – aurait pu être envisagée (film de 149 minutes et série de trois épisodes de 100 minutes chaque).

En plus du film de Christian de Chalonge, « Malevil » a fait l'objet, avec l'autorisation du fils de l'auteur d'une adaptation théâtrale en 2010 : « Ceux de Malevil ». La même année, France 3 a commandé un téléfilm à Denis Malleval avec Bernard Yerlès (Emmanuel) et Anémone (Madame Menou), Jean-Pierre Martins, Slony Sow (Thomas), Pierre Val (Colin).

Le film de Christian de Chalonge est une sorte d'O.V.N.I dans le paysage cinématographique français, non seulement par son sujet : le film post-apocalyptique, mais aussi du fait qu'il soit l'un des rares à ne pas se passer en milieu urbain. De plus, contrairement à la vague qui suivra (les « Mad Max », « Terminator »), il ne privilégie pas l'action et se concentre sur l'étude d'un petit groupe de survivants et leurs réactions à un niveau individuel. En cela, il se rapproche plutôt des films des années 50 et 60 (« Day the world ended », « The last woman on earth », « The bed-sitting room », « Zardoz », « The ultimate warrior »). Enfin, il se démarque par son aspect intimiste des blockbusters américains hyper-formatés.

La même année voit la sortie de « Le bunker de la dernière rafale » (court-métrage de de Caro et Jeunet) et « Les Maitres du temps » (dessin-animé de René Laloux). Le premier, muet, décrivant un huis-clos étouffant dans un bunker perdu au milieu d'un champ de bataille irradié.

Il faudra attendre 2003 ensuite pour voir un film traitant du thème post-apocalyptique avec « Le temps du loup » de Michael Haneke. L'année suivante sortira « Banlieue 13 » de Pierre Morel (produit et scénarisé par Luc Besson, « Nuff said »), suivi de « La possibilité d'une île » de Michel Houellebecq  en 2005, « Malevil » (version TV) de Denis Malleval en 2009, « The divide » de Xavier Gens en 2012, « Seuls » de David Moreau en 2017. Bref, à part Haneke, rien de bien nouveau sous le soleil et confinant parfois même au « nanard ».

« Le démocrate, après tout, est celui qui admet qu'un adversaire peut avoir raison, qui le laisse donc s'exprimer et qui accepte de réfléchir à ses arguments. Quand des partis ou des hommes se trouvent assez persuadés de leurs raisons pour accepter de fermer la bouche de leurs contradicteurs par la violence, alors la démocratie n'est plus. » 
Albert Camus.



Speak white at Hockey Canadâ!

Extrait de la très édifiante nouvelle:

L'annonceur maison des matchs à Gangneung, Sébastien Goulet, a affirmé cette semaine au Journal de Montréal que Bayne Pettinger, responsable des opérations à Hockey Canada, lui a demandé qu'il cesse de prononcer en français les noms de Marc-André Gragnani, Derek Roy et Rene Bourque. 

«Pour la deuxième rencontre à l'aréna de Gangneung, on m'a demandé d'angliciser ces trois noms de famille à la demande de Hockey Canada», a-t-il dit au média de Québecor. 

Il s'agit de La Presse fédéraliste, alors vous avez détecté l'intention du journaliste en soulignant le fait qu'il s'agit d'un "média de Québecor"? On veut nous faire croire que ce sont encore ces maudits séparatistes qui en font tout un plat. La propagande fédéraliste doit être toujours présente, subtilement ou pas.

Pourtant, ceci n'est pas un cas isolé:

On se souvient du Championnat mondial de hockey junior en 2017 où l’anglais était la seule langue permise dans le vestiaire malgré la présence de sept joueurs et deux entraîneurs francophones. Une décision des deux instructeurs de chez nous. L’histoire, qui avait fait couler beaucoup d’encre, s’était même rendue au bureau de l’office des langues officielles.

Ça doit être un complot des séparatistes ça aussi, je suppose...




Timothy Snyder

Entrevue avec Brian Domitrovic à propos de JFK



Très intéressante entrevue à propos de JFK dans laquelle il est notamment question de sa plus grande réalisation: une baisse de taxes qui ouvrit la porte à une extraordinaire période de prospérité. Ironiquement, de nos jours, lorsque les Républicains font précisément la même chose, les Démocrates déchirent leur chemise.

Il y est également brièvement question de l'assassinat. Selon M. Domitrovic, Oswald aurait agi seul et il s'agirait d'un complot communiste. Je ne suis pas d'accord avec lui là-dessus. Plusieurs faits troublants semblent plutôt indiquer qu'Oswald était un ardent anticommuniste qui infiltrait des organisations communistes pour le compte de l'armée, des services de renseignements et du FBI. Mais bon, son point de vue demeure tout de même intéressant.



La gauche nous a quitté

Je suis récemment tombé sur deux documents qui disent essentiellement la même chose:

Nous nous réclamions de la gauche. Mais la mutation de cette dernière en quelque chose de méconnaissable nous a poussé à la quitter.

D'abord, Richard Martineau:

Chaque fois qu’on s’étonne de mon pseudo-revirement idéologique, je pose toujours la même question.

Et si je n’avais pas changé ? Et si j’étais resté EXACTEMENT à la même place, mais que c’était la gauche et la droite qui avaient joué à la chaise musicale ?

Avant, la gauche combattait la censure. Maintenant, elle la réclame.

Avant, la gauche ridiculisait la religion. Maintenant, elle protège les intégristes.

Avant, la gauche souhaitait que les cultures se mélangent. Maintenant, elle appuie le communautarisme.

Avant, la gauche était libertaire. Maintenant, elle est puritaine.

Avant, la gauche voulait que les femmes se promènent les seins à l’air. Maintenant, elle veut que les femmes fassent preuve de pudeur et crie au sexisme dès qu’on voit un bout de cuisse.

Avant, la gauche aimait les débats, les confrontations d’idées. Maintenant, elle réclame des « safe spaces » dans les universités.

Avant, la gauche défendait les intérêts des petits travailleurs menacés par la mondialisation et l’ouverture des frontières. Maintenant, la gauche rêve d’une immigration massive qui tirerait les salaires vers le bas et ferait le bonheur du grand capital.

Avant, la gauche défendait la laïcité. Maintenant, elle la condamne.

Avant, la gauche se battait au nom de la nation. Maintenant, elle rêve de détruire la nation.

Avant, la gauche était progressiste. Maintenant, elle est régressive.

Alors, je repose ma question.

Est-ce moi qui ai changé ? Ou est-ce la gauche qui a trahi ses idéaux ?

Et maintenant, Steve Hughes:





Venezuela: la descente aux enfers d'une utopie socialiste

Dans ce vidéo, Sargon fait le bilan des récents événements au Venezuela et des conséquences dramatiques des politiques socialistes qui y ont été mises en place.

On écoute ça et on est en droit de se demander si le socialisme n'est pas une idéologie liberticide qui est inévitablement destinée à mener à la dictature.





Les aventures de Juju en Inde

Tout le monde a abondamment parlé de la visite de Juju Ier en Inde. Même les plus pitoyables médias, habituellement béats d'admiration devant l'insipide coquille vide, ont été bien obligés de constater l'ampleur de sa caricaturale stupidité.

Il était temps!

Lors de ce voyage, ce multiculturaliste dogmatique a laissé libre cour à son fanatisme idéologique, se couvrant ainsi de ridicule sur la scène internationale et devenant une véritable caricature de lui-même.

Parlant de multiculturaliste, allez voir ce billet que j'ai publié en 2017 et qui semble aujourd'hui être un portrait psychologique de Justin Trudeau.

Finalement, pour couronner le tout, sa déclaration à propos des souverainistes québécois, empreinte de malhonnêteté et de mépris, par laquelle Juju tentait de se dépeindre en héroïque combattant qui a consacré sa vie à écraser ces monstrueux et violents séparatistes québécois... on est alors carrément tombé dans le vaudeville le plus ahurissant.

Le temps est peut-être venu de remettre sérieusement en question la capacité intellectuelle, voire la santé mentale du premier ministre.

Voici quelques perles trouvées au gré de mes lectures.

Le 22 février, Maxime Huard et Christopher Nardi rapportent:

Déjà critiqué pour son manque de substance et plombé par un accueil tiède du gouvernement, le voyage de Justin Trudeau a dérapé encore davantage après qu’un ancien extrémiste sikh eut été invité à une réception officielle.

« Ce déplacement-là est un fiasco », a affirmé sans détour Louis Aucoin, stratège en communication et président de la firme de relations publiques Tesla RP.

(...) La presse internationale a largement rapporté comment le premier ministre indien Narendra Modi avait « snobé » Justin Trudeau en ne l’accueillant pas à l’aéroport. L’incident de l’invitation a soulevé un tollé dans les médias indiens jeudi, où cette proximité entre M. Trudeau avec Jaspal Atwal, ancien membre d’un groupe terroriste, a été sévèrement critiquée.

« C’est le signal que la lune de miel internationale de Justin Trudeau commence à s’estomper », a jugé M. Aucoin. 

(...) Le ministre Amarinder Singh accusait depuis quelque temps les ministres sikhs du gouvernement Trudeau de complaisance envers les nationalistes qui militent pour la création de l’État du Khalistan.

« Ça va faire du tort. Et ça nuit à la visite bien plus que les critiques sur les photos en costumes traditionnels », a commenté l’ancien haut-commissaire du Canada au Pakistan, Ferry de Kerckhove. 

(...) Selon le spécialiste en défense nationale Joe Varner, l’incident compromet le Canada tant au niveau de la communauté internationale qu’aux yeux de futurs partenaires économiques.

« C’est un cauchemar consulaire », a indiqué le conseiller de l’ex-ministre fédéral Peter MacKay.

(...) Mercredi soir, le Bureau du premier ministre (BPM) a annulé in extremis l’invitation de Jaspal Atwal à une soirée organisée par le Haut-commissariat canadien à New Delhi. Sa présence avait même été recommandée par le député libéral Randeep Sarai.

La journée précédente, M. Atwal avait participé à une soirée où il avait été pris en photo accompagné de Sophie Grégoire Trudeau. Or, cet homme était un séparatiste extrémiste sikh qui a été condamné à 20 ans de prison en 1986 pour la tentative d’assassinat d’un ministre indien lors d’une visite au Canada.

Trudeau s'est empressé de parler d'une simple erreur, mais le principal intéressé a une toute autre version des faits, comme le rapportait La Presse le 25 février:

L'homme par qui la controverse frappa Justin Trudeau en Inde dit avoir tissé des liens d'amitié avec le premier ministre et compte garder ses distances pour éviter de l'embarrasser encore plus.

(...) Jaspal Atwal dit avoir reçu directement du haut-commissariat du Canada en Inde son invitation pour la réception de M. Trudeau.

(...) «On se connaît tous les deux. Il connaît mon nom. S'il me voit, il s'approchera et m'apostrophera d'un: "Hey Jas, comment vas-tu ?". Nous avons une bonne relation. Je n'y vois aucun problème, a-t-il raconté. Et là, c'est: "Oh! Jaspal n'est pas censé être ici, et ainsi de suite". Cela m'a étonné.»

Le gouvernement Trudeau a alors concocté une théorie du complot pathétique pour tenter de sauver ses propres fesses:

http://www.journaldemontreal.com/2018/02/27/voyage-en-inde-trudeau-sous-le-feu-de-lopposition-a-la-chambre-des-communes

La semaine dernière, le gouvernement Trudeau avait d'abord expliqué qu'un député libéral était responsable de l'invitation, avant d'évoquer que des responsables indiens pourraient être derrière l'invitation de l'ancien terroriste sikh. Le premier ministre n'a pas répondu aux questions sur cette «théorie du complot» mardi.

«On ne peut plus croire le premier ministre. Il refuse de prendre ses responsabilités. Inventer une théorie du complot visant un allié pour se sauver la face, ça dépasse l'entendement. S'il a les preuves qu'il les dépose ici», a lancé le député conservateur Alain Rayes.

Le refus de Trudeau de prendre ses responsabilité à propos de cette invitation indéfendable et sa propension à mentir pour tenter de cacher la réalité ne plaît pas du tout aux autorités indiennes, comme le rapporte Christopher Nardi le 28 février:

Le voyage de Justin Trudeau en Inde pourrait avoir fait plus de mal que de bien aux relations indo-canadiennes, alors que le gouvernement indien a publié un communiqué pour dénoncer les propos d’un conseiller du premier ministre.

« On dirait que le gouvernement canadien est arrivé à la conclusion que le gouvernement indien est capable de faire de la magie noire qui lui permet de contrôler le député libéral ou le haut-commissariat canadien en Inde qui ont invité Jaspal Atwal à la soirée », a lancé l’ex-haut-commissaire de l’Inde au Canada, Vishnu Prakash.

« C’est totalement ridicule et démoralisant à entendre, parce que ça augure mal pour les relations entre le Canada et l’Inde. Une relation internationale est bâtie sur la confiance, et celle-ci a clairement été ébranlée », a-t-il ajouté.

Ses commentaires ont aussi trouvé écho chez Achin Vanaik, ancien professeur de relations internationales à l’Université de Delhi.

Cette réaction lui a valu une réponse acerbe du porte-parole du ministère des Affaires étrangères indien mercredi, qui a affirmé que la théorie canadienne est « sans fondements et inacceptable ».

(...) Selon l’ex-employé du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) Michel Juneau-Katsuya, la théorie avancée par le gouvernement canadien relève de « l’amateurisme total » qui aura sans doute des répercussions sur les relations avec l’Inde.

« Justin Trudeau vient de pointer du doigt pour ses propres problèmes le pays qu’il vient tout juste de courtiser pendant son voyage. C’est grossier et drôlement maladroit », analyse-t-il.

Le 22 février, Mathieu Bock-Côté écrit:

Mais Justin Trudeau veut se faire célébrer pour sa modernité et son statut de citoyen du monde décomplexé. Il oublie qu’un homme capable d’emprunter toutes les identités révèle qu’il n’en a aucune.

Et c’est ici que sa manie de se déguiser devient révélatrice d’un trait inquiétant de la mentalité canadienne.

Justin Trudeau l’a déjà dit dans sa célèbre entrevue au New York Times, à l’automne 2015 : pour lui, il n’y a pas de culture fondatrice au Canada, non plus que de noyau identitaire.

Justin Trudeau, c’est le moins qu’on puisse dire, ne croit pas à la thèse des deux peuples fondateurs. Il l’a dit : ce qui caractérise fondamentalement le Canada, c’est sa diversité, qui lui sert d’identité.

Alors selon la cérémonie à laquelle il assiste ou le lieu où il se trouve, Justin Trudeau emprunte l’identité du moment. Le Canada aime croire qu’il est tout : en fait, il n’est rien. Il confond le néant avec l’immensité, et le vide avec la profondeur.
C’est le laboratoire du multiculturalisme radical. Et Justin Trudeau est le Canadien par excellence.

Le 22 février, Sophie Durocher écrit:

Mais l’aspect qui me fait le plus m’esclaffer de cette interminable mascarade, c’est le fait que Trudeau ait invité, à nos frais à tous, un chef canadien d’origine indienne pour aller préparer un repas au Haut Commissariat canadien. 

Si tu représentes le Canada, que tu veux vendre le Canada à l’étranger, tu valorises la gastronomie canadienne. Le saumon fumé, les huîtres de l'Île-du-Prince-Édouard, le sirop d’érable, le gibier, tu mises sur des chefs qui, peu importe leur pays d’origine, font une cuisine qui représente l’inventivité canadienne. L’innovation.

Tu n’invites pas en Inde un chef qui a fait fortune à Vancouver en préparant des samosas, du poulet au beurre et des oignons bhaji. Parce que tes interlocuteurs indiens connaissent déjà tout ça par cœur. Ce n’est pas exotique pour eux, c’est leur quotidien !

Le 23 février, Denise Bombardier écrit:

Nous ne sommes plus dans la poli­tique. Nous sommes au-delà des apparences dans une représentation fantasmagorique de ce qui habite Justin Trudeau, l’homme enfant qui cherche à séduire l’Autre en disparaissant lui-même. En devenant l’Autre à vrai dire.

Ce n’est pas Machiavel ou d’autres penseurs politiques qui peuvent nous éclairer sur les motivations politiques du premier ministre du Canada, mais plutôt Freud et sa théorie de l’inconscient­­­.

(...) Plutôt qu’une visite du chef du gouvernement canadien, c’est à un voyage initiatique de la famille Trudeau qu’on assiste. Personne n’a osé à ce jour commenter l’instrumentalisation que font les Trudeau de leurs enfants, retirés de l’école pour les circons­tances et que l’on voit non sans tristesse mimer des gestes religieux dans les temples visités. Comme s’il s’agissait de joindre les mains pour se transformer en hindous ou en sikhs.

(...) À lire les commentaires de la presse internationale sur notre famille « royale », l’on comprend que le premier ministre Trudeau a ouvert une brèche dans l’engouement qu’il suscitait. Trudeau le jeune, dynamique, ouvert d’esprit et mondialiste à souhait révèle plutôt un aspect plus discutable de lui-même. « Est-il un illuminé ? » se demandait mardi un journaliste français.

(...) La façon dont se sont déroulées les rencontres de cette semaine nous donne l’impression qu’on assiste à un pèlerinage plutôt qu’à un voyage officiel d’un premier ministre en titre.

Le 24 février, Denise Bombardier s'est intéressée de plus près à l'étrange fascination sikhe de Juju, celle-là même qui est au coeur de la pomme de discorde entre le Canada et l'Inde:

Pour des raisons plus ou moins obscures, celle de l’électoralisme étant la plus apparente, Justin Trudeau est fasciné par les sikhs. Ceux-ci, qui représentent le tiers des Indo-Canadiens, ont frappé le gros lot. Le premier ministre en a nommé quatre dans son cabinet. De ces quatre ministres, deux sont soupçonnés par les autorités de l’Inde d’être des sympathisants de la sécession de l’État du Pendjab, berceau du sikhisme. Ils le nient, bien évidemment.

Au cours de sa rencontre avec Justin Trudeau, le chef du gouvernement du Pendjab, Amarinder Singh lui a même donné une liste de neuf sikhs résidant au Canada que les autorités indiennes soupçonnent d’implication dans des crimes haineux en finançant des groupes subversifs et en leur fournissant des armes. 

Le 25 février, La Presse a rapporté les propos d'un politicien indien:

«Est-ce que c'est juste moi ou les (photos) mignonnes chorégraphiées, c'est un peu trop? Aussi, pour votre information, nous ne nous habillons pas comme ça chaque jour, monsieur, même pas à Bollywood», a écrit sur Twitter Omar Abdullah, ministre en chef du gouvernement du Jammu-et-Cachemire - une région de l'Inde.












Mais le bouquet a vraiment été ses propos à propos des séparatistes québécois.

Le 23 février, La Presse rapporte les propos scandaleux de Trudeau (modifiant subséquemment l'article en ligne afin mettre à l'avant le démenti très peu crédible de Juju):

Selon un compte rendu du gouvernement de l'État du Pendjab, Justin Trudeau a affirmé que le Canada appuie de manière sans équivoque une Inde unie. Pour rassurer ses hôtes que le Canada n'entretienne aucune sympathie envers le séparatisme sikh en Inde, le premier ministre Justin Trudeau a affirmé avoir lutté toute sa vie contre le mouvement souverainiste au Québec et qu'il est bien conscient des « dangers de violence » qu'un tel mouvement peut entraîner, toujours selon ce compte rendu.

« Citant le mouvement séparatiste au Québec, Trudeau a dit qu'il avait composé avec de telles menaces durant toute sa vie et qu'il était pleinement conscient des dangers de la violence, des dangers qu'il avait toujours combattus avec toute sa force », a indiqué dans son compte-rendu le conseiller principal pour les médias de M. Singh, Raveen Thukral, au terme de la rencontre.

Le culot extraordinaire de cet homme est vraiment sans borne.

Souvenez-vous, on parle du fils de celui qui a suspendu les libertés individuelles, déclenché les mesures de guerre et permis que des Québécois innocents soient perquisitionnés, arrêtés et emprisonnés sans mandat! Sans parler de la torture psychologique que plusieurs d'entre eux ont subi en prison!

Le 24 février, Mathieu Bock-Côté écrit:

Ajoutons une chose: du simple point de vue de la décence politique, Justin Trudeau s’est montré odieux dans ce voyage, en présentant aux autorités indiennes le mouvement souverainiste québécois comme un mouvement violent et globalement antidémocratique. 

(...) La diabolisation du nationalisme québécois est le repoussoir nécessaire à la célébration du récit enchanté canadien.

(...) On ne doit jamais oublier que cette vision dégradante du Québec est au fondement même du régime canadien de 1982, qui a été pensé par son fondateur comme un cadre civilisateur capable de contenir, de contrôler et de refouler les pulsions antidémocratiques de son propre peuple. Trudeau père était convaincu que les Québécois, laissés à eux-mêmes, étaient étrangers à la démocratie et n’étaient qu’une petite tribu ethnocentrique. Le fils le croit aussi, même s’il n’a manifestement pas les capacités conceptuelles pour expliquer son point de vue. Alors il diabolise à gros traits.

On veut bien croire qu’un peuple n’a pas à surréagir dès qu’on l’insulte, mais les propos calomnieux de Justin Trudeau sont odieux, et c’est la moindre des choses de le dire. Le combat souverainiste est démocratique et la seule fois où une tendance de l’indépendantisme québécois s’est perdue dans l’activisme violent, elle a été condamnée sans nuance par le mouvement national. Pour le reste, de l’occupation militaire du Québec en octobre 1970 à l’attentat du Métropolis, ce ne sont pas les souverainistes qui ont cru aux vertus de la force armée. Il n’était pas inutile de le rappeler.

Denise Bombardier ajoute ceci:

Comme un enfant pris en flagrant délit, il a voulu rassurer son hôte sans doute. Toute sa vie, lui-même avait fait face à des menaces des séparatistes québécois. Il avait combattu cette violence « de toutes ses forces », a-t-il ajouté. 

(...) Le premier ministre du Canada aurait donc comparé en quelque sorte le terrorisme des sécessionnistes sikhs, 80 000 victimes dans un passé récent en Inde, aux souverainistes québécois dont les dirigeants ont toujours dénoncé sans nuance la violence meurtrière d’une poignée de terroristes du FLQ des années soixante et soixante-dix. À l’époque, René Lévesque en a été le plus implacable dénonciateur.

Les élucubrations de Justin Trudeau tentant de couvrir la gaffe de la présence d’un terroriste sikh canadien aux réceptions officielles du Canada en Inde en faisant référence au séparatisme québécois relèvent de l’outrance. 

(...) Rappelons-nous que le fils de celui qui a aboli les libertés civiles au Canada en 1970 n’a jamais, lui, le défenseur des libertés individuelles, émis aucune réserve sur cette période sombre du Canada liberticide.

(...) Souverainiste ou fédéraliste, on doit s’attrister du vide intellectuel et d’une tentative d’éradication de la mémoire collective à l’initiative de Justin Trudeau. 




LE GRAND SILENCE III



La première partie est ici.

La deuxième partie est ici.

TROISIEME PARTIE : THE DAY AFTER

I do not know how the Third World War will be fought, but I can tell you what they will use in the Fourth — rocks !
Albert Einstein

« Quand il ouvrit le troisième sceau, j'entendis le troisième être vivant qui disait: Viens. Je regardai, et voici, parut un cheval noir. Celui qui le montait tenait une balance dans sa main. »
« Et j'entendis au milieu des quatre êtres vivants une voix qui disait: Une mesure de blé pour un denier, et trois mesures d'orge pour un denier; mais ne fais point de mal à l'huile et au vin. »
Apocalypse (6:5-6)

1983 : Le temps s'accélère. Deux ans ont passé depuis « Malevil ». Deux ans passeront encore avant la diffusion par la BBC de « The Bomb ».

L'époque, si elle reflète une inquiétude légitime face au nucléaire n'en montre guère un reflet réaliste d'un point de vue cinématographique.

1981 voit la production d'une émission de télévision de la série « Conflits » intitulée « Les forces nucléaires françaises » (Jean Bescout, 18 minutes) et d'un court-métrage documentaire de Patrick Tessier de 15 minutes : « Supplément au voyage de Bougainville : les armées françaises en Polynésie. »

Coté fiction, le meilleur film post-apocalyptique de cette année là est, et de loin, « Mad Max 2 » :



L'année suivante voit la réalisation de plusieurs documentaires, en grande partie japonais :

« La génération immolée » : Yuzen Yachibana, 20 minutes.

« Hiroshima and Nagasaki, The Harvest of Nuclear War : 48 minutes.

« Prophétie » : Susuma Hani, 40 minutes.

Mais le plus remarquable est certainement « Atomic Café » de K. et Pierce Rafferty et Jane Loader, 88 minutes. Celui-ci présente l'histoire de la bombe avec une touche d'humour noir causée par la distance entre les deux visions de celle-ci de la part du public : celle de l'époque et celle de la création du documentaire. Le film reflète la nostalgie et le cynisme qui prévalent en Amérique alors, suite à la guerre du Vietnam, le scandale du Watergate et l'éternelle guerre froide entre l'Est et l'Ouest.




En fiction, nous avons « Le dernier combat » de Luc Besson (90 minutes).




Et un téléfilm américain en deux parties de D. Greene : « La troisième guerre mondiale » (3 heures).





En 1983, en plus de divers nanards italiens et deux James Bond, nous avons « Der Stand der Dinge », mise en abyme de Wim Wenders (127 minutes), « Silkwood » de Mike Nichols (130 minutes) sur le décès mystérieux de Karen Silkwood en 1974, « Testament » de Lynne Littman (90 minutes) sur un thème qui n'est pas sans rappeler « On the beach ».





Mais aussi, sur un ton moins dramatique « War Games » de John Badham (114 minutes) :




Sur le plan géopolitique, Ronald Reagan est président des États-Unis depuis 1981 et s'est lancé dans le financement du plus vaste programme militaire depuis la guerre de Corée impliquant un accroissement des forces nucléaires permettant d'assurer 1) l'impossibilité de la part de l'URSS de lancer une contre-attaque en cas d'attaque préventive de la part des USA, et 2) la destruction totale des forces et des ressources soviétiques en cas d'attaque surprise de la part de ces derniers.

En août, il licencie 11 000 contrôleurs aériens grévistes, un acte qui trouve en partie sa justification dans l'idée de montrer aux dirigeants soviétiques que, poussé à bout, rien ne l'arrêterait.

Reagan étend également l'embargo contre l'URSS aux technologies.

Dans le reste du monde, la guerre Iran-Irak se poursuit, de même que celle d'Afghanistan, les mois d'avril à juin voient la guerre des Malouines, en juin, c'est l'invasion du Liban par les israéliens et en septembre le massacre de Sabra et Chatila, le mouvement du Sentier Lumineux se développe au Pérou. En URSS, Brejnev décède le 10 novembre et se voit succédé par Iouri Andropov, ancien chef du KGB.

En 1983, Reagan annonce l'Initiative de Défense Stratégique (IDS) et qualifie l'URSS d'  « empire du mal », la guerre Iran-Irak se poursuit, guerres civiles au Soudan et au Sri-Lanka. Le 20 janvier François Mitterrand approuve le déploiement des missiles Pershing en Europe. Le 18 avril, l'ambassade des États-Unis à Beyrouth est attaquée.

Le 22 juillet, fin de l'état de guerre en Pologne. En août, la France intervient dans le conflit tchado-lybien. Le 21, Benigno Aquino est assassiné à l'aéroport de Manille à son retour d'exil. Le 1er septembre, la chasse soviétique abat un Boeing 747 de la Korean Airlines, le 23 octobre deux attentats frappent les forces américaine et française à Beyrouth, le 25 c'est l'invasion de la Grenade.

Le 26 septembre, Stanislav Petrov détecte une fausse alerte nucléaire dans un centre de commandement et évite une riposte nucléaire.





Le 5 octobre, Lech Walesa obtient le prix Nobel de la Paix, mais ne peut aller le chercher.

Du 2 au 11 novembre, exercice militaire « Able Archer 83 » en Europe. Le niveau de réalisme est tel dans un environnement international tendu que les soviétiques craignent une première frappe américaine et se mettent en état d'alerte maximum. « Able Archer » se base sur un soutien accru de « Orange » envers l'Iran, suivi de l'envoi de conseillers militaires de « Bleu » dans les états du Golfe Persique et l'augmentation de sa présence navale. Des troubles éclatent en Europe de l'Est et en Yougoslavie. Invasion de la Yougoslavie et de la Finlande par Orange, puis de l'Allemagne. Utilisation d'armes chimiques par Orange et réplique nucléaire de Bleu.

Durant cet exercice, l'état d'alerte des missiles nucléaires soviétiques fut ramené au niveau « combat » et les forces soviétiques ne cessèrent d'augmenter leur niveau d'alerte.

En décembre, nouvel attentat contre les forces françaises au Liban.

Le 8 août 1945, Albert Camus, dans son éditorial de « Combat » écrit à propos de la bombe : « qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. »

Au mois d'octobre, Jean-Paul Sartre écrit dans « Temps Modernes » que  désormais« l’humanité (est) en possession de sa propre mort. »







Dans un discours, le 25 septembre 1961, John Fitzgerald Kennedy déclare  : « Chaque homme, chaque femme et chaque enfant vit sous le coup d’une épée de Damoclès atomique suspendue par le plus fin des fils, susceptible d’être coupé à n’importe quel moment par accident, erreur ou folie ». Le 13 août, le gouvernement est-allemand a entamé la construction du mur de Berlin. Or Kennedy ne s'y est pas opposé, en échange du déploiement de missiles américains en Grèce et en Turquie.

Son successeur, Lyndon B. Johnson arrive à la conclusion en 1964 qu'un arsenal dépassant les 450 missiles Minuteman  représente à la fois un excès de capacité destructrice mais aussi un gaspillage financier.

De son côté, le secrétaire à la Défense Robert McNamara réclame le déploiement de 10 000 Minuteman (il se contentera de 1 000). Le même McNamara déclarera, toujours en 1964, qu'une capacité de 400 mégatonnes suffisait à la stratégie de « destruction mutuelle assurée » (les stocks américains atteignaient les 17 000 mégatonnes).

En 1965, l'arsenal américain atteint 32 000 armes. Les rivalités entre l'armée de terre, l'US Air Force et l'US Navy ont amené à la conception, entre 1945 et 1991, de 65 modèles de bombes et têtes nucléaires, pour 116 types de vecteurs différents.

Le développement de l'arsenal militaire américain est vu comme une mesure d'économie. Selon Stephen Schwartz : « si 10 kilos d'explosifs conventionnels peuvent tuer ou blesser 100 personnes, 10 kilos de plutonium peuvent tuer ou blesser 100 000 personnes. »

De même, le représentant Brian McMahon, premier dirigeant du « Joint Committee on Atomic Energy » déclarait devant le Sénat, le 18 septembre 1951 que ces « armes effroyables » déployées par milliers, dissuaderaient Staline jusqu'à ce que « ses millions d'esclaves brisent leurs chaînes et se joignent à nous dans la paix et la fraternité ».

« Pulvériser une douzaine d'usines de guerre ennemies à coups de bombes atomiques ne coûterait pas plus cher que d'en détruire une seule avec des bombes conventionnelles, sans parler du fait qu'un seul avion suffit pour lancer une bombe A, quand le transport de la charge équivalente de TNT nécessite une immense flotte aérienne. »

Par ailleurs, au cas où l'ennemi « oserait nous attaquer, il ne pourrait trouver aucun refuge où nous échapper ». En outre, déclarait-il encore, les forces nucléaires, " en bonne logique et suivant le sens commun ", permettraient une diminution du nombre d'Américains sous les armes et " une réduction massive des dizaines de milliards de dollars que nous aurions autrement à dépenser en stocks d'armes conventionnelles ".

A l'époque, ces arguments ont été contestés par diverses autorités militaires. Moins de deux années plus tard, le général Matthew B. Ridgway, commandant en chef des forces alliées en Europe, indiquait ainsi que " les nouvelles armes nucléaires tactiques exigeraient plus de personnel, mais augmenteraient aussi le prix à payer par le contribuable pour la défense ". Et son successeur, le général Alfred B. Gruenther, vieil ami et partenaire de bridge du président Eisenhower, ajoutait que " les nouvelles armes ont souvent pour effet de créer de nouveaux problèmes et de nouvelles tâches, sans pour autant éliminer ceux auxquels nous étions précédemment confrontés ".

« The day after » est, à l'origine un projet télévisé de la chaine ABC et tout particulièrement de Brandon Stoddard, président de ABC Motion Picture Divison. Le film bénéficia d'une sortie en salle en dehors des USA et c'est à cette occasion que je le vis pour la première fois, malgré des critiques souvent défavorables. Des années plus tard, étudiant à l'UQAM, j'empruntais la VHS qui comportait un avertissement, prévenant de la médiocrité du film. Ce jugement définitif me fut confirmé par le jeune homme au comptoir d'emprunt. Décidément ! Pourquoi tant de haine ?

Peut-être parce qu'il n'y a rien de plus « banal » qu'un film sur la guerre nucléaire, rien qui manque plus d'imagination. Pas d'invasion extra-terrestre, pas de combat divin entre le bien et le mal. Ici, le destin du monde repose entièrement entre nos mains. On pourrait presque parler de « banalité du mal », ou du moins d'indifférence. Dans le film « Testament », sorti à la même époque, et qui se déroule dans la ville fictive de Hamlin, on peut voir la représentation d'une pièce consacrée au fameux joueur de flute par des enfants survivants.

Se pose alors la question de la culpabilité. Les habitants de Hamlin perdent leurs enfants pour avoir refusé de verser leur dû au joueur. Ceux du film sont peut-être coupables d'avoir ignoré qu'ils étaient heureux, coupables d'en avoir voulu plus. Comme l'écrit Hélène Puiseux (« L'Apocalypse Nucléaire et son Cinéma » - 7RT, 1987), ce film « condamne le bovarysme moderne des nantis ».

« En caricaturant à peine, le film conduit à penser que si Carol n'avait pas grogné en sortant sa poubelle, rien ne serait arrivé. »
(Ibid.)

L'idée d'un téléfilm sur la troisième guerre mondiale vient à Brandon Stoddard suite au visionnement de « The China Syndrome ». Son vice-président, Stu Samuels invente le titre « The Day After » afin d'insister sur le fait qu'il s'agit plus d'un film sur les conséquences de la guerre nucléaire que celle-ci en tant que telle.


Le script original met l'accent plus sur la destruction de la « Whiteman Air Force Base » que sur celle de la ville de Kansas City. L'action du film doit également se dérouler dans une ville fictive appelée « Hampton ». Au cours de la recherche d'un lieu de tournage approprié, le scénariste Edward Hume et le producteur Robert Papazian choisissent la ville de Lawrence pour la présence d'une université, d'un hôpital, de terrains de football et de basket, des fermes et un terrain plat. Les résidents demandèrent et obtinrent que « Hampton » devienne « Lawrence » dans le script.

Lawrence devait se révéler un site de tournage idéal pour de multiples raisons : les habitants se révélèrent d'enthousiastes collaborateurs, la ville se trouvait virtuellement au centre des États-Unis et se révéla enfin être une cible principale en cas d'attaque en raison de la présence sur place de 150 silos de missiles Minuteman.

Dès le début, le projet dut faire face à certaines controverses, de même qu'au problème de la représentation des explosions nucléaires, nécessitant la création d'effets spéciaux inédits. Le réalisateur Robert Butler travailla plusieurs mois sur le script et les story-boards avant d'abandonner le projet en raison de conflits contractuels. Nicolas Meyer, qui venait de réaliser « Star Trek II : The Wrath of Khan » (le meilleur film de cette série à ce jour à mon humble avis) fut approché pour le remplacer. Il accepta cette assignation malgré des craintes de censure du projet.

Meyer s'assura que cela n'arriverait pas tout en s'efforçant d'éviter au maximum de faire de « The Day After » un film catastrophe classique, ce qui aurait atténué son impact. Il refusa également la présence d'acteurs célèbres, mais s'accorda avec la production sur la présence de Jason Robards, un nom qui attirerait les spectateurs européens dans les salles. Cela étant entendu, à l'époque, je reconnus plusieurs acteurs dont au moins les visages m'étaient familiers pour les avoir déjà vus au cinéma où à la télévision : John Lithgow, Bibi Besch, Steve Guttenberg, Amy Madigan, John Cullum, Jeff East...

Meyer se lança dans d'importantes recherches sur les conséquences d'un conflit nucléaire, recherches qui le rendirent pessimiste à l'idée d'un tel événement qu'il en devint littéralement malade.

Au cours d'un voyage à Kansas-City, Meyer et Papazian visitèrent les locaux de la « Federal Emergency Management Agency » (FEMA). Interrogé sur les plans pour survivre à une attaque nucléaire, un responsable répondit que la FEMA expérimentait avec la publication d'instructions d'évacuation dans les annuaires du téléphone de Nouvelle Angleterre. « Dans environ six ans, tous le monde devrait les avoir. » Cette rencontre conduisit par la suite Meyer à parler de la FEMA comme d'« une blague totale » (22 ans avant Katrina).

Le projet provoqua également d'intenses conflits entre Meyer et Papazian d'une part et les censeurs d'autres part. Par ailleurs, le Ministère de la Défense accepta de soutenir le projet à condition qu'il soit spécifié que les soviétiques étaient les agresseurs, ce que les deux hommes se refusaient à faire.

Par ailleurs, Meyer, Papazian et Hume consacrèrent une bonne partie de 1982 à compléter la distribution, cherchant à embaucher un maximum de locaux plutôt que des professionnels hollywoodiens. Ainsi, sur 80 personnages environ, seuls 15 devaient provenir de Los Angeles.

Les figurants furent payés $ 75 pour se faire raser le crane et porter des prothèses de latex simulant des brulures. On leur demanda également de ne pas se laver jusqu'à la fin du tournage (du 16 août au 11 septembre 1982). Une scène de panique dans un supermarché provoqua la fuite d'un client et de son fils, apparemment inconscients de l'existence du tournage.

Le montage fut une épreuve douloureuse pour Nicholas Meyer, les censeurs de ABC imposant leur droit de regard pour couper des scènes jugées trop longues et ralentissant le rythme du film.

ABC projetait de programmer le film en deux parties pour une durée totale de trois heures sans coupures commerciales. Meyer proposa de son côté de retrancher une heure et de diffuser le film en une seule fois. La chaine céda lorsqu'elle s'aperçut de la difficulté de trouver des commanditaires. Meyer produisit alors une version de 140 minutes. Les responsables semblèrent profondément affectés par le résultat et Meyer fut convaincu d'avoir réussi à les satisfaire.

Malheureusement, un conflit de six mois s'ensuivit au cours duquel la chaine fit pression pour réduire encore la durée du film. En conséquence, Meyer prit la porte et son monteur Bill Dornisch fut licencié. De nouveaux monteurs furent impliqués mais la chaine se montra insatisfaite de leurs versions. Finalement, Meyer fut rappelé et un compromis fut obtenu sur une version de 120 minutes.






Programmé pour mai 1983, la projection de « The Day After » fut repoussée au mois de novembre. Trois scènes furent encore coupées sur ordre des censeurs : celle d'un enfant faisant un cauchemar sur l'apocalypse nucléaire, celle d'un patient de l'hôpital se réveillant hurlant et une du personnage de Denise tenant un diaphragme.

Meyer persuada les responsables de ABC de rendre hommage dans le générique au habitants de Lawrence et d'ajouter un avertissement sur le fait que le film minimisait les conséquences d'une guerre nucléaire pour les besoins de l'histoire, tout en rajoutant une liste de livres sur le sujet.

Présenté pour la première fois le 20 novembre 1983, le film fut précédé d'un avertissement de l'acteur John Cullum (Jim Dahlberg), interpellant le public sur le contenu particulièrement violent de l'œuvre et encourageant les parents de jeunes enfants à regarder celui-ci en famille et d'en discuter ensuite.





Des lignes 1-800 furent mises en place afin de permettre au public de communiquer avec des psychologues.

Un débat suivit le film, animé par le journaliste Ted Koppel et réunissant le scientifique Carl Sagan, l'ex secrétaire d'état Henry Kissinger, Elie Wiesel, l'ex secrétaire à la Défense Robert McNamara, le général Brent Scowcroft et le commentateur conservateur William F. Buckley, Jr. Sagan décrivit la course aux armements en ces termes : « Imaginez une pièce remplie d'essence, et cette pièce renferme deux ennemis implacables. L'un a neuf mille allumettes, l'autre sept mille. Chacun d'eux ne se préoccupe que de savoir qui est en tête, qui est le plus fort. »





Un psychothérapeute prit des consultations de la part de spectateurs à la « Shawnee Mission East High School » de Kansas City et des manifestations pour la paix se tinrent au « Penn Valley Park » et à l'université de Lawrence.

Une semaine avant la diffusion du film, un groupe conservateur : « Citizens for America » publia le communiqué suivant : « Notre réponse à cette démonstration de propagande pour le gel de nos forces nucléaires doit être rapide et convaincante. Le président Reagan a présenté à ce pays l'unique option face à un désastre nucléaire : la construction d'un système de défense stratégique pouvant protéger le monde libre d'une agression sans recourir à la menace de l'annihilation comme moyen dissuasif. »

Le film fut largement commenté dans les médias notamment le Time, Newsweek, U.S. News & World Report et T.V. Guide le présentant comme sensationnaliste ou au contraire en-dessous de la réalité. Il reçut douze nominations et reçut deux « Emmy ».

Cent millions d'américains le virent et il fut diffusé en salle à travers le monde, y compris dans le Bloc de l'Est, la Chine, la Corée du Nord et Cuba.

Le commentateur politique Ben Stein écrivit dans le « Los Angeles Herald Examiner » un texte critiquant le message du film et posant la question de la vie en Amérique sous domination Soviétique. Cet article mena ultimement à la création par ABC de la mini-série « Amerika ».

Le « New-York Post » accusa Meyer de traitrise et demanda : « Pourquoi Nicholas Meyer fait-il le travail de Youri Andropov ? » Le néoconservateur Richard Grenier accusa le film dans le « National Review » d'être « antipatriotique » et de promouvoir un comportement pro-soviétique.

En 2016, le critique Matt Zoller Seitz nomma dans « TV (The Book) « The Day After » le quatrième plus grand téléfilm américain de tous les temps. « Fort probablement le plus sombre téléfilm jamais projeté, « The Day After » est une proclamation résolument anti-guerre entièrement consacrée à montrer au public ce qui arriverait si des armes nucléaires étaient utilisées contre des populations civiles aux États-Unis.

Le film s'ouvre sur une séquence se déroulant sur la base aérienne du SAC d'Omaha, au Nebraska, à 194 miles au nord de Kansas City, Missouri alors qu'un appareil de type KC-135, version militaire du Dash 80 s'apprête à décoller, emmenant avec lui le général Sumter.

C'est la première partie du film, qui sera divisée en trois : l'avant, le pendant et l'après. Celle-ci constitue une mise-en-place du décors et des principaux acteurs. L'essentiel de l'action tournera autour de quatre cellules familiales :

les Oakes : lui médecin, elle femme au foyer, deux enfants dont une adulte et un étudiant,
les Dahlberg : fermiers, trois enfants, l'ainée sur le point de se marier, une fille d'environ treize ans et un garçon de dix,
les Hendry : fermiers également, deux enfants en bas âge, un garçon et une fille,
les McCoy : lui, membre du SAC, elle femme au foyer à la base avec leur bébé.

De nombreux lieux figurant l'intimité ou la vie professionnelle seront montrés : résidences avec chambres à coucher, salles de bains, coiffeuses, cuisines, télévisions omniprésentes ; lieux de travail : base militaire, silos, université, hôpital, boutique de coiffeur, supermarché, station-service.

Le réalisateur prend le soin de montrer le tissu d'une région et d'une ville (Kansas-City) : musée, bibliothèque, campus, banlieue, terrains de sport, fermes, silos à grains et silos à missiles. Il y a un parti pris de « normalité ».

D'emblée, on peut noter une petite erreur : le KC-135 montré dans le premier plan de l'extérieur a ses réacteurs protégés par de jolies bâches rouges. Oups, quelqu'un a oublié d'enlever l'emballage cadeau. Cet appareil destiné au ravitaillement en vol était considéré comme le « couteau suisse » de l'Air Force et ses utilisations furent multiples et variées (tel le « Rivet Joint » de reconnaissance électromagnétique).

Selon un militaire, il est 4 heures 15 du matin. Le président se trouve à Camp David, le commandant en chef des forces américaines en Europe est en déplacement jusqu'au 21.

L'équipage doit observer les éventuels déplacements de sous-marins nucléaires au large des côtes ouest et est.

Alors que l'appareil décolle, on découvre la superbe vision des terres du Mid-West à basse altitude : cultures, fermes, voies ferrées, terrains de sport et la tranquille petite ville de Lawrence avec son université, puis Kansas City au loin, ranche, usine laitière, terrain de football, le mémorial « Liberty », Kansas City elle-même avec ses lieux emblématiques. Scènes classiques de gens vaquant à leurs occupations : travail, jeux, école, bourse locale. C'est une belle journée d'été.

Les premières nouvelles de l'orage à venir nous sont données par la télévision dans la salle d'échanges boursiers, dans l'indifférence générale. L'URSS s'est vu imposer des sanctions économiques, cependant qu'il intensifie sa présence militaire le long de la frontière ouest-allemande. Ce regroupement est présenté comme des manœuvres militaires. L'ambassadeur des USA a répondu que « Ces explications étaient inacceptables et que ces manœuvres étaient une provocation. »

En direct, on assiste à la réponse de l'ambassadeur soviétique : « Une provocation ? C'est vous qui parlez de provocation ? Pourtant c'est vous les américains qui avez amassés 260 000 hommes et 7 000 engins nucléaires juste de l'autre côté de notre frontière, alors ne me parlez pas de provocation. »

On passe ensuite au Memorial General Hospital de Kansas City. Le Dr. Russel Oakes (Jason Robards) discute d'une prochaine opération du cœur avec son collègue, le Dr. Sam Hachiya (Calvin Jung). Celui-ci l'informe qu'il ne pourra pas procéder à l'opération car il doit se rendre à Lawrence.

Suit une séquence à bord d'un hélicoptère de l'US Air Force, transportant quatre militaires du SAC, assignés à un silo nucléaire. Trois d'entre eux se montrent particulièrement joyeux, tout est tranquille à l'horizon. Le première classe Billy McCoy (William Allen Young) se réjouit de prendre trente jours de permission. Le quatrième membre de son équipe vient doucher son enthousiasme, l'enjoignant de ne pas « faire trop de projets pour l'instant » en désignant la « une » de son journal, consacrée aux manœuvres du Pacte de Varsovie.

L'hélicoptère survole la ferme des Dahlberg, à Harrisonville, à 40 miles au sud-est de Kansas City. Denise Dahlberg (Lori Lethin) et son fiancé Bruce Gallatin (Jeff East) en sortent précipitamment, tout échevelés. On devine qu'ils n'ont pas attendu le mariage pour commencer à pratiquer. Bien qu'on ne soit pas dans le même genre de film, on se permettra de rappeler que dans les films d'horreur, ce genre d'activité est plutôt mal vue et ne rapporte la plupart du temps que des ennuis.

De fait, ils sont déjà en retard pour la répétition de leur mariage à l'Église de la Fraternité où les attendent les Dahlberg : Jim (John Cullum) et Eve (Bibi Besch) les parents, Danny (Doug Scott) et Joleen (Helen Anthony) les enfants.

Pendant ce temps, l'hélicoptère atterrit sur le site de lancement « Oscar » à Sweetsage, 20 miles de Kansas City. L'équipe de relève rejoint ses binômes au fond du Silo. Tout est normal à l'exception d'un missile sur lequel travaille l'équipe d'entretien. Le missile en question est présenté sur une musique triomphante, puis le « Liberty Memorial » se superpose à celui-ci.

Le Dr. Oakes discute avec sa fille Marylin (Kyle Aletter). Celle-ci l'emmène au musée. « On dirait que tu hésites à me dire quelque chose... » dit Robards. Meyer place cette conversation devant un tableau de Joseph Ducreux : « Le Discret ».

Marylin annonce à son père son intention de déménager à Boston avec « Gary ». Elle projette d'en faire l'annonce à sa mère le lendemain.

On passe à la ferme des Hendry, à Sweetsage. Celle-ci est toute proche du silo auquel est assignée l'équipe de l'hélicoptère. Dennis Hendry (Clayton Day) rentre son tracteur, sa femme Ellen (Anthonie Becker) va mettre à sécher le linge sur les cordes, accompagnée de leurs deux enfants. On peut deviner qu'il y a peut-être certains sentiments entre Ellen et Billy McCoy.

Plus tard, Ellen passe le fer à repasser tout en regardant un débat télévisé sur la crise en Europe qui serait due au déploiement de missiles Pershing II et à moyenne portée. L'un des intervenants explique que les USA ne sont sans doute pas près à « sacrifier Boston pour Hambourg ».

D'autres nouvelles nous sont données par l'intermédiaire de l'autoradio du véhicule de Oakes : déploiement de forces soviétiques, protestations des USA à l'ONU, contre-accusations soviétiques. Le docteur retrouve son épouse Helen (Georgann Johnson) dans leur coquette maison de banlieue. Leur fils (que l'on ne verra que dans une courte scène d'entrainement au football) est absent. La montre d'Helen indique presque 19 heures 30, mais inversée, la grande aiguille semble proche de minuit, une référence à l'horloge de l'apocalypse ?

Leur discussion est interrompue par un bulletin spécial à la télévision. Le présentateur fait état du blocus de Berlin-Ouest et de la rébellion d'unités des forces Est-Allemandes.

La nuit est tombée sur la ferme des Dahlberg. Bruce et Denise se bécotent dans la grange. Denise va chercher son diaphragme, mais sa petite sœur s'est amusée à le cacher. Jim regarde un matche de base-ball à la télé lorsque le programme est interrompu par un nouveau bulletin spécial : le blocus de Berlin est désormais étendu à l'espace aérien : « C'est une violation délibérée et inadmissible du droit international ont déclaré les ministres des affaires étrangères membres de l'OTAN. » Le présentateur annonce également que si l'aéroport de Berlin n'était pas réouvert à 6 heures du matin, heure allemande, « cet incident serait considéré comme un acte de guerre. » Le président a annoncé que les forces armées étaient en état « DEFCON-2 » et l'ambassadeur soviétique à Washington a été convoqué à la Maison Blanche.

De leur coté, les Oakes se remémorent les événements de 1962 : « En tout cas, je suis sûre que nous avons fait Marilyn ce jour là » dit Helen.

« On s'est levé et on s'est mis à la fenêtre pour attendre les bombes. »

« Qui ne sont pas venues. Si ça arrivait maintenant ? »

« Non, les gens sont cinglés, mais pas à ce point là. »

Leurs voisins ont filé à Guadalajaja.

Les uns passent cette dernière soirée dans l'insouciance, les autres regardent le ciel, attendant.

On passe au foyer des McCoy à la base de l'Air Force de Whiteman à Sedalia, à 85 miles de Kansas City. Billy a été rappelé et sa femme Maureen est furieuse et paniquée à la fois.

Voilà nos quatre hommes de retour dans leur hélicoptère, mais l'ambiance n'est plus la même.

Le 16 septembre. Les Dahlberg vaquent à leurs occupations, le Dr. Oakes ramasse son journal qui titre : « Berlin Blockade » et en-dessous « NATO Ultimatum ». Il est 5 heures 30 à Kansas City, donc 12 heures 30 à Berlin. La radio annonce que le porte-parole de la Maison-Blanche a nié toute intervention militaire tout en déclarant que les USA resteraient fidèles à leurs alliés de l'OTAN.

Bruce ramène Denise à la ferme. Son père n'est pas très heureux du comportement de sa fille qui se marie le lendemain.

En route vers son hôpital, le Dr. Oakes écoute la radio. Les nouvelles sont alarmantes : les combats pour forcer le blocus de Berlin ont commencé. Plus tard, un collègue lui annonce que les russes évacueraient Moscou et que des habitants de Kansas-City quitteraient la ville. (…)On ne parle plus d'Hiroshima, maintenant. Hiroshima c'était... du pipi de chat. »

« Qu'est-ce qui nous arrive ? Est-ce que tu sais ? Ce qui est à l'origine de cette folie sur terre ? »

« Oui, l'imbécilité. C'est la tare la plus répandue sur Terre ! »

Une réflexion qui renvoie à la célèbre citation d'Einstein : « Deux choses sont infinies : l'Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l'Univers, je n'en ai pas encore acquis la certitude absolue. »

Tandis que Oakes tente d'appeller sa femme, la radio annonce que le Kremlin a officiellement donné l'ordre d'évacuer Moscou.

Suit une séquence à l'université du Kansas à Lawrence, à 38 miles à l'ouest de Kansas-City où se rend Bruce à moto. Le docteur Hachiya se voit informer par l'infirmière Nancy Bauer (JoBeth Williams) que le directeur de l'hôpital a besoin d'un médecin pour informer tout le personnel de la marche à suivre en cas d'évacuation, mais celui-ci doit évaluer la santé physique de 120 hommes appelés sous les drapeaux. Parmi eux, Stephen Klein (Steve Guttenberg), étudiant en première année de médecine.

A l'université, Bruce apprend que les russes ont envahi l'Allemagne de l'Ouest. A la télévision, un présentateur explique que les forces soviétiques ont bousculé celles de l'OTAN et que l'organisation alliée n'a pas exclu l'utilisation d'armes nucléaires tactiques.

Des étudiants débattent. L'un fait référence au feuilleton d'Orson Welles « La Guerre des Mondes » qui avait déclenché une panique en 1938. Son interlocutrice lui fait remarquer qu'on n'a rien fait pour les Tchèques, les Hongrois, les Afghans ou les Polonais. « Je vous garantit qu'on ne vitrifiera pas les Russes pour sauver les Allemands. C'est vrai que s'il s'agissait de sauver notre pétrole en Arabie, là on pourrait s'inquiéter. »

Bruce s'en va chez le coiffeur. Stephen fait du stop pour rejoindre Joplin et se fait prendre par un homme armé d'un fusil. Des bouchons se forment.

Dans le salon de coiffure, des clients discutent de la situation. Parmi ceux-ci Joe Huxley (John Lithgow).

Bruce : « Ben, vous croyez vraiment qu'il y ait des chances que des bombes nous tombent dessus ici, dans ce trou perdu du Kansas ? »

Joe : « Ce trou perdu ? Ah, Ah, Ah, Ah. Les trous perdus, ça n'existe plus. Vous êtes juste à côté de la base aérienne de Whitman où il y a à peu près 150 silos de missiles Minuteman alignés sur une zone qui va jusqu'à la moitié du Missouri. Alors vous savez... C'est pas les cibles qui manquent dans la région. »

De son côté, le Dr. Oakes est pris dans les bouchons. La radio annonce l'explosion d'engins nucléaires à Wiesbaden (siège des forces aériennes de l'OTAN en Europe) et dans la banlieue de Francfort (à proximité de la base de Rammstein). Le programme est interrompu par un message du Centre de Radiodiffusion de la Défense Civile : les habitants de la région de Kansas-City sont appelés à se rendre dans les lieux marqués « abri ».

Après avoir aidé à protéger le sous-sol de l'église, Jim Dahlberg rentre chez lui avec son fils en lui donnant pour instruction de remplir d'eau des bidons de lait. Le Dr. Oakes fait la queue, en vain, pour accéder à une cabine. Dans les supermarchés, les clients se jettent sur tout ce qui est comestible. Bruce se trouve à la caisse lorsqu'un client l'informe que les Russes ont « coulé un de nos bateaux dans le Golfe Persique. (...) Mais on a finit par leur couler un de leurs bateaux. »

Cette annonce pousse Bruce à ré-enfourcher sa moto en urgence.

Chez les Hendry, c'est l'heure de manger, mais Dennis a autre chose en tête, emmenant Ellen à l'étage sans prêter attention à l'annonce à la télévision (religieusement regardée par les enfants) que « les Etats-Unis ont procédé à l'explosion aérienne de trois engins nucléaires d'intensité moyenne ce matin au-dessus d'unités soviétiques dans la région... »

Coupe sur le personnel d'une base aérienne se ruant vers leurs véhicules au son de l'alarme, en direction de B-52.

Les enfants continuent à écouter les nouvelles, inconscients de ce qui se prépare.

Les B-52 décollent.

« Une bombe nucléaire de puissance indéterminée a explosé sur le quartier général régional de l'OTAN. »

A la ferme des Dahlberg, Danny remplit des bidons tandis qu'une trainée blanche traverse le ciel. Jim entrepose des vivres au sous-sol et s'enquiert de ses filles auprès de sa femme qui ne semble nullement préoccupée de la situation : « Je sais que tu es très occupée, mais je te signale que tout le pays est en état d'urgence. »

« Hé bien, il sera en état d'urgence sans moi parce que tu sais que ta fille se marie demain et que j'ai 67 bouches à nourrir ? (...)Si on t'écoutait, on croirait que c'est la fin du monde. »

Arrive Joleen qui a entendu à la radio « qu'il y aurait peut-être une guerre. Il a dit qu'il fallait débrancher toutes les radios et les appareils électriques. »

Dans une base, le personnel se hâte de monter les têtes de missiles, tandis que l'appareil de commandement du SAC survole le Kansas. A bord, le général Sumter s'entend dire qu'il lui faut sortir « les clefs et les documents d'identification. »

C'est la deuxième partie du film. La plus courte.

Les Dahlberg se hâtent d'organiser leur abri souterrain. Stephen se fait déposer à un carrefour en pleine campagne. Tout est extraordinairement calme et silencieux excepté le son des grillons. Dans les prés paissent des vaches. Dans un autre, un cheval blanc solitaire. On songe à « Apocalypse 6:2) :
« Je regardai, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait avait un arc; une couronne lui fut donnée, et il partit en vainqueur et pour vaincre. »

Le calme de ce paysage contraste avec le chaos qui règne à l'intérieur d'un silo dont le personnel s'apprête à faire décoller le Minuteman sous sa responsabilité. Les ordres fusent à toute vitesse dans le tonnerre des klaxons. Les opérateurs procèdent au déverrouillage et entament le compte à rebours. Ces dernières scènes, ainsi que celles à bord du KC-135 et le décollage des B-52 sont en fait extraites d'un documentaire de PBS de 1979, appelé « First Strike ». Dans ce film, le silo est détruit avant que ses opérateurs puissent lancer leur missile, d'où l'interruption du compte à rebours dans « The Day After ».





Dans ce court-métrage, la guerre-éclair a pour résultat la quasi annihilation des forces nucléaires américaines et la mort de huit millions d'américains. Le président n'a pas d'autre choix que de consentir à un cessez-le-feu unilatéral.

Chez les Hendry, Ellen procède à sa toilette après l'amour lorsque la maison est secouée comme par un tremblement de terre. Dehors un jet de flamme jaillit de terre. Le missile près de chez eux est en pleine phase de décollage. L'un après l'autre, d'autres missiles suivent Ces images proviennent de tests de lancement d'ICBM provenant de films déclassifiés de la bibliothèque du Ministère de la Défense.

Les habitants de la région observent médusés les trainées blanches qui s'élèvent dans le ciel. Jim Dahlberg est contraint de trainer au sous-sol sa femme en plein déni et occupée à faire les lits.

Billy et ses collègues arrivent en trombe à leur silo. Il n'y a plus de nouvelles, plus d'ordres, plus d'instructions sinon celles qu'on leur a inculqué dans un tel cas de figure : en gros, rester à son poste et attendre les hélicoptères.

« La guerre, c'est terminé. Terminé. Nous on a fait notre job. Alors qu'est-ce que tu gardes encore, hein ? Leur putain de silo à la con en attendant que ça te tombe sur le coin de la gueule ? »

L'équipe en place est enfermée à l'intérieur et ne les  laisseront jamais entrer.  Billy propose de descendre par l'échelle jusqu'à l'ascenseur mais, au dernier moment, il refuse de se joindre à ses camarades et s'enfuit.

Le Dr. Oakes se dirige vers Kansas-City. Tandis que la route est vide devant et derrière lui, sur les files de gauche, c'est un interminable bouchon. Après les communications, c'est le réseau de circulation qui s'effondre, avant même que la première bombe ait explosé.

Au stade de foot de Lawrence, Joe Huxley contemple les tracées blanches des missiles en compagnie de deux étudiants.

« Qu'est-ce que c'est que ça ? »

« C'est des missiles Minuteman. »

« Mais qu'est ce qu'ils font ? C'est un exercice ? »

« Ils sont en route pour la Russie. Il leur faut à peu près trente minutes pour atteindre leur cible. »

« Et ceux des Russes ? Pareil ? »

A bord du KC-135, on relève « 32 trajectoires repérées et dix traces d'impact. » On confirme une « attaque massive contre les États-Unis. »

« Plus de 300 missiles en approche. »

A Kansas-City, les sirènes se mettent à hurler. Par hauts-parleurs, on intime l'ordre à la population de se rendre aux abris. Les gens courent dans les rues comme des fourmis affolées. Certaines de ces scènes auraient été empruntées au film « Two-Minute Warning » de Larry Peerce.





Marilyn se réfugie dans les sous-sols du musée. Une cloche se met à sonner comme un ultime avertissement, puis une sirène alors que la foule court vers un improbable salut.

Kansas-City nous est montrée à l'horizon, puis une série de zooms arrières nous la montre de plus en plus lointaine. Et puis c'est le blanc. Comme une masse énorme qui semble descendre du ciel pour écraser la ville. Une onde thermique se déplaçant à la vitesse de la lumière. Tous les appareils, tous les véhicules s'arrêtent brutalement. Il est près de 15 heures 40. Un missile vient de détonner au-dessus de Kansas-City. Le premier indice en est l'Impulsion Electromagnétique (EMP) qui a pour effet de détruire toutes les installations électriques et électroniques non protégées. Partout, tout s'éteint, tout s'arrête.

Les différents conducteurs tentent sans succès de redémarrer leur véhicule. Seul Billy réalise ce qui se passe et se précipite en courant vers les bois proches.

Et puis l'éclair, l'horizon s'enflamme. Une lueur blanche aveuglante, un rugissement, suivi de la masse rouge-orangée d'un champignon nucléaire s'élevant dans le ciel.

A l'époque du tournage, le gouvernement américain insista pour qu'il soit clairement exprimé que les soviétiques étaient responsables de la première frappe. Devant le refus de l'équipe du film, celui-ci lui refusa l'utilisation d'images d'archives. La production eut alors recours à des effets spéciaux résultant dans la vision d'un nuage atomique crédible. L'effet fut obtenu en injectant de la peinture à l'huile et de l'encre dans un aquarium à l'aide d'un piston, le tout filmé à l'aide d'une caméra placée à l'envers. Le résultat fut optiquement modifié avec inversion des contrastes. L'aquarium utilisé fut celui de la « Nébuleuse Mutara » de « Star Trek II ».








La responsabilité des uns et des autres est éludée, comme dans « Malevil » et la question de savoir qui a « gagné » n'a que peu d'importance face à l'ampleur de la catastrophe.

A Kansas City, les immeubles en flammes s'effondrent broyant les habitants avant que la tempête de feu ne les réduise en cendres. Suit une deuxième explosion, puis une troisième.

Chez les Dahlberg, le jeune Danny a les rétines brulées par un éclair. Bruce et Marilyn font partie des victimes. Les Hendry sont victime de la proximité de leur ferme avec les silos. Stephen, errant dans Harrisonville abandonnée se réfugie dans un magasin.

Certaines images furent empruntées à des dossiers déclassifiés, des nouvelles et des films « Meteor » (1979), « Superman » (1978) et « Damnation Alley » (1977).





Il semble que huit minutes et demi de scènes extrêmement graphiques sur les conséquences d'une explosion nucléaire sur les corps humains et de survivants suffocant dans leurs abris aient été coupées.

Après les incendies, la pluie radioactive. Il semble que l'on ait utilisé du maïs soufflé pour ces scènes.

Nous arrivons à la troisième et dernière partie du film : l'après.

Les Dahlberg sont enfermés dans leur cave. Joleen s'inquiète du sort de leur chien Rusty resté dehors. Son père, qui a tenté sans succès de capter quelque chose à la radio, lui explique qu'il ignore combien de temps ils devront rester ici.

« Je ne sais rien sur les effets des radiations. »

« C'est quoi ça les radiations ? »

Des survivants errent dans les rues ravagées de Lawrence. Parmi eux, le Dr. Oakes.

Au pavillon des sciences fondamentales de l'université de Lawrence, le professeur Huxley tente de fabriquer un poste émetteur de fortune avec l'aide des étudiants vus précédemment. A l'extérieur, une étudiante risque sa vie pour tenter de rebrancher l'antenne. Le détecteur de rayons X crachote violemment.

Le Dr. Oakes regagne son hôpital. C'est la panique. L'établissement est surpeuplé et le groupe de secours n'est pas branché. Certains médecins sont morts, d'autres disparus.

« MAIS QU'EST-CE QUE VOUS AVEZ VU ? Vous arrivez tout droit de Kansas-City. QU'EST-CE QUE VOUS AVEZ VU ? »

« J'étais sur l'autoroute à plus de trente kilomètres de la ville. Je suis pas très sûr. C'était très haut en l'air, exactement au-dessus du centre-ville. J'ai cru que... que le soleil explosait. »

L'annonce que les soins ne seront accordés qu'aux personnes les plus gravement atteintes est très mal prise. Le Dr. Oakes parvient à ramener le calme. Plus tard, un conseil de guerre se monte entre médecins. L'absence d'électricité est expliquée. Il leur faudra tout faire à la main, en risquant de s'exposer aux radiations. Pas question d'utiliser du bois pour faire du feu, car il est contaminé.

Stephen rejoint la ferme des Dahlberg, et après discussion, est accepté dans le sous-sol.

A l'hôpital, on opère à la lumière des lampes torches.

« Il est possible qu'on soit le seul hôpital qui fonctionne à cent kilomètres à la ronde. Tout le monde à moitié en vie ou à moitié mort va rappliquer ici. (...)Je me demande qui est épargné. Je me demande si New-York, Paris, Moscou ressemblent à Kansas-City maintenant. »

Dehors, Billy passe devant un monument « A la mémoire de nos anciens combattants » au pied duquel un adulte et un enfant se sont effondrés. La pluie a cessé, mais le soleil brule. Dans un magasin, il s'équipe d'une paire de lunettes de soleil, trouve des barres de chocolat. Au loin, des coups de feux.

A l'université, le professeur Huxley parvient à communiquer avec le Dr. Oakes. « Nous avons un coefficient de radioactivité en-dessous de 50 rads à l'heure.

Selon la méthode française de zonage, ils se trouvent donc en « zone orange », la dernière avant la « zone rouge ». Il s'agit d'une zone contrôlée, spécialement réglementée. Les conséquences pour la santé sont les suivantes : « Apparition éventuelle de phénomènes spécifiquement radio-induits aux expositions prolongées. »

Pour être supportables, les radiations devraient retomber à 2 rads/heure, c'est-à-dire en « zone bleue », la première.

Des cafards apparaissent : « L'héritage de l'humanité, c'est le cafard, le seul qui avait la garantie de survivre à un conflit nucléaire. »

Chez les Dahlberg, Denise commence à craquer : « Ça fait à peine cinq jours qu'on est là, et je ne me souviens même plus du visage de mon fiancé. »

Paniquée, elle sort, poursuivie par Stephen. Sa première vision est celle du cadavre de Rusty.

« Tu vois ? Il n'y a rien. C'est fini. Il fait très beau. »

Des cadavres d'oiseaux gisent un peu partout. La terre est blanche et couverte de cadavres de bovins.

« Écoute, écoute : c'est invisible, ça n'a pas d'odeur, et c'est insaisissable. Mais c'est bien là, en ce moment, tout autour de nous. Ça te traverse le corps comme un rayon X, jusque dans tes cellules. Qui a tué toutes ces bêtes d'après toi ?

Sur la route, Billy aborde un convoi de survivants : « Y'a plus de Sedalia. »

A l'hôpital, le chaos s'installe. La foule tente de forcer l'entrée. Les morts s'accumulent, entrainant un risque de choléra. On manque de morphine, il y a eu des vols. La cuisine a été pillée et un médecin blessé. On parle de pelotons d'exécutions pour « terrorisme, assassinats, viols, pillage. »

Billy est témoin de scènes de conflit autour d'un point d'eau. Il emmène un survivant traumatisé à Lawrence, partageant ses maigres vivres avec lui.

A l'hôpital, le Dr. Oakes traite une femme enceinte, en retard de deux semaines : « Si vous étiez dans mon ventre et qu'on vous laisse le chois sur la question, est-ce que vous seriez très impatient de naitre dans un monde pareil ? »

« Vous devez laisser place à l'espoir. »

« L'espoir en quoi ? A votre avis qu'est-ce qui va se passer maintenant ? Vous croyez qu'on va ramasser les morts, qu'on va les mettre dans des fosses et qu'on va reconstruire des supermarchés ? Vous ne croyez quand même pas que les survivants vont gentiment nous dire : « Oh, je suis désolé. Ce n'est pas notre faute. Embrassons-nous et n'en parlons plus ? Vous le savez bien pourtant. On savait tout sur les bombes et sur les retombées nucléaires. On savait que ça finirait par arriver un jour ou l'autre. Et personne ne s'en est soucié. (...)Donnez moi une raison, parlez-moi d'espoir. Pourquoi est-ce que vous vous tuez au travail ? »

« Je l'ignore. »

De fait, acteurs et spectateurs ont été prévenus à foison mais ont ignorés les signes : radio que personne n'écoute dans la salle de courtage, radio qu'un client de supermarché écoute avec attention, suivant les infos comme s'il s'agissait d'un matche de foot en tenant les scores, télévision que le Dr. Oakes éteint ou que Mme Oakes regarde distraitement en faisant la cuisine, télévision encore que les enfants Hendry regardent religieusement quand leurs parents préfèrent se glisser à l'étage pour faire l'amour, télévision enfin lorsque Jim Dahlberg voit son programme sportif interrompu par un flash spécial mais voit son attention détournée par la dispute de ses filles, tandis que sa femme la laisse en marche sans y prêter attention, plus préoccupée par le mariage de sa fille.

Lorsque l'on tente de communiquer ou de recevoir des informations, plus rien ne fonctionne : les cabines téléphoniques sont prises d'assaut, les véhicules sont embouteillés avant de tomber en panne, les radios ne captent plus rien et les postes émetteurs-récepteurs ne transmettent qu'à quelques mètres de distance et captent un message présidentiel inepte.

Jim Dahlberg fait le bilan morbide de leur situation. Sa femme lui répond : « On a encore la chance d'être en vie. »

« C'est l'avenir qui dira si c'est une chance. »

Dans un camp de réfugié, Billy et son compagnon passent devant un homme en uniforme qui prend des notes sur leur état de santé. Billy souffre de vomissements, il perd ses cheveux, il a des brulures sur les bras.

« Ecoutez. Je sais qu'on a été irradié et que c'est dangereux. Ce que je veux savoir c'est s'il y a quelque chose à faire pour se soigner. »

L'homme les regarde avec fatalisme.

A l'hôpital, le professeur Huxley annonce que le coefficient de radiations est tombé à 0,4 rads/heure.

Les Dahlberg sont réveillés par une cloche qui sonne au loin et sortent. On les retrouve ensuite à l'église en ruine, au milieu d'une assemblée qui écoute un sermon du prêcheur.

« Il y eut un violent tremblement de terre. Alors, le ciel devint noir comme une étoffe de crin et le tiers de la terre fut consumé. Le tiers des arbres fut consumé. Et de cette fumée, des sauterelles se répandirent sur terre avec un pouvoir pareil à celui des scorpions. Alors, on leur dit... Alors, on leur demanda d'épargner les prairies, toute verdure et tout arbre de la terre et de s'en prendre seulement aux hommes qui ne porteraient pas sur le front le sceau de Dieu. »

Il s'agit d'extraits d'Apocalypse (6:12) : « Je regardai, quand il ouvrit le sixième sceau; et il y eut un grand tremblement de terre, le soleil devint noir comme un sac de crin, la lune entière devint comme du sang, »

Apocalypse (8:7) : « Le premier sonna de la trompette. Et il y eut de la grêle et du feu mêlés de sang, qui furent jetés sur la terre; et le tiers de la terre fut brûlé, et le tiers des arbres fut brûlé, et toute herbe verte fut brûlée. »

Apocalypse (9:3) : « De la fumée sortirent des sauterelles, qui se répandirent sur la terre; et il leur fut donné un pouvoir comme le pouvoir qu'ont les scorpions de la terre. »

Apocalypse (9:4) : « Il leur fut dit de ne point faire de mal à l'herbe de la terre, ni à aucune verdure, ni à aucun arbre, mais seulement aux hommes qui n'avaient pas le sceau de Dieu sur le front. »

Au cours du sermon, du sang apparaît entre les jambes de Denise, qui est emportée par sa famille.

« Les fidèles serviteurs de Dieu sont réunis ici aujourd'hui... Nous te remercions, Seigneur, Dieu tout-puissant, d'avoir récompensé tes serviteurs et ceux qui, grands ou petits, craignent ton nom. Et d'avoir anéanti les destructeurs de la terre. »

Décision est prise : Stephen emmènera Denise et Danny à l'hôpital de Lawrence.

Danny : « Qu'est-ce que tu vois ? »

Stephen : « Oh, des vaches, des poteaux télégraphiques, rien de spécial. »

Mais la vérité est toute autre. Les cadavres des vaches s'entassent dans les champs et des soldats embarquent les corps dans un camion.

A Lawrence, les réfugiés affluent. Huxley parvient enfin à capter un message. C'est un message du président.

« Mes chers concitoyens, il est encore trop tôt pour évaluer avec précision l'étendue des dommages extrêmement graves subis par notre pays. Les premiers rapports indiquent que l'attaque soviétique a principalement touché les bases militaires et les secteurs industriels sur la majeure partie du territoire des États-Unis. Nous sommes maintenant parvenus à un cessez-le-feu avec l'Union Soviétique qui a également subit des dommages catastrophiques.

Parmi ceux qui m'écoutent aujourd'hui, beaucoup ont personnellement souffert, beaucoup continuent à souffrir, beaucoup pleurent la disparition d'êtres chers. Je compatis à votre douleur et ma famille n'a pas été épargnée.

En ce moment de tristesse, je tiens à vous donner l'assurance que l'Amérique a survécu à cette terrible épreuve. L'Amérique ne s'est pas rendue ! Nous sommes restés fidèles aux principes de liberté et de démocratie si chers aux yeux du monde libre dont nous serons toujours les garants. Nous restons un exemple pour toutes les nations du monde, grâce à Dieu tout-puissant.

Le gouvernement jouera son rôle malgré une situation extraordinairement difficile. Nous sommes disposés à faire tous les efforts pour coordonner les programmes d'aide et d'assistance à la population au niveau local et fédéral. Au cours des prochaines semaines; tous mes collaborateurs s'emploieront en priorité à mettre sur pied un ministère de la Reconstruction Nationale. Pour l'heure, et en attendant que la liste complète des coefficients de radioactivité de chaque région soient portés à votre connaissance par la Défense Civile ou par les autorités locales, je vous recommande de rester dans des abris offrant le maximum de protection contre les risques de retombées radioactives et de vous conformer aux éventuels couvre-feux.

Nous comptons sur vous, sur votre force, votre patience, votre volonté et votre courage pour nous aider à reconstruire cette grande nation qu'est la notre. Dieu vous bénisse. »

Ce texte est déclamé tout en montrant des images de cadavres, de survivants gravement blessés et/ou choqués, de cadavres déplacés, de destructions diverses, et se termine par l'image d'une enfant solitaire à l'aspect asiatique : symbole d'Hiroshima.

Dans la version originale, la voix du président était calquée sur celle de Ronald Reagan. Par la suite, elle fut remplacée par celle d'un autre acteur.

L'un des étudiants à l'écoute réagit violemment à ce discours : « C'est tout ? C'est tout ce qu'il a à nous dire ? »

« Hé, peut-être que c'est pas si grave ? »

« Qu'est-ce que tu voulais entendre ? »

« Je veux savoir qui a commencé, qui a fait feu le premier sans prévenir personne. »

Huxley : « Ça, on ne le saura jamais. »

« A quoi ça t'avancerait de le savoir ? »

« On ne connait même pas l'étendue des dégâts. »

« S'ils avaient tiré les premiers, ils nous l'aurait dit, j'en suis sûr. »

« Ils ne veut pas qu'on croie qu'on a perdu la guerre. »

« Vous gobez ces histoires, vous gobez tout ce qu'on vous raconte alors ? »

« Docteur... »

Huxley : « Vous savez ce qu'à dit Einstein sur la troisième guerre mondiale ? Il a dit qu'il ignorait à coup de quoi on ferait la troisième guerre mondiale, mais qu'à son avis on ferait la quatrième guerre mondiale à coups de bâtons et de pierres. »

Dans un corridor de l'hôpital, le Dr. Oakes, épuisé, titubant, est interpellé par ses confrères. Le nombre de cadavres à gérer devient alarmant. Il s'écroule et se retrouve sur un lit d'hôpital. Il délire. Dans un lit adjacent on retrouve Billy, très choqué et dont la santé s'est visiblement fortement dégradée.

A l'extérieur, on enterre les corps dans des fosses communes. Stephen aide à cette tache macabre. Des soldats distribuent des rations. Lorsque celles-ci s'épuisent, c'est l'émeute, les soldats sont molestés et ouvrent le feu.

A la campagne, on assiste à une réunion de fermier : « Donc, ce qu'on vous demande de faire, c'est de bruler toutes les récoltes qui son encore sur pied, de commencer la décontamination des sols et de préparer les plantations du printemps prochain. On vous demande de choisir les variétés les moins sensibles aux variations ultraviolettes et destinées à la consommation humaine plutôt qu'animale. »

« Excuse-moi, Mel, mais, comment ça se fait la décontamination des sols ? »

« Hé bien, il faut que tu attendes que le coefficient de radioactivité soit devenu inoffensif et soit tu laboures très creux, soit tu enlèves les couches supérieures. »

« Comment on saura que c'est inoffensif ? »

« Euh, ils vont envoyer des conseillers agricoles du Ministère de la Reconstruction Nationale à toutes les coopératives. »

Jim Dahlberg intervient : « Tu peux expliquer ce que tu veux dire par enlever les couches supérieures de terre arable ? »

« Exactement ça, Jim. Tu enlèves les dix ou quinze premiers centimètres de la couche arable. »

« Ouais, et qu'est-ce que j'en fais ? On a tous jusqu'à 80 et même jusqu'à 100 hectares par tête dans la région. C'est facile de parler, mais faut être réaliste. En supposant qu'on trouve un trou assez grand pour mettre toute cette terre stérile, qu'est-ce qui nous restera comme terre arable pour les prochaines cultures ? »

« Un peu de sang-froid ! Il s'agit d'une catastrophe, pas de la vie de tous les jours. Écoutez, le premier objectif du Ministère de la Reconstruction Nationale est de rétablir l'ordre et de vous aider à tout mettre en œuvre pour nourrir le pays tout entier. »

Tout ce discours s'adresse à des hommes marqués par les radiations, brulés au troisième degré, choqués et pour certains amorphes et sans réactions. L'effort colossal demandé, en l'absence de toute technologie appropriée est absurde.

Suit une séquence fort intéressante (de mon point de vue, du moins) pour ce qu'elle sous-entend et annonce de l'avenir de ce monde.

Jim Dahlberg rentre chez lui, à cheval. Il fait nuit et il aperçoit dans un coin un groupe d'hommes dépenaillés accompagnés d'une petite fille rassemblés autour d'un feu. Sa réaction est du style « Get out of my property ». Il descend de cheval et prend son fusil. L'un des hommes disparaît. L'attitude de Jim n'est pas vraiment hostile. Il est clair que ces gens totalement silencieux lui font plus pitié qu'autre chose. Ils sont en train de se nourrir de l'une des carcasses irradiées qui parsèment la plaine.

« C'est chez moi, ici » a-t-il le temps de dire avant d'être abattu. La petite fille ne cille même pas. L'assassin reprend son travail de découpe de la viande.

Il me semble que l'on a ici une référence sous-jacente aux films de zombies. Rappelons que le plus célèbre d'entre eux : « Night of the living dead » prend pour prétexte de la résurrection des morts, la chute sur Terre d'un satellite militaire à propulsion nucléaire. Dans les premiers films sur l'apocalypse nucléaire, les survivants se voyaient parfois confrontés à des mutants radioactifs.

Contrairement à la théorie prévalente qui veut que la popularité des films de morts-vivants aille de pair avec une guerre en cours (à l'époque, celle du Vietnam) et en soit la métaphore, il me semble que les morts-vivants (dont l'existence défie toute logique) soient la conséquence métaphorique de la guerre nucléaire, de l'impossibilité de soigner les survivants gravement irradiés, de les nourrir, de les loger.

Dans un monde aux infrastructures quasiment détruites, aux liens sociaux dégradés, seuls les plus forts survivraient. Ceux qui seraient capables de survivre par leurs propres moyens, qui auraient eu la prévoyance de se construire un abri adéquat, d'amasser des vivres et des médicaments et d'échapper aux radiations.

Il serait humainement impossible de la part de ces individus de venir en aide à plus démunis, plus malade qu'eux. « The Day After » montre clairement l'inanité du gouvernement face à une catastrophe nucléaire. Donc, pour survivre, il faudrait se débarrasser non seulement des morts, mais des morts en sursis. Quel meilleur moyen de s'y préparer que de les montrer déshumanisés ? Leur extermination ne serait plus seulement une nécessité mais un acte d'humanité.

Et s'ils se montrent hostiles, ça devient un acte de légitime défense tout naturel.

Le Dr. Oakes se rétablit, mais il perd ses cheveux et son front est marqué et saigne. Il apprend le décès de l'infirmière Bauer. Il annonce au Dr. Hachiya son intention de retourner à Kansas-City : « J'aimerais revoir ma maison avant de mourir. »

En chemin, il assiste à l'exécution de deux soldats par un peloton, scène qui fut coupée lors du passage à la télé et qui renvoie à une séquence similaire dans « The Bomb ».

L'état de Danny ne s'améliore pas et il demande au Dr. Hachiya à rentrer chez lui. Stephen apparaît, dans un état de délabrement physique spectaculaire.

« Vous n'êtes pas vraiment Italien, pas vrai ? Vous êtes d'où exactement ? »

« De Kansas-City. »

Stephen traverse un terrain de basket rempli de malades et de blessés, image qui peut renvoyer à la séquence de l'hôpital à ciel ouvert d'Atlanta dans « Gone with the wind ».

Il retrouve Denise qui semble avoir vieilli de cinquante ans. Elle ne le reconnaît pas, croyant parler à son fiancé : « On croirait que tu es tombé de ta bécane. »

Elle a perdu presque tous ses cheveux. Stephen enlève sa casquette, révélant un crane nu.

Tous ces gens sont irrémédiablement condamnés : pertes de sang, brulures inexplicables, pertes de cheveux. Tout cela est le signe de la fin prochaine.

« Quatre jours après le bombardement, monsieur T... emprunta une pioche et une bicyclette attelée d'une petite remorque et repartit vers la ville sous un soleil brillant. Après avoir, non sans peine, localisé ce qui restait de sa maison, il dégagea l'abri des décombres qui le recouvraient. Puis il revint au village avec ses vêtements, de la literie et différents objets qu'il avait pu sauver. Après s'être lavé au puits, il aperçut sur ses deux genoux des cloques de la grosseur d'un pouce. Le matin même, avant de partir, il s'était assis sur une souche pour fumer sa pipe, mais il n'avait rien remarqué d'anormal sur ses genoux. Comme il était épuisé, il s'endormit sans y prêter plus ample attention. Le lendemain matin, il fut très surpris de constater que les cloques recouvraient ses jambes pratiquement des chevilles jusqu'aux genoux. Un soldat du service de santé, venu pour soigner sa femme, vida la sécrétion contenue dans les vésicules à l'aide d'une seringue et, troublé par l'étrangeté de ces cloques, il lui dit qu'il ne pensait pas qu'elles aient pu être provoquées par un simple coup de soleil. L'œdème se reforma très rapidement, et monsieur T... dut plusieurs fois extraire le liquide avec une aiguille. Cela dura cinq jours. A peine avait-il extrait le liquide que des démangeaisons insupportables le prenaient.

Sachant que la mort suivait l'apparition de symptômes étranges, progressivement plus nombreux, monsieur T... me demanda de l'examiner. Je ne pus malheureusement pas répondre à sa requête: je consacrais tout mon temps à des malades beaucoup plus gravement atteints. Un soir cependant, je pus me libérer et je courus vers la ferme pour l'examiner. En entrant dans le hangar, je vis sa femme en pleurs, qui l'étreignait. Il venait de rendre son dernier soupir, après s'être complètement vidé de son sang. Le jour même, aux environs de midi, je l'avais aperçu, il m'avait souri et, tout en agitant la main, il m'avait dit: « Quand vous rentrerez chez vous, passez nous voir. Je vous préparerai un bon thé ! » Sa femme me raconta que dans l'après-midi il avait commencé à avoir des sueurs froides et s'était plaint de douleurs à la gorge et à la nuque. Puis il avait eu des saignements de nez et du sang était apparu dans ses selles. Ses cheveux s'étaient mis à tomber par touffes entières. Il avait dit: « J'étais dans l'abri, je n'ai pas été touché par leur sacré pikadon... Et mes cheveux, tu as vu mes cheveux ? Ce n'est pas possible ! ».

https://www.dissident-media.org/infonucleaire/temoig_hida.html

Le Dr. Oakes parvient au centre de Kansas-City, passant devant les ruines du mémorial (reconstitué en fibre de verre par crainte de l'endommager) édifié en 1926 « En l'honneur de ceux qui servirent durant la guerre mondiale en défendant la liberté et leur pays. »

Oakes contemple de cette perspective le panorama de la ville en ruine qui rappelle les photos et films d'Hiroshima après le bombardement.

Oakes erre dans les ruines de la ville à la recherche de sa maison. Ces scènes ont été tournées sur le site de démolition de l'hôpital St. Joseph que Meyer remplit d'épaves de voitures et de faux cadavres. Au même moment, la femme enceinte de l'hôpital universitaire accouche enfin d'un bébé apparemment normal.

Le Dr. Oakes retrouve ce qui reste de sa maison et la montre de sa femme dans les ruines. Un bruit l'interpelle. Un groupe de survivants s'est installé là : « Sortez de ma maison ! »

Comme en réponse à la séquence de la mort de Jim Dahlberg, Oakes s'avance vers eux : « Est-ce que vous avez compris ? Je vous ais dit de sortir de ma maison. » Mais cette fois, l'un des hommes lui tend un fruit. Oakes s'éloigne et tombe à genoux. L'homme se lève et le prend dans ses bras pour partager sa douleur.

Fondu au noir alors que l'on entend Huxley tentant de communiquer par radio : « Allo, est-ce que vous m'entendez ? Est-ce que quelqu'un m'entend ? »

Le film se termine sur le texte défilant suivant :

« The catastrophic events
you have just witnessed are,
in all likelihood, less severe
than the destruction
that would actually occur
in the event of
a full nuclear strike against
the United States.

It is hoped that the images
of this film will inspire
the nations of this earth,
their peoples and leaders,
to find the means to avert
the fateful day. »

Cette fin est malgré ce dernier avertissement, particulièrement sombre. Les liens sociaux sont brisés : Mme Oakes et ses deux enfants sont morts dans l'explosion, le docteur sera victime des radiations, Jim Dahlberg abattu par des pillards, sa fille et son fils condamnés par les radiations, de même que Stephen, Bruce, le fiancé, mort dans l'explosion, l'infirmière Nancy Bauer décédée d'une méningite, Mme McCoy et son bébé morts dans l'explosion, Billy sévèrement irradié. Enfin, la déclaration inepte du Président et les conseils irréalistes destinés aux fermiers, la loi du plus fort qui devient la norme : un homme sort son pistolet pour aider Billy à faire accéder un survivant à une pompe, un autre sort son fusil pour abattre Jim Dahlberg, la foule s'en prend aux soldats, les soldats répliquent par des pelotons d'exécution.

En fin de compte, la leçon d'un tel film est que la sécurité des nations dépend de l'immobilisme de leurs dirigeants, et éventuellement l'activisme des populations.

Une VHS du film fut envoyée à la Maison-Blanche plusieurs jours avant le passage du film à la télévision. Ronald Reagan le visionna le 5 novembre 1983. Il écrivit dans son journal :

« Columbus Day. In the morning at Camp D. I ran the tape of the movie ABC is running on the air Nov. 20. It’s called “The Day After.” It has Lawrence, Kansas wiped out in a nuclear war with Russia. It is powerfully done—all $7 mil. worth. It’s very effective & left me greatly depressed. So far they haven’t sold any of the 25 spot ads scheduled & I can see why. Whether it will be of help to the “anti nukes” or not, I can’t say. My own reaction was one of our having to do all we can to have a deterrent & to see there is never a nuclear war. »

Un conseiller du gouvernement, ami de Meyer, qui assista à la projection lui dit : « If you wanted to draw blood, you did it. Those guys sat there like they were turned to stone. »

Dans « Dutch », la biographie de Reagan, Edmund Morris dépeint un président déprimé plusieurs jours après avoir vu le film. La vision de ce dernier aurait pu convaincre le président de poursuivre la négociation du traité portant sur l'élimination des missiles nucléaires à moyenne portée (300 à 3 400 miles) et qui conduisit quatre ans plus tard à la destruction de plus de 2 500 engins.

Pourtant, une seconde entrée, deux semaines plus tard, le 18 novembre, se lit ainsi :

« George [Shultz] is going on ABC right after its big Nuclear bomb film Sunday night. We know it’s “anti-nuke” propaganda but we’re going to take it over & say it shows why we must keep on doing what we’re doing.

Le 20 novembre au soir, lors du débat qui suivit le film Schults expliqua au modérateur Ted Koppel : « The film is a vivid and dramatic portrayal of the fact that nuclear war is simply not acceptable, and that fact and the realization of it has been the basis for the policy of the United States for decades now—the successful policy of the United States. Based on the idea that we simply do not accept nuclear war and we’ve been accepting in preventing it. »

Schultz ajouta que les États-Unis ne déclareraient jamais la guerre à l'Union Soviétique.

Pourtant, le sept novembre précédent, le monde était passé tout près de l'apocalypse nucléaire, alors que les forces de l'OTAN effectuaient l'exercice « Able Archer ».

Le 20 novembre, le président ne regarda pas « The Day After ». En compagnie de son épouse, Nancy, il préféra revoir « The Adventures of Robin Hood. »

« The Day After » apparaît dans l'épisode 9 de la saison 4 de « The Americans ».

"These bloody days have broken my heart
My lust, my youth did them depart
and blind desire of estate
who hasts to climb seeks to revert
Of truth, circa Regnant tonat
(about the throne the thunder rolls)"
Sir Thomas Wyatt (the Elder)





Tous à genoux devant Sébastien Proulx

Le ministre de l'Éducation a écrit un livre à propos de l'éducation.

Il n'en faut pas plus pour que tous les médias le proclament plus merveilleux ministre de l'histoire du ministère.

Peu importe le contenu du livre, en fait. Peu importe qu'il s'agisse d'une magnifique collection d'inanités sans intérêt et complètement dépourvues d'inspiration et d'originalité. Peu importe qu'il évite de parler de tous les véritables problèmes, ceux qu'on ne mentionne jamais parce qu'ils nous rendent trop mal à l'aise. Peu importe que ce soit un exercice qui ne serve essentiellement qu'à lécher le cul des parents-électeurs en leur disant très précisément ce qu'ils veulent entendre. Rien de tout cela n'a d'importance! Oublions ce que les libéraux ont faità l'éducation pendant leur dernier mandat! Le ministre a écrit un livre! Sablons le champagne!

Je vais être entièrement honnête avec vous, je n'ai pas lu le livre de M. Proulx. Je n'ai ni le temps, ni l'intérêt de le lire. Les bribes que j'ai trouvées sur Internet ont suffi pour me convaincre qu'il s'agit là d'une gigantesque farce et d'un ouvrage futile qui ne vaut même pas le papier sur lequel il a été imprimé.

Voici ce qu'on en sait et ce qu'en pense votre humble serviteur, un vrai de vrai enseignant qui a les pieds dedans depuis deux décennies.

Tout d'abord, cet article de La Presse nous apprend ceci:

M. Proulx lance aujourd'hui Un Québec libre est un Québec qui sait lire et écrire, qu'il a écrit pendant les Fêtes. L'essai n'est ni un bilan ni un programme électoral, précise-t-il d'entrée de jeu. Sa démarche vise plutôt à « engager un dialogue » sur l'état de l'éducation.

Tout de suite en partant, le titre est risible. Un Québec libre est un Québec libre, mon p'tit Seb. N'en déplaise à ton petit esprit obtus de fédéraliste de pacotilles, le Québec est un état et les états ne sont pas des individus. Les états ne peuvent pas apprendre à lire et à écrire. Pour qu'un état soit libre, il ne doit pas être soumis à l'autorité et aux lois d'un autre état, point. Le bon petit fédéraliste servile que tu es est un obstacle à cette liberté, alors ne soit pas odieux au point de te prétendre libérateur alors que, dans la réalité, tu n'es qu'un petit geôlier.

Pour le reste, tu nous dis que ton livre n'est pas un bilan. Tu es à la tête de ce ministère depuis deux ans, mais tu ne veux pas nous parler de ce que tu as fait. Fascinant.

Tu nous dis également que ton livre n'est pas un programme électoral, c'est-à-dire que ce tu écris ne t'engage à rien et qu'il ne nous apprendra absolument rien à propos de ton plan pour les prochaines années. Fascinant.

Dis-moi, mon p'tit Seb, si ton livre ne nous apprend rien à propos du passé et rien à propos de l'avenir, alors que nous apprend-il exactement? Quel en est l'intérêt?

"Engager le dialogue", dit-il. Ouais, c'est ça. tant que c'est toi qui contrôle la conversation et tant que tu as le beau rôle de te draper dans la vertu, le "dialogue" t'intéresse beaucoup. En bon politicien, tu es très fort pour te faire aller la gueule, mais pas très bon pour écouter, par exemple.

Le ministre lance un « appel à la mobilisation » pour la réussite éducative. Et il reconnaît que son propre ministère doit mettre l'épaule à la roue.

La mobilisation! Mettre l'épaule à la roue! Paroles creuses de politicien. Expressions qui ne veulent rien dire. Que du vide. Du vent. En voici d'autres pour toi, mon p'tit Seb: "Faisons preuve de détermination!""Demeurons fidèles à nos valeurs!""Ne nous laissons pas détourner de nos objectifs!" Bla! Bla! Bla! Bla!

Mais ma phrase préférée est la deuxième. Vous avez-vu ça? Le ministre de l'éducation RECONNAÎT que le ministère de l'Éducation a un rôle à jouer en éducation! Ah! ben ça parle au diable! Qui l'aurait cru? Quelle idée absolument révolutionnaire!

Si la situation sur le terrain n'était pas aussi tragique, j'en rirais.

À l'instar de toute l'administration publique, le ministère de l'Éducation « fait face à un enjeu de crédibilité », croit M. Proulx. On le juge lent, conservateur et rigide. Ces critiques ne sont pas toutes fondées à ses yeux.

La lenteur, le conservatisme et la rigidité du ministère sont les moindres de ses défauts. Il est surtout coupé de la réalité, incompétent et contrôlé par des idéologues.

« Est-ce qu'une société accepterait que l'on dise à nos enfants de cesser de rêver, d'avoir des idées, des projets ? ajoute-t-il. Le ministère, lui non plus, ne peut pas punir les rêveurs. Il doit apprendre à mieux connaître les acteurs et aller à leur rencontre. Et faire confiance. »

Tu ne veux pas punir les rêveurs, mon p'tit Seb? Tu veux leur faire confiance? Ben alors, qu'est-ce que tu dirais de les libérer du carcan que tu leur imposes? Déverrouille les menottes que sont les programmes!

Par exemple, avec ton maudit programme d'ECR, tu te sers des profs comme courroie de transmission dans une scandaleuse et massive entreprise de propagande idéologique multiculturaliste. Comme je le disais dans cet autre billet, je suis obligé de me cacher et de me livrer à de toutes sortes de contorsions risquées pour faire de ce cours ridicule quelque chose de véritablement éducatif et formateur qui sert réellement les élèves. Mais ce faisant, je m'expose à de sérieuses réprimandes si je me fais prendre! C'est ça que tu appelles encourager le rêve, les idées et les projets? C'est ça que tu appelles faire confiance?

Laisse-moi rire!

Tu prétends que l'apprentissage de la lecture te tient à coeur? Il se trouve que je suis un enseignant qui est passé maître dans l'art de donner le goût de lire aux jeunes. Je le dis bien humblement, je ne connais pas d'autres enseignants qui soient aussi efficaces que moi dans ce domaine. Dans cet autre billet, j'ai expliqué comment je m'y prenais pour obtenir d'aussi bons résultats. Mais encore une fois, ton ministère n'est pas un allié dans ce combat, il est un obstacle. À chaque année, les montants que je peux consacrer à l'achat de nouveaux livres diminue. Alors mets ton violon de côté, lâche-moi avec tes belles petites paroles vides et donne-moi l'argent dont j'ai besoin pour transmettre la passion de la lecture aux jeunes qu'on me confie!

Je parle de la lecture et d'ECR, mais je pourrais continuer comme ça à propos de tous les programmes. Ils sont tous à revoir, à réformer ou carrément à abolir! Le programme d'histoire est une horreur, le cours de français un gigantesque éteignoir, le cours de maths est tout croche, etc. Je vais tenter d'en parler plus en détails sur ce blogue dans les prochaines semaines.

À la liste de tous ces cours mal foutus s'ajoutent tous ces cours merveilleux qui n'existent pas et que je n'ai pas le temps de donner: philosophie, pensée critique, débat, psychologie, etc.

Mais là où je veux en venir, mon p'tit Seb, c'est que si tu veux me faire confiance, si tu veux que je sois efficace, ben libère-moi des boulets que sont tes maudits programmes de merde et donne-moi les moyens de faire entrer du matériel motivant et excitant dans la classe.

Dans un monde en mutation, M. Proulx souhaite que la société tout entière se rassemble pour valoriser le « rôle fondamental » de l'éducation. Il égratigne les « objecteurs de changement » qui « se braquent » et qui « lèvent le ton » devant toute nouvelle idée pour améliorer le réseau.

« [Les objecteurs de changement] nient les faits par peur de devoir changer quoi que ce soit. Nous sommes là, à la frontière du corporatisme. Force est de constater que notre société compte plus de gardiens du statu quo que d'accélérateurs de changements », dit M. Proulx.

Il ne précise pas s'il fait référence aux politiciens, aux syndicats ou aux commissions scolaires.

Seigneur... par où commencer?

Premièrement, un changement n'est pas intrinsèquement une bonne chose. Il y a de bons changements et de mauvais changements. Ce n'est pas parce que quelque chose est un changement qu'il faut immédiatement qu'on y soit favorable. De la même façon, ce n'est pas parce que quelqu'un s'oppose à un changement qu'il est automatiquement un "objecteur" déraisonnable qui agit par peur et par amour pour le statu quo! Franchement... cette espèce de vision puérile et manichéenne est-elle véritablement celle du ministre de l'Éducation? Je parle à un adulte responsable ou à un enfant, là?

Deuxièmement, évidemment qu'une société va compter davantage de gens sceptiques que d'idiots qui sont toujours prêts à jeter le bébé avec l'eau du bain! Une maudite chance! Autrement, nous serions tous à la merci du premier zigoto venu! En contexte démocratique, si on peut qualifier ainsi le système dans lequel nous vivons, quiconque désire effectuer un grand changement a le devoir de l'expliquer à ces concitoyens et de tenter de les convaincre du bien-fondé de son projet. S'il n'y parvient pas, ben c'est peut-être parce qu'il s'y est mal pris ou peut-être que son projet ne vaut pas un clou. Ce n'est pas automatiquement parce que "les objecteurs" se "braquent" et "lèvent le ton"!

Troisièmement, évidemment que M. Proulx refuse d'identifier qui sont ces objecteurs dont il parle. C'est d'un politicien dont il est question ici. Pire, d'un politicien libéral qui est membre du parti au pouvoir et qui a accédé à un poste prestigieux au sein du gouvernement. De toute évidence, il n'identifiera personne clairement. Et il n'identifiera aucun problème, ni aucune solution, clairement.

Il est trop chicken pour le dire, mais la réalité est que OUI, les politiciens et les syndicats font partie du problème. Pas seulement eux, mais en grande partie eux.

Et surtout, surtout, surtout les cOmMisSIoNs scOLaiReS:

Le Prof versus les cOmMisSIoNs scOLaiReS

L'incompétence des commissions scolaires

Une "réforme" libérale, ça ressemble à ça...

La "réforme" libérale

Commissions scolaires corrompues

Il convie par ailleurs les enseignants à une « réelle conversation » sur leurs conditions de travail. Il propose de s'inspirer des meilleures pratiques qui ont cours à l'étranger. Il cite en exemple la formation des maîtres, qui requiert une maîtrise dans certains pays, mais seulement un baccalauréat ici.

Le problème avec la formation des enseignants ce n'est pas sa longueur, c'est son contenu. Moi, je suis plutôt mal placé pour en parler parce que je suis issu de l'ancien système. Mais les enseignants plus jeunes que je connais et qui me décrivent les nouveaux programmes universitaires sont essentiellement unanimes: c'est une grosse farce. Les profs qui leur enseignent n'ont pas mis les pieds dans une classe depuis des décennies, les étudiants sont traités comme des demeurés, aucun des véritables problèmes fondamentaux du système d'éducation ne sont abordés, on ne les prépare pas adéquatement aux réalités quotidiennes d'un enseignant, etc. Les seuls moments où ils apprennent quelque chose qui a de la valeur, c'est lors de leurs stages.

Alors ce n'est pas en prolongeant la torture que tu vas améliorer la qualité des enseignants. De plus, qui se taperait des études aussi longues pour des conditions de travail aussi mauvaises et un salaire aussi médiocre?

Puisqu'« enseigner n'est pas un métier comme un autre », le ministre avance une série d'autres idées pour améliorer la pratique des enseignants. Il propose la création d'un programme d'insertion professionnelle pour mieux retenir les jeunes, un « plan annuel de développement professionnel » pour encadrer la formation continue et l'amélioration des conditions de travail. Il suggère aussi d'établir une évaluation des enseignants et de créer un ordre professionnel.

Un bureaucrate qui pense comme un bureaucrate et qui apporte des solutions de bureaucrate.

Allons-y une proposition à la fois.

1- Un programme d'insertion professionnelle pour mieux retenir les jeunes. Il faudrait voir ce qu'il entend par là, mais ma première réaction n'est pas favorable. Les jeunes qui quittent le font parce qu'ils réalisent que les conditions de travail sont exécrables. C'est là-dessus qu'il faut travailler. Ce n'est pas un programme d'insertion professionnelle qui va améliorer les conditions de travail!

2- Un plan annuel de développement professionnel. Dites-moi, est-ce qu'il arrive que ces bureaucrates s'expriment comme des gens normaux? Il veut dire: plus de formation. L'idée, sur papier, est excellente. Le problème, et je sais malheureusement de quoi je parle, c'est que la vaste majorité des formations offertes sont de la merde. Ils ne répondent pas aux besoins des enseignants. On nous parachute des zigotos qui viennent  nous faire la leçon et qui n'écoutent pas. Des gens qui nous regardent avec mépris et qui croient tout savoir. Des gens qui ne savent pas ce que c'est enseigner ou qui l'ont oublié. C'est tellement nul, que j'en suis venu à fuir les formations comme la peste. Celles qui me sont imposées tiennent de la torture. Et la seule que j'ai aimée ces dernières années s'est avérée être minée de pseudoscience.

3- Évaluation des enseignants et ordre professionnel. Deux idées horribles pour de nombreuses raisons, j'en ai déjà abondamment parlé sur ce blogue, cliquez ces liens si la question vous intéresse:

Le plan Legault (19 février 2011)

Les risques de noter les profs (12 décembre 2011)

Évaluer les enseignants (1er février 2012)

The CAQ strikes again! (13 mars 2012)


Évaluer les enseignants (7 septembre 2014)

Un ordre professionnel pour les enseignants? (3 septembre 2017)

Alors en gros, voilà essentiellement ce qui intéresse le ministre de l'Éducation. Voilà sa vision de la situation et ce qui le préoccupe.

C'est de la bouillie pour les chats. Il est complètement à côté de la plaque.

Les programmes sont de la merde et les cours sont impertinents et plates à mort. Seb n'en parle pas.

Les garçons vivent une crise épouvantable, ont leur diagnostique 1001 problèmes, on les bourre de médicaments, on les fiche à la porte des classes, ils sont victimes de discrimination lorsqu'ils sont évalués et lorsqu'ils jouent, ils décrochent en grand nombre, les taux de suicide sont horribles. Malgré tout ça, on s'en balance et on continue de prioriser les filles. On fait la sourde oreille. On tripatouille les notes pour "régler" le problème. Seb ne parle de rien de tout ça.

Il y a de moins en moins d'hommes en éducation et ceux qui sont présents dans le système sont regardés avec méfiance et s'exposent à de fausses accusations qui menacent à tout moment de les anéantir. Je l'ai vécu et j'en ai fait un livre. Seb, lui, n'en parle pas.

Certaines enseignantes et intervenantes qui travaillent dans nos écoles sont des matrones qui abusent de leur position d'autorité pour humilier les enfants. Elles crient, hurlent, dénigrent, ridiculisent, terrorisent et punissent injustementà longueur de journée. Seb n'en parle pas.

Les commission scolaires sont des repaires de parasites incompétents qui détournent les fonds publics. Seb n'en parle pas.

Les profs sont muselés et on les menace de réprimandes s'ils parlent sur la place publique, si bien que je me vois obligé de me cacher derrière un pseudonyme pour pouvoir m'exprimer. Seb n'en parle pas.

Et vous voulez que j'applaudisse la publication de son petit livre, écrit sur un coin de table pendant le temps des fêtes?

Laissez-moi rire!




Le coup de foudre de Denise et Sébastien

Dans mon dernier billet, je parlais de la réaction dithyrambique des médias à la publication du pitoyable livre de Sébastien Proulx, le ministre de l'Éducation.

Denise Bombardier est un bon exemple de cette réaction disproportionnée dont je parlais. En effet, elle est en complète pâmoison devant le ministre, comme l'illustre cette chronique:


Sébastien Proulx a osé prendre sa plume pour mettre en mots sa vision de l’éducation et, ce faisant, il mérite notre reconnaissance.

Sa vision? Si c'est ça sa vision, alors il devrait consulter un optométriste.

Sébastien Proulx aime l’éducation. Il affectionne les enfants et les enseignants. Avec une candeur désarmante, il réfléchit sur notre avenir collectif en réussissant – fait rare – à se placer, lui, un ministre du gouvernement, au-dessus de la partisanerie politique.

Quelle époque, mes amis! Nous voilà rendus au point où on encense un ministre de l'Éducation parce qu'il "aime l'éducation". Parce qu'il "affectionne les enfants et les enseignants". C'est tout ce que ça prend pour se lever et applaudir de nos jours. Plus besoin d'avoir réalisé quoi que ce soit!

Difficile de tomber plus bas.

En passant, remarquez le choix des mots de Mme Bombardier. Ce n'est pas innocent. Le ministre "aime" l'éducation, mais il "affectionne" les enfants.

Que se passerait-il si Mme Bombardier écrivait que le ministre "aime" les enfants? Tout le monde penserait immédiatement à la pédophilie. Mme Bombardier le sait, c'est pourquoi elle a choisi un autre verbe.

Est-il normal pour une société de craindre et de diaboliser les hommes à ce point? Est-il normal d'immédiatement conclure à la pédophilie dès qu'il est question d'une quelconque affection entre un homme et un enfant? Est-il normal d'être paranoïaque à ce point?

Mais ne craignez rien, tout comme le ministre, Mme Bombardier n'en parlera pas, elle non plus. Elle en est pleinement consciente, comme l'illustre son choix de verbe, mais elle n'en dira mot. On ne parle pas de ces choses-là dans des conversations polies. Ça rend mal à l'aise. Demeurons aussi superficiels que possible, les gens préfèrent ça.

Sébastien Proulx est l’antithèse des technocrates de son ministère. 

Vraiment, Mme Bombardier? Pourtant, dans mon dernier billet, j'ai souligné son utilisation de phrases creuses et de termes technocratiques. En anglais, ils ont un dicton qui affirme que si quelque chose marche comme un canard, cancane comme un canard et a l'apparence d'un canard... ben... c'est probablement un canard.

Alors dites-nous, Madame, qu'est-ce qui fait de lui l'antithèse des technocrates? Sur quoi vous basez-vous pour en arriver à une telle conclusion?

C’est un homme sans prétention qui possède une vision de l’éducation qui nous ramène à l’essentiel. Il prône le goût de l’effort à défaut duquel il est impossible d’accéder aux connaissances. Mine de rien, sa conception de l’éducation est une critique impitoyable du système scolaire québécois déconnecté de la réalité. Dans son petit essai, le ministre a les pieds bien ancrés dans la culture générale dont il fait l’éloge.

Belle collection d'affirmations gratuites.

Il prône le goût de l'effort? Est-ce à dire que les technocrates, eux, prônent le goût de la paresse? Bon, ils ne foutent pas grand-chose de leur journée, je vous le concède, mais ils n'ont pas le culot d'en faire ouvertement la promotion, quand même.

En fait, cette éloge du "goût de l'effort" est une sombre farce, une de plus. Le ministre se drape dans la vertu en éructant des évidences, il n'y a pas de quoi lui organiser tout un défilé!

 Évidemment que l'effort joue un rôle déterminant dans la réussite scolaire des élèves, il n'y a rien de bien révolutionnaire à affirmer une chose pareille! Là n'est pas le débat! Les vraies questions sont plus complexes et plus existentielles! Comment motive-t-on des enfants à fournir les efforts requis? S'y prend-on correctement? Est-il réaliste de s'attendre à ce que les enfants fournissent de tels efforts dans le contexte des cours ennuyeux, futiles et impertinents qu'on leur impose?

Voilà les questions qu'il faut se poser. Mais encore une fois, ni le ministre et ni Madame Bombardier n'ont le courage de le faire. Ils préfèrent s'en tenir à des généralités et des évidences qui sont complètement dénuées d'intérêt.

Le ministre Proulx balaie de la main les théories et les idéologies qui ont eu cours au Québec et qui ont pénalisé des générations de jeunes à qui l’on n’a pas su apprendre à lire et à écrire correctement. Des jeunes qui ont servi de cobayes. En effet, le Québec est une des rares sociétés où on a aboli durant des années les cours obligatoires d’histoire et de géographie en vertu du principe que les enfants n’ont pas une notion claire de lieu et de temps.

Il "balaie de la main" les idéologies?

Vous vous foutez de moi?

Deux des cours obligatoires sont des organes de propagande idéologique et je n'ai jamais entendu ce ministre les dénoncer!

Le cours d'histoire est un outil de propagande fédéraliste. On a retiré pratiquement tous les conflits afin de dresser un portrait mensonger de fraternelle amitié entre les francophones et les anglophones de ce pays. On endort les enfants avec des détails complètement dénués d'intérêt comme l'organigramme gouvernemental de la province du Canada-Uni ou l'économie des Prairies en 1850! Il ne faudrait tout de même pas que les élèves s'intéressent à l'histoire! S'il fallait qu'ils s'ouvrent les yeux et qu'ils deviennent des maudits séparatisses!

Le cours d'ECR est un autre outil de propagande, multiculturaliste cette fois-ci, qui vise à mettre les religions sur un piédestal, à décourager la pensée critique et à imposer le respect absolu et inconditionnel de toutes les religions. Il fait l'apologie du relativisme! C'est un crachat au visage de la Renaissance et du siècle des Lumières! Une vomissure à la gueule de la Révolution tranquille!

Ces deux cours-là sont clairement motivés par des dogmes idéologiques qui sont chers aux libéraux. Et ce n'est pas ce petit ministre de pacotilles qui aura l'audace (ou l'intelligence) de les dénoncer! Il ne balaie rien du tout de la main, certainement pas ces idéologies! Il ne les remet pas en question une seule maudite seconde!

Non mais... il y a toujours bien des limites à écrire n'importe quoi!

Le ministre réfute une autre théorie fumeuse imposée dans le système scolaire par les pédagogues technocrates sur les compétences qui prévaudraient sur les connaissances. Il écrit noir sur blanc qu’au contraire, c’est uniquement par les connaissances que l’on acquiert des compétences.

Quel débat futile et stupide... et pourtant, cette conversation stérile continue inlassablement depuis des années.

Êtes-vous pro-connaissances et anti-compétence? Ou êtes-vous plutôt pro-compétence et anti-connaissances?

Quel cirque ridicule. Qui se pose de telles questions à l'extérieur du monde merveilleux de l'éducation? Absolument personne. Vous savez pourquoi? Parce que c'est une fausse dichotomie inventée de toutes pièces entre deux concepts qui ne sont pas du tout en opposition l'un avec l'autre.

C'est encore une belle façon de noyer le poisson et d'éviter de réels débats.

La question n'est pas de savoir s'il faut favoriser les compétences ou les connaissances. Parce que dans la réalité qui semble échapper si cruellement à ces grands intellectuels de salon, ni l'une et ni l'autre n'est une incarnation du Mal.

Dans certains contextes, comme l'écriture par exemple, l'emphase doit être mise sur la compétence. Ce que je m'apprête à dire provoquerait les hurlements des pédagogues du ministère et de Mme Bombardier, mais une connaissance aiguë de la grammaire n'est absolument pas nécessaire pour bien écrire. De la même façon, on n'a pas besoin de connaître les noms de toutes les composantes mécaniques d'une voiture pour être capable de la conduire correctement. J'y reviendrai dans un prochain billet.

Dans d'autres contextes, l'importance des connaissances s'impose d'elle-même. C'est le cas de l'histoire, par exemple. On connaît l'histoire ou on ne la connaît pas. On la comprend ou on ne la comprend pas. Ce n'est pas une question de compétence, c'est une question de connaissances. J'en reparlerai également dans un autre billet.

Si le système d'éducation cessait de perdre son temps dans des débats aussi futiles et qu'il se concentrait plutôt sur les vraies questions, peut-être qu'on arriverait à progresser. Il faut revenir à l'essentiel et se poser deux questions fondamentales:

1- Quel objectif souhaitons-nous atteindre avec ce cours?
2- Quels moyens, quelles approches et quelles ressources doivent être mises en place pour atteindre cet objectif?

Tout le reste, c'est du maudit blabla inutile de technocrate à la noix. Et c'est exactement ce que fait le ministre. Il ne s'intéresse pas aux question de fond, il patine, il dit tout et rien, il utilise l'habituel jargon vide pour noyer le poisson.

Il fait l’éloge de la qualité, un mot blasphématoire pour les idéologues du nivellement par le bas, dont Sébastien Proulx écrit « qu’il n’est jamais la solution ».

Il fait l'éloge de la qualité!

Encore une fois, la même maudite tactique. Il se drape dans une évidente vertu tout en refusant de définir le terme ou d'expliquer comment il veut concrètement y parvenir.

Or, le système au sommet duquel il trône est un monument au "nivellement par le bas".

Lorsque les notes sont jugées trop basses aux examens du ministère, on reçoit carrément la consigne de booster les notes! La directive vient du ministère lui-même!

Les rares ressources qui sont déployées dans les écoles le sont pour venir en aide (inadéquatement) aux élèves en difficulté. Ils en ont besoin, évidemment, vous ne m'entendrez jamais dire le contraire.

Mais qu'en est-il des élèves doués? Qu'est-ce qui est mis en place pour eux? Quelles ressources sont mises à leur disposition? Que fait-on pour encourager l'excellence et les amener à se dépasser? Que fait-on pour leur donner des défis à leur mesure? Réponse: absolument rien.

Et après ça, le ministre va venir nous parler de "qualité" et dénoncer le "nivellement par le bas"?

Juste des mots vides, vides, vides...

Pas étonnant alors qu’il s’en prenne au corporatisme syndical. À ce jour, seuls les syndicats d’enseignants définissent les règles pratiques et professionnelles des maîtres. Sébastien Proulx souhaiterait la création d’un véritable ordre professionnel dont les objectifs seraient essentiellement consacrés à l’amélioration des contenus de l’éducation. Les syndicats s’occuperaient, eux, des conditions de travail et des négociations salariales.

Une idée stupide, comme je l'ai déjà expliqué sur ce blogue.

Sébastien Proulx croit à l’évaluation des enseignants, ce que refusent, on le sait, les syndicats. « Il faut valoriser les meilleurs professeurs », écrit-il. Et il rêve de professeurs plus diplômés, plus cultivés. En clair, sans écrire le mot si honni au Québec, il rêve d’un corps d’élite au sein du système d’éducation.

Une autre idée stupide, comme je l'ai également expliqué sur ce blogue (voir mon dernier billet).

Remarquez, encore une fois, la superficialité de l'argument. Il faut "valoriser" les "meilleurs" enseignants? Les valoriser comment? Et selon quels critères? Quelle serait la grille d'analyse? Qui seront les juges? Qui sera consulté?

Aucune idée.

Sébastien Proulx n’est pas dépourvu de préoccupations esthétiques. Il imagine l’aménagement d’écoles accueillantes, lumineuses, où les enfants les plus défavorisés auraient plaisir à se retrouver. Hélas, hier Le Journal faisait sa manchette au sujet d’une école secondaire surpeuplée où les jeunes mangent carrément par terre, faute de lieu adéquat.

Il faudrait que je vous parle de ma classe une bonne fois...

Je devrais partager des photos avec vous.

Vous verriez à quel point les élucubrations du ministre n'ont rien d'inspirant mais qu'elles sont plutôt dignes d'un beau parleur qui croit que le simple fait de tenir des propos vertueux fait de lui une personne vertueuse.

Et si le ministre investissait de l'argent au lieu de se faire aller la gueule? Ça ne serait pas beau, ça?

Le ministre trouvera ses critiques. Mais il faudrait être aveugle pour ne pas être touché par ce petit ouvrage signé par un honnête homme sans visée électoraliste, habité par une foi dans l’éducation, cette voie royale vers la liberté.

La seule personne qui est aveuglée ici, c'est vous Madame Bombardier.

Il est vraiment pathétique de constater qu'il est aussi facile de vous émerveiller avec des paroles abyssales et vides.

Êtes-vous vraiment crédule à ce point?



J'aurais un petit service à vous demander...

Ce n'est pas dans mes habitudes de le faire, mais j'aurais un petit service à vous demander.

Si vous êtes un lecteur ou une lectrice de ce blogue et que vous aimez ce que vous y avez lu, si vous avez à coeur le sort des enfants et plus précisément des petits garçons d'âge primaire, si le système public d'éducation, le traitement équitable des hommes et des femmes et la fin de la discrimination misandre dans notre société sont des causes qui vous interpellent...

Alors demandez à votre bibliothèque municipale de commander une copie de mon livre.

Faisons circuler le message. Faisons réfléchir les gens. Aidez-moi à rejoindre le plus grand nombre de personnes possible.

Toutes les bibliothèques municipales permettent aux citoyens de faire des suggestions d'achat de nouveaux livres. C'est très facile à faire et ça prend seulement quelques minutes. Dans certains cas, la suggestion peut être faite en ligne sans même se déplacer.

Après bientôt deux ans, mon livre n'est plus présent sur les tablettes des librairies, mais il est toujours disponible. Malheureusement, sa publication a fait relativement peu de bruit et très peu de gens en ont entendu parler. Je soupçonne que le malaise généralisé et profond qui existe à propos de toute situation qui implique un homme et des enfants y est pour quelque chose.

Aidez-moi à faire entrer mon livre dans le plus grand nombre de bibliothèques possible. Aidez-moi à faire en sorte que le message soit entendu.

Je vous remercie sincèrement pour votre aide et votre précieux appui.

Un homme au primaire
par R.S. Capé
Maison d'édition: Perro éditeur 
Date: mars 2016
ISBN: 9782924637050 (2924637058)


Liens à propos de mon livre:

Entrevue à Radio X

"Les hommes ne sont pas bienvenus dans les écoles primaires"

Commentaires I - des hommes racontent

Commentaires II - propos favorables

Commentaires III - propos défavorables

Réaction d'un lecteur

Réaction d'un lecteur II

Réaction d'un lecteur III

Réaction d'un lecteur IV

Les libraires

Le podcast de TQIYADH



Le monde selon Manon

La lettre ouverte que Manon Massé a envoyée au Devoir nous offre un fascinant aperçu de sa vision du monde. Il mérite qu'on s'y attarde.

Voyons voir ce que nous pouvons en retirer comme information éclairante:

Depuis 30 ans, c’est la même clique qui se passe la rondelle du pouvoir. Depuis 30 ans, cette clique est majoritairement masculine. 

Lorsque Manon regarde les trois dernières décennies politiques au Québec, elle ne voit pas des individus diversifiés avec différentes convictions, différentes valeurs, différents degrés d'honnêteté et différentes motivations. Elle ne voit pas des gens sincères et idéalistes qui ont voulu servir leurs concitoyens et d'autres carriéristes égoïstes qui voulaient servir leurs propres intérêts. Elle ne voit pas des libéraux et des péquistes, elle ne voit pas des souverainistes et des fédéralistes, elle ne voit pas des gens de gauche, de centre ou de droite. Manon ne voit rien de tout cela.

Manon voit seulement une chose: une clique d'hommes. Et comme elle considère que tous les hommes sont pareils et interchangeables, elle ne voit pas l'intérêt de différencier les hommes entre eux. Pour elle, c'est du pareil au même. Leurs différentes opinions et convictions ne comptent pour rien. Tout ce qu'elle a besoin de savoir, c'est que ce sont des hommes. Une "clique" d'hommes. C'est tout.

Et ces messieurs ne sont jamais trop pressés d’améliorer le sort collectif des femmes du Québec. 

Manon pense que les hommes ne sont pas intéressés à améliorer le sort des femmes. Elle croit que seul le sort des hommes les intéressent. C'est comme ça dans le petit monde de Manon. Il y a les hommes d'un côté qui dominent, qui contrôlent tout et qui n'ont aucune considération pour les femmes. Et de l'autre côté, il y a les femmes dominées, opprimées et humiliées qui n'ont personne pour les représenter ou les défendre.

Pour Manon, toutes les avancées du Québec modernes ne sont que des patentes d'hommes destinées aux hommes. L'électrification des villes et des villages, la construction des routes et des ponts, la caisse de dépôt, la mise sur pied des programmes sociaux, la gratuité scolaire et des soins de santé, la nationalisation de l'électricité, la modernisation du système d'éducation, la réglementation du financement des partis politiques, la création d'un réseau de parc nationaux, les réglementations qui visent à protéger l'environnement et les espèces menacées, tout ça n'aura servi qu'aux hommes. Ce sont des initiatives faites par les hommes pour les hommes. Les femmes ne profitent d'aucune façon de tout cela.

Pour elle, il est impensable que des hommes puissent vouloir améliorer le sort des femmes. Ils sont incapables d'une telle empathie. Elle croit qu'ils sont aussi obsédés par leur propre sexe qu'elle l'est avec le sien. Car au fond, tout ça, c'est de la projection. Manon est une sexiste qui ne s'intéresse qu'aux femmes et qui se fiche éperdument du sort des hommes. Elle croit donc tout naturellement que tout le monde est aussi sexiste qu'elle.

Tout simplement fascinant.

Des chefs comme Philippe Couillard, François Legault et Jean-François Lisée font partie de cette clique depuis trop longtemps pour réussir à nous faire croire qu’ils s’engagent envers nous à d’autres moments qu’en campagne électorale. 

Pour Manon, Couillard, Lisée et Legault sont interchangeables. Le fait qu'ils appartiennent à des partis différents, qu'ils aient des convictions et des valeurs différentes et qu'ils aient des personnalités différentes ne compte pour rien. Ils ont tous un pénis, alors ils sont tous pareils. Et parce qu'ils ont un pénis, on ne peut pas leur faire confiance.

Pour Manon, les femmes ne peuvent faire confiance qu'à des gens qui ont des vagins. Seuls les gens qui ont des vagins peuvent défendre les intérêts des autres personnes qui ont un vagin.

C'est simple de même.

Et puis, disons-le, les plus grands gains pour la cause des femmes depuis 30 ans, ce sont les Pauline et les Louise qui nous les ont donnés, avec les CPE à tarifs réduits, l’équité salariale, le régime québécois d’assurance parentale… On est toujours mieux servi par soi-même, dit-on.

Pour Manon, les CPE sont l'oeuvre de Pauline Marois et de personne d'autre. Tout le crédit lui revient. Aucun mérite ne revient au premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, puisqu'il est un homme. C'est Pauline Marois et elle seule qui a mis sur pied le système de CPE. Seule une femme peut venir en aide aux autres femmes. Il est inimaginable qu'un homme fasse de même.

Même chose pour la loi sur l'équité salariale ou le régime d'assurance parentale... aucun crédit ne peut être accordé aux hommes qui étaient membres du gouvernement lors de la mise sur pied de ces initiatives. Seules des femmes en sont responsables. Et seules des femmes en ont bénéficié! D'ailleurs, ce n'est pas comme si les hommes se souciaient du sort de leurs enfants! C'est bien connu! Ils sont beaucoup trop occupés à subjuguer les femmes et à s'occuper de leurs propres intérêts égoïstes pour penser à leurs enfants!

Pour Manon, seules les femmes sont capables de s'intéresser au sort des autres femmes. C'est une évidence pour elle. Elle le dit sans détour, elle n'y voit absolument rien de controversé.

Les membres de ce boy’s club abonné au pouvoir, ce sont eux qui laissent les infirmières s’épuiser et se tuer à la tâche, pour des peanuts. Ce sont eux qui donnent des milliards aux médecins spécialistes et qui refusent d’empêcher les hauts dirigeants d’entreprises financées par l’État de se voter des hausses de salaire faramineuses. 

Les affirmations de Manon sont de moins en moins divertissantes et de plus en plus monstrueuses. C'est inévitablement ce qui se passe avec des idéologues comme elle. Ils s'enfoncent de plus en plus dans le fanatisme.

Ainsi, une fois que Manon a accepté la prémisse que les hommes ne s'intéressent pas au sort des femmes, une fois que cette thèse farfelue s'est solidifiée dans son esprit pour devenir une véritable vision du monde, alors pour elle, tout en découle.

Les infirmières travaillent trop et sont trop peu payées? La raison doit être que les politiciens masculins se fichent d'elles parce qu'elles sont des femmes.

Les médecins spécialistes sont trop payés? La raison doit être que les politiciens masculins les favorisent parce qu'ils sont des hommes. Évidemment, Manon passe sous silence le fait que la moitié des médecins québécois sont des femmes et que cette proportion ne cesse d'augmenter. Elle ne parle pas de ça parce que ça ne cadre pas trop avec sa propagande victimaire.

Les chefs d'entreprise sont trop payés? La raison doit être que les politiciens masculins les favorisent parce qu'ils sont des hommes. Vous voyez comme c'est simple? C'est comme ça. Le problème, c'est les hommes, tout simplement. C'est le boy's club. Aucune autre considération n'entre dans l'équation. Les hommes favorisent les hommes et se fichent des femmes. Fin de l'histoire.

Ce sont eux qui essaient de camoufler leurs scandales sexuels tout en refusant de débloquer des budgets adéquats pour lutter contre les violences sexuelles. 

Pour Manon, les hommes sont les seuls à avoir des comportements sexuels scandaleux. Tous les hommes le font et ils essaient tous de le camoufler. Ce sont tous des prédateurs lubriques qui sont incapables de contrôler leur propre libido.

Et, comble de l'horreur, ces mêmes salopards prédateurs REFUSENT DE DÉBLOQUER DES BUDGETS ADÉQUATS pour lutter contre les violences sexuelles.

Car dans le petit monde de Manon, seules les femmes peuvent être victimes de violences sexuelles et les agresseurs ne peuvent être que des hommes.

Et comme les hommes protègent les autres hommes, c'est pour cette raison qu'ils refusent de financer ce juste combat.

On voit toujours la même conviction profonde émerger de tous ses propos: pour elle, il n'y a pas de société québécoise. Il n'y a pas une collectivité composée d'individus tous différents les uns des autres qui ont tous des désirs, des espoirs, des besoins et des intérêts variés. Non, il y a deux clans monolithiques qui s'affrontent. D'un côté, les hommes égoïstes et libidineux qui se protègent entre eux. De l'autre, les femmes valeureuses et opprimées qui doivent s'unir pour arracher le pouvoir à ce monstrueux boy's club.

C'est une vision du monde fondamentalement marxiste.

Ce sont eux qui sabrent les services publics et qui laissent les femmes les remplacer. Ce sont eux qui laissent nos écoles moisir et nos enfants dîner dans les couloirs.

Pour Manon, seuls les politiciens masculins sabrent dans les services publics. Peu lui importe que  27,2 % des députés à l'Assemblée nationale sont des femmes. Peu lui importe que 40% des ministres du gouvernement libéral sont des femmes.

Pour Manon, seuls les hommes sont à blâmer pour les décisions qui lui déplaisent. Et seules les femmes sont à remercier pour les décisions qui lui plaisent. Les gentilles d'un bord et les méchants de l'autre. C'est aussi puérile, caricatural et manichéen que ça.

Le temps est arrivé où nous avons choisi d’arrêter de supporter la situation. Le couvercle a sauté. Le mouvement #MoiAussi en est un exemple flagrant, tout comme les ras-le-bol des professionnelles du système de santé dans les dernières semaines. Infirmières, enseignantes, préposées, ambulancières, travailleuses sociales, comédiennes ; partout, les femmes se lèvent et refusent d’en laisser passer davantage.

Pour Manon, seules les femmes souffrent. Seules les femmes ont un ras-le-bol. Seules les femmes disent que c'est assez.

Dans sa vision du monde, il est impensable qu'un homme puisse être victime de quoi que ce soit ou qu'il puisse légitimement ressentir un quelconque ras-le-bol. Après tout, il a le boy's club pour protéger ses intérêts! Alors pourquoi s'en plaindrait-il?

Comme celles avant nous, c’est en agissant, en proposant et en prenant notre place dans les officines du pouvoir qu’on va continuer à faire bouger les choses. C’est en adoptant une approche contraignante pour favoriser l’accès des femmes aux postes de pouvoir qu’on va défaire la clique. 

Manon favorise une "approche contraignante". La liberté et la démocratie, pour Manon, ça n'a pas de valeur. Manon veut contraindre. Manon aime l'approche autoritaire. Manon veut tordre des bras, enfoncer ses idées dans la gorge des récalcitrants et imposer des quotas. Manon ressemble de moins en moins à un clown divertissant et de plus en plus à un tyran.

C’est en haussant le salaire minimum à 15 $ l’heure qu’on va pouvoir agir sur notre capacité d’avancer. 

Manon n'a aucun intérêt pour les économistes qui expliquent tous qu'une hausse trop drastique du salaire minimum aura des effets néfastes sur la vitalité de l'économie, sur le coût de la vie et sur l'inflation. Manon n'écoute pas ces gens-là, ce sont des hommes du boy's club eux aussi. Manon va augmenter le salaire minimum envers et contre tous. Seuls les hommes devront payer parce que seuls les hommes sont riches. Et seules les femmes vont en bénéficier parce que seules les femmes sont pauvres.

C’est en adoptant un système universel de garderie qu’on s’assurera que le plus de femmes possible restent sur le marché du travail. 

Manon se fiche des femmes qui veulent élever leurs enfants elles-mêmes. Ces femmes-là la dégoûtent. Elles ont été brainwashées par le patriarcat. Ce sont des anachronismes et des esclaves volontaires qu'il faut mépriser. Les femmes libres doivent toutes balancer leur nouveau-né à la garderie et retourner travailler le plus rapidement possible. C'est le seul modèle acceptable pour elle et tout le monde doit s'y conformer.

C’est en investissant dans les services publics qu’on va assurer aux femmes l’équité qui mène à une réelle égalité. C’est en agissant sur le racisme systémique qu’on va s’assurer que toutes les femmes avancent. C’est en agissant que tout changera !

Présentement, les femmes bénéficient des mêmes droits et des mêmes opportunités que les hommes. En fait, dans un nombre grandissant de domaines, elles sont même privilégiées et accèdent plus facilement à des postes que les hommes. Mais pour Manon, cela est insuffisant. Pour Manon, ce n'est pas encore une "réelle"égalité.

Que faudra-t-il pour que Manon et les féministes comme elle déclarent mission accomplie? Qu'est-ce qui les satisferait une fois pour toute?

La réponse, bien évidemment, c'est rien du tout.

Avouer que le combat a été gagné serait l'équivalent d'avouer qu'elle ne servent plus à rien.

Alors elles cherchent toujours de nouvelles injustices à combattre et de nouvelles iniquités pour blâmer les hommes. Et lorsqu'elles n'en trouvent pas, elles en inventent, tout simplement.

Pour Manon, le Québec ne sera jamais assez parfait. Notre société sera toujours trop misogyne et raciste. Le combat ne pourra jamais se terminer. Rien ne pourra jamais la satisfaire.

En tant que seule femme qui sera au débat des chefs en octobre 2018, je m’engage à porter notre message au coeur de l’arène. Messieurs, la récréation est terminée. Mesdames, brassons la cage. Ensemble, avançons et, surtout, ne laissons personne derrière.

Manon considère que, pour les hommes, la vie est une récréation. La vie de pacha. Une existence paradisiaque.

Manon pense que les femmes, éternelles et tragiques héroïnes, sont victimes de tous les outrages et de tous les abus.

Les gentilles d'un côté, les méchants de l'autre.

Manon est une répugnante sexiste misandre qui déshumanise méprise les hommes.

La bonne nouvelle dans tout ça, c'est qu'en crachant ainsi au visage de la moitié de la population, elle ne sera jamais première ministre du Québec.

Et c'est tant mieux!





Féminitriste



Alors que je rentre dans cette salle,
Je sens le mépris et la froideur sale,
D’un simple regard, je vois ton endoctrinement,
Dans ton âme, je vois l’acharnement

Ne connaissant rien de toi, je ne peux te juger,
Ne connaissant rien de moi, tu veux me voir sur le bûcher,
Il n’y aura pas de discussion sensée,
Tes arguments vides ne servent qu’à m’écraser,

Homme, ton essence est en jeu,
Ne te laisse pas corrompre pour si peu,
Ta masculinité est ton identité,
Ne te laisse pas engloutir par cette immensité,

Femme, tu es allée trop loin,
Assez de ce discours où tu lèves le poing,
Femme, tu es prompte à condamner la violence,
Ne vois-tu pas ta propre médisance ?

Homme, ne laisse pas cette main te gifler,
Arrête ce mouvement en plein vol,
N’utilise pas la force en réponse,
Repose son bras et dénonce,
Tente de régler par la parole,

Femme, cette haine suffit,
Viens dans mes bras,
Sois mon égal, amie,
Je te respecte, et toi ?



QAuZ II

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