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Atwood H. Townsend
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La violence de la gauche
Les médias sont tellement occupés à diaboliser la droite... mais ironiquement, c'est à gauche qu'on voit des gestes de violence.
Même La Presse a été obligée de l'admettre (avant de reprendre son cirque habituel).
Extraits de la nouvelle:
Plus de 1 million de dollars de matériel incendié en une nuit, des blessures graves infligées à coups de bouteille et de la machinerie sabotée : les attaques revendiquées par des groupes d'extrême gauche se multiplient depuis quelques mois au Québec, alors que tous les projecteurs sont tournés dans la direction opposée.
La police s'intéresse à une plateforme virtuelle où des anarchistes de tout le Québec se vantent de leurs exploits, a appris La Presse. Le site en question, « Montréal Contre-Information », enseigne aussi comment fabriquer des cocktails Molotov et saboter des oléoducs à la perceuse, et il appelle à profiter des tempêtes de neige majeures pour semer le « chaos social ».
(...) Cachée derrière un mur informatique qui préserve l'anonymat de ses gestionnaires, cette plaque tournante de l'extrême gauche recense des dizaines d'attaques parfois inconnues jusqu'à maintenant et qui s'ajoutent au vandalisme à répétition perpétré contre des commerces qualifiés de « bourgeois » installés dans des quartiers populaires.
Des anarchistes y expliquent notamment avoir incendié des installations d'exploration pétrolière dans le Bas-Saint-Laurent en juillet dernier. Selon leur propriétaire, les pertes ont été évaluées à 1,2 million. Un chantier d'Hydro-Québec dans Lanaudière a été la cible de saboteurs en février : 50 000 $ en dommages, selon la société d'État. Un autre communiqué publié sur le même site revendique un « déboulonnage extrême » afin d'affaiblir des pylônes.
Des automobiles ont aussi été visées : des pneus tailladés dans une rue de « propriétaires de condos » en mars dernier et deux autos de luxe incendiées dans Saint-Henri en juillet.
(...) En plus des dizaines d'attaques contre des bâtiments ou de l'équipement recensées sur cette plateforme, La Presse a appris que deux agressions armées survenues au mois d'août à Montréal - et qui font l'objet d'avis de recherche - étaient liées à l'extrême gauche.
Dans la nuit du 5 au 6 août, un homme aurait été attaqué à sa sortie du Bar L'Astral après avoir discuté de ses opinions politiques d'extrême droite avec son assaillant. Selon nos informations, la police soupçonne notamment un individu actif sur la scène musicale anarchiste, ainsi que deux femmes. « À un certain moment, le suspect prend la victime en encolure et la projette au sol », indique l'avis de recherche du SPVM.
«Pendant que la victime est maintenue dans cette position, les deux femmes la frappent avec un objet contondant, lui infligeant plusieurs lacérations sévères à la tête, à la main gauche, aux jambes et au corps.»
Puis, dans la nuit du 26 au 27 août, un groupe d'individus a été ciblé dans un bar du Plateau Mont-Royal par des militants « antifascistes ». « Ils sont venus dehors en tentant d'expliquer qu'ils n'étaient pas racistes », explique un communiqué envoyé à « Montréal Contre-Information ». « Après cinq secondes, une bouteille de bière était déjà cassée sur la tête de l'un d'entre eux. » Le texte conclut fièrement : « Disons qu'ils étaient tous en sang et pas mal amochés, trois d'entre eux ont été hospitalisés gravement. » Dans cette affaire, le SPVM recherche deux assaillants armés de bâtons télescopiques et un troisième armé d'une bouteille de bière.
(...) Selon un expert en sécurité nationale et ex-agent des services de renseignement canadiens, les attaques commises par l'extrême gauche sont actuellement en recrudescence.
« Les statistiques démontrent bien que c'est en augmentation, » a affirmé Michel Juneau-Katsuya en entrevue téléphonique.
(...) M. Fiset n'hésite pas à faire le lien avec la mouvance islamiste. « C'est tout à fait similaire à un blogue djihadiste qui incite à aller en Syrie, a-t-il dit. La différence est dans la motivation idéologique, mais il n'en reste pas moins qu'un agent de radicalisation utilise un site pour inciter des gens à s'engager dans des actes de violence. »
(...) Si les attentats anti-embourgeoisement font la manchette de temps à autre, le contenu du site « Montréal Contre-Information » montre bien que les militants d'extrême gauche revendiquent des attaques un peu partout sur le territoire québécois.
50 000 $ EN DOMMAGES
Le 7 novembre dernier, à Verdun, des assaillants ont cassé la vitrine du magasin d'équipement de sécurité PSP, rue Wellington à Verdun, et ont aspergé la marchandise de peinture bleue. Le commerce « fournit les forces policières », justifient les responsables dans un communiqué publié sur Montréal Contre-Information. « À la suite de la montée de l'extrême droite au Québec, la police a défendu les racistes tout en leur permettant de répandre leur haine. » « Ils ont fait à peu près 50 000 $ de dommages », a expliqué Jason Campoli, copropriétaire, joint par La Presse. C'est son partenaire d'affaires qui a envoyé la lettre de revendication à la police.
DEUX VOITURES DE LUXE INCENDIÉES
Alors que la plupart des communiqués de revendication restent discrets sur le mode opératoire des responsables, les anarchistes qui disent avoir incendié deux voitures de luxe dans la rue Léa-Roback, dans le quartier Saint-Henri, décrivent la marche à suivre en détail, visiblement pour en inspirer d'autres. « Tout le matériel a pu être trouvé dans un magasin de camping », explique le texte. La photo publiée montre bien l'intensité des flammes. « Ne soyez pas surpris qu'on mette le feu à vos démonstrations de privilège éhontées », ajoute le communiqué. En tout, quatre voitures ont été endommagées.
1,2 MILLION EN DOMMAGES
L'événement était passé inaperçu jusqu'ici, mais de l'équipement de forage a été incendié en juillet dernier à Sainte-Jeanne-d'Arc, dans le Bas-Saint-Laurent, faisant 1,2 million en dommages. L'attaque a eu lieu sur un terrain de la firme d'exploration Squatex, mais l'équipement appartenait à l'entrepreneur Forages de l'Est. « Ils ont signé sur des conteneurs, cette gang de clowns-là », a expliqué le propriétaire de l'entreprise, Jacques Pelletier, sans préciser le nom utilisé. Selon un communiqué de revendication publié sur Montréal Contre-Information, les responsables se sont baptisés « Forces écosocialistes ». M. Pelletier a précisé que les enquêteurs lui auraient fait comprendre qu'en l'absence de témoins, l'enquête risquait d'être ardue.
PNEUS CREVÉS
Le 15 mars dernier, alors que le Québec affrontait une tempête d'une force rarement vue, un groupe d'anarchistes crevait les pneus de « près d'une douzaine de propriétaires de condos ». Le texte ne précise pas dans quel quartier de Montréal les méfaits ont été perpétrés. « Un peu moins de la moitié des voitures garées dans les stationnements des condos que nous avons visités avaient clairement une marque de luxe. Nous avons lacéré les pneus de toutes les voitures. Plusieurs yuppies décident de démontrer leur richesse autrement que par des BMW et des Mercedes », se justifie le groupe.
PYLÔNES AFFAIBLIS ?
La plus spectaculaire des attaques revendiquées sur la plateforme virtuelle date de septembre 2016 : « environ trente pylônes ont été les sujets d'une opération de déboulonnage » afin de les affaiblir, explique le texte accompagné d'une photo de dizaines de boulons et d'une autre de barres de fer. Le tout afin de protester contre une nouvelle ligne à haute tension. « On a ça sur notre radar », a expliqué Geneviève Chouinard, d'Hydro-Québec. Mais on s'interroge à la société d'État : « On n'a pas trouvé de vandalisme sur nos installations et même qu'après l'analyse de la photo, on doute que ce soit des pièces de nos équipements ». Fausse alerte ?
SABOTAGE DE 50 000 $
Dans un communiqué qui relate « des rumeurs » plutôt que de revendiquer directement l'action, des opposants à la construction de cette nouvelle ligne à haute tension affirment que des équipements situés sur un chantier d'Hydro-Québec à Saint-Émélie-de-l'Énergie, dans Lanaudière, ont été sabotés en guise de protestation. Vérification faite, « effectivement, il y a des véhicules qui ont été vandalisés », a expliqué la porte-parole Geneviève Chouinard. « On parle de dommages d'environ 50 000 $. » Ils appartenaient à un entrepreneur travaillant sur un projet de la société d'État. « Il paraît que le sous-contractant d'Hydro-Québec ne pourra prendre sa retraite comme prévu cette année à cause des dommages coûteux sur ses machines », se réjouit le texte.
MYSTÉRIEUX MÉFAIT
Le même communiqué mentionne « un sabotage du canon à neige de la station de ski Val Saint-Côme », toujours dans Lanaudière, toujours sans le revendiquer. « Il semble que les destructeurs de l'environnement n'ont pas de répit », indique le texte. Maxime Legros, directeur de la station, s'est dit surpris par le rapprochement avec l'extrême gauche. « Nous, on croyait plutôt que ça pouvait venir d'anciens employés ou d'employés insatisfaits », a-t-il dit, indiquant que les dommages étaient si importants que l'ouverture complète de la station a dû être retardée de 11 jours l'hiver dernier. Il estime les dommages totaux à 75 000 $.
PROJET MONTRÉAL ATTAQUÉ
Les restaurants et les épiceries fines ne sont pas les seuls à faire les frais de la lutte anti-embourgeoisement. Un groupe se vante d'avoir attaqué les bureaux de Projet Montréal dans Saint-Henri, le 19 mai dernier. « On s'était fait lancer deux ou trois roches, une dans le logo et une dans la vitrine à l'avant », a confirmé Youssef Amane, responsable des communications de la formation politique. Projet Montréal joue un rôle « dans la gentrification du quartier en sortant l'argument de la mixité sociale », dénoncent les auteurs de l'attaque. Le même soir, un supermarché IGA du coin a aussi été attaqué (« la bouffe y est trop chère »), tout comme un restaurant.
ATTAQUE À L'EXTINCTEUR
L'attaque à la peinture semble un modus operandi prisé des anarchistes. Au début du mois de juillet, des militants se sont vantés d'avoir coloré un train de VIA Rail en marche parce que sa locomotive arborait les couleurs du 150e anniversaire du Canada. Une vidéo diffusée sur la plateforme montre deux individus s'approchant de la voie ferrée et activant des extincteurs remplis de peinture. « Le Canada essaie de blanchir 150 années de violence coloniale », explique leur texte de revendication.
SABOTAGE DE MACHINERIE LOURDE
En août, la plateforme a diffusé un communiqué revendiquant le « sabotage de machinerie lourde » sur un terrain vague d'Hochelaga-Maisonneuve où est planifié un agrandissement du port de Montréal. « Trois machines ont été sabotées de plusieurs manières - des filtres à air ont été enlevés, des réservoirs d'antigel et d'essence ont été contaminés, d'autres réservoirs de fluides ont été vidés et des câbles électriques cachés ont été déconnectés », explique le texte. C'est l'entreprise Ray-Mont Logistics qui doit s'installer sur le terrain, mais elle fait face à une opposition citoyenne. L'entreprise n'a toutefois pas rappelé La Presse.
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Le mépris de la faiblesse
Avez-vous remarqué comment de nombreuses femmes méprisent ce qu'elles perçoivent être des signes de faiblesse chez les hommes et les garçons?
Je travaille dans un milieu féminin depuis des années et ça me saute aux yeux.
Exemple le plus récent: je suis malade depuis une semaine. Congestion, mal de gorge, difficulté à dormir, douleurs musculaires, fatigue chronique, etc. Je ne suis pas du genre à me plaindre, mais le fait que je suis malade comme un chien saute aux yeux. J'ai l'air d'un zombie.
Je ne compte plus le nombre de fois que des collègues m'ont fait la sempiternelle remarque de la "grippe d'homme", toujours accompagnée d'un sourire en coin méprisant ou d'un roulement oculaire d'exaspération.
On critique souvent les hommes parce qu'ils cachent leurs émotions, jouent les gros durs et craignent de se montrer sous un jour vulnérable. Il s'agit effectivement de comportements qui peuvent être malsains.
Je soupçonne que ces phénomènes sont en grande partie dus à ce mépris qu'expriment beaucoup de femmes face à toute manifestation de faiblesse ou de vulnérabilité de la part d'un homme. Et ça commence souvent dès l'enfance avec la mère, ce fut certainement mon cas.
Elles ne sont pas toutes comme ça, évidemment, quelques-unes sont capables d'exprimer de la compassion et de l'empathie, mais dans mon expérience, la plupart optent pour des remarques empreintes de mépris.
Et le plus ironique dans le cas qui nous intéresse, c'est que ce que les femmes appellent "grippe d'homme" avec tant de mépris existe vraiment.
Extrait de l'article:
Les symptômes de la grippe semblent plus intenses chez l'homme que chez la femme, révèle un examen de la littérature scientifique, ce qui démontrerait que la «grippe d'homme» n'a rien d'imaginaire.
Un article publié dans le prestigieux British Medical Journal par un médecin canadien épluche les études réalisées sur l'impact du sexe sur la grippe. Certaines de ces études datent du 17e siècle.
Le docteur Kyle Sue a déniché des études réalisées aussi bien auprès d'humains que de souris et qui démontrent que les symptômes de la grippe sont souvent plus aigus chez l'homme.
Une étude sur la grippe saisonnière réalisée à Hong Kong entre 2004 et 2010 a ainsi témoigné d'un taux d'hospitalisation plus élevé chez les hommes.
Une étude observationnelle menée pendant dix ans aux États-Unis, jusqu'en 2007, a quant à elle constaté que les hommes sont plus susceptibles de mourir de la grippe que les femmes, même en tenant compte de facteurs comme la maladie cardiaque, le cancer, les problèmes respiratoires chroniques et les maladies rénales.
Puisque les hommes composent la moitié de la population mondiale, explique le docteur Sue, le fait de conclure qu'ils «exagèrent» l'intensité de leurs symptômes «sans preuves scientifiques rigoureuses pourrait avoir des implications importantes pour les hommes, y compris des soins insuffisants».
L'étude du docteur Sue se penche sur une hypothèse selon laquelle la testostérone limiterait l'efficacité du système immunitaire, intensifiant du fait même les symptômes grippaux.
(...) «Les hommes n'exagèrent possiblement pas leurs symptômes. Ils peuvent avoir une réponse immunitaire plus faible aux virus respiratoires (...), provoquant une morbidité et une mortalité plus élevées que chez les femmes», écrit-il en conclusion.
Je travaille dans un milieu féminin depuis des années et ça me saute aux yeux.
Exemple le plus récent: je suis malade depuis une semaine. Congestion, mal de gorge, difficulté à dormir, douleurs musculaires, fatigue chronique, etc. Je ne suis pas du genre à me plaindre, mais le fait que je suis malade comme un chien saute aux yeux. J'ai l'air d'un zombie.
Je ne compte plus le nombre de fois que des collègues m'ont fait la sempiternelle remarque de la "grippe d'homme", toujours accompagnée d'un sourire en coin méprisant ou d'un roulement oculaire d'exaspération.
On critique souvent les hommes parce qu'ils cachent leurs émotions, jouent les gros durs et craignent de se montrer sous un jour vulnérable. Il s'agit effectivement de comportements qui peuvent être malsains.
Je soupçonne que ces phénomènes sont en grande partie dus à ce mépris qu'expriment beaucoup de femmes face à toute manifestation de faiblesse ou de vulnérabilité de la part d'un homme. Et ça commence souvent dès l'enfance avec la mère, ce fut certainement mon cas.
Elles ne sont pas toutes comme ça, évidemment, quelques-unes sont capables d'exprimer de la compassion et de l'empathie, mais dans mon expérience, la plupart optent pour des remarques empreintes de mépris.
Et le plus ironique dans le cas qui nous intéresse, c'est que ce que les femmes appellent "grippe d'homme" avec tant de mépris existe vraiment.
Extrait de l'article:
Les symptômes de la grippe semblent plus intenses chez l'homme que chez la femme, révèle un examen de la littérature scientifique, ce qui démontrerait que la «grippe d'homme» n'a rien d'imaginaire.
Un article publié dans le prestigieux British Medical Journal par un médecin canadien épluche les études réalisées sur l'impact du sexe sur la grippe. Certaines de ces études datent du 17e siècle.
Le docteur Kyle Sue a déniché des études réalisées aussi bien auprès d'humains que de souris et qui démontrent que les symptômes de la grippe sont souvent plus aigus chez l'homme.
Une étude sur la grippe saisonnière réalisée à Hong Kong entre 2004 et 2010 a ainsi témoigné d'un taux d'hospitalisation plus élevé chez les hommes.
Une étude observationnelle menée pendant dix ans aux États-Unis, jusqu'en 2007, a quant à elle constaté que les hommes sont plus susceptibles de mourir de la grippe que les femmes, même en tenant compte de facteurs comme la maladie cardiaque, le cancer, les problèmes respiratoires chroniques et les maladies rénales.
Puisque les hommes composent la moitié de la population mondiale, explique le docteur Sue, le fait de conclure qu'ils «exagèrent» l'intensité de leurs symptômes «sans preuves scientifiques rigoureuses pourrait avoir des implications importantes pour les hommes, y compris des soins insuffisants».
L'étude du docteur Sue se penche sur une hypothèse selon laquelle la testostérone limiterait l'efficacité du système immunitaire, intensifiant du fait même les symptômes grippaux.
(...) «Les hommes n'exagèrent possiblement pas leurs symptômes. Ils peuvent avoir une réponse immunitaire plus faible aux virus respiratoires (...), provoquant une morbidité et une mortalité plus élevées que chez les femmes», écrit-il en conclusion.
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LE GRAND SILENCE
PREMIERE PARTIE : THE WAR GAME
« Une nation ne tirera plus l'épée contre une autre, Et l'on n'apprendra plus la guerre. »
Esaïe (2:4)
« Je regardai, quand l'agneau ouvrit un des sept sceaux, et j'entendis l'un des quatre êtres vivants qui disait comme d'une voix de tonnerre: Viens. »
« Je regardai, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait avait un arc; une couronne lui fut donnée, et il partit en vainqueur et pour vaincre. »
Apocalypse (6:1-2)
En 1964, la BBC lance un nouveau programme télévisé intitulé « The Wednesday Play », créé comme un support pour une nouvelle génération d'auteurs. « The Wednesday Play » a conservé jusqu'à ce jour une importante aura de qualité et d'inventivité. Ainsi, parmi ses découvertes, on note la présence du futur cinéaste Ken Loach qui signe en 1966 « Cathy Come Home » sur le drame des familles de sans-abris, littéralement désintégrées par le système.
Ken Loach utilise alors un style nouveau, celui du « réalisme documentaire » qui confond réalité et fiction. Afin de renforcer cette impression, Loach employa à l'époque une caméra 16mm et tourna son film en extérieurs, à une époque où la norme était de filmer en studio.
Ce style de mise-en-scène fut sévèrement critiqué à l'époque. La productrice et cadre administrative Grace Wyndham Goldie se plaignit dans un article du « Sunday Telegraph » que « Cathy Come Home » « brouille délibérément la distinction entre réalité et fiction... (Les téléspectateurs) ont le droit de savoir si ce qui leur est offert est réel ou inventé. »
Loach admit que « (Nous) étions très anxieux que nos représentations ne soient pas considérées comme de la dramaturgie mais comme la suite des nouvelles » qui précédaient le créneau de « The Wednesday Play ».
Mais Loach n'était pas le premier à utiliser ce style de mise-en-scène, dite « cinéma-vérité ».
Deux ans plus tôt, un jeune cinéaste de vingt-neuf ans avait recréé dans des conditions minimales et avec un budget ridicule l'ultime bataille ayant eu lieu sur le sol britannique (si l'on fait exception de la bataille de Graveney Marsh dans le Kent en 1940) : la bataille de Culloden, le 16 avril 1746 entre les forces loyalistes du Duc de Cumberland, de William Augustus et les forces Jacobites de Charles Edward Stuart, dit « Bonnie Prince Charlie » . C'était là son premier long-métrage.
Watkins utilisa uniquement une distribution d'acteurs amateurs pour son film. Mais ce qui fait toute la particularité de ce chef-d'œuvre, c'est que celui-ci fut réalisé comme si une équipe de télévision s'était trouvée sur place à l'époque, interviewant les différents belligérants de chaque camp, du simple soldat au commandant-en-chef, donnant au résultat final une apparence de réalisme inégalé. Les journalistes sont littéralement « embedded » - intégrés, et nous avec dans cette bataille qui nous est présentée en évitant soigneusement toute glorification d'un côté comme de l'autre, en soulignant au contraire, la tragédie qui oppose sur le terrain le frère au frère et, au sommet, le cynisme, l'incompétence et l'absence d'empathie des responsables du carnage.
Ce style deviendra la marque de fabrique de Peter Watkins.
L'année suivante, Watkins réalise donc pour « The Wednesday Play » le moyen-métrage de 49 minutes « After the bomb », qui deviendra ensuite « The War Game ». Celui-ci obtiendra l'Oscar du meilleur documentaire en 1966... bien qu'il n'en fut pas un. Fait unique en son genre.
Il ne sera pourtant diffusé sur la BBC qu'en...1985, pour le quarantième anniversaire du bombardement de Hiroshima.
Que s'est-il passé ?
En décembre 1965, le député William Hamilton pose la question à la Chambre des Communes : « The War Game » a-t-il été censuré sur ordre du gouvernement ?
La réponse est négative. Le gouvernement n'a exercé aucune pression et la décision de ne pas diffuser le film revient entièrement à la BBC.
« 5. Why then did the B.B.C. decide not to show it? »
« According to their statement, because it was too horrifying, »
“The B.B.C. has decided that it will not broadcast the War Game, a film on the effects of nuclear war in Britain, produced by Peter Watkins. This is the BBC’s own decision. It has been taken after a good deal of thought and discussion but not as a result of outside pressure of any kind.
When the television service undertook the making of a film on this subject, it recognised the risk that the film might turn out to be unsuitable for general showing. In the event, the effect of the film has been judged by the BBC to be too horrifying for the medium of broadcasting, it will, however, be shown to invited audiences, including those people who helped to make it.”
Le film fut-il effectivement projeté en salles ? C'est vrai... selon les termes précités.
Il semble que le public ait violemment réagi à l'annonce de l'interdiction de « The War Game » et il y eut effectivement une série de projections du film en salle durant une semaine de février 1966, sur invitations au « British Film Institute's National Film Theatre ». Les invités se composèrent de membre influents de l'Establishment Britannique, de membres des forces armées et de la défense civile, de parlementaires et de correspondants des affaires militaires et de la défense. Les critiques de films ne furent pas admis, pas plus que des membres du public qui se virent refuser l'entrée par des gardes de sécurité de la BBC se tenant épaule contre épaule devant la salle.
Sir Hugh Carlton Greene, Directeur Général de la BBC, rejeta une requête de Madame Renee Short, Membre Travailliste du Parlement, d'organiser une projection publique du film au motif que la majorité de la presse y était opposée.
Dans une lettre secrète, Hugh Greene confirma que son intention était d'enfermer le film dans un coffre-fort après les projections du NFT au prétexte que « nous aurons ainsi rempli notre obligation de diffuser le film. »
Quoi qu'il en soit, il apparaît que plusieurs acteurs retrouvés en 2013 par la BBC purent le voir à l'occasion d'une séance spéciale pour la première fois... en cinquante ans.
En 1946, le 5 mars, le désormais ex-Premier ministre britannique Winston Churchill prononce un discours au Westminster College de Fulton, dans le Missouri, en présence du Président Truman. S'exprimant avec l'éloquence qu'on lui connait (il obtiendra le prix Nobel de littérature en 1953), mais en son nom personnel, Churchill met en garde l'assistance contre les risques d'expansionnisme soviétique et invite à contrer celui-ci à travers une « relation spéciale » américano-britannique sous l'égide des Nations Unies.
« De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l'Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent. Derrière cette ligne se trouvent toutes les capitales des anciens États d'Europe centrale et orientale. Varsovie,Berlin, Prague, Vienne, Budapest, Belgrade, Bucarest et Sofia, toutes ces villes célèbres et les populations qui les entourent se trouvent désormais dans ce que je dois appeler la sphère soviétique, et sont toutes soumises, sous une forme ou sous une autre, non seulement à l'influence soviétique, mais aussi à un degré très élevé et, dans beaucoup de cas, à un degré croissant, au contrôle de Moscou. »
L'année suivante, Truman institue sa « doctrine d'endiguement ». De juin 1948 à mai 1949, c'est le blocus de Berlin. 1949 voit la création de l'OTAN, la division de l'Allemagne et l'acquisition de la bombe H par l'Union Soviétique.
Le monde est entré dans la « guerre froide », expression inventée semble t-il par George Orwell.
Celle-ci se caractérisera par une course aux armements nucléaires par les deux grands blocs et une série d'affrontements indirects : guerre de Corée, d'Indochine, du Vietnam, dont le point culminant surviendra en 1962 avec la crise des missiles de Cuba.
« Delenda Carthago » disait Caton l'Ancien. Son vœu se verra réalisé en 146 avant J.C. Durant l'assaut final, la bataille dégénère en combats de rue, ce qui pousse le général Scipion Émilien à incendier la ville. Environ 1 000 carthaginois se réfugient dans le temple d'Eshmoun. La citadelle est finalement investie et les derniers combattants – dirigés par Hasdrubal le Boétharque – se barricadent dans le temple au sommet de la colline. Hasdrubal se rend en secret auprès de Scipion afin d'implorer sa grâce. L'apprenant, son épouse fait construire un bucher et se jette dedans avec ses enfants.
L'historien Australien Ben Kiernan parlera de « premier génocide » : exécutions massives, incendie de la ville pendant dix jours, son emplacement est maudit et la terre est rituellement salée afin que plus rien n'y pousse.
« Carthaginem esse destrui ». La troisième guerre punique se solde donc par la première « guerre d'anéantissement ». La notion sera revitalisée au XXème siècle avec le génocide des tziganes et des juifs, les bombardements de Dresde ou d'Hiroshima.
C'est alors que l'on passe au niveau supérieur. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, on peut évoquer l'expression de « guerre de vitrification » qui mènera à la doctrine de dissuasion nucléaire. En effet, qu'est ce que la « guerre de vitrification », sinon l'extermination totale de l'adversaire, de ses infrastructures, de ses réserves, de ses capacités à survivre ?
Mais que se passe t-il lorsque l'ennemi dispose des mêmes capacités de destruction ?
On imagine alors les « frappes ciblées », la « riposte graduée » par l'intermédiaire d'engins nucléaires tactiques, de théâtre, stratégiques...
L'atome fascine après Hiroshima et Nagazaki. Le public est soumis à un bombardement d'idées et de concepts plus farfelus les uns que les autres qui font de l'atome le sommet du progrès et de la modernité.
Dès la fin de la guerre, l'occupant américain interdit toute mention des bombes atomiques dans la presse japonaise. Les « hibakusha » font l'objet de rejet et de discriminations. « Le Monde » titre sur « Une révolution scientifique ». Les allusions aux souffrances des victimes et aux effets des radiations sont contrôlées.
De façon tout à fait incroyable, un homme va défier la censure. Son nom est Wilfred Burchett et, en 1945, cela fait quatre ans qu'il couvre la guerre du Pacifique pour le compte du « Daily Express ». Le 2 septembre, alors que six-cents de ses confrères assistent à la reddition des forces japonaises sur le cuirassé « Missouri », lui monte sans accréditation dans un train, destination : Hiroshima, qui n'est pas encore sous contrôle américain. Après vingt heures de voyage au milieu de soldats et d'officiers armés qui le regardent d'un sale œil, il débarque en pleine nuit en gare d'Hiroshima, où il est immédiatement arrêté.
Relâché au petit matin, il découvre le gigantesque champ de ruine et les hôpitaux bondés où meurent les gens d'une mystérieuse maladie :
« A Hiroshima, trente jours après la première bombe atomique qui détruisit la ville et fit trembler le monde, des gens, qui n'avaient pas été atteints pendant le cataclysme, sont encore aujourd'hui en train de mourir, mystérieusement, horriblement, d'un mal inconnu pour lequel je n'ai pas d'autre nom que celui de peste atomique [ ... ]. Sans raison apparente, leur santé vacille. Ils perdent l'appétit. Leur cheveux tombent. Des taches bleuâtres apparaissent sur leur corps. Et puis ils se mettent à saigner, des oreilles, du nez, de la bouche. »
L'article de Burchett paraitra le 5 septembre en « une » du « Daily Express ». Juste à temps. La censure s'abat sur le Japon. Les conséquences de la bombe sont ignorées, voire niées. William Laurence, chef des relations publiques du « Projet Manhattan » répond à Burchett le 13 dans le « New York Times » :
« Aucune radioactivité dans les ruines d'Hiroshima. (...) Les Japonais prétendent que des gens sont morts du fait des radiations. Si cela est vrai, ils ont été très peu nombreux. Et s'il y a eu des radiations, elles ont été émises pendant l'explosion et pas après. Les Japonais poursuivent leur propagande pour créer l'impression que nous avons gagné la guerre de façon déloyale. »
Burchett mourra en 1983, d'un cancer.
En occident, on voit dans le nucléaire la promesse d'un nouvel âge d'or qui se traduira par le remplacement des centrales à charbon et de l'essence par l'énergie nucléaire : automobiles à moteur nucléaire, irradiation des aliments à fin de préservation, bombardier à propulsion nucléaire, utilisation des essais nucléaires du Nevada à des fins touristiques...
En septembre 1954, une bombe de 20 kilotonnes explose au-dessus de la ville de Totskoye, dans l'Oural, à 130 kilomètres de Kouibichtchev (800 000 habitants) et 160 kilomètres d'Orenbourg (265 000 habitants). 45 000 soldats sont lancés dans la fournaise nucléaire dans le but de savoir si les troupes seront capables de combattre dans une zone sous bombardement atomique.
Dans le bréviaire de l'horreur nucléaire, le Kazakhstan occupe sans doute la première place. Dans ce que l'on appela le « polygone » : une zone de 18 500 km2 fut soumise à 466 essais nucléaires sur une période de quarante ans dont 116 en atmosphère. Lors de l'essai de la première bombe à hydrogène, on évacua 191 habitants du village de Karaoul à 120 kilomètres de l'épicentre, mais en y laissant 49 hommes avec ordre de rester dehors. On fit boire de la vodka à la moitié d'entre eux (on imaginait qu'elle avait des vertus radioprotectrices). Trois hommes seulement survécurent.
De leur côté, les Américains utilisèrent 700 « cobayes humains » et exposé des milliers de personnes aux retombées. Le 26 juillet 1946, une bombe de 50 Mt explosa sous l'eau, à Bikini. « Operation Crossroads », un documentaire de Robert Stone montre des marins de l'US Navy montant à bord des navires qui n'ont pas coulé. Le narrateur y perdit ses deux jambes et son bras gauche avant de décéder d'une « mystérieuse maladie ».
L'ignorance ne peut être invoquée ici, du moins dans le cas des Américains. Lorsque Fermi construisit à Chicago, en 1942, le premier réacteur nucléaire, on se soucia d'emblée de la sécurité des chercheurs. Par ailleurs, dès 1928, des radiologues, alertés du grand nombre de décès parmi les leurs, fondèrent la Commission internationale pour la protection contre les radiations ionisantes.
Dès les années quarante, on administra à plus de 700 femmes enceintes venues dans un service de soins gratuits de l'université de Vanderbilt (Tennessee) des pilules radioactives exposant le fœtus à des doses radioactives trente fois supérieures à la normale. Dans le Massachusetts, on servit à des enfants handicapés mentaux des aliments exposés aux radiations. En 1963, 131 détenus de prisons d'État de l'Oregon et de Washington se portèrent volontaire contre un dédommagement de $ 200 pour recevoir des doses jusqu'à 600 röntgens aux testicules. Dans un autre cas, des patients hospitalisés et que l'on estimait condamnés se virent administrer de petites doses de plutonium. Plusieurs patients survécurent néanmoins, dont un ouvrier blessé à la jambe. Il se vit amputer de celle-ci et survécut quarante-quatre ans.
Le gouvernement britannique effectue entre octobre 1952 et octobre 1957 des essais nucléaires sur trois sites australiens : les îles Monte Bello, Emu Field et Maralinga. Ces essais se font sans l'autorisation des propriétaires fonciers coutumiers. La région de Maralinga était habitée par les populations aborigènes Pitjantjatjara et Yankunytjatjara, pour qui Maralinga est d’une très grande importance spirituelle. Certaines zones sont striées de pistes du « Dreamtime ».
« Nous étions tous en train de vivre là quand le gouvernement a utilisé le pays pour la Bombe. Certains vivaient à Twelve Mile, juste à la sortie de Coober Pedy. La fumée était bizarre et tout semblait comme voilé. Tout le monde est tombé malade. D’autres gens étaient à Mabel Creek et beaucoup sont tombés malades. Certains vivaient à Wallatinna. D’autres ont été déplacés. Les « whitefellas » et tous les autres sont tombés malades. Nous étions jeunes, les femmes n’avaient pas de cancer du sein, ni autre forme de cancer. Le cancer était aussi inconnu des hommes. Et pas d’asthme, nous n’étions pas malades. Le gouvernement estimait qu’il savait ce qu’il faisait à l’époque. Maintenant, ils reviennent pour nous dire à nous, pauvres « blackfellas », que « Rien ne va vous arriver, rien ne va venir vous tuer. »…Et nous nous faisons du souci pour nos enfants. Nous avons beaucoup d’enfants qui grandissent dans le pays et il y en aura encore plus, des petits-enfants et des arrières petits-enfants. »
A partir de 1957, six essais sont effectués sur l'île Christmas. On donne l'ordre au personnel de service de se mettre en rang à ciel ouvert, dos à l'explosion et de garder les yeux fermés pendant vingt secondes après la déflagration. En mer, les équipages sont disposés sur le pont des navires. Des pièces probantes dans les archives britanniques prouvent que l'un des buts de ces expérimentations était d'étudier l'incidence des essais nucléaires « sur le personnel et l'équipement ».
« La Marine requiert des informations concernant les effets de divers types d’explosions atomiques sur les navires, leur contenu et l’équipement. La Marine doit obtenir des informations détaillées sur les effets des divers types d’explosions sur l’équipement, le ravitaillement et les hommes avec ou sans protection ».
(Note de service : 20 mai 1953)
« Pendant les essais de 1957, la RAF bénéficiera d’une expérience inestimable en matière d’utilisation des armes et pourra observer de près les effets des explosions nucléaires sur le personnel et l’équipement ».
(Note de service : 29 novembre 1955)
Des hommes sont sélectionnés pour des « essais de tenues vestimentaires ».
“On leur a demandé de porter un type de vêtement particulier et de ramper ou marcher à travers le point zéro [l’endroit où la bombe a explosé] parfois quelques heures ou quelques jours après l’explosion d’armes atomiques à Maralinga. Le but était de déterminer si les vêtements offraient une quelconque protection aux matériaux radioactifs qui se trouvaient dans le sable et l’air ambiant dans lesquels ils travaillaient à ce moment-là. ».
(Sue Rabbit Roff, Université de Dundee)
Aucun examen médical n'est effectué, ni avant, ni après les essais.
En novembre 1956, l'Air Vice Marshall Wilfred Oulton publie une étude sur la zone de danger des essais nucléaires « Grapple » de 1957-1958. Le dosage de radiation établi diffère selon qu'il s'agit du personnel Britannique (niveau B) ou des insulaires (niveau B').
« Pour les populations civilisées, habituées à porter des chaussures et des vêtements et à se laver, l’activité nécessaire pour atteindre ce dosage (niveau B) est plus important que ce qui est nécessaire pour atteindre un dosage équivalent pour les populations primitives qui n'ont pas l'habitude de porter de tels habits. Pour de telles populations, le niveau correspondant d'activité est désigné sous le nom de niveau B’ ».
En mars 1957, aux États-Unis, le rapport de Brookhaven (Wash 740) dont le but avoué est de convaincre le Congrès de voter le « Price Anderson Act » proposé par l'Atomic Energy Council (AEC) avance les chiffres suivants en cas d'accident grave dans une centrale nucléaire : 3 400 morts, 43 000 personnes contaminées, 7 milliards de dollars de dommages matériels. Cette loi visait à limiter la responsabilité civile des producteurs d'électricité à 60 millions de dollars sur une période de dix ans. Le gouvernement s'engageait à couvrir les frais supplémentaires jusqu'à concurrence de 500 millions de dollars.
Cette loi permettait aux compagnies privées de se lancer dans la production d'électricité à base d'énergie nucléaire. Vers 1964-1965, le rapport fut mis à jour, mais, au vu de ses conclusions, il fut tabletté et le « Price Anderson Act » prorogé de dix ans.
Pour la France, l'essai « Gerboise bleue », le 13 février 1960 a lieu dans la région de Reggane en Algérie. Sa puissance est de 70 Kt, supérieure à celle, combinée, des premiers essais des trois autres puissances nucléaires de l'époque : « Trinity » (USA, 19 Kt), « RDS-1 » (URSS, 22 Kt) et « Hurricane » (UK, 25 Kt). Les journalistes présents, à 20 kilomètres de l'épicentre ont certainement été exposés aux radiations. Le nuage radioactif atteint Tamanrasset, Ndjamena, Bangui, Bamako, l'Espagne et la Sicile.
Le 1er avril, c'est au tour de « Gerboise blanche » (4 Kt). Lors de cet essai, 150 algériens dont une majorité de prisonniers sont utilisés comme cobayes.
Le 25 avril 1961, « Gerboise verte » est déclenchée dans la précipitation suite au putsch des généraux à Alger, le 23. D'un point de vue technique, avec 1 Kt, c'est un échec. Des appelés du contingent sont utilisés comme cobayes et envoyés jusqu'à 800 mètres de l'épicentre.
« Je suis sorti de la tranchée et tout de suite ses yeux m’ont fixé : deux prunelles de cendre. C’était une chèvre, une pauvre chèvre que nous n’avions pas vue, enchaînée sur la plaine, face au pylône et à la bombe. Un chevreau semblait s’abriter derrière elle, sur ses pattes tremblantes. Tous deux étaient comme cuits. J’ai abandonné mon compteur, et la chèvre s’est mise à hurler. Le chevreau était tombé sous elle. Il y avait ce cri, mécanique, sans être, un cri à nous rendre fous. Pour ce cri, j’aurais renoncé à la France. »
(Christophe Bataille - « L'expérience »)
Le 1er mai 1962, c'est l'accident de « Béryl ». C'est le deuxième essai souterrain à In Ecker, au nord de Tamanrasset. La bombe est placée au fond d'une galerie dans la montagne de Taourirt Tan Afella. Elle est refermée par un bouchon de béton et quatre portes en acier. Ces mesures sont réputées permettre le meilleur confinement possible de la radioactivité et de nombreux officiels assistent à l'essai. Mais au moment du tir, le bouchon cède et la dernière porte est projetée à plusieurs dizaines de mètres. Un nuage radioactif culmine à 2 600 mètres d'altitude. Un millier de personnes sont contaminées dont les ministres Pierre Messmer (ministre des armées) et Gaston Palewski (ministre de la recherche scientifique). Ce dernier décèdera d'une leucémie en 1984. Pierre Messmer lui survivra jusqu'en 2007, décédant d'un cancer. Le nombre d'Algériens contaminés reste à ce jour inconnu.
Les causes de décès à Tahiti disparaissent dès 1963 à la fois des tables de l'Organisation Mondiale de la Santé et du « Journal Officiel ».
En 1950, le général Mac Arthur est révoqué pour avoir demandé à utiliser des bombes atomiques contre les renforts chinois aux Nord-Coréens. Trois ans plus tard, Eisenhower réitère la menace (ce qui hâte peut-être la fin de la guerre). En 1956, c'est au tour de Khrouchtchev de s'y mettre afin de contraindre Français et Britanniques à se retirer de l'Égypte, durant la crise de Suez.
En 1962, on passe tout près de l'apocalypse nucléaire. Fidel Castro exhorte Khrouchtchev à se lancer dans l'opération « Anadyr » : l'installation de missiles nucléaires à Cuba et à accepter une guerre nucléaire. Face à la doctrine « du fort au fou », c'est celle « du fort au fort » qui l'emporte. Elle coutera son poste à Khrouchtchev deux ans plus tard, et peut-être sa vie à Kennedy, l'année suivante.
En 1951, les États-Unis créent la « Federal Civil Defense Administration ». Aucun budget n'est réellement prévu pour la protection des populations. On met donc l'accent sur la dissémination de « l'information ». C'est de cette époque que date la philosophie du « Duck and Cover ».
« When you see a flash of light brighter than the sun—-
Don’t run; there isn’t time.
Fall flat on your face.
Get Down Fast! »
On recommandait alors à la population de rester au sol « au moins une minute ».
Les conséquences des retombées étaient peu connues à l'époque. Cela changea en 1954 avec l'explosion de « Castle Bravo » qui affecta non seulement des résidents de l'atoll qui y retournèrent après l'explosion mais des pêcheurs japonais à 7 000 miles de là. Les exercices « Duck and Cover » furent néanmoins poursuivis.
Pourquoi ? Il semble que l'offre de conseils de prévention – aussi inadéquat fussent-ils – ait eu pour objet de diminuer les risques de panique en cas de catastrophe. Par ailleurs, des études sur la seconde guerre mondiale avaient démontré que des civils entrainés à administrer des soins de premiers secours et organisés en équipes pouvaient faire face à 95% des mesures d'urgences nécessaires en cas de catastrophe.
« The War Game » est loin d'être le premier film réalisé portant sur le sujet d'une guerre nucléaire. Citons :
« Five » (1951) de Arch Oboler, film à petit budget ($ 75,000) décrivant le sort de cinq survivants après une catastrophe nucléaire. Le film évoque déjà la menace représentée par les radiations et semble s'achever sur une image fataliste de l'avenir.
« On the beach » (1959) de Stanley Kramer, doté d'une distribution prestigieuse (Gregory Peck, Ava Gardner, Fred Astaire, Anthony Perkins), il décrit la lente agonie de survivants en Australie après une guerre nucléaire ayant touché l'hémisphère nord. La menace, ici, vient des retombées nucléaires qui menacent même les zones ayant échappé à la guerre. Aucune échappatoire, sinon au travers du suicide.
« Sekai Daisensō » (la grande guerre mondiale) (1961) de Shūe Matsubayashi qui décrit l'accroissement des hostilités suite à une reprise de la guerre de Corée et son aboutissement en une guerre nucléaire. Les personnages principaux (des Tokyoïtes) choisissent de subir leur sort avec fatalisme.
“La Jetée” (1962) de Chris Marker que celui-ci a décrit comme un “roman photo”. Il s'agit d'une dystopie de 28 minutes réalisée sous forme de photomontage. Il est à l'origine du film “12 monkeys” de Terry Gilliam (1995). Selon les termes du bloggueur Jake Hinkson : “Quelque fussent nos efforts pour nous perdre (dans le passé), nous serons toujours ramené dans le monde, dans le présent. En fin de compte, on ne peut échapper au présent.”
“Panic in year zero” (1962) de Ray Milland. Semble surtout intéressant pour sa démonstration de l'effondrement des liens sociaux en cas de guerre nucléaire.
“This is not a test” (1962) de Frederic Gadette, film à petit budget qui dépeint les efforts ineptes de deux représentants de l'autorité pour maintenir celle-ci dans l'attente d'une guerre nucléaire.
“Ladybug Ladybug” (1963) de Frank Perry. Ce film, réalisé un an après la crise de Cuba semble particulièrement intéressant. Basé sur un article de Lois Dickert : “They thought the war was on !” (McCall's, avril 1963) à propos d'un incident survenu dans une école primaire et qui vit la mort d'une élève. Ce film, oublié aujourd'hui et apparemment indisponible en DVD semble l'un des plus réalistes jamais réalisé sur le climat d'hystérie de l'époque : le film se concentre sur une classe d'une école primaire rurale alors qu'une alerte de raid aérien a été déclenchée sans que l'on sache si c'est un test, un accident ou la terrible réalité. Professeurs et fonctionnaires scolaires suivent comme ils le peuvent les directives ineptes en cas d'alerte. L'action se porte en particulier sur une maitresse d'école censée ramener chez eux ses élèves et qui se casse un talon de chaussure, impuissante à controler ses protégés qui finissent par sombrer dans un comportement façon “Lord of the flies”.
“Dr. Strangelove or : How I learned to stop worrying and love the bomb” (1964) de Stanley Kubrick. Je ne vais pas vous insulter ici en essayant de vous résumer ce film indémodable. Notons toutefois que, bien qu'il ait été critiqué à l'époque de tous cotés pour son caractère absurde, il apparait – et rappelons ici le souci de précision obsessionnel de Kubrick, basé sur une recherche approfondie pour chacun de ses films – que “Dr. Strangelove” est un film profondément réaliste.
Durant la guerre froide, les USA se virent placés devant un dilemme : celui du “toujours/jamais”. Il s'agissait en effet de s'assurer à la fois de la capacité des forces armées à répliquer en cas d'attaque nucléaire (impliquant la destruction de la chaine de commandement au plus haut niveau : le président des Etats-Unis) et de s'assurer que des armes nucléaires ne puissent être utilisées sans autorisation en temps de paix.
En 1953, Eisenhower fit le choix qui lui paraissait le moins mauvais : celui du “toujours”. En cas d'urgence et dans l'impossibilité de contacter le Président, l'Air Force serait autorisée à employer ses missiles anti-aériens à capacités nucléaires. Pire encore, une bonne demi-douzaine d'officiers supérieurs seraient autorisés à déclencher le feu nucléaire sans en référer à la Maison Blanche dans le cas où leurs forces seraient attaquées et que “l'urgence du moment et des circonstances ne permette clairement pas une décision spécifique de la part du Président, ou de toute personne autorisée à agir en son nom.” Craignant à juste titre une réaction défavorable de la part du public, Eisenhower tint cette décision secrète.
Par la suite, l'administration Kennedy fut non seulement choquée de cette information mai également des conditions dans lesquelles étaient conservées les quelques trois-mille engins nucléaires Américains en Europe. Peu d'entre eux étaient neutralisés, et rien n'empêchait un officier de l'OTAN Turc, Hollandais, Italien, Britannique ou Allemand de les utiliser sans l'approbation des Etats-Unis.
En décembre 1960, quinze membres du Congrès, membres du “Joint Committee on Atomic Energy” effectuèrent une tournée des bases de l'OTAN. Ils découvrirent avec stupéfaction que des engins nucléaires étaient quotidiennement gardés, transportés et manipulés par du personnel étranger. Harold Agnew, un physicien de Los Alamos – découvrant des pilotes Allemands assis dans des avions Allemands décorés aux insignes Allemands, et transportant des bombes atomiques Américaines – “fit pratiquement dans ses culottes” lorsqu'il réalisa qu'une simple sentinelle Américaine armée d'un fusil était tout ce qui empêchait quelqu'un de décoller dans l'un de ces avions pour s'en aller bombarder l'Union Soviétique.
L'administration Kennedy décida de mettre en place un système de commandes électromécaniques codées ou “Permissive Action Links” (PALs). Les armes ne pourraient être utilisées sans le code approprié, et ce code ne serait partagé avec les alliés de l'OTAN que si la Maison Blanche était prête à partir en guerre contre les Soviétiques. Les miltaires Américains furent moins qu'enchantés. Un mémo du Département d'Etat résumait ainsi l'opinion du “Joint Chiefs of Staff” en 1961 : “tout va bien avec le programme d'armement atomique et il est inutile de procéder à des changements.”
Pendant des années, l'Air Force et la Navy bloquèrent toute tentative d'ajouter des commandes codées à l'arsenal à leur disposition. On institua alors la règle du binôme afin de rendre plus difficile l'usage d'une arme nucléaire sans autorisation.
Kubrick avait obtenu la collaboration sur son film d'un ancien pilote de la R.A.F. : Peter George, auteur dur roman « Red Alert ». A l'insu de Kubrick, un membre du Département de la Défense expédia un exemplaire du roman à chaque membre du «Pentagon’s Scientific Advisory Committee for Ballistic Missiles ».
Des commandes codées furent finalement ajoutées au systèmes de contrôle des missiles et bombardiers Américains au début des années 70. L'Air Force prit la chose comme une insulte, un manque de confiance dans son personnel. En conséquence, le code secret de lancement d'un missile institutionnalisé dans chaque site Minuteman fut : 00000000.
Ajoutons pour finir que Bill Clinton égara en 2000 le « biscuit », une carte digitale sur laquelle étaient inscrits les codes nucléaires, sans se préoccuper d'en informer qui que ce soit pendant des mois. En 2013, le Vice Amiral Tim Giardina, numéro deux du « U.S. Strategic Command » fut placé sous enquête pour contrefaçon de jetons de casino. Il fut relevé de son commandement en octobre. Quelques jours plus tard, le Major Général Michael Carey – responsable des missiles balistiques intercontinentaux – fut sanctionné pour conduite « inconvenante de la part d'un officier et d'un gentleman ». Selon un rapport de l'Inspecteur Général de l'Air Force, durant un voyage officiel en Russie, il s'était montré grossier envers des officiers Russes, avait passé du temps en compagnie de jeunes femmes « suspectes », discuté de façon ostentatoire d'informations secrètes et – ivre – tenté de se joindre à un orchestre dans un restaurant à proximité de la Place Rouge.
« Fail Safe » (1964) de Sidney Lumet : inutile de s'appesantir trop sur ce film. Il reprend à peu de choses près la même intrigue que « Dr. Strangelove », mais de façon « sérieuse ». Durant le tournage de son film, Kubrick eut vent de la production de « Fail Safe ». Craignant à juste titre la concurrence de celui-ci – doté d'une distribution prestigieuse : Henry Fonda, Walter Matthau – il fit tout pour retarder sa sortie : à commencer par une plainte en « violation de droit d'auteur » en se basant sur les similitudes entre les romans « Red Alert » (sur lequel est basé « Dr. Strangelove ») et « Fail Safe ». Le plan fonctionna : le film sortit huit mois après « Dr. Strangelove »... et fut un échec commercial.
Par soucis d'honnêteté (n'en n'espérez pas trop de ma part), je précise que les seuls films de cette liste que j'ai vu sont « La Jetée », « Dr. Strangelove » et « Fail Safe ».
Il existe bien d'autres films de cette époque sur une possible troisième guerre mondiale, mais je n'en ai retenu ici que les plus marqués du sceau du réalisme et de la pertinence.
Voici donc à peu près où nous en sommes en 1964. Bien évidemment, le public n'est pas conscient de la plupart des événements énoncés ci-dessus. Les essais nucléaires son « Top-Secret » et leurs dessous ne seront révélés que plusieurs décennies plus tard.
Revenons donc à Peter Watkins.
Celui-ci est farouchement antimilitariste (il a vécu le « Blitz »). La crise de Cuba a profondément affecté les populations et l'inquiétude est palpable. 1963 a vu la signature de l'accorde de Moscou sur l'arrêt des essais nucléaires. Les Russes, les Américains et les Britanniques signent, mais Paris et Pékin refusent. Les autorités et les médias taisent les effets qu'une guerre nucléaire aurait sur le monde.
Peter Watkins est influencé à la fois par le « Free cinema » et le « Cinéma-direct » de Drew et Leacock (« Primary », « The Chair », « Crisis », etc.).
Le « Free Cinema » (ou cinéma des « Angry Young Men ») n'est pas sans rappeler la « Nouvelle Vague » française par sa remise en cause des conventions techniques et sociales du cinéma de l'époque, son indépendance vis-à-vis de l'industrie, l'originalité des sujets, en particulier une réalité sociale déniée.
Je me permettrais de le citer ici dans le texte :
« By late 1964 Harold Wilson’s newly elected Labour Government had already broken its election manifesto to unilaterally disarm Britain, and was in fact developing a full-scale nuclear weapons programme, in spite of wide-spread public protest. There was a marked reluctance by the British TV at the time to discuss the arms race, and there was especially silence on the effects of nuclear weapons - about which the large majority of the public had absolutely no information. I therefore proposed to the BBC that – using one small corner of Kent in southeastern England to represent a microcosm – I make a film showing the possible effects, during an outbreak of war between NATO and the USSR, of a nuclear strike on Britain.
At that precise moment the BBC was undergoing a power struggle, a ‘night of the long knives’ - someone very senior had been fired, someone else had quit in support, and Huw Wheldon was pushed two notches up the Corporation’s hierarchical ladder to the position of Controller of BBC 2. He was no longer the Head of the Documentary Film Department, and, at the worst possible time, his personal backing was suddenly gone. The BBC read the script of ‘The War Game’, reluctantly agreed to give me a budget, but warned that the film might not be completed. This warning was a result of the British Home Office (in charge of Civil Defence, into which the government was pouring great amounts of money and propaganda) having telephoned the BBC to inquire why I was making a film on this subject. As part of my research, I had sent a letter to the Home Office inquiring how many hospital beds, etc. the Civil Defence would be able to provide following an all-out nuclear strike on the UK, and this had naturally prompted their query to the BBC. »
Le tournage eut lieu début 1965, dans les villes de Tonsbridge, Gravesend, Chatham et Dover, dans le Kent. La plupart des acteurs recrutés étaient des amateurs. L'équipe était constituée du directeur de la photographie Peter Bartlett, de l'ingénieur du son Derek Williams, de la maquilleuse Lilian Munro, du responsable des cascades Derek Ware, des scénographes Tony Cornell et Anne Davey, de la costumière Vanessa Clarke et du monteur Michael Bradsell.
Une fois de plus – comme dans « Culloden » – l'objectif affiché de Watkins était de créer une impression d'immersion renforcée par le sentiment d'immédiateté des fausses actualités. Il s'agissait de plonger le spectateur dans un état d'étude approfondie de sa propre histoire, impliquant cette fois-ci le potentiel d'imminence des événements montrés. Il s'agissait de briser l'illusion de la « réalité » telle que proposée par les médias de masse et leur silence concernant la course aux armements nucléaires.
« The War Game », comme tous les films de Watkins, est un « docu-drama » tout en se refusant à l'être. Comme dans le docu-drama, Watkins repousse la frontière de la crédibilité, imposant une réflexion sur le rapport spectateur/film et sur les concepts de réalité et d'objectivité. Il en retient certains éléments (caméra légère et en mouvement, son synchrone, pellicule permettant les prises de vues en lumière naturelle) tout en en rejetant d'autres (intervention du journaliste, montage).
« Ici en effet, point de transposition esthétique du réel comme chez Eisenstein, mais une vision directe à quoi l’absence de médiations esthétiques confère pourtant une force de persuasion qui n’est pas seulement de l’ordre physique (les sueurs froides) ou intellectuel (l’adhésion à la vision politique et morale de l’auteur). Car le film nous touche aussi parce qu’il est beau et il est beau parce qu’il est vrai, même si cette vérité indépassable naît d’une totale reconstitution, même si cette confondante apparence de réalité vient d’un complet trucage. En jouant un peu sur les mots, on pourrait dire qu’un tel film est aux antipodes du cinéma-direct et qu’il est pourtant le comble du cinéma-vérité ».
Marcel Martin – Journaliste et critique de cinéma.
Watkins casse les codes du cinéma documentaire comme pour en rejeter les conventions. Les éléments traditionnels du documentaire deviennent des effets de mise-en-scène (flous, mauvais cadrages, caméra tremblante, présence d’archives et interviews des sujets filmés).
« Peter Watkins dénonce l’utilisation par le cinéma documentaire d’artifices fictionnels qui altèrent inconsciemment le jugement par une adhésion émotionnelle. Cette contestation passe par un travail similaire de déconstruction des procédés fictionnels en jeu. Cette dimension subversive est moins immédiate et apparaît plus lors de l’analyse qu’à la vision des films : c’est là le paradoxe que l’artifice fictionnel est tant passé dans les habitudes de réception, qu’il en devient limpide, « transparent ». Il est nécessaire d’émettre une réserve sur l’interprétation à porter sur l’emploi de ces procédés, parfois explicitement mis en valeur (faux raccords, arrêt sur image, caméra subjective, etc) mais souvent utilisés malgré tout pour donner au film une fluidité minimale (agencement des séquences par raccord sonores, ellipses permettant de faire progresser la narration, etc) et éviter de pousser la démarche du réalisateur vers une dimension trop expérimentale. »
Alexandre Labrussiat – Metteur en scène.
On pourra comparer « The War Game » avec la version radiophonique de « La guerre des mondes » d'Orson Welles dans le sens où le film implique intellectuellement, émotionnellement et activement le spectateur.
La fiction déborde dans le « docu-drama » lorsque la caméra se montre non seulement invincible, mais fait preuve d'ubiquité.
Autre écart avec le « docu-drama », Watkins brise le « quatrième mur » en interpellant le spectateur, en l'impliquant de force dans son film par un effet de distanciation Brechtien qui l'éloigne de la narration fictionnelle. Brecht, qui s'est inspiré du théâtre chinois, japonais, du Moyen-âge et du théâtre Elizabéthain, parle de Verfremdungseffekt (de l'allemand fremd : étrange, étranger, inconnu) pour affirmer la distanciation au théâtre en vue de la désaliénation du spectateur, c'est-à-dire la réduction de sa passivité. Watkins rejette le spectateur « passif ». Il le veut « actif » et fait appel à son intelligence, à son sens du jugement. De par sa mise-en-scène militante il lui impose certains choix tout en lui laissant – par l'ubiquité de la caméra, qui présente un même sujet sous différents points de vue – la liberté de se faire sa propre idée.
« L'avantage essentiel que le théâtre épique tire de la distanciation (laquelle vise exclusivement à montrer le monde sous un angle tel qu'il apparaisse comme susceptible d'être pris en main par les hommes), c'est justement son caractère naturel et terrestre, son humour, son refus de toute cette mystique dont le théâtre traditionnel est redevable à des époques depuis longtemps révolues. »
Bertolt Brecht – dramaturge, poète, metteur en scène, théoricien du théatre.
« Avant tout je veux choquer les gens, les tirer de leur confort, leur montrer ce qu’ils se refusent à voir, en un mot, les forcer à comprendre ».
Peter Watkins
La BBC semblait l'endroit idéal pour un tel projet. Celle-ci avait depuis longtemps établi fermement son engagement à la neutralité : traitement neutre d'un sujet controversé, sans pour autant tomber dans le piège de la compensation « bon sujet » par « mauvais sujet ».
La BBC était alors dirigée par Sir Hugh Carleton Greene, considéré comme le meilleur Directeur-Général que celle-ci ait jamais eu, lui donnant un nouveau souffle avec l'objectif d'apporter éducation, information et divertissement dans tout le pays. Cet effort visait à s'aligner avec le vent de libération qui soufflait sur le pays à l'époque et ce, avec l'aide du gouvernement réformiste d'Harold Wilson et du Ministre de l'Intérieur Roy Jenkins qui mettait toute son influence dans la réforme de l'avortement, l'abolition de la pendaison et la légalisation partielle de l'homosexualité.
La BBC ne resterait pas en dehors de cette période de réforme : elle serait au cœur de la réforme, avec les réformistes. Elle ignorerait avec superbe les actions de la militante puritaine Mary Whitehouse, destinées à « nettoyer les ondes ».
Durant son mandat, la BBC produisit et diffusa, en plus de « Cathy come home », le premier film sur le phénomène de l'avortement illégal : « Up the junction ».
Et puis vint « The War Game ».
« I repeated the “you-are-there” style of newsreel immediacy. My purpose, as in ‘Culloden’, was to involve ‘ordinary people’ in an extended study of their own history - only this time the subject involved potentially imminent events, for the threat of full-scale nuclear war was a very real one at that time. There was, however, an important stylistic difference in this film. Interwoven among scenes of ‘reality’ were stylized interviews with a series of ‘establishment figures’ - an Anglican Bishop, a nuclear strategist, etc. The outrageous statements by some of these people (including the Bishop) - in favour of nuclear weapons, even nuclear war - were actually based on genuine quotations. Other interviews with a doctor, a psychiatrist, etc. were more sobre, and gave details of the effects of nuclear weapons on the human body and mind. In this film I was interested in breaking the illusion of media-produced ‘reality’. My question was - “Where is ‘reality’? ... in the madness of statements by these artificially-lit establishment figures quoting the official doctrine of the day, or in the madness of the staged and fictional scenes from the rest of my film, which presented the consequences of their utterances ?”- and to that end I consistently inter-cut said interviews. Obviously beyond and above the question of form was my concern to use the film to help people break the silence in the media on the nuclear arms race. »
Peter Watkins
Le film commence par un déroulant. On notera particulièrement l'absence de générique qui renforce le téléspectateur dans sa conviction d'être en présence d'un documentaire classique.
C'est le premier type de narrateur présent dans le film. Celui-ci est neutre et emploie le conditionnel. Son rôle est d'énoncer les effets d'une attaque nucléaire en se basant sur des données scientifiques.
« La politique actuelle de dissuasion britannique menace les éventuels agresseurs d'une destruction thermonucléaire. Le largage des bombes est délivré par des appareils Vulcan MK II de la force aérienne Britannique V-bomber. »
La force « V-Bomber » ou « Bomber Command Main Force » se composait de « Vickers Valiant », « Handley Page Victor » et de « Avro Vulcan ». Elle a atteint son apogée en 1964 avec 50 Valiants, 30 Victor et 70 Vulcan.
Le Vulcan fut un bombardier utilisé par la R.A.F de 1953 à 1984. Il était équipé de quatre turboréacteurs pour une vitesse maximale de 1 040 km/h, un plafond de 19 000 mètres et un rayon d'action de 3 700 kilomètres. Son armement nucléaire pouvait se composer d'une bombe atomique « Blue Danube » ou thermonucléaire « Yellow Sun ». Sa portée aurait donc été plus que suffisante pour atteindre Moscou.
Reprenons :
« En cette heure de crise internationale, le gouvernement songe à envoyer une partie des appareils de la force V-bomber sur les aéroports civils et militaires de la Royal Air Force.
Voici approximativement leur situation. La Russie destine pour eux un certain nombre de missiles nucléaires à moyenne portée pointés sur des objectifs militaires d'Europe de l'Ouest. Et à chacune de ces 25 villes clés où réside presque un tiers de la population britannique, l'URSS destine probablement un nombre inconnu de missiles nucléaires. Toutes ces villes et tous ces aérodromes font que la Grande-Bretagne a plus d'objectifs militaires par hectare que tout autre pays au monde. »
Suit un long plan-séquence montrant un motard allant délivrer un document officiel dans un bâtiment administratif tandis qu'une voix-off fait état de l'invasion du Sud-Vietnam par la Chine. En soutien de cette action, « l'URSS et l'Allemagne de l'Est ont bouclé tous les accès de la ville de Berlin et ont affirmé leur intention d'occuper le secteur ouest de la ville sous 48 heures si les Américains ne renoncent pas à l'emploi d'armes nucléaires tactiques contre les forces chinoises. Le gouvernement des sa Majesté a déclaré l'état d'urgence pour toute la durée de la crise. Le gouvernement central cesse toutes fonctions à partir de midi et le pays sera administré par quinze commissaires régionaux. De plus, un réseau de comités d'urgence est actuellement mis en place dans chaque grande ville et comté du pays.
Vu la gravité de la situation internationale, le gouvernement a décidé que la première tâche de ces comités sera d'organiser l'évacuation de certains civils dans les zones plus sures comme le Pays de Galles, une partie du Northumberland, les Midlands, le Sud-Ouest, le Dorset, le Sussex oriental et le Kent. Conformément au plan d'évacuation de 1962, ces dispositions ne s'appliquent qu'à certaines catégories de civils. »
Nous avons eu à faire ici avec le second type de narrateur : le commentateur radiophonique. Il continuera à distiller des informations jusqu'à l'attaque nucléaire.
Nous sommes de toute évidence dans les bureaux de l'un de ces comités. Un officiel prend la parole et annonce qu'ils vont devoir recevoir un total de 600 000 évacués à répartir en cinq catégories de priorité :
Catégorie 1 : Enfants de moins de quinze ans avec leur mère.
Catégorie 2 : Lycéens de moins de 18 ans.
Catégorie 3 : Adolescents de moins de 18 ans.
Catégorie 4 : Femmes enceintes.
Catégorie 5 : Aveugles, personnes âgées et invalides.
Un homme (journaliste ?) intervient : « Pas de pères ? »
Réponse : « Non, pas de pères. »
Comme pour illustrer cette décision, des autocars sont ensuite montrés transportant des femmes dans le Kent. L'une de celles-ci, visiblement d'origine Indienne ou Pakistanaise, a du laisser son mari et ses enfants à Londres.
Cette séquence est commentée par un autre narrateur, plus émotionnel et qui s'exprime au présent :
« D'après le dernier plan du gouvernement, aucune mesure ne prévoit d'étendre l'évacuation aux hommes valides de plus de 18 ans. Il apparaît donc, même à ce stade précoce, qu'une tentative d'évacuation massive risque d'échouer car on ignore combien de femmes refuseraient de quitter leur mari et leur foyer pour partir sans bagages dans une ville inconnue et être cantonnée d'office dans des familles d'accueil. »
Une femme se fait dire qu'elle devra accueillir chez elle dix réfugiés tout en se débrouillant pour les nourrir. Elle demande : « Est-ce que ce sont des gens de couleurs ? »
« Dans un pays où les préjugés raciaux et sociaux subsistent, où la pénurie de logements et d'espace est une réalité, un certain nombre de mesures seraient nécessaires pour permettre l'évacuation d'environ dix millions d'individus. »
Des membres du « Civil Defense Corps » font la tournée des maisons afin d'informer les habitants de ces règles avec effet immédiat. Certaines demeures abandonnées voient leur porte enfoncée par les pompiers.
Un homme tente de protester. Réaction de son interlocuteur : « Don't argue, don't argue. ». Pour lui, c'est la prison qui l'attend s'il refuse d'obéir.
Le CDC effectue également des tournées afin d'informer les habitants de se rendre à la mairie afin d'y chercher des cartes d'identité et des tickets de rationnements.
Une femme, mère de deux enfants de 19 et 21 ans se voit offrir une carte de rationnement (« Emergency Ration Book ») qui lui accorde une ration et demie, soit :
60 grammes de beurre,
250 grammes de margarine,
60 grammes de thé,
125 grammes de sucre,
2 œufs,
¼ de litre de lait,
125 grammes de viande,
2 miches de pain,
1 livre de pommes de terre,
60 grammes de lard.
« Même s'il n'y avait pas de guerre, il faudrait au pays entre un an et demi et quatre ans pour se remettre des effets d'une évacuation massive. »
Une autre carte apparaît, montrant des zones en pointillés dans le sud-est et toute la pointe sud-ouest de l'Angleterre, le Pays de Galles et la majeure partie de l'Écosse.
« Et s'il y avait une guerre, au moins 20% des régions d'accueil des évacués deviendraient inhabitables du fait des retombées radioactives. »
Nous découvrons ensuite un dernier narrateur en la personne d'un journaliste, narrateur donc « soit-disant » diégétique puisqu'il est « intérieur » à l'histoire. Il interviewe les gens de la rue où les protagonistes. Selon toute logique, il devrait mourir à plusieurs reprises. Il n'est donc pas « réel ». Il apparaît à la fois « au présent » et dans des « flash-backs » ou « images d'archive » d'interview de rue.
Celui-ci pose donc des questions à « l'homme/la femme de la rue », pointant leur ignorance sur divers sujets tel le « carbone 14 » (isotope du proton radioactif) ou le « strontium 90 » (l'un des principaux produits de la fission nucléaire, abondant en cas d'explosion d'une bombe atomique, il est proche du calcium et se fixe de préférence sur la masse osseuse, source de cancer des os et de leucémies). Une femme explique : « Je sais que c'est une sorte de poudre qui explose... »
« En 1959, on pouvait lire dans une note du Home Office : « L'enseignement en matière de radioactivité se fera par étapes au cours des années à venir. »
A Berlin, les confrontations entre émeutiers Ouest-Allemands et policiers Est-Allemands armés dégénèrent.
Des interviewés : « Berlin ? Non, c'est déjà arrivé, ça va se tasser... »
« Il n'y a pas à s'inquiéter. »
« Je suis convaincue qu'il n'y aura pas de guerre. »
17 septembre, le ministre de la défense informe l'opinion sur les dangers des retombées radioactives. Des brochures sont distribués intitulés « Your protection against nuclear attack. ».
Le journaliste interroge un membre du CDC : « Elle a été éditée mais elle ne s'est pas vendue. »
« Elle n'était pas gratuite ? »
« Non, ça coutait neuf pence. »
Un test des sirènes est effectué.
« On a estimé qu'entre le moment où les sirènes confirment une attaque par missile et le temps de l'impact, le temps d'alerte serait d'environ deux minutes et demie à trois minutes. Et si les missiles provenaient de sous-marins au large des cotes britanniques, le temps d'alerte pourrait être inférieur à trente secondes. »
Il s'agit maintenant pour la population de se préparer en suivant les directives du pamphlet. Se pose alors le problème de la disponibilité des matériaux et leur prix.
Un fournisseur s'exprime : « Mes prix sont les suivants :
Sac en toile de jute : 1 livre les dix,
Sable pour le remplir : 24 shillings par mètre cube,
Terre : 7 à 10 livres les cinq mètres cube,
Planches : entre 8 pence et 1 shilling les trente centimètres.
Une femme fait remarquer qu'elle peut dépenser entre 80 pence et 1 livre, pas plus.
« Pour ce montant, elle aura 8 sacs de sable et 6 planches. »
Un homme qui a un ami dans le bâtiment fait faire au journaliste le tour du propriétaire : sacs de sable devant sa maison, abri intérieur, abri extérieur et un fusil pour défendre le tout :
« Et j'ai certainement l'intention de l'utiliser si on essaie d'entrer dans mon abri ! »
Il est à noter qu'ici, l'individu en question ne semble accueillir aucun réfugié chez lui. Le but est, semble t-il, d'offusquer le spectateur. Aucune explication n'étant donnée à ce qui est apparemment un « traitement particulier ». Quoiqu'il en soit, cet individu est le seul présenté dans tout le film comme ayant eu la capacité à s'organiser de manière efficace. Il ne sera pas revu par la suite et le sort de ce privilégié demeurera inconnu.
« Des milliers de familles britanniques seraient dans l'impossibilité de construire un seul abri. Et un programme à cet effet pour chaque habitant du pays couterait 2 000 millions de livres. »
Un commentateur télévisé : « Un magazine religieux américain a conseillé à ses lecteurs de bien réfléchir avant d'offrir imprudemment refuge à un voisin ou un inconnu. »
« 18 septembre : à la suite d'une entrée à Berlin-Ouest des Russes et des Allemands de l'Est, deux divisions de l'OTAN ont tenté une percée dans la ville assiégée mais ont été submergées par les forces communistes. Dans cette situation, il se peut que le Président Américain (photo de Lyndon Johnson) menace de donner le feu vert nucléaire aux forces de l'OTAN pour montrer la détermination collective au cas où les Russes attaqueraient.
Dans ce cas, l'URSS (photo d'un individu non identifié – Khrouchtchev ?) n'aurait sans doute pas d'autre choix que de crier au bluff et d'attaquer. »
Ce commentaire illustre des images de combats, prises côté allié. A l'arrière-plan, on découvre un missile sur sa rampe de lancement auto-tractée. Un officier annonce au téléphone que l'utilisation d'armes nucléaires tactiques par les Français et les Britanniques a été autorisée. Les militaires ne se font aucune illusion sur le résultat d'un conflit nucléaire.
« Ceci est un missile nucléaire tactique. Sa tête nucléaire a la puissance d'une bombe d'Hiroshima. C'est un « Honest John ».
« Le MGR-1 Honest John était un missile américain capable d'emporter une ogive atomique. Premier missile sol-sol nucléaire de l'arsenal américain, il pouvait aussi emporter des charges conventionnelles et chimiques, même s'il n'avait pas été conçu dans ce but. (...)Il ne comportait pas de système de guidage une fois l'engin parti, ce qui en fait techniquement une roquette plus qu'un missile. »
(Wikipedia)
Notons que la variante MGR-1A avait une portée entre 5,5 et 24,8 kilomètres. La variante MGR-1B avait, elle, une portée de 5,5 à 38 kilomètres. A Hiroshima, les rayons infrarouges causèrent des brulures graves jusqu'à 4 kilomètres de l'épicentre, on attribua le chiffre de 20% des victimes à l'effet de souffle dans un rayon de 1,3 kilomètres. Des bâtiments et des vitres furent détruits jusqu'à cinq kilomètres de l'épicentre. 85% des bâtiments furent détruits dans un rayon de trois kilomètres.
Le tableau suivant donne une idée des conséquences des radiations sur la population (source : hiroshimabomb.free.fr)
SievertEffets déterministes
- de 200 mSvAucun effet
De 200 mSv à 1.5 SvLésions cutanées, rougeurs évoluant vers la nécrose
De 1.5 Sv à 5 Svirradiation aiguë : fatigue, anorexie, nausée, chute de numération sanguine
De 5 Sv à 10 SvHospitalisation impérative, céphalée, diarrhée
Une chance sur 2 de survivre sans traitement
+ de 10 SvFièvre, prostration, coma, mort
En ce qui concerne la France, sa force nucléaire tactique était composée – à partir de 1964 – de Mirages IV porteurs de la bombe AN-11 à plutonium à chute libre d'une puissance de 60 Kt. Le rayon d'action du Mirage IV était de 1 240 kilomètres (4 000 kilomètres avec réservoir externes). Autrement dit, et à moins d'un ravitaillement en vol ou de l'emploi de réservoirs externes, celui-ci n'aurait pu qu'atteindre un pays satellite de l'URSS : Allemagne de l'Est, Tchécoslovaquie, Pologne, Hongrie. Par ailleurs, il était doté de deux turboréacteurs à postcombustion. Son plafond était de 18 000 mètres et sa vitesse maximale de 2 340 km/h (soit plus du double du Vulcan). Il pouvait transporter une bombe AN-11, AN-21 ou AN-22 (60 à 70 kt).
Quand au missile « Honest John », selon sa position sur le terrain, sa portée lui aurait tout au plus permis d'atteindre une cible en Allemagne de l'Est, voire... de l'Ouest.
« L'OTAN dépendra de plus en plus des armes nucléaires même si les Russes attaquent avec des armes conventionnelles. Les alliés pourraient ainsi être les premiers à déclencher une guerre nucléaire. »
Sous nos yeux, le missile décolle sur sa rampe de lancement.
Le journaliste/narrateur interroge le public. « Le saviez-vous ? » Les réponses varient de « Oui, vaguement, oui » à « C'est une bonne chose », en passant par « C'est une honte ».
Un nouvel encadré apparaît : « Au cours d'une récente simulation du conflit en Europe déclarée « engagement limité » et n'utilisant que des armes nucléaires tactiques, l'OTAN a estimé que plus de deux millions de non-combattants risquaient d'être grièvement ou mortellement atteints. »
On suit ensuite la tournée d'un médecin : David Edward Thornley, 37 ans, escorté par deux membres du CDC à Canterbury, à 19 kilomètres de l'aérodrome de Manston sur la cote du Kent. Il est 9H11, le 18 septembre.
« La plupart des 750 missiles balistiques à moyenne portée aux mains des Russes et pointés sur les pays européens de l'OTAN sont propulsés au moyen d'un combustible liquide et doivent être stockés à l'air libre. De tels missiles sont donc extrêmement vulnérables et, plutôt que de risquer de les perdre au cours d'un bombardement, il est probable que les Russes n'auraient d'autres choix que de les lancer tous au tout début de la crise. »
Notons au passage que les missiles Nord-Coréens de type « Hwasong-15 » sont à combustible liquide.
Il est 9H13. La sirène d'alerte se déclenche. Le docteur ordonne aux deux membres du CDC de se réfugier à l'intérieur de la maison.
« Cette famille n'a pas eu les moyens de se construire un abri. Voici à quoi pourraient ressembler les deux dernières minutes de paix. »
Les occupants de la maison, sous la direction du docteur, se lancent dans une course frénétique pour construire un abri de fortune. L'une des deux CDC est envoyée à l'extérieur à la recherche d'un enfant.
9H16 : « Un missile nucléaire d'une mégatonne dépasse l'aérodrome de Manston et explose à environ 10 kilomètre d'ici. »
La jeune femme a retrouvé l'enfant et tous deux se dirigent vers l'entrée lorsque...
L'écran devient blanc pendant quelques secondes, ensuite, les images apparaissent comme en négatif. L'enfant et la jeune femme se cachent les yeux sous l'effet d'une intense douleur.
« A cette distance, la vague de chaleur fait fondre la partie exposée de l'œil, brule la peau au troisième degré et enflamme les meubles. »
Un incendie s'est déclaré dans la maison.
« Douze secondes plus tard, c'est l'onde de choc. »
Le docteur se précipite à l'extérieur tandis que la maison est secouée comme par un ouragan. C'est la dernière fois que nous le verrons.
Nouvel encadré : « Au cours d'une récente réunion du conseil œcuménique au Vatican, deux évêques anglais et américain ont estimé que « L'Église doit dire aux fidèles qu'il faut apprendre à vivre avec la bombe atomique, sans pour autant l'aimer, à condition que celle-ci soit « propre » et dans le bon camp. »
Voici la retranscription originale : « The Church must tell the faithful that they should learn to live with, though need not love, the nuclear bomb, provided that it is « clean » and of a good family. »
Pour être parfaitement honnête, je n'ai retrouvé aucune trace d'une telle déclaration. Elle est souvent citée à propos du film, mais sans pourvoir de sources extérieures.
Ailleurs, un enfant hurle en se cachant les yeux. Ses parents viennent à son secours.
« Sept dixièmes de millisecondes après l'explosion, et à une distance de cent kilomètres, l'éclat d'un missile d'une mégatonne est trente fois plus brillant que le soleil de midi. Les rétines de cet enfant ont subi de graves brulures bien que l'explosion ait eu lieu à 43 kilomètres de là. Cette maison est à 46 kilomètres de l'aérodrome de Manston et à 65 kilomètres de l'aéroport de Gatwick, dans le Sussex. »
Tandis que les parents – le père emportant son fils dans ses bras – se précipitent vers leur maison : nouveau flash. La famille – à laquelle s'ajoute un bébé – se cache sous une étagère.
« L'onde de choc d'une explosion thermonucléaire a été comparée au souffle d'une énorme porte qui claque dans les profondeurs de l'enfer. »
Tandis que les enfants hurlent de terreur, l'onde de choc semble s'apaiser. Le père, regardant fixement la caméra comme espérant en obtenir de l'aide, se redresse lentement et... nouvelle onde de choc.
« Ceci est l'onde de choc d'une explosion sur un aéroport situé à 64 kilomètres. Il y a environ 68 objectifs de ce type en Grande Bretagne. »
Nouveau site : des pompiers tentent de lutter contre les incendies qui ravagent une ville. Leurs visages et leurs vêtements sont noirs de fumée. Le chaos semble total.
« Rochester, dans le Kent, 3,2 kilomètres carrés en feu à cause d'un missile thermonucléaire qui a explosé avant d'atteindre son objectif : l'aéroport de Londres. Ceci est un phénomène qui pourrait survenir chez nous après une attaque nucléaire contre certaines de nos villes. C'est arrivé lors des bombardements de Hambourg, Dresde, Tokyo... et Hiroshima. On appelle ce phénomène une tempête de feu. »
« Une tempête de feu (ou ouragan de feu) est un incendie atteignant une telle intensité qu'il engendre et maintient son propre système de vents. C'est le plus souvent un phénomène naturel, créé durant certains des plus grands feux de brousse et feux de forêts. Le grand incendie de Peshtigo et les feux du mercredi des Cendres en sont deux exemples. Des tempêtes de feu peuvent aussi être le résultat délibéré d'explosions ciblées, telles que celles ayant résulté des bombardements aériens incendiaires de Dresde, Hambourg, Tokyo, et des bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki.
(Source : Wikipedia)
Dans la réalité, on peut supposer que, contrairement à ce qui est montré ici, le travail des pompiers se révèlerait impossible car les canalisations d'eau seraient détruites. De plus, Peter Watkins semble ignorer le phénomène dit « IEM » : Impulsion Electro-Magnétique » qui, sur une zone habitée, détruirait les moyens de communications et les sources d'énergie électrique.
« La chaleur s'élève de différents foyers causés par la chaleur et l'onde de choc, renversant poêles et fourneaux, et crée un souffle au niveau du sol d'une vitesse de plus de 160 kilomètres/heure. Voici le vent déclenché par une tempête de feu. »
Les gens sont projetés dans tous les sens comme des fétus de paille.
Déroulant : « Durant une réunion récente du Conseil Œcuménique du Vatican, un évêque a communiqué à la presse qu'il était certain que « nos armes nucléaires seront utilisées avec sagesse. »
Suit une entrevue « d'archive » avec un évêque anglican : « Nous vivons dans un système où l'ordre public est nécessaire. »
Un carton précise que ceci est basé « d'après les déclarations d'un évêque anglican. »
Celui-ci reprend : « Et je persiste à croire à la guerre des justes. »
On revient à Rochester où, dans un chaos indescriptible, des pompiers tentent de venir en aide aux occupants d'une voiture. D'une voix calme et posée, le narrateur reprend :
« Dans cette voiture, une famille est en train de brûler vive. »
La voiture explose. Certains pompiers et membres du CDC mettent des masques à gaz.
« Charles Brooks, chef des pompiers de Chatham. Trois de ses autopompes ont déjà été écrasées, éventrées ou renversées. 17 de ses 60 pompiers ont été écrasés, brulés ou tués par des débris volants.
Ceci est une tempête de feu. En son centre, l'oxygène est consumé dans chaque cave, chaque rez-de-chaussée, et est remplacé par du monoxyde de carbone, du dioxyde de carbone, et du méthane. En son centre, la température atteint les 800 degrés Celsius. Ces hommes sont en train de mourir à la fois de choc thermique et d'asphyxie. »
Entrevue « d'archive » d'un scientifique « basée sur l'enregistrement d'une entrevue avec un éminent scientifique américain. » :
« On pourrait interrompre la prochaine guerre mondiale avant la destruction totale. Ainsi, les deux camps pourraient se reposer pendant dix ans, récupérer pendant la période d'après attaque et préparer les cinq prochaines guerres mondiales. »
Ce personnage semble avoir été basé sur Herman Kahn, stratège militaire, théoricien, membre fondateur du « Hudson Institute » et employé de la « Rand Corporation ». Il développa pendant la guerre froide le principe du « jeu de guerre » destiné à évaluer différents scénarios. Il s'opposa à la théorie prévalent sous Eisenhower du « New Look » qui – face à la puissance largement supérieure de l'armée Soviétique – préconisait une attaque nucléaire en réponse à toute forme d'agression de celle-ci.
En 1960, Kahn publia le livre « On Thermonuclear War » qui présentait principalement deux assomptions :
La guerre nucléaire était tout à fait envisageable.
Comme toute autre guerre, elle pouvait apporter la victoire.
Dans un article intitulé : « The Nature and Feasibility of War and Deterrence », il argumenta que – contrairement aux divers scenarii de fin du monde – même si plusieurs centaines de millions de personnes devaient mourir, la vie continuerait, comme par exemple, à la suite de la « Grande Peste » ou des attaques nucléaires de 1945 contre le Japon. Kahn argumenta que « les vivants n'envieraient pas les morts » et que toute autre considération transformerait la dissuasion nucléaire en un « bluff élaboré ». Il était capital, dans ce sens, de persuader l'adversaire Soviétique de la capacité Américaine à lancer des représailles massives et coordonnées.
Pour Kahn, les retombées nucléaires ne représenteraient qu'une autre forme de désagréments et d'inconvénients, le sort de l'humanité ne serait pas affecté par l'augmentation des fausses-couches et accouchements d'enfants morts-nés, les aliments contaminés pourraient être réservés aux personnes âgées, de toute façon condamnées par le cancer.
Il se fit également l'avocat de la construction d'abris antiatomiques, de l'organisation d'exercices de défense civile, l'implémentation d'un puissant programme de défense civile et la mise en disponibilité d'assurances contre les dommages causés par une bombe nucléaire.
Durant la guerre du Vietnam, il s'opposa à toute négociation avec le Vietnam du Nord.et l'instauration d'une guerre de contre-insurrection. Il serait l'inventeur du terme « Vietnamisation ».
Avec John von Neumann, Edward Teller et Wernher von Braun, Kahn aurait servi de source d'inspiration à Kubrick pour le personnage du « Docteur Folamour ».
« Lorsque la teneur en dioxyde de carbone de l'air inhalé dépasse 30%, cela entraine : diminution de la capacité respiratoire, baisse de la tension artérielle, coma, perte de réflexes et anesthésie. Lorsque la teneur en monoxyde de carbone de l'air dépasse 1,28%, la mort survient dans les trois minutes. C'est ça, la guerre nucléaire. »
Différentes personnes : adultes, enfants, pompiers perdent connaissance sous nos yeux.
Déroulant : « La version actuelle de la brochure de défense civile précisant les articles indispensables à emporter dans un abri après une attaque nucléaire cite : « ...ainsi qu'une boite renfermant certificats de naissance et de mariage, livrets d'épargne et carte de sécurité sociale. »
10H47.
« La force V-Bomber approche de la frontière soviétique. Son but : des représailles. Objectif : la population. Des gens comme ceux-là. »
Entrevue (pré-guerre) de « gens de la rue » : « Si l'URSS ou un autre pays lançait une attaque nucléaire, seriez-vous pour une riposte équivalente ? »
« Oui. »
« C'est un cercle vicieux, mais il faudrait riposter. »
« On croit que les Britanniques pardonnent toujours tout... Il faudrait riposter ! »
Ces entrevues sont entrecoupées d'images de gens continuant à agoniser dans la fumée et les décombres en flammes, de cadavres carbonisés, d'hommes brulant vifs.
« Je ne voudrais pas qu'on reste sans réagir, mais... Oui, peut-être que je riposterais. »
« Oui, tout à fait. »
« Oui, je suppose. »
Entrevue d'un psychiatre : « Sur le plan technique et intellectuel, nous vivons à l'âge atomique, mais sur le plan émotionnel, nous sommes à l'âge de pierre. Les Aztèques, pendant leurs fêtes, sacrifiaient 20 000 êtres humains à leurs dieux, croyant que cela maintiendrait le cours de l'univers. Nous croyons leur être supérieurs. »
La tempête de feu s'est calmée. A travers la caméra, nous découvrons maintenant les survivants hébétés et gravement brulés.
« Voici les habitants de ce qui était autrefois un lotissement près de Rochester, dans le Kent. Suite à l'explosion de trois missiles d'une mégatonne dans ce seul comté, on a estimé que chaque médecin survivant serait confronté à au moins 350 blessés souffrant pour la plupart de brûlures au 2ème et 3ème degrés. »
Une infirmière explique, bouleversée : « Certaines de ces personnes tombent juste en morceaux. »
Ceci n'est pas une vue de l'esprit. Dans son « Journal d'Hiroshima », le docteur Michihiko Hachiya raconte :
«Certains paraissaient se mouvoir sous l’emprise de la douleur, les bras détachés de leurs corps, avant-bras et bras ballant comme des épouvantails. Cette vision me captiva jusqu’à ce que j’eusse soudainement conscience que ces gens avaient été brûlés et qu’ils ne déployaient ainsi leurs bras que pour mieux empêcher le frottement douloureux de leurs surfaces écorchées.»
Un autre médecin, le docteur Shuntaro Hida :
« Je dévalais la pente à toute vitesse, quand une silhouette apparut dans le virage. Était ce encore un être humain ? Il s'approcha de moi, en vacillant. Il était nu, en sang, couvert de boue, le corps enflé. Des lambeaux de vêtements déchirés pendaient sur sa poitrine et autour de sa taille. Il tenait les mains devant son torse, la paume vers le bas. Des gouttes d'eau tombaient des bords de ses haillons.
Mais quand il fut près de moi, je vis que les lambeaux de tissu n'étaient autres que sa peau et les gouttes d'eau du sang humain. Je ne pouvais distinguer si j'avais devant moi un homme ou une femme, un soldat ou un civil. La tête était singulièrement grosse, avec des paupières boursouflées et de grosses lèvres en saillie qui semblaient occuper la moitié du visage. Il n'y avait plus un seul cheveu sur le crâne brûlé. Je ne pus m'empêcher de reculer. Je vis alors une procession d'autres silhouettes qui montaient lentement vers moi, le long de la route. Je n'avais ni médicaments ni instruments avec moi. J'étais désemparé. »
« Le sol était jonché de débris, mais ce qui rendait cette vision insoutenable, c'était l'amoncellement de corps à vif empilés les uns sur les autres à même la terre. Des blessés, brûlés et en sang, rampaient l'un derrière l'autre, et allaient former un tas de chair à l'entrée de l'école. Les couches du dessous étaient des cadavres, il en émanait la puanteur particulière de la mort, mélangée à celle du sang et de la chair calcinée. Une tente du service de santé avait été montée dans un coin. Le chef de cet hôpital de fortune, qui avait rejoint son poste la veille, prodiguait les premiers secours avec ses assistants, débordés par l'ampleur de la tâche. »
« Son bras exsangue pendait sur son flanc. Le seul moyen de la sauver consistait à couper ce bras mort. On se prépara aussitôt pour procéder à l'amputation. L'opération devant être effectuée sans anesthésie générale, la malheureuse fut attachée fermement sur un panneau de porte. Le chirurgien, qui avait perfectionné sa technique au front, sépara le bras de l'épaule au scalpel. Ne pouvant supporter l'atroce souffrance, la femme s'évanouit. »
« Près de moi, une jeune mère au visage brûlé portait son bébé sur le dos ; elle était en larmes et ne cessait de me supplier. Elle m'a répété sa prière tant de fois que je me souviens parfaitement de chaque détail. Sa maison avait été envahie par les flammes en l'espace d'une seconde. Alors, abandonnant ses trois enfants qui périrent dans l'incendie, elle s'était enfuie avec le plus jeune en le portant sur son dos. Ce bébé était tout ce qui lui restait, il remplaçait ceux qu'elle venait de perdre. « S'il vous plaît, docteur, aidez mon bébé, s'il vous plaît ! » répétait-elle sans trêve. Le bébé devait avoir un ou deux ans. Il était déjà mort et exhalait une odeur putride. »
Retour au film.
« Actuellement, selon une note du ministère de la Défense, chaque médecin travaillant dans une unité de secours doit classer chaque blessé selon trois catégories bien précises pour déterminer si un traitement hospitalier est vraiment utile. »
Un médecin : « La 3ème catégorie est la pire. Leur cas est désespéré... On les met dans la « section d'attente ». Voici des gens brulés à plus de 50%. »
« Ce médecin sait que chaque patient qu'il place dans cette section mourra dans la douleur, sans analgésiques. »
Le médecin : « Je sais ce qui va se passer bientôt. Ils vont me demander de les tuer. »
Des policiers entassent des corps contre un mur, au vu et au su des survivants. L'un d'eux fait signe au caméraman de s'éloigner.
« Ce que vous voyez est une autre éventualité du conflit nucléaire. Une brigade de police armée aidant les médecins débordés à soulager la douleur des brulés de la 3ème catégorie. »
Les policiers abattent les blessés un par un à coups de pistolets.
Entrevue d'un pasteur : « Si je décide de frapper, voire de tuer un semblable, je dois être prêt à en accepter la responsabilité morale. Si je donne au gouvernement le droit et les moyens de tuer en mon nom les gens d'un autre pays, cela revient exactement au même. Je dois en accepter la responsabilité morale. »
« Une attaque nucléaire en Grande-Bretagne, avec environ 160 missiles d'une mégatonne, tuerait ou blesserait grièvement entre un tiers et la moitié de la population. Elle détruirait entre 50 et 80% de son industrie alimentaire, et entre 50 et 80% des centres électriques les alimentant. Une attaque avec des missiles d'une mégatonne serait en fait minime, car il est plus que possible que des missiles ou des bombes 5 à 10 fois plus puissants, seraient utilisés. »
Une membre du CDC explique qu'un accroissement – y compris de 15 à 20 fois plus important – des forces de la défense civile n'aurait fait aucune différence.
Un autre explique : « Ils se sont trompés de titre. Appeler ça de la défense ! »
La caméra passe sur un groupe de survivants en état de choc, tremblants, incapables de se nourrir.
« Voici les autres victimes d'une guerre nucléaire. Physiquement épargnés, des milliers de gens souffriront inévitablement d'états de choc complexes dus à ce qu'ils auront vu et à ce qu'ils auront vécus. Beaucoup de ces gens sombreront surement dans un état de névrose permanent car ils seront bien trop nombreux pour tous bénéficier de soins psychiatriques. Cela aussi sera le legs de la guerre thermonucléaire. »
Un officier explique que plus d'une douzaine de ses hommes a déjà succombé à cet état : « Les gens semblent oublier que les policier, les secouristes et tous ces gens sont des êtres humains comme les autres avec des réactions humaines, des émotions. »
La caméra montre un policier hébété.
« Ce policier a passé la période de sauvetage à chercher sa famille. »
Un camion passe, chargé à raz-bord de cadavres et passe une porte. Un « Bobby » de garde donne l'ordre au journaliste de quitter les lieux.
« Même dans le Kent, légèrement touché, il faudrait immédiatement se débarrasser d'environ 50 000 corps. »
Le journaliste, qui semble avoir malgré tout réussi à pénétrer dans la zone interdite, demande ce qu'il se passe ici. Un soldat lui répond que les photos sont interdites. Le journaliste insiste : « Ils brulent les corps. » Les cadavres sont placés sur des poutres et brulés « comme avec un grill ».
Entre parenthèse, on peut se poser la question ici de l'effet des radiations sur un film tourné en 16 ou 35 mm. Par l'effet des radiations, les cristaux d'halogénure subissent des modifications. De fait, en milieu de travail nucléaire, la pellicule photographique est utilisée comme dosimètre. On peut utiliser différents types de films en contrôle radiologique individuel afin de mesurer des expositions allant jusqu'à 5 R (Ra-226), c'est-à-dire la dose radioactive la plus grande pouvant être absorbée par un homme dans une année. Sous l'effet des radiations, le film se mettra tout simplement à noircir comme s'il était surexposé.
Mais bien sûr, il convient de tenir compte du caractère fictionnel et « faussement réaliste » du film.
Autre problème apparemment ignoré de Peter Watkins : la combustion de cadavres irradiés au moyen de bois également irradiés entrainerait un dégagement de poussières et de gaz hautement cancérigènes. Ceux et celles qui seraient occupés à ces taches seraient condamnés à mort.
« Deux jours après l'attaque, les autorités militaires, pour éviter la progression d'épidémies, bouclent trois kilomètres carrés de la zone détruite et arment la police pour empêcher par la force les parents des victimes de retirer les corps avant la crémation. »
Le même soldat que précédemment raconte une scène dont il a été témoin : alors qu'il participait à la crémation de cadavres, deux soldats ont refusé de poursuivre cette activité. Un officier est intervenu et leur a donné l'ordre de s'y remettre. Ils ont refusé à nouveau et il les a abattu sur place.
« Tout ce que vous voyez à présent a eu lieu an Allemagne après le bombardement de la dernière guerre. Cela se produirait certainement en Grande-Bretagne après une guerre nucléaire. »
Des membres du CDC recouvrent de chaux vive des cadavres alignés sur le trottoir. Sur un bâtiment en arrière-plan on distingue une banderole « Office of missing persons ».
Un officiel explique que les allemands, après le bombardement de Dresde, ont enlevé aux cadavres leurs alliances afin de les identifier à l'aide des noms gravés à l'intérieur. Ils observent la même méthode et entassent les anneaux dans un seau. Celui-ci est à moitié plein.
« Voici une conséquence éventuelle de la guerre nucléaire. »
Un « Bobby » et des soldats équipés de masques à gaz patrouillent dans la campagne anglaise.
« 48 heures après, environ un tiers de la superficie de la Grande-Bretagne contiendrait une dose de radiation dix fois supérieure à la dose suffisant à tuer un homme en plein air. La plupart des habitants de ce secteur restés pourtant à l'abri dans leur maison, trouveront la mort dans les cinq semaines. »
L'homme que l'on a vu plus tôt s'abriter avec sa famille s'exprime devant la caméra, témoignant de ses craintes concernant la leucémie, expliquant qu'il n'a « rien dit à (sa) femme depuis deux jours », de son espoir de voir ses enfants grandir malgré tout malgré « ce poison qui leur traverse les os ».
Entrevue avec un médecin (archive) : « L'exposition à une forte irradiation a pour principal effet de stopper le renouvellement du revêtement cellulaire de l'intestin. Les fluides du corps s'échappent ainsi directement de l'intérieur dénudé de l'intestin et le corps se dessèche littéralement. »
Nous savons aujourd'hui, suite à l'accident de Tchernobyl que même de faibles radiations entraineraient un dérèglement du métabolisme des lipides, notamment les lipides phosphorés, constituants de la membrane cellulaire. Celle-ci est le passage obligé des substances absorbées ou éliminées par les cellules, ainsi que le site de l'activité des protéines servant de récepteurs notamment aux protéines du système immunitaire.
L'un des effets en serait la peroxydation des phospholipides (fixation d'une quantité excessive d'oxygène), d'où notamment des troubles psychiatriques tels que la dépression qui découlerait des atteintes aux membranes du système nerveux central.
Le professeur Jacques Coppey, directeur de recherches à l'INSERM dans la section de biologie de l'institut Curie à Paris a écrit « que les radiations ionisantes induisent de multiples dommages par les espèces radicalaires très réactives qu'elles génèrent au sein des tissus dans lesquels elles sont absorbées. Certains de ces dommages – cassures ou brèches dans l'ADN et les peroxydes membranaires – peuvent enclencher des processus donnant naissance à plusieurs types de cancers. »
Déroulant silencieux :
« Oh, where are you
coming from
Soldier, gaunt soldier.
(« Ô soldat, maigre soldat ?
Chargé d'armes insensées...)
With weapons beyond
any reach of my mind,
(D'armes implacables
qui à jamais vieilliront le monde.)
With weapons so deadly
the world must grow older.
(Ou le tueront,
si meilleur il ne devient pas...)
And die in its tracks,
if it does not
turn kind. »
Il s'agit d'un extrait de « Song of three soldiers » de Stephen Vincent Benét (1940). Benét fut le lauréat du prix Pulitzer pour son poème « John Brown's body ». Il est également l'auteur de la nouvelle « The Devil and Daniel Webster » qui fut couronnée du prix « O. Henry ». Il a reçu un second prix Pulitzer à titre posthume pour son poème inachevé « Western Star ».
Le voici en totalité :
« Oh, where are you coming from, soldier, fine soldier,
In your dandy new uniform, all spick and span,
With your helmeted head and the gun on your shoulder,
Where are you coming from, gallant young man?
I come from the war that was yesterday’s trouble,
I come with the bullet still blunt in my breast;
Though long was the battle and bitter the struggle,
Yet I fought with the bravest, I fought with the best.
Oh, where are you coming from, soldier, tall, soldier,
With ray-gun and sun-bomb and everything new,
And a face that might well have been carved from a boulder,
Where are you coming from, now tell me true!
My harness is novel, my uniform other
Than any gay uniform people have seen,
Yet I am your future and I am your brother
And I am the battle that has not yet been.
Oh, where are you coming from, soldier, gaunt soldier,
With weapons beyond any reach of my mind,
With weapons so deadly the world must grow older
And die in its tracks, if it does not turn kind?
Stand out of my way and be silent before me!
For none shall come after me, foeman or friend,
Since the seed of your seed called me out to employ me,
And that was the longest, and that was the end. »
Ce poème offre le point de vue de trois soldats de différentes époques, les deux derniers semblant venir du futur. Le dernier semblant prédire la fin du monde telle la bête de l'Apocalypse.
Dans une rue quasi-déserte, un homme solitaire, hébété, observe avec curiosité des policiers sortant des vivres d'un camion.
Entrevue d'un personnage officiel (archives) : « Voici un menu préparé par la section de secours du ministère au cours d'un exercice d'entrainement en cas d'attaque thermonucléaire. « Steak braisé, jeunes carottes, pommes de terre sautées et en purée, pudding à la vapeur, tarte aux pommes et crème anglaise. »
Nouvel extrait d'entrevue avec le scientifique américain vu précédemment : « Après une attaque aux USA, les Américains vivraient-ils comme avant ? Avec voitures, ranchs, télévisions et congélateurs ? Impossible à dire. »
Une survivante explique que sa famille survit avec une baignoire remplie d'eau, la même depuis cinq jours. Ils doivent la boire, cuisiner et se laver avec.
« A Hiroshima et Nagasaki, trois mois après la bombe, la population était dans un état d'apathie et de léthargie profond, vivant dans la saleté, dans un état d'abattement et d'inertie total. »
Ce commentaire est accompagné de photos de survivants, d'un évier plein de vaisselle sale, de toilettes bouchées, de vaisselle sale entassée, de déchets, etc. Les photos sont dégradées, comme surexposées sur les bords.
« Ce petit garçon a été mordu au bras par un rat. Il n'y a aucun médicament permettant d'empêcher l'infection qui risque de s'ensuivre. »
Un survivant épuisé explique qu'un inconnu lui a offert une livre contre sa miche de pain, mais « une livre ne se mange pas ».
Suivent des images d'émeutes. Des « Bobbies » tentent de maitriser la foule composée d'hommes et de femmes de tous âges, certains brandissant des pancartes. Des cartons vides trainent au sol.
« Au vu du nombre grandissant d'émeutes, il est possible que la nourriture, sans cesse plus rare, soit réservée comme récompense à ceux chargés d'assurer l'ordre public vacillant. Le résultat d'une telle mesure serait inévitable. »
Un manifestant franchit le barrage policier et se rue vers l'entrée d'un centre d'approvisionnement. Les policiers chargent leurs armes.
« Ce jour-là, le premier émeutier est tué par la police, dans le Kent. »
La manifestation se fait de plus en plus violente. Un officier – vu précédemment, celui qui expliquait que les policiers étaient aussi « des êtres humains » – tente d'interpeller la foule à l'aide d'un mégaphone. Des tirs de sommation sont effectués. Des gens s'écroulent.
« Deux jours plus tard, suite à cet incident, un camion de munitions de la police est pris d'assaut et ses chauffeurs volontaires sont assassinés. »
On assiste à l'assaut du camion et au lynchage de ses occupants : un membre du CDC et un civil. Les armes sont réparties entre les émeutiers. L'un d'eux – un jeune homme visiblement peu habitué aux armes à feu – se tourne vers la caméra et fait le fameux geste « Up yours ».
Entrevue avec un psychiatre : « En Allemagne, pendant la dernière guerre, on a remarqué que ceux qui avaient tout perdu, même au sein de la soit-disant classe moyenne honnête, développaient une attitude d'indifférence face à la loi et s'adonnaient au pillage, au marché noir, au vol. »
La caméra nous présente des civils errant derrière des barbelés. Un panneau indique : « National Emergency – Food Control Centre N°3 ». Une femme immobile, les bras chargés de conserve, regarde vers la caméra comme un lapin pris dans les feux d'une voiture.
« Voici un centre de contrôle alimentaire du gouvernement investi et pillé par des éléments subversifs. Voici Mme Joyce Fisher, de Gravesend. Elle était femme au foyer. A trois mètres d'elle gisent les corps des gardes militaires. »
Suite de l'entrevue avec le psychiatre : « Lorsque le moral est à zéro, il n'y a plus d'idéaux et le comportement devient plus primitif, plus instinctif. »
« Trois jours plus tard, les premiers policiers du Kent sont tués. »
Deux « Bobbies » armés sont abattus en pleine rue.
« Au cours des douze années à venir, douze autre pays pourraient détenir des armes nucléaires. Pour cette raison, que ce soit par accident, ou par la volonté de l'homme, il est tout à fait envisageable que ce que vous venez de voir dans ce film se réalise avant l'année 1980. »
A l'heure actuelle : « Cinq États sont considérés comme des « États dotés d'armes nucléaires » selon les termes du Traité sur la Non Prolifération des armes nucléaires (TNP). Dans l'ordre d'acquisition : les États-Unis, la Russie (en tant qu'Union des républiques socialistes soviétiques), le Royaume-Uni, la France et la République populaire de Chine. »
(Wikipedia)
Trois pays sont reconnus posséder l'arme nucléaire : Inde, Pakistan, Corée du Nord.
Un la possède sans reconnaissance officielle : Israël.
Cinq états membres de l'OTAN l'hébergent sur leur sol : Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Italie, Turquie.
Quatre y ont renoncé : Biélorussie, Kazakhstan, Ukraine, Afrique du Sud.
Certains pays – comme le Japon – peuvent passagèrement accueillir un vecteur nucléaire sur leur sol.
Trois hommes, deux ayant les mains attachées, sont escortés par des policiers jusqu'à un mur. L'officier précédemment rencontré lit la sentence :
« Au terme de l'article 17 du nouveau code, pour avoir attaqué des policiers dans l'exercice de leurs fonctions, John Edward Jarrett et William Michael Eaves sont condamnés à être fusillés. Dieu ait pitié de leur âme. »
Les deux hommes se voient mettre des bandeaux. Le troisième – un pasteur – les invite à s'agenouiller et à prier. Un peloton de « Bobbies » se met en place, l'arme au pied, tandis que le pasteur prie à voix haute. Les hommes arment leurs fusils.
Dans ce contexte, le choix de la prière est particulièrement ironique. C'est le « Notre Père » :
« Notre Père qui es aux cieux,
que ton Nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite
sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous soumets pas à la tentation,
mais délivre-nous du mal.
Amen. »
Le pasteur se relève et ajoute : « Seigneur, aie pitié de leur âme car ils ne savent pas ce qu'ils font. »
Il s'agit d'une référence à Luc 23 :
33 : Lorsqu'ils furent arrivés au lieu appelé Crâne, ils le crucifièrent là, ainsi que les deux malfaiteurs, l'un à droite, l'autre à gauche.
34 : Jésus dit: Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. Ils se partagèrent ses vêtements, en tirant au sort.
Les deux hommes sont fusillés.
Carton : « Les survivants envieraient-ils les morts ? »
Entrevue d'un biophysicien : « Pour ceux qui n'auraient pas pu consommer du jus d'orange, des légumes frais, de la vitamine C en général, et c'est le cas de la plupart des gens, des hémorragies se déclareront dans les gencives au bout de quatre mois. Puis les premiers stades du scorbut se manifesteront par un gonflement des chevilles et un saignement dans les articulations. »
Suite à la catastrophe de Tchernobyl, on a assisté dans la région à un accroissement des maladies infectieuse courantes (grippe, rhume, infections pulmonaires) d'autant plus important si l'alimentation est pauvre en légumes frais contenant des vitamines A, C et E.
Vient l'unique moment du film dans lequel on entend un accompagnement musical. Cette partie, comme la précédente, se veut manifestement profondément ironique. Dans la rue, un homme fait tourner un disque sur un tourne-disque, en s'aidant de son doigt. Il s'agit de « Oh Holy Night ». Contre le mur a été placée une croix.
Ce chant est une adaptation du poème de Placide Cappeau (1808 – 1877). Ce poème fut écrit à Roquemaure en 1843 et chanté pour la première fois en 1847 par la chanteuse d'Opéra Emily Laurey. Le ministre Unitarien John Sullivan Dwight en écrivit la première adaptation en anglais en 1855. Il en existe différentes versions et la qualité de la bande sonore ne permet pas de faire la différence. En voici la version de John Sullivan Dwight dont je me suis permis de souligner certains passages :
O holy night! The stars are brightly shining,
It is the night of our dear Saviour's birth.
Long lay the world in sin and error pining,
Till He appear'd and the soul felt its worth.
A thrill of hope, the weary world rejoices,
For yonder breaks a new and glorious morn.
Fall on your knees! O hear the angel voices!
O night divine, O night when Christ was born;
O night divine, O night, O night Divine.
Led by the light of Faith serenely beaming,
With glowing hearts by His cradle we stand.
So led by light of a star sweetly gleaming,
Here come the wise men from the Orient land.
The King of Kings lay thus in lowly manger;
In all our trials born to be our friend.
He knows our need, to our weaknesses no stranger,
Behold your King! Before Him lowly bend!
Behold your King, Before Him lowly bend!
Truly He taught us to love one another;
His law is love and His gospel is peace.
Chains shall He break for the slave is our brother;
And in His name all oppression shall cease.
Sweet hymns of joy in grateful chorus raise we,
Let all within us praise His holy name.
Christ is the Lord! O praise His Name forever,
His power and glory evermore proclaim.
His power and glory evermore proclaim.
« 25 décembre. Un camp de réfugiés à Douvres, dans le Kent, quatre mois après l'attaque. »
Les visages des survivants restent marqués, noircis, brulés.
« Du fait des radiations, ce petit garçon n'a plus que 50% de ses globules rouges. Il restera cloué au lit pour plusieurs années puis il mourra. Ceci est arrivé à Hiroshima.
Cette jeune fille est enceinte. Du fait de son exposition constante aux radiations, elle ignore si son bébé naîtra vivant. »
Une femme exprime son inquiétude au sujet des enfants ayant survécu à toutes ces horreurs, estimant qu'ils pourraient « souffrir de terribles désordres psychiques. »
Un pasteur témoigne avoir vu un enfant jouant à la marelle, s'arrêtant soudain pour s'asseoir, comme atteint d'une immense fatigue : « Son visage est devenu vide, comme celui d'un vieillard. »
Le docteur Goulaya du laboratoire Pripiat de Tchernobyl a déclaré : « Il nous semble très probable que les faibles doses de radiation provoquent un stress organique généralisé, qui mène à un vieillissement précoce de l'organisme. Ces faibles doses se situent en dessous de 50 rems (Röntgen Equivalent for Man). Elles ne provoquent pas de changements brutaux dans l'apparence et le comportement des animaux, mais les cellules sont stressées, c'est-à-dire que les mécanismes de défense et d'adaptation de l'organisme travaillent à la limite de leurs capacités. »
Le professeur Coppey renchérit : « (...)les cellules "parlent" entre elles sans cesse selon un langage moléculaire dont la précision permet de maintenir l'équilibre au sein de l'organisme ( ... ) La relâche de ces interactions entre cellules semble liée à l'accumulation de radicaux libres avides d'oxygène dans les membranes cellulaires ( ... ) Un des effets dominants des radiations délivrées à doses importantes ou à petites doses répétées dans le temps est de brouiller les communications, de perturber les interactions entre les cellules et les mécanismes réparateurs d'accidents et, ainsi, d'accélérer le vieillissement des tissus atteints ».
On découvre ensuite un groupe d'enfants crasseux et en guenilles. Ils semblent laisser les rares passants totalement indifférents.
« Ces enfants sont restés orphelins après l'attaque. On a demandé à chacun ce qu'il voulait être plus tard. »
« Rien. »
« Moi non plus. »
« Rien... »
« Moi non plus... »
« Le sujet des armes thermonucléaires, le problème de leur possession, les effets de leur utilisation, sont passés sous silence par la presse, les publications officielles et la télévision. Il y a toujours un espoir dans cette situation non résolue ou imprévisible. Mais y a-t-il un espoir réel dans ce silence ? Le stock mondial d'armes thermonucléaires a doublé au cours des cinq dernières années. Ce qui correspond à 20 tonnes d'explosifs puissants pour chaque homme, femme et enfant de la planète. Ce stock augmente régulièrement chaque année. »
Le chant de Noël reprend alors que le médecin précédemment vu et des volontaires du CDC tentent de venir en aide aux survivants atones, sévèrement brulés, incapables de réagir.
Défilant : « La plupart des images que vous venez de voir s'inspirent d'informations recueillies après les bombardements de Dresde, Darmstadt, Hambourg, Hiroshima et Nagasaki ; d'informations recueillies sur les tests nucléaires effectués dans le désert du Nevada en 1954 ; d'informations communiquées par une commission constituée de trois membres de la défense civile, deux stratèges, un médecin, un biophysicien et un psychiatre.
La B.B.C. remercie les habitants du Kent, et plus particulièrement ceux de Gravesend, Tonbridge et Douvres, sans lesquels ce film documentaire n'aurait pu être réalisé. »
« Aftermath »
Que s'est-il passé ? Pourquoi ce chef-d'œuvre (l'expression est totalement justifiée ici) a t-il du attendre vingt ans pour être diffusé à la télévision britannique ?
Les circonstances paraissaient pourtant idéales : la BBC était dirigée depuis 1960 par Sir Hugh Carlton Greene (frère du romancier Graham Greene), infatigable réformateur, privilégiant la création de qualité britannique sur les œuvres importées des États-Unis, à la pointe du combat pour l'indépendance éditoriale de la BBC, créateur du « Pilkington Committee » chargé de réformer la charte de celle-ci et soutenu par le gouvernement travailliste.
La réponse tient probablement en un mot : compromis.
Si la volonté réformiste de Hugh Greene était sincère, l'opposition à ses réformes était également puissante.
La figure emblématique de cette opposition était – à l'époque – une activiste conservatrice, voire réactionnaire, farouchement opposée à cette « société permissive » dont elle considérait le « libéralisme social » et les médias les principaux propagateurs. Son nom était Constance Mary Whitehouse.
Cette chrétienne traditionaliste fondit en 1965 – l'année du tournage de « The War Game » – la « National Viewers' and Listeners' Association » (ancêtre de « Mediawatch-UK »), un groupe de pression qui mena des campagnes violentes contre toute publication ou diffusion de médias qu'il considérait comme offensant et dangereux tels que violence, argot, sexe, homosexualité et blasphème.
« From ... feminist anti-pornography campaigns to the executive naming and shaming strategies of UK Uncut, her ideological and tactical influence has been discernible in all sorts of unexpected places in recent years. »
Ben Thompson – Editeur d'une anthologie consacrée à Mary Whitehouse.
Hugh Greene, pour son plus grand malheur, devint sa bête noire. Il était pour elle rien moins que « l'incarnation du démon ». Le manifeste de la campagne « Clean Up TV » déclarait que la BBC de Greene propageait « la propagande de l'incrédulité, du doute et de la saleté... de la promiscuité, de l'infidélité et de la boisson. » A l'opposé la campagne encourageait la BBC à « encourager et soutenir la foi en Dieu et à Le ramener dans le cœur de nos familles et de la vie de la nation. »
Mary Whitehouse devint un objet de dérision. L'auteur de théâtre David Turner, qui avait subi ses foudres, créa pour sa série « Swizzlewick » le personnage de Mrs Smallgood montrée lançant une campagne « Freedom from Sex ». Un épisode la montrait en compagnie d'une prostituée. Un employé du réseau le présenta à Mary Whitehouse qui exigea – et obtint – que l'épisode fut coupé; entrainant la démission de Turner.
Dans un discours, en 1965, Greene déclara, sans nommer Whitehouse que les critiques de sa politique libérale « attaqueraient tout ce qui n'impliquerait pas un ensemble de présupposés », y voyant le potentiel pour « une dangereuse forme de censure fonctionnant sur la pression exercée sur les artistes et les auteurs pour ne pas prendre de risques. » Il fit par la suite l'acquisition d'un tableau de James Lawrence Isherwood montrant Whitehouse avec cinq tétons.
http://www.artbyisherwood.co.uk/wp-content/uploads/2010/01/img451-226x300.jpg
La guerre ne faisait pas partie des sujets que Whitehouse affectionnait. Bien avant de s'opposer à la retransmission d'images de la guerre du Viet-Nam, elle tenta de s'opposer à la rediffusion d'un reportage du journaliste Richard Dimbleby dans l'émission « Panorama ».
Richard Dimbleby avait été correspondant de guerre pour la BBC et était pour cette raison présent lorsque la 11ème Division Blindée Britannique libéra le camp de concentration de Bergen-Belsen. Son reportage fut jugé si dérangeant que la BBC refusa de le diffuser pendant quatre jours, jusqu'à ce que Dimbleby ne menace de démissionner
« ...Here over an acre of ground lay dead and dying people. You could not see which was which... The living lay with their heads against the corpses and around them moved the awful, ghostly procession of emaciated, aimless people, with nothing to do and with no hope of life, unable to move out of your way, unable to look at the terrible sights around them ... Babies had been born here, tiny wizened things that could not live ... A mother, driven mad, screamed at a British sentry to give her milk for her child, and thrust the tiny mite into his arms, then ran off, crying terribly. He opened the bundle and found the baby had been dead for days.
This day at Belsen was the most horrible of my life. »
Whitehouse qualifia le reportage de « saleté (...)conçu pour choquer et offenser. »
Et puis vint « The War Game ».
Rappelons ici le manifeste de Peter Watkins : « Avant tout je veux choquer les gens, les tirer de leur confort, leur montrer ce qu’ils se refusent à voir, en un mot, les forcer à comprendre ».
Pour le meilleur ou pour le pire, Hugh Greene s'était engagé à respecter une certaine neutralité. Or, « The War Game » était tout sauf neutre. La bombe nucléaire est mauvaise. Si elle est mauvaise, ses effets le sont également. Et si ses effets sont mauvais, que sont ceux qui l'utilisent ?
Au beau milieu de la guerre froide, alors que la Grande-Bretagne traversait une période charnière, Peter Watkins avait franchi une ligne avec un film résolument anti-guerre, souligné par l'utilisation d'un poème contre la guerre au milieu du film (« Song of three soldiers »).
Greene demanda à visionner le film... et prit la décision de ne pas le diffuser, prétextant « une piètre qualité ». C'était le 6 août 1965, vingt ans après Hiroshima.
Selon Peter Watkins, la décision vient en réalité du 10 Downing Street, plus précisément d'un représentant de l'état-major militaire et de Sir Burke Trend, secrétaire du Cabinet d'Harold Wilson.
« Approximately six weeks later, the BBC announced that they were not going to broadcast the film on TV – and denied that their decision had anything to do with the secret screening to the government. To this day, the BBC formally deny that the banning of ‘The War Game’ was due to pressure by the government, but a review of now available documents reveals that there was (is) much more to this affair than was admitted publicly. »
Peter Watkins
Le 5 septembre, Whitehouse écrivit à Greene et Harold Wilson, ainsi qu'au ministre de l'Intérieur Frank Soskice le 6 octobre. Selon elle, la décision de diffuser – ou pas – le film de Watkins relevait du Home Office et non de la BBC. La guerre nucléaire était « un sujet trop sérieux pour être traité en tant que divertissement. Qu'un producteur puisse être autorisé, comme cela semble maintenant possible, à nuire à l'efficacité de nos Services de Défense Civile, où à la capacité du peuple Britannique à réagir avec courage, initiative et contrôle durant une crise, ne peut qu'aller bien au-delà de la responsabilité » accordée à une personne dans ce rôle.
Il est possible que Greene ait hésité à mener une bataille sur plusieurs fronts : à la fois contre la « Clean-up Brigade » de Mrs Whitehouse et contre une presse jusque-là amicale.
Il est également envisageable que Greene ait réfléchi aux conséquences dévastatrices d'un tel film sur l'opinion publique – avec la possibilité d'émeutes, une scission au niveau du gouvernement, le refus de soldats de prendre les armes en cas de conflit, la désertion d'officiers de police face au rôle qu'il se verraient exigés : celui de juge, jury et bourreau.
Pire, Watkins avait franchi plusieurs lignes : la prémisse de la guerre nucléaire évoquée ici est la guerre du Vietnam, sujet tabou. Il évoque également à plusieurs reprises le bombardement de Dresde par la R.A.F. De plus, le film est profondément biaisé : contre l'autorité, contre le gouvernement quel qu'il fut, contre les militaires, contre les forces de l'ordre. Bien que l'ubiquité de la caméra permette de montrer le point de vue des uns et des autres.
Sir Hugh Carlton Greene avait compris cela. En conséquence, le film ne pouvait être montré. Ceci étant dit, il ne fut pas détruit ni condamné à être enfermé dans un coffre. Il fut rendu disponible pour des sociétés de films, des cinémathèques, des écoles et des cégeps. Comme le fit remarquer Ludovic Kennedy dans son introduction à la diffusion du film par la BBC en 1985 – en double programme avec « Threads » – 6,5 millions de personnes l'avaient vu à cette date.
En décembre 1965, la BBC se fendit d'une lettre ouverte dont voici un extrait :
« There was an element of experiment in this project, as in much broadcast production. Such programme experiments sometimes fail and have to be put on one side at some stage in production, even though money has been spent on them. They are, nevertheless, a necessary part of the development of broadcasting, and such failures as may occur are the price we must expect to pay if new forms and subjects are to be brought within the compass of television. »
Comme indiqué précédemment, « The War Game » remporta l'Oscar du meilleur documentaire en 1966, que la BBC s'empressa d'accepter avec ardeur.
Peter Watkins accusa ensuite la BBC de l'avoir « marginalisé » en tant que réalisateur » et d'avoir sali sa réputation. Les nouvelles du soir l'accusèrent d'avoir délibérément caché des câbles dans la bruyère sur le tournage de « Culloden » afin de faire chuter les acteurs. Watkins appela immédiatement le studio, demandant si la BBC avait vérifié cette accusation avec les acteurs en Écosse : pas de réponse. Il annonça alors que s'il n'y avait pas rétractation immédiate de la part de la BBC, il viendrait lui-même, dès le lendemain, démonter le studio « brique par brique ». La BBC se rétracta le lendemain soir.
Voici des extraits d'articles de l'époque :
YES, THE BBC ARE RIGHT TO BAN THIS
« .... the only possible effect of showing it to the British public at large would be ... to raise more unilateral disarmament recruits. »
(Defence Correspondent, Evening News)
BRILLIANT. BUT IT MUST STAY BANNED.
« It is a brilliant film, a brutal film. But I would never let any son of mine see it ... I object to this film because it is propagandistic and negative in its approach, politically calculated in its effect. What producer Peter Watkins has made here is not a film about The Bomb, but a plea to ban it ... It excluded hope. In that I judge it to be irresponsible. It excluded any reasoned argument on why we must have The Bomb. The powers-that-be have the right to censor ‘The War Game’, for it is a game to be played seriously and responsibly. It is better left to the powers-that-be than to Mr. Peter Watkins. »
(Daily Sketch)
WHAT DOES IT REALLY ACHIEVE?
« It is hard to argue with Mr. Watkins’ appalling predictions. Nobody can accuse him of exaggerating the effects of nuclear war. Nuclear war cannot be exaggerated. Perhaps he cannot even be accused of hysteria. Nuclear war may entitle him to hysteria. But throughout ‘The War Game’ there is not a glimmer of human resilience. And humans are incredibly, wonderfully resilient ... All ‘The War Game’ has to offer is a screen of protest and blame. Not an opportunity is missed for a sneer at the Civil Defence or the Church. »
(The Sun)
MUDDLE-MINDED MR. WATKINS.
« This monstrous misrepresentation so accurately mirrors the claims of the Campaign for Nuclear Disarmament that it is a mystery how the BBC was induced to put up 10,000 pounds to make the film, which could more accurately be called ‘The C.N.D. Game. »
(Daily Express)
ONE BAN THE BBC NEED NOT HAVE DEFENDED
« ... the real horror is the stark documentary quality of the film. It reproduces with sickening realism charred limbs, crushed faces and eyes melting in their sockets. This, as the BBC rightly decided, could not have been borne by the millions of viewers sitting at home. »
(Daily Mirror)
(Note : le commentaire ci-dessus est tellement outrancier que c'est à se demander si son auteur a effectivement vu le film.)
« The film is the most sickening in the world today and one the public should never see. »
(Manchester Evening News)
« The BBC is failing in its duty in keeping it from the public ... packed with things people have forgotten or not bothered to read. »
(Leicester Mercury)
« Shocking ... leaves the impression of sadness and madness. »
(Oxford Mail)
« Horrifying, but so also would be a nuclear war. »
(Evening Mail, Birmingham)
THIS FILM MUST BE SHOWN
« ... No wonder the Establishment wants to stop the film being widely shown. If several million people saw it, the campaign for the banning of nuclear weapons would receive an enormous impetus. »
(The Daily Worker)
A WARNING MASTERPIECE.
« It may be the most important film ever made. We are always being told that works of art cannot change the course of history. Given wide enough discrimination, I believe this one might ...‘The War Game’ stirred me at a level deeper than panic or grief ... It precisely communicates one man’s vision of disaster, and I cannot think that it is diminished as art because the vision happens to correspond with the facts. Like Michelangelo’s ‘Last Judgement’, it proposes itself as an authentic documentary image of the wrath to come - though Michelangelo was working from data less capable of verification. »
(Film and theatre critic, The Observer)
Par la suite, Peter Watkins réalisa les films suivants :
« Privilege » (1966) : fut qualifié « d'hystérique » et fut un échec critique. J. Arthur Rank refusa de le distribuer en Grande-Bretagne pour sa « nature immorale ». Universal Pictures retira le film à l'étranger après de rares projections. Il semble qu'au moins une scène fut copiée par Kubrick dans « A clockwork orange ».
« Gladiators » (« The Peace Game ») (1969) : tourné en Suède, massacré par la critique, diffusé dans quelques rares festivals, jamais montré au cinéma et uniquement en de rares occasions à la télévision Suédoise.
« Punishment Park » (1971) : projeté au Festival de Cannes en mai, massacré par la critique, qualifié de « wish-fulfilling dream of a masochist » par le New York Times. Projeté au « Murray Hill Cinema » de New York, il fut retiré au bout de quatre jours. Le film a été rarement projeté aux USA et jamais à la télévision. Un représentant d'un grand studio américain déclara : « We could never show this film, we would have the Sheriff’s office [or perhaps ‘the Federal authorities’ - PW] on our necks in five minutes. »
« Edvard Munch » (1973) : coproduction Norvégo-Suédoise (NRK-SVT), bénéficia de critiques majoritairement positive et d'une diffusion aux États-Unis, France, Australie, etc. Le lendemain de sa diffusion, un groupe de responsables de la NRK se réunit pour dénoncer l'utilisation de comédiens amateurs et l'usage d'expressions modernes dans les dialogues. La NRK et la SVT tentèrent de prévenir sa projection au Festival de Cannes (qui eut lieu en 1976). En conséquence, la NRK détruisit toutes les copies qui auraient permis de produire une version cinéma, ne laissant subsister que des copies 16mm médiocres. Le film restauré put malgré tout être diffusé sur les chaines de télévision européennes. Il fut ensuite tabletté et abandonné à son sort par la NRK.
« The Seventies People » (1975) : réalisé pour la « Corporation Danoise de Radio et Télévision ». Peter Watkins fut accusé par la presse d'être un étranger qui ne comprenait pas la culture Danoise. Le film fut diffusé un fois à la télévision avant d'être retiré définitivement sous la pression du Premier Ministre.
« Fällan » (1975) : réalisé pour la « Sveriges Radio » de Stockholm, le film fut critiqué par certains responsables de SR pour son usage d'acteurs amateurs. Il fut toutefois favorablement accueilli par la presse suédoise. Diffusé à au moins trois reprise par la télévision suédoise, il n'a jamais été projeté ni au Danemark, ni en Norvège, les responsables des réseaux de télévision de ces deux pays le critiquant avec un souverain mépris. Il a remporté le Prix Futura de bronze en 1977.
« Attenlandet » (« Evening Land ») (1977) : réalisé pour le « Danish Film Institute », « Attenlandet » fut reçu avec férocité par la critique danoise. Le président de la télévision danoise écrivit à Peter Watkins qu'il refusait de diffuser le film car « il n'atteint pas à notre avis dans sa forme le standard nécessaire aux yeux de DR ». Cette décision précipita le nouvel exil de Watkins.
« Resan » (« The journey ») (1988) : en 1982, Watkins tenta de réunir les fonds nécessaires pour un nouveau film antinucléaire mais se vit opposer un refus systématique de toute part, à l'exception de Peter Katadotis du « National Film Board of Canada » à Montréal. En 1983, Watkins montra « The War Game » à la « Swedish Peace and Arbitration Society » (SPAS) qui décida de soutenir le financement d'un nouveau film. Le film qui en résulta obtint le soutien de nombreuses organisations en Suède, au Canada, aux USA, Australie, Nouvelle-Zélande, Union Soviétique, Mexique, Japon, Écosse, Polynésie, Mozambique, Danemark, France, Norvège, Allemagne de l'Ouest. Sa post-production se fit à Montréal pour une durée totale de 14hrs30.
« The Freethinker » (1994) : ce film, basé sur la vie de August Strindberg, fut commissionné à l'origine par le « Swedish Film Institut » et la télévision suédoise avant que sa production ne fut annulée. Quinze ans plus tard, il reçut le soutien de Birgitta Östlund, Rektor de la « Nordens Folk High School » avec la participation de 24 étudiants. Le film reçut des critiques positives mais ne fut projeté à Stockholm que pendant quelques jours. Il fut projeté également dans quelques festivals, notamment Toronto et Manosque. Les télévisions Suédoise, Danoise et Norvégienne refusèrent de diffuser le film. En 1996, il fut projeté au Symposium International de Strindberg à Moscou. Le lendemain de la projection, lors d'une réception, la plupart des invités se comportèrent comme si Watkins et ses étudiants n'existaient pas.
« La Commune » (1999) : film produit par « 13 Production », « La Sept-Arte » et le Musée d'orsay. Une fois de plus, la plupart des chaines contactées se refusèrent à financer le projet, y compris la BBC, dont le « Commissioning Editor » déclara : « Je n'aime pas les films de Peter Watkins ». La distribution – toujours composée d'amateurs – fut invitée à se renseigner préalablement sur cet événement historique. Le film emploie le même procédé d'anachronisme que dans « Culloden ». Des reporter télé interviewent les protagonistes tandis que la télévision diffuse des bulletins de nouvelles du gouvernement Versaillais. Les acteurs sont appelés à faire preuve d'improvisation, les poussant violemment et en même temps leur donnant l'opportunité de s'exprimer de façon spontanée. Prévu pour durer deux heures, le résultat final fait 5h45. Le film fut constamment soutenu par « La Sept-Arte » durant sa production et son montage (il est à noter que « La Sept-Arte » comptait avoir la haute main sur celui-ci. Watkins refusa). Puis, un responsable des programmes le visionna et en fit le plus grand éloge. Une heure après, les interférences commencèrent. Watkins se vit demander de couper, couper et couper encore jusqu'à ce qu'il réalise que le problème n'était pas dans la durée mais dans la forme du film. A ce stade, avec l'appui du producteur Paul Saadoun, il fit savoir que le montage était finalisé. En réaction, « La Sept-Arte » annonça que le film serait projeté entre 22 heures et 4 heures du matin le 26 mai, refusant même l'idée de le diffuser en deux fois. On estime qu'un grand total d'environ 50 téléspectateurs le virent à l'époque. Une fois de plus, Watkins se vit accusé d'avoir réalisé un mauvais film. Le responsable précité lui déclara : « Vous comprenez, n'est-ce-pas, que vous avez échoué dans vos objectifs ? » La presse française garda le silence sur toute l'affaire, à l'exception de « L'Humanité ». Le film fut diffusé dans différents festivals en France ainsi qu'au Musée d'orsay. Les réactions de la part du public furent mitigées (dans le cas d'une large audience, environ 1/3 du public quittait la salle avant la fin du film). « Télérama » le qualifia « d'interminable diarrhée verbale », « Télé Star » en dit « Des actualités fictives » d'une grande intensité qui tente de prouver que l'histoire se répète constamment. ». « Le Monde » : « A les entendre, on a rapidement l'impression que les volontaires recrutés par Peter Watkins sont déjà convertis [au Marxisme]. » « Libération » : « Peu importe, une actrice Communarde finit, avant de mourir, par interpeller directement [la TV Communale qui la filme], « Que ce soit la réalité ou un film, tout ce que vous faites est nous regarder, mais vous vous en foutez ! C'est ça que je veux tuer ! » Il est 3heures30 du matin, et nous, les derniers téléspectateurs, sommes secoués par ce cri ; à cet instant, les Versaillais, c'est nous. » « L'Humanité » : « Il n'y a rien de plus difficile que de filmer l'utopie, l'espoir en un monde meilleur. Les acteurs s'interrogent les uns, les autres, regardent la caméra et à travers ce médium interrogent le spectateur : idées de révolution et de pouvoir sont discutées. Ces questions furent posées durant la Commune comme elles le sont aujourd'hui... »
Pour finir, un extrait de lettre d'un acteur de « La Commune » :
« Je pense que nos médias, et les intellectuels Français, préfèrent marginaliser « La Commune » et sa présence, plutôt que de confronter Peter Watkins et le thème de cette révolution sociale d'il y a 129 ans... Aujourd'hui je suis vraiment devenu conscient du rôle des médias de masse, et il est clair que toute forme d'opposition médiatique est totalement absente de ce combat. Il est donc nécessaire de s'émanciper de ce système audiovisuel de censure et de travailler ensemble pour imaginer la création d'une nouvelle forme de télévision critique, informative. »
Jean-Yves Starapoli.
Citant leur « Bed-in » de 1969 et leur Concert pour la Paix, un interviewer demanda à John Lennon et Yoko Ono :
« Y a-t-il un incident en particulier qui vous a motivé à lancer votre campagne pour la paix ? »
John répondit :
« ...la chose qui m'a particulièrement frappé fut une lettre d'un type appelé Peter Watkins qui avait fait un film appelé « The War Game ». C'était une très longue lettre rapportant tout simplement ce qu'il se passait – à quel point la presse est vraiment sous contrôle, comment tout cela est dirigé, et toutes ces autres choses que les gens savent tout au fond d'eux. Il dit : Les gens dans notre position ont la responsabilité d'utiliser la presse pour la paix dans le monde ». Et on s'est assis sur cette lettre pendant environ trois semaines en pensant : « Ben, on fait de notre mieux. All you need is love, mec. » Cette lettre a vraiment été l'étincelle. C'était vraiment comme de recevoir nos papiers de service pour la paix ! »
En 1985, une encyclopédie du Cinéma est publiée par le « British Film Institute », le nom de Peter Watkins n'y figure pas.
« Dans ce documentaire je n’ai pas cherché à exagérer l’horreur de la situation, au contraire. Je suis certain qu’en cas de guerre nucléaire, la situation serait bien pire. Et si « The War Game » choque les spectateurs, ce n’est pas parce qu’on a eu recours à des effets de terreur, mais parce qu’il voit pour la première fois, avec l’évidence de l’image de cinéma, ce qu’il ne veut pas voir et ce qu’on ne lui laisse pas voir. »
Peter Watkins
« We blew it ».
Peter Fonda : « Easy Rider ».
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L'hypocrisie d'Yves Boisvert
Depuis qu'André Pratte a été promu sénateur, son poste de propagandiste en chef à La Presse en fait rêver plusieurs.
Il semblerait qu'Yves Boisvert soit intéressé par ce poste (et la belle retraite sénatoriale qui vient avec). C'est peut-être ce qui explique sa dernière chronique anti-PKP dont voici quelques extraits:
Pierre Karl Péladeau a quitté son poste de chef du PQ pour redevenir PDG de Québecor, mais il n'a pas quitté la politique pour autant.
Considérez quelques-uns des thèmes de ses interventions sur Twitter et Facebook seulement depuis Noël: ça va des transports en commun et de « l'engorgement de nos autoroutes » aux problèmes du réseau de la santé, en passant par l'inefficacité de l'UPAC et l'aide gouvernement libérale à Bombardier (un de ses sujets préférés), de l'ineptie des politiques de Justin Trudeau dans le domaine de la « justice fiscale » à la nécessaire modernisation d'Hydro-Québec.
Le champ de ses interventions est vaste, comme on voit, et le ton accusateur face au gouvernement libéral, on le devine.
À le lire, on est bien forcé de se demander si le plus important propriétaire de médias au Québec n'est pas une sorte de chef de l'opposition en réserve de la république du Québec.
(...) Sur Twitter, son style est incisif, agressif même, et il ne ménage aucun punch (...)
De nos jours, les cas de propriétaires de médias nationaux qui interviennent dans le débat politique en dehors des questions touchant leur industrie sont assez rares en Amérique du Nord.
Conrad Black est une exception notable. Historien de formation, auteur à la plume efficace, il a fait publier régulièrement des commentaires dans les pages de « son » National Post, qu'il a fondé pour offrir une voix aux idées conservatrices. Il lui est arrivé aussi de signer des articles dans d'autres journaux. Il n'a toutefois jamais dirigé de formation politique ni donné l'impression d'avoir cette ambition. Ses sorties n'en provoquaient pas moins des remous.
PKP ? L'idée qu'un propriétaire de médias majeurs et ex-chef de parti devrait faire preuve d'une réserve dans ses commentaires politiques est sans doute devenue antique et presque romantique. Personne, en tout cas, ne semble s'émouvoir des élans de M. Péladeau.
(...) Il devrait y avoir une sorte de malaise à voir celui qui détient des organes d'information parmi les plus importants dans son marché se transformer en acteur politique et donner l'impression de sonner la charge sur tous les sujets imaginables. On ne parle pas d'un chroniqueur, ici. Ni de ses opinions, largement partagées.
(...) Prenons un exemple tout chaud. Depuis plusieurs semaines, M. Péladeau se plaint du prêt de 10 millions accordé par Québec à Capitales Média, qui regroupe Le Soleil et les journaux régionaux autrefois propriété de Gesca, de la famille Desmarais - toujours propriétaire de La Presse. M. Péladeau soulève ici une excellente question : selon quels critères ce groupe a-t-il reçu cette aide ? Pourquoi eux et Le Devoir (526 000 $), et pas Québecor ?
Il ne se contente évidemment pas de critiquer ou de soulever la question. Il donne la réponse. C'est parce que Martin Cauchon est un ancien ministre libéral (fédéral), et donc un « ami » du pouvoir à Québec.
(...) Pour l'instant, il est PDG d'une très grande entreprise de communication et devrait montrer un peu mieux qu'il comprend la différence entre son ancienne job de politicien, même s'il s'en ennuie, et sa nouvelle, même si elle n'est que temporaire.
Imaginez ça! Ce pitoyable couillon qui travaille pour un organe de propagande fédéraliste qui vient critiquer Péladeau pour avoir osé prendre position dans des débats publics!
La meilleure réplique que j'ai lue est celle de Josée Legault:
Pour ou contre ses opinions, PKP fonctionne à visière levée. À l’opposé, feu Paul Desmarais père – fédéraliste irréductible et patron de l’empire Power Corp. incluant La Presse –, était peu visible. Pour tirer les ficelles des chefs politiques au Québec, au Canada et même en Europe, il préférait les coulisses feutrées du pouvoir.
Un exemple parmi d’autres : son amitié influente avec Nicolas Sarkozy. Une fois président de la France, il troqua la politique de non-ingérence et de non-indifférence envers le mouvement souverainiste pour un parti-pris ouvert pour le Canada. Cela s’appelle faire de la politique. Sarkozy s’est même empressé de décorer son ami de la Légion d’honneur en lui disant : « Si je suis aujourd’hui président, c’est grâce en partie aux conseils, à l’amitié et à la fidélité de Paul Desmarais. »
Pour M. Desmarais et sa famille, en matière de question nationale les éditoriaux de leurs journaux ont été et demeurent des outils de combat politique. C’est leur droit le plus strict, mais le fait est indéniable.
En 2008, dans une rare entrevue accordée par Desmarais père, le magazine français Le Point le présentait d’ailleurs en ces termes : « Desmarais n’est pas seulement un magnat des affaires. Il a la haute main sur la presse de la Belle Province. Et tous les premiers ministres du Québec (et du Canada) sont ses amis. Desmarais, homme d’influence... »
Parlant de la ligne éditoriale de La Presse, le patriarche Desmarais en disait aussi ceci : « Notre position est connue : nous sommes fédéralistes. [...] Si le Québec se sépare, ce sera sa fin ». Sa « fin » ? Comme déclaration politique, c’est clair.
Et que dire de cette menace, elle aussi très politique, qu’il susurre en 1988 à Jacques Parizeau, alors chef du PQ ? Dans un échange confirmé par les deux hommes en entrevue pour la biographie de M. Parizeau signée par Pierre Duchesne, Desmarais père dit ceci à M. Parizeau : « En tout cas, si tu te présentes aux prochaines élections, on va te battre mon cher ! » Et qui était ce « on » ?
La morale de cette histoire : si PKP était fédéraliste au lieu d’être souverainiste, qu’il avait levé le poing pour l’unifolié, dirigé le PLQ et qu’il s’exprimait maintenant contre le PQ et pour l’unité canadienne, les critiques contre ses interventions seraient possiblement plus nuancées.
C'est une certitude.
Sur sa page Facebook, Robin Philpot nous rappelle cette scandaleuse tranche d'histoire:
Yves Boisvert, dans sa petite charge contre PKP, a porté aux nues un imaginaire propriétaire du Toronto Star. Mais sait-il de quoi il parle? Il a sûrement oublié ce que John Honderich a fait fièrement lors du référendum de 1995, alors qu'il était directeur et propriétaire de ce journal (aujourd'hui il est président du CA de Torstar). Il pourrait faire la leçon à tous les PKP de ce monde.
Au sujet du Love-in du 27 octobre 1995 à 3 jours du référendum, il m'a dit: "J'ai décidé moi-même de louer des autobus et de les annoncer dans notre journal. On nous a dit que notre action violerait la Loi québécoise sur la consultation populaire, mais j'ai dit tout simplement, Laissez-les venir, laissez-les porter des accusations. Nous les avons défiés. (...) quand l'avenir de ton pays est en jeu (...) je me sentais tellement impliqué que nous avons organisé le départ des bureaux du Toronto Star. Le journal les a payés et je n'ai eu que des félicitations du Conseil d'administration. (...) je vous le redis, nous savions qu'il y avait une loi, mais nous nous sommes dit, "au diable les conséquences" (damn the consquences)."
Et pour M. Boisvert qui voit d'un mauvais oeil le fait que PKP se présente à la tribune de la presse à Québec, John Honderich a fait embarquer dans les autobus nolisés par le Star pour aller manifester "ses" journalistes du Toronto Star. Une prochaine fois, on parlera du VP de Power, John Rae, et son rôle politique, ce qui devrait faire taire Yves Boisvert.
Je ne comprendrai jamais comment des types comme Boisvert et Pratte peuvent se regarder dans le miroir le matin. N'ont-ils aucune intégrité? Ne ressentent-ils pas la moindre honte? Sont-ils fanatiques à ce point? Ou s'agit-il simplement de profiteurs égoïstes qui savent ce qu'il faut dire pour gravir les échelons et obtenir les honneurs et les gros chèques?
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Il semblerait qu'Yves Boisvert soit intéressé par ce poste (et la belle retraite sénatoriale qui vient avec). C'est peut-être ce qui explique sa dernière chronique anti-PKP dont voici quelques extraits:
Pierre Karl Péladeau a quitté son poste de chef du PQ pour redevenir PDG de Québecor, mais il n'a pas quitté la politique pour autant.
Considérez quelques-uns des thèmes de ses interventions sur Twitter et Facebook seulement depuis Noël: ça va des transports en commun et de « l'engorgement de nos autoroutes » aux problèmes du réseau de la santé, en passant par l'inefficacité de l'UPAC et l'aide gouvernement libérale à Bombardier (un de ses sujets préférés), de l'ineptie des politiques de Justin Trudeau dans le domaine de la « justice fiscale » à la nécessaire modernisation d'Hydro-Québec.
Le champ de ses interventions est vaste, comme on voit, et le ton accusateur face au gouvernement libéral, on le devine.
À le lire, on est bien forcé de se demander si le plus important propriétaire de médias au Québec n'est pas une sorte de chef de l'opposition en réserve de la république du Québec.
(...) Sur Twitter, son style est incisif, agressif même, et il ne ménage aucun punch (...)
De nos jours, les cas de propriétaires de médias nationaux qui interviennent dans le débat politique en dehors des questions touchant leur industrie sont assez rares en Amérique du Nord.
Conrad Black est une exception notable. Historien de formation, auteur à la plume efficace, il a fait publier régulièrement des commentaires dans les pages de « son » National Post, qu'il a fondé pour offrir une voix aux idées conservatrices. Il lui est arrivé aussi de signer des articles dans d'autres journaux. Il n'a toutefois jamais dirigé de formation politique ni donné l'impression d'avoir cette ambition. Ses sorties n'en provoquaient pas moins des remous.
PKP ? L'idée qu'un propriétaire de médias majeurs et ex-chef de parti devrait faire preuve d'une réserve dans ses commentaires politiques est sans doute devenue antique et presque romantique. Personne, en tout cas, ne semble s'émouvoir des élans de M. Péladeau.
(...) Il devrait y avoir une sorte de malaise à voir celui qui détient des organes d'information parmi les plus importants dans son marché se transformer en acteur politique et donner l'impression de sonner la charge sur tous les sujets imaginables. On ne parle pas d'un chroniqueur, ici. Ni de ses opinions, largement partagées.
(...) Prenons un exemple tout chaud. Depuis plusieurs semaines, M. Péladeau se plaint du prêt de 10 millions accordé par Québec à Capitales Média, qui regroupe Le Soleil et les journaux régionaux autrefois propriété de Gesca, de la famille Desmarais - toujours propriétaire de La Presse. M. Péladeau soulève ici une excellente question : selon quels critères ce groupe a-t-il reçu cette aide ? Pourquoi eux et Le Devoir (526 000 $), et pas Québecor ?
Il ne se contente évidemment pas de critiquer ou de soulever la question. Il donne la réponse. C'est parce que Martin Cauchon est un ancien ministre libéral (fédéral), et donc un « ami » du pouvoir à Québec.
(...) Pour l'instant, il est PDG d'une très grande entreprise de communication et devrait montrer un peu mieux qu'il comprend la différence entre son ancienne job de politicien, même s'il s'en ennuie, et sa nouvelle, même si elle n'est que temporaire.
Imaginez ça! Ce pitoyable couillon qui travaille pour un organe de propagande fédéraliste qui vient critiquer Péladeau pour avoir osé prendre position dans des débats publics!
La meilleure réplique que j'ai lue est celle de Josée Legault:
Pour ou contre ses opinions, PKP fonctionne à visière levée. À l’opposé, feu Paul Desmarais père – fédéraliste irréductible et patron de l’empire Power Corp. incluant La Presse –, était peu visible. Pour tirer les ficelles des chefs politiques au Québec, au Canada et même en Europe, il préférait les coulisses feutrées du pouvoir.
Un exemple parmi d’autres : son amitié influente avec Nicolas Sarkozy. Une fois président de la France, il troqua la politique de non-ingérence et de non-indifférence envers le mouvement souverainiste pour un parti-pris ouvert pour le Canada. Cela s’appelle faire de la politique. Sarkozy s’est même empressé de décorer son ami de la Légion d’honneur en lui disant : « Si je suis aujourd’hui président, c’est grâce en partie aux conseils, à l’amitié et à la fidélité de Paul Desmarais. »
Pour M. Desmarais et sa famille, en matière de question nationale les éditoriaux de leurs journaux ont été et demeurent des outils de combat politique. C’est leur droit le plus strict, mais le fait est indéniable.
En 2008, dans une rare entrevue accordée par Desmarais père, le magazine français Le Point le présentait d’ailleurs en ces termes : « Desmarais n’est pas seulement un magnat des affaires. Il a la haute main sur la presse de la Belle Province. Et tous les premiers ministres du Québec (et du Canada) sont ses amis. Desmarais, homme d’influence... »
Parlant de la ligne éditoriale de La Presse, le patriarche Desmarais en disait aussi ceci : « Notre position est connue : nous sommes fédéralistes. [...] Si le Québec se sépare, ce sera sa fin ». Sa « fin » ? Comme déclaration politique, c’est clair.
Et que dire de cette menace, elle aussi très politique, qu’il susurre en 1988 à Jacques Parizeau, alors chef du PQ ? Dans un échange confirmé par les deux hommes en entrevue pour la biographie de M. Parizeau signée par Pierre Duchesne, Desmarais père dit ceci à M. Parizeau : « En tout cas, si tu te présentes aux prochaines élections, on va te battre mon cher ! » Et qui était ce « on » ?
La morale de cette histoire : si PKP était fédéraliste au lieu d’être souverainiste, qu’il avait levé le poing pour l’unifolié, dirigé le PLQ et qu’il s’exprimait maintenant contre le PQ et pour l’unité canadienne, les critiques contre ses interventions seraient possiblement plus nuancées.
C'est une certitude.
Sur sa page Facebook, Robin Philpot nous rappelle cette scandaleuse tranche d'histoire:
Yves Boisvert, dans sa petite charge contre PKP, a porté aux nues un imaginaire propriétaire du Toronto Star. Mais sait-il de quoi il parle? Il a sûrement oublié ce que John Honderich a fait fièrement lors du référendum de 1995, alors qu'il était directeur et propriétaire de ce journal (aujourd'hui il est président du CA de Torstar). Il pourrait faire la leçon à tous les PKP de ce monde.
Au sujet du Love-in du 27 octobre 1995 à 3 jours du référendum, il m'a dit: "J'ai décidé moi-même de louer des autobus et de les annoncer dans notre journal. On nous a dit que notre action violerait la Loi québécoise sur la consultation populaire, mais j'ai dit tout simplement, Laissez-les venir, laissez-les porter des accusations. Nous les avons défiés. (...) quand l'avenir de ton pays est en jeu (...) je me sentais tellement impliqué que nous avons organisé le départ des bureaux du Toronto Star. Le journal les a payés et je n'ai eu que des félicitations du Conseil d'administration. (...) je vous le redis, nous savions qu'il y avait une loi, mais nous nous sommes dit, "au diable les conséquences" (damn the consquences)."
Et pour M. Boisvert qui voit d'un mauvais oeil le fait que PKP se présente à la tribune de la presse à Québec, John Honderich a fait embarquer dans les autobus nolisés par le Star pour aller manifester "ses" journalistes du Toronto Star. Une prochaine fois, on parlera du VP de Power, John Rae, et son rôle politique, ce qui devrait faire taire Yves Boisvert.
Je ne comprendrai jamais comment des types comme Boisvert et Pratte peuvent se regarder dans le miroir le matin. N'ont-ils aucune intégrité? Ne ressentent-ils pas la moindre honte? Sont-ils fanatiques à ce point? Ou s'agit-il simplement de profiteurs égoïstes qui savent ce qu'il faut dire pour gravir les échelons et obtenir les honneurs et les gros chèques?
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La fois où j’ai été « violé »…
Vous croyez que la question du viol est très simple?
Vous croyez que c'est noir ou blanc, bien ou mal, sans zones grises?
Vous croyez que seules les femmes en sont systématiquement les victimes?
Vous croyez que les accusations publiques revanchardes sont la solution méritée, juste, honorable et raisonnable?
Si c'est le cas, vous devez lire cet émouvant texte de Jean-François Guay sur le blogue JusteSix.
Extrait:
Est-ce un aspect révélateur de cette nouvelle génération qui ne peut supporter d’être offensée et pour qui la justice ne suffit plus? Faut-il, pour ces jeunes, répondre avec violence et « BalancerSonPorc » pour que celui-ci comprenne bien qu’il n’a pas été convenable? Ainsi se soulagent-elles désormais de cette terrible épreuve? Jusqu’à ce qu’elles choisissent un autre porc à balancer, et ce tout aussi longtemps que ce sera la faute du porc.
En l’absence d’introspection, du porc à balancer il y aura, et aura, et aura ! Entrer en relation est une prise de risque, on accepte le risque que cela puisse être juste nul.
Grandissez un peu et prenez vos responsabilités bon Dieu !
Vous croyez que c'est noir ou blanc, bien ou mal, sans zones grises?
Vous croyez que seules les femmes en sont systématiquement les victimes?
Vous croyez que les accusations publiques revanchardes sont la solution méritée, juste, honorable et raisonnable?
Si c'est le cas, vous devez lire cet émouvant texte de Jean-François Guay sur le blogue JusteSix.
Extrait:
Est-ce un aspect révélateur de cette nouvelle génération qui ne peut supporter d’être offensée et pour qui la justice ne suffit plus? Faut-il, pour ces jeunes, répondre avec violence et « BalancerSonPorc » pour que celui-ci comprenne bien qu’il n’a pas été convenable? Ainsi se soulagent-elles désormais de cette terrible épreuve? Jusqu’à ce qu’elles choisissent un autre porc à balancer, et ce tout aussi longtemps que ce sera la faute du porc.
En l’absence d’introspection, du porc à balancer il y aura, et aura, et aura ! Entrer en relation est une prise de risque, on accepte le risque que cela puisse être juste nul.
Grandissez un peu et prenez vos responsabilités bon Dieu !
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L'extraordinaire entrevue de Jordan Peterson
J'ai déjà parlé du professeur de psychologie Jordan Peterson à quelques reprises sur ce blogue.
La première fois, c'était en novembre 2016. Il m'avait complètement ébloui avec sa vigoureuse défense de la liberté d'expression face aux activistes féministes et transgenres ontariens qui souhaitaient légiférer pour forcer les gens à utiliser les pronoms qui sont dictés par les transsexuels et transgenres.
La première fois, c'était en novembre 2016. Il m'avait complètement ébloui avec sa vigoureuse défense de la liberté d'expression face aux activistes féministes et transgenres ontariens qui souhaitaient légiférer pour forcer les gens à utiliser les pronoms qui sont dictés par les transsexuels et transgenres.
Malgré son intervention dans le débat, la loi a tout de même été adoptée et ses inquiétudes se sont avérées parfaitement fondées par la suite, comme l'a découvert à ses dépends la chargée de cours Lindsay Shepherd, de l'université Wilfrid-Laurier. Pour ceux que ça intéresse, la question s'est également pointée le bout du nez au Québec, comme je le racontais ici.
J'ai à nouveau parlé du professeur Peterson quelques jours plus tard après cet extraordinaire débat qui l'opposait à quelques-unes de ses détractrices.
J'ai ensuite blogué à propos de Jordan Peterson en janvier 2017. Sa prise de position à propos de la religion avait été pour moi une véritable douche d'eau glacée. Autant je le trouvais béton sur le terrain de la liberté d'expression, autant je le trouvais déjanté, ésotérique et carrément bizarre lorsqu'il s'exprimait à propos de la religion. Sa discussion avec Sam Harris, quelques jours après ce billet, était d'ailleurs complètement pathétique.
Je m'étais donc résolu à ne plus parler de lui ici.
Mais après ce qui vient de se passer au Royaume-Uni, je suis bien obligé de changer d'idée.
Peteron a accordé une entrevue à une intervieweuse féministe et le résultat est tout simplement spectaculaire. Il y est question de féminisme et de liberté d'expression et Peterson y est d'une efficacité redoutable, pour ne pas dire chirurgicale. Il est calme, posé, logique, brillant et impitoyable.
L'entrevue est parfois un peu frustrante parce que la dame coupe la parole de son invité sans arrêt pour lui balancer des accusations gratuites par la gueule, mais il est tout simplement fascinant de voir Peterson déjouer ses attaques puériles et malhonnêtes une après l'autre. Et c'est carrément jouissif de voir une féministe dogmatique complètement bouche bée qui voit toute son idéologie s'écrouler autour d'elle comme un château de cartes. Je n'ai jamais vu une journaliste être aussi déboulonnée à la télé et être plongée dans une telle dissonance cognitive.
L'entrevue est ci-dessous et elle vaut vraiment, mais alors là VRAIMENT la peine d'être vue:
Si vous préférez, la version commentée par Sargon of Akkad est ci-dessous:
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La vérité à propos du sexisme de l'austérité
Il y a quelques jours, dans ce billet, j'ai parlé de cette grande héroïne féministe, Aurélie Lanctôt.
Celle-là même qui a écrit un livre qui affirmait que les politiques d'austérité touchent surtout les femmes.
L'affirmation a été reprise ad naudeam dans les médias féministes. Il était temps que quelqu'un se décide à y regarder de plus près pour se rendre compte qu'une fois de plus, il ne s'agit que d'une vaste campagne de propagande vide et malhonnête.
Extraits du papier de Francis Vaille:
Cette conclusion tranchante m'a incité à fouiller la question, puisqu'elle soulève un enjeu important : les politiques des libéraux sont-elles discriminatoires ? La conclusion de Michel Girard nous rappelle l'étude de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS) selon laquelle l'« austérité libérale » a été faite sur le dos des femmes, qui ont souffert plus lourdement des compressions.
J'ai donc passé les données de l'emploi au peigne fin. Or, étonnamment, j'en viens à la conclusion inverse, ou presque : ce sont bien davantage les hommes qui ont souffert durant les deux années de restrictions libérales, selon les données de Statistique Canada.
Et depuis la fin des compressions, au printemps 2016, le marché du travail a été plus favorable aux hommes, mais c'est parce que les hommes sont en mode rattrapage sur la période précédente, entre autres. Je ne m'attendais vraiment pas à cela, mais les données sont très claires.
Voyons voir.
Au plus fort de la période sombre des compressions, soit d'avril 2014 à mars 2016, le taux de chômage des hommes était de 8,7 %, comparativement à 6,5 % pour les femmes, soit un écart de 2,2 points de pourcentage. En soi, cette différence favorisant les femmes, bien qu'éloquente, n'est pas suffisante pour tirer une conclusion, puisque le taux de chômage des femmes est plus bas que celui des hommes depuis de très nombreuses années.
Pour conclure, il faut plutôt voir si cet avantage historique des femmes a piqué du nez pendant les deux années difficiles. Or, c'est tout le contraire : l'écart s'est accru en faveur des femmes.
Durant les deux années ayant précédé l'arrivée des libéraux, élus en avril 2014, le taux de chômage des femmes était 1,6 point de pourcentage plus bas que celui des hommes. Pendant l'austérité, il est devenu 2,2 points plus bas, à 6,5 %, ce qui a donc accru leur avance.
Surprenant, non ?
Après les compressions, soit entre avril 2016 et décembre 2017, l'écart favorisant les femmes s'est rétréci à 1,1 point de pourcentage, les hommes rattrapant le retard historique.
Oui, mais, direz-vous, peut-être que ces soubresauts sont un phénomène pancanadien, qui n'a rien à voir avec la situation du Québec. Eh bien, non : l'écart de chômage entre les hommes et les femmes est demeuré stable durant toute la période au Canada, contrairement au Québec.
Oui, mais, me direz-vous encore, vos conclusions auraient été différentes si l'on avait tenu compte des très nombreuses femmes qui ont abandonné la recherche d'emploi durant l'ère austère, devenant inactives et exclues des chiffres de chômage. Ce phénomène est bien connu des économistes. Eh bien, non, encore une fois : la proportion de femmes actives est restée stable, ce sont plutôt les hommes qui sont devenus proportionnellement moins actifs.
Cela dit, il est difficile d'associer précisément le recul des hommes aux mesures de compression ou autres, mon analyse des emplois par secteur ne me permettant pas de dégager de tendances nettes. Il est clair toutefois qu'il est propre au Québec.
Comment expliquer alors les 4,6 % d'emplois aux femmes de Michel Girard en 2017 ? D'abord, il faut définir les concepts : les chiffres de Statistique Canada ne mesurent pas les emplois créés et encore moins ceux destinés aux femmes.
Les données révèlent plutôt le nombre total d'emplois occupés par la population d'une année à l'autre, nombre total duquel plusieurs déduisent le nombre d'emplois « créés ».
En prenant les variations de décembre 2017 sur décembre 2016, on constate qu'effectivement, les postes occupés par les femmes ont crû de 3900, soit 4,6 % du total. Si l'on utilise plutôt la moyenne annuelle des emplois entre 2016 et 2017, qui est plus fiable, cette part passe à 28 %.
Deux raisons semblent expliquer cette proportion moindre. D'abord, les hommes avaient un important retard à rattraper, étant plus nombreux à chômer. Pendant ce temps, les femmes étaient déjà en situation de plein emploi, ou presque.
Depuis 27 ans, faut-il savoir, le taux de chômage des hommes est plus élevé que celui des femmes. Cette situation s'est inversée au quatrième trimestre de 2017.
Deuxième élément : le vieillissement de la population. Les femmes prennent leur retraite à un plus jeune âge que les hommes. Or, comme le bassin de travailleurs vieillit, les postes occupés par les hommes augmentent par rapport à celui des femmes après l'âge de 45 ans.
Les femmes ne sont pas en reste pour autant. Elles ont fait des gains dans des secteurs bien rémunérés, comme la finance ou le génie, alors que les hommes en ont fait dans des secteurs moins payants, comme la restauration et l'hébergement.
Résultat : le salaire des femmes a augmenté deux fois plus vite que celui des hommes dans la dernière année.
Bref, je ne suis pas d'avis que le marché du travail boude les femmes. Surtout, je ne crois pas que le gouvernement doit tenter de mettre un sexe sur le type d'emplois qu'il tente de créer.
Celle-là même qui a écrit un livre qui affirmait que les politiques d'austérité touchent surtout les femmes.
L'affirmation a été reprise ad naudeam dans les médias féministes. Il était temps que quelqu'un se décide à y regarder de plus près pour se rendre compte qu'une fois de plus, il ne s'agit que d'une vaste campagne de propagande vide et malhonnête.
Extraits du papier de Francis Vaille:
Cette conclusion tranchante m'a incité à fouiller la question, puisqu'elle soulève un enjeu important : les politiques des libéraux sont-elles discriminatoires ? La conclusion de Michel Girard nous rappelle l'étude de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS) selon laquelle l'« austérité libérale » a été faite sur le dos des femmes, qui ont souffert plus lourdement des compressions.
J'ai donc passé les données de l'emploi au peigne fin. Or, étonnamment, j'en viens à la conclusion inverse, ou presque : ce sont bien davantage les hommes qui ont souffert durant les deux années de restrictions libérales, selon les données de Statistique Canada.
Et depuis la fin des compressions, au printemps 2016, le marché du travail a été plus favorable aux hommes, mais c'est parce que les hommes sont en mode rattrapage sur la période précédente, entre autres. Je ne m'attendais vraiment pas à cela, mais les données sont très claires.
Voyons voir.
Au plus fort de la période sombre des compressions, soit d'avril 2014 à mars 2016, le taux de chômage des hommes était de 8,7 %, comparativement à 6,5 % pour les femmes, soit un écart de 2,2 points de pourcentage. En soi, cette différence favorisant les femmes, bien qu'éloquente, n'est pas suffisante pour tirer une conclusion, puisque le taux de chômage des femmes est plus bas que celui des hommes depuis de très nombreuses années.
Pour conclure, il faut plutôt voir si cet avantage historique des femmes a piqué du nez pendant les deux années difficiles. Or, c'est tout le contraire : l'écart s'est accru en faveur des femmes.
Durant les deux années ayant précédé l'arrivée des libéraux, élus en avril 2014, le taux de chômage des femmes était 1,6 point de pourcentage plus bas que celui des hommes. Pendant l'austérité, il est devenu 2,2 points plus bas, à 6,5 %, ce qui a donc accru leur avance.
Surprenant, non ?
Après les compressions, soit entre avril 2016 et décembre 2017, l'écart favorisant les femmes s'est rétréci à 1,1 point de pourcentage, les hommes rattrapant le retard historique.
Oui, mais, direz-vous, peut-être que ces soubresauts sont un phénomène pancanadien, qui n'a rien à voir avec la situation du Québec. Eh bien, non : l'écart de chômage entre les hommes et les femmes est demeuré stable durant toute la période au Canada, contrairement au Québec.
Oui, mais, me direz-vous encore, vos conclusions auraient été différentes si l'on avait tenu compte des très nombreuses femmes qui ont abandonné la recherche d'emploi durant l'ère austère, devenant inactives et exclues des chiffres de chômage. Ce phénomène est bien connu des économistes. Eh bien, non, encore une fois : la proportion de femmes actives est restée stable, ce sont plutôt les hommes qui sont devenus proportionnellement moins actifs.
Cela dit, il est difficile d'associer précisément le recul des hommes aux mesures de compression ou autres, mon analyse des emplois par secteur ne me permettant pas de dégager de tendances nettes. Il est clair toutefois qu'il est propre au Québec.
Comment expliquer alors les 4,6 % d'emplois aux femmes de Michel Girard en 2017 ? D'abord, il faut définir les concepts : les chiffres de Statistique Canada ne mesurent pas les emplois créés et encore moins ceux destinés aux femmes.
Les données révèlent plutôt le nombre total d'emplois occupés par la population d'une année à l'autre, nombre total duquel plusieurs déduisent le nombre d'emplois « créés ».
En prenant les variations de décembre 2017 sur décembre 2016, on constate qu'effectivement, les postes occupés par les femmes ont crû de 3900, soit 4,6 % du total. Si l'on utilise plutôt la moyenne annuelle des emplois entre 2016 et 2017, qui est plus fiable, cette part passe à 28 %.
Deux raisons semblent expliquer cette proportion moindre. D'abord, les hommes avaient un important retard à rattraper, étant plus nombreux à chômer. Pendant ce temps, les femmes étaient déjà en situation de plein emploi, ou presque.
Depuis 27 ans, faut-il savoir, le taux de chômage des hommes est plus élevé que celui des femmes. Cette situation s'est inversée au quatrième trimestre de 2017.
Deuxième élément : le vieillissement de la population. Les femmes prennent leur retraite à un plus jeune âge que les hommes. Or, comme le bassin de travailleurs vieillit, les postes occupés par les hommes augmentent par rapport à celui des femmes après l'âge de 45 ans.
Les femmes ne sont pas en reste pour autant. Elles ont fait des gains dans des secteurs bien rémunérés, comme la finance ou le génie, alors que les hommes en ont fait dans des secteurs moins payants, comme la restauration et l'hébergement.
Résultat : le salaire des femmes a augmenté deux fois plus vite que celui des hommes dans la dernière année.
Bref, je ne suis pas d'avis que le marché du travail boude les femmes. Surtout, je ne crois pas que le gouvernement doit tenter de mettre un sexe sur le type d'emplois qu'il tente de créer.
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Pierre Desproges
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Iniquité salariale en BD
Je soupçonne que ce n'était pas l'objectif du bédéiste qui a créé ceci, il voulait sans doute simplement ridiculiser les hommes et idéaliser les féministes... sauf que cette BD prend tout un autre sens lorsqu'on sait que l'iniquité salariale sexiste est un mythe et que les militantes féministes exigent effectivement une part de la cagnotte qu'elles n'ont pas mérité en travaillant.
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Les hommes sont-ils tous "affreux"?
Karen Straughan, la reine de l'antiféminisme, réplique à l'auteur d'un article nauséabond qui affirme que "tous les hommes sont affreux" et qu'il est temps de l'admettre.
Sa réponse est de l'or en barre.
Sa réponse est de l'or en barre.
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JE SUIS UNE « AGRESSEUSE »
De temps en temps, à travers les hurlements déjantés des hystériques victimaires, des femmes lucides trouvent le courage de prendre la parole.
Ces moments merveilleux, mais trop rares, m'emplissent toujours d'un grand espoir pour la suite des choses. C'est peut-être infondé, mais je n'y peux rien, je suis comme ça. Je me dis toujours qu'éventuellement, après être allé trop loin, le balancier va entamer un retour vers le centre si désespérément souhaitable. Et j'essaie de me convaincre que ces sursauts de lucidité en sont les signes avant-coureurs.
Ce doit être ça l'optimisme.
Extraits du texte de Caroline Morgan:
Les mouvements #moiaussi et #balancetonporc dénoncent l’utilisation abusive du pouvoir pour extorquer des faveurs sexuelles. Malheureusement, ils ont dérapé pour se transformer en bêtes affamées quêtant continuellement de nouvelles proies. Par exemple, selon une étude, pas moins de 40 % des étudiants de l’Université Laval auraient vécu de la « violence sexuelle ». Même les « contacts sexuels non désirés » y sont mis dans le même sac que les agressions sexuelles et le viol.
Dans ce cas, il faudra me dénoncer aussi, car d’après les critères définissant la violence sexuelle… je suis une truie à balancer.
Permettez-moi de confesser mon crime, commis en 2000. J’étais au bar avec des camarades d’études. Relativement éméchée, j’ai fait un brin de causette à l’un d’entre eux pour qui j’avais le béguin, puis je l’ai subitement embrassé. Il m’a gentiment, mais fermement repoussée. Le lendemain, de retour en classe, j’ai pris mon courage à deux mains et lui ai présenté mes excuses. Rougissant, il a souri et les a acceptées. Malgré l’incident, nous sommes demeurés bons amis le reste de notre formation et même après, jusqu’à ce que nous nous perdions de vue.
Si un jeune homme avait commis ce crime aujourd’hui, l’école aurait reçu une plainte.
Elle-même, coupable de ne pas surveiller ses étudiants dans tous les bars de la ville, aurait été sommée d’adopter une « politique » contre la violence sexuelle, assortie de « safe spaces », de « trigger warnings » et de tout ce que l’intersectionnalisme universitaire est capable d’inventer.
Tout cela n’existait pas lorsque j’ai dû moi-même gérer des importuns. Vers la fin des années 90, pendant un autre party étudiant, un jeune homme a posé sa main sur mon dos, puis l’a fait glisser jusqu’à mes fesses. Je lui ai lancé d’un ton glacial : « Tu me cherches-tu ? » Il s’est éloigné et est allé déprimer sur un divan le reste de la soirée. Quelques années plus tard, dans le métro, un homme a engagé la conversation avec moi, puis, sans avertissement, m’a plaqué un baiser sur les lèvres. Mon regard de Gorgone a aussitôt refroidi ses ardeurs : il a bredouillé des excuses et est parti sans insister.
TOUS SUR LE MÊME PIED ?
Le problème avec #moiaussi et #balancetonporc, c’est que n’importe quel nigaud un peu trop entreprenant est mis sur le même pied qu’Harvey Weinstein et Marcel Aubut. Tout incident se transforme en agression. Tout malaise devient un traumatisme. C’est ainsi qu’une étude peut arriver au taux hallucinant de 40 % de « victimes de violence sexuelle » sur un campus universitaire.
Quel message envoyons-nous ainsi à nos filles ? Qu’il leur est impossible, comme demoiselles en détresse, de répondre à la moindre sollicitation non désirée sans l’aide d’un appareil institutionnel ? Que ces pauvres oies blanches sont sans pouvoir devant les apprentis séducteurs ? Que le moindre frôlement doit les faire trembler de terreur ? Que dire à un homme d’aller se faire pendre ailleurs est une tâche insurmontable ? Que les femmes n’ont le droit de se faire respecter que collectivement, jamais individuellement ?
Je ne doute pas que les services des ressources humaines, où se gèrent toutes sortes de relations de pouvoir, doivent perfectionner leurs interventions en matière de harcèlement sexuel. De même, l’appareil judiciaire et policier est encore dépassé par les cas de harcèlement et d’agression sexuelle, ces crimes souvent sans preuve matérielle, qui infiltrent la crainte jusque dans la moelle des os de leurs victimes. Ce n’est pas une raison pour détruire publiquement tous les oisons et les mal élevés qui ne méritent rien de plus que de se prendre un râteau. Au sens figuré, bien sûr.
Ces moments merveilleux, mais trop rares, m'emplissent toujours d'un grand espoir pour la suite des choses. C'est peut-être infondé, mais je n'y peux rien, je suis comme ça. Je me dis toujours qu'éventuellement, après être allé trop loin, le balancier va entamer un retour vers le centre si désespérément souhaitable. Et j'essaie de me convaincre que ces sursauts de lucidité en sont les signes avant-coureurs.
Ce doit être ça l'optimisme.
Extraits du texte de Caroline Morgan:
Les mouvements #moiaussi et #balancetonporc dénoncent l’utilisation abusive du pouvoir pour extorquer des faveurs sexuelles. Malheureusement, ils ont dérapé pour se transformer en bêtes affamées quêtant continuellement de nouvelles proies. Par exemple, selon une étude, pas moins de 40 % des étudiants de l’Université Laval auraient vécu de la « violence sexuelle ». Même les « contacts sexuels non désirés » y sont mis dans le même sac que les agressions sexuelles et le viol.
Dans ce cas, il faudra me dénoncer aussi, car d’après les critères définissant la violence sexuelle… je suis une truie à balancer.
Permettez-moi de confesser mon crime, commis en 2000. J’étais au bar avec des camarades d’études. Relativement éméchée, j’ai fait un brin de causette à l’un d’entre eux pour qui j’avais le béguin, puis je l’ai subitement embrassé. Il m’a gentiment, mais fermement repoussée. Le lendemain, de retour en classe, j’ai pris mon courage à deux mains et lui ai présenté mes excuses. Rougissant, il a souri et les a acceptées. Malgré l’incident, nous sommes demeurés bons amis le reste de notre formation et même après, jusqu’à ce que nous nous perdions de vue.
Si un jeune homme avait commis ce crime aujourd’hui, l’école aurait reçu une plainte.
Elle-même, coupable de ne pas surveiller ses étudiants dans tous les bars de la ville, aurait été sommée d’adopter une « politique » contre la violence sexuelle, assortie de « safe spaces », de « trigger warnings » et de tout ce que l’intersectionnalisme universitaire est capable d’inventer.
Tout cela n’existait pas lorsque j’ai dû moi-même gérer des importuns. Vers la fin des années 90, pendant un autre party étudiant, un jeune homme a posé sa main sur mon dos, puis l’a fait glisser jusqu’à mes fesses. Je lui ai lancé d’un ton glacial : « Tu me cherches-tu ? » Il s’est éloigné et est allé déprimer sur un divan le reste de la soirée. Quelques années plus tard, dans le métro, un homme a engagé la conversation avec moi, puis, sans avertissement, m’a plaqué un baiser sur les lèvres. Mon regard de Gorgone a aussitôt refroidi ses ardeurs : il a bredouillé des excuses et est parti sans insister.
TOUS SUR LE MÊME PIED ?
Le problème avec #moiaussi et #balancetonporc, c’est que n’importe quel nigaud un peu trop entreprenant est mis sur le même pied qu’Harvey Weinstein et Marcel Aubut. Tout incident se transforme en agression. Tout malaise devient un traumatisme. C’est ainsi qu’une étude peut arriver au taux hallucinant de 40 % de « victimes de violence sexuelle » sur un campus universitaire.
Quel message envoyons-nous ainsi à nos filles ? Qu’il leur est impossible, comme demoiselles en détresse, de répondre à la moindre sollicitation non désirée sans l’aide d’un appareil institutionnel ? Que ces pauvres oies blanches sont sans pouvoir devant les apprentis séducteurs ? Que le moindre frôlement doit les faire trembler de terreur ? Que dire à un homme d’aller se faire pendre ailleurs est une tâche insurmontable ? Que les femmes n’ont le droit de se faire respecter que collectivement, jamais individuellement ?
Je ne doute pas que les services des ressources humaines, où se gèrent toutes sortes de relations de pouvoir, doivent perfectionner leurs interventions en matière de harcèlement sexuel. De même, l’appareil judiciaire et policier est encore dépassé par les cas de harcèlement et d’agression sexuelle, ces crimes souvent sans preuve matérielle, qui infiltrent la crainte jusque dans la moelle des os de leurs victimes. Ce n’est pas une raison pour détruire publiquement tous les oisons et les mal élevés qui ne méritent rien de plus que de se prendre un râteau. Au sens figuré, bien sûr.
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L'hypocrite solitaire
Je parle assez peu de mes relations de travail. La raison qui explique cela est fort simple: mes relations avec mes collègues sont généralement au mieux désagréables, au pire ouvertement hostiles.
Quand je quitte l'école à la fin de la journée, je laisse toute cette merde derrière moi et je passe à autre chose. Et lorsque je blogue, c'est justement pour penser à autre chose et me changer les idées, alors passer mon temps à geindre à propos de mes collègues serait contre-productif. Et en plus, la plupart du temps, c'est tellement con et sans intérêt...
Cela étant dit, il vient de se produire une altercation avec une collègues que je trouve très éloquente et qui vous donnera une idée de ce que c'est que d'être un homme qui travaille dans une école primaire. Je vais donc la partager avec vous. Et comme cela s'est produit via courriels, vous allez avoir le grand honneur et l'extraordinaire privilège de lire les courriels en question.
Ces courriels ont tous été envoyés à la directrice et aux quatre enseignants de 6e année, dont moi. Je ne les ai pas modifiés, à part pour cacher les noms des gens impliqués. Pour plus de clarté, lorsqu'il sera question de moi, le rectangle sera orangé.
Tout commence donc avec ce courriel de la directrice:
La première qui répond à ce courriel est ma collègue de 6e année dont j'ai déjà parlé sur ce blogue et que nous appellerons Brittany. Elle écrit ceci:
Ceci m'a un peu agacé. Voyez-vous, lorsque je suis arrivé à cette école il y a 4 ou 5 ans, j'ai offert aux deux autres enseignantes (dont Brittany) de m'occuper de l'album des finissants puisque je l'avais toujours fait dans mes écoles précédentes et que le résultat était pas mal beau. Elles avaient accepté.
Or, j'ai cru comprendre par la suite que ceci était une source de frustration pour Brittany. Elle ne m'a jamais rien dit, évidemment. Généralement, mes collègues féminines ne viennent jamais me voir pour régler les problèmes et les sources de friction. Elles ne disent rien, préfèrent parler dans mon dos et laisser le problème prendre de l'ampleur et puruller.
Brittany était donc déterminée à reprendre l'album des finissants. Si elle était simplement venue me dire qu'elle y tenait à ce point, j'aurais accepté de le lui laisser avec plaisir. Après tout, ce n'est pas comme si je n'avais rien d'autre à faire. Mais non! L'approche directe est beaucoup trop simple! Elle a préféré manigancer, comploter et mentir, comme elle le fait à propos de tout.
Elle est donc venue me voir l'an dernier et m'a dit: "La directrice souhaite que ce soit moi qui m'occupe de l'album des finissants." Cela m'a étonné sur le coup, mais j'ai simplement répondu: "Ah, d'accord." Mais ça me chicotait un peu, je me demandais pourquoi la directrice aurait souhaité cela. Je suis donc aller la voir et elle n'avait aucune idée de quoi je parlais. Brittany avait inventé cette histoire pour s'assurer que j'accepte de lui redonner l'album.
J'ai trouvé ça extraordinairement puérile et idiot, mais je n'en ai pas fait un plat. Ce genre de choses se produit à longueur de semaine, alors s'il fallait que je déchire ma chemise à chaque fois, on n'en finirait plus. Parfois, il faut accepter d'être l'adulte raisonnable et de s'élever au-dessus de ces interminables et pitoyables mesquineries.
Cette année, j'ai donné mon nom pour le comité des finissants et la directrice m'a choisi. Je n'y tenais pas particulièrement, mais chaque prof est tenu de s'impliquer dans au moins un comité et celui-là me semblait moins nul que les autres. Il semblerait que cela ait froissé Brittany au plus haut point car il paraît qu'elle en était la responsable avant. Mais une fois de plus, elle ne m'a rien dit directement.
Bref, je n'ai pas aimé que Brittany s'approprie à nouveau l'album des finissants sans nous consulter. Je me suis rappelé la tactique malhonnête qu'elle a utilisée l'an dernier pour prendre le contrôle de l'album. Ça m'a agacé. Et contrairement à mes collègues féminines, lorsque quelque chose m'agace suffisamment, je le dis. J'ai donc répondu ceci:
C'est un peu frette, j'en conviens, mais c'est poli, franc et direct. Avec des gars, ça n'aurait pas été un problème. Mais pour les femmes, ceci constitue une forme "d'agression".
Disons que Brittany n'a pas apprécié. Elle a décidé de sortir les gros canons et a répondu ceci (en ne l'envoyant pas seulement à moi, mais également à la directrice et à mes collègues):
Vous dire que j'étais furieux serait un euphémisme. J'étais déterminé à ne pas lui laisser le dernier mot, à ne pas la laisser me traiter ainsi en toute impunité.
Alors j'ai répondu à son message point par point:
Elle n'a pas répondu.
La directrice, elle, nous a envoyé ceci:
Alors on verra bien pour la suite.
En ce qui me concerne, je veux des excuses publiques. Je veux qu'elle se rétracte. Et je veux qu'à l'avenir, elle ne s'adresse plus à moi sans qu'une tierce personne soit présente afin qu'il y ait un témoin pour démentir ses futures fabulations.
Je sais qu'à vos yeux, chers lecteurs, ceci semblera tellement stupide et insignifiant. Et vous avez parfaitement raison, ça l'est. C'est pour ça que je n'en parle pas sur ce blogue. C'est tellement con que j'ai l'impression de m'abrutir en m'abaissant au même niveau que ces gens.
Mais c'est comme ça tout le temps, tout le temps, tout le temps... à propos de tout, tout, tout...
Et croyez-moi, j'ai beau souhaiter rester au-dessus de tout ceci, inévitablement, ça me pète au visage. Je déteste les conflits stupides pour des raisons futiles comme celle-ci. Mais les frustrations non-exprimées des femmes-enfants prennent de l'ampleur, les petites tensions grandissent, les manigances des princesses éplorées deviennent des attaques en règle. Et le cirque de la diffamation démarre.
C'est toujours, toujours, toujours la même chose. Et ça fait 20 ans que ça dure.
Les lecteurs de longue date de ce blogue savent que j'ai connu pire. Bien pire. Mais c'est toujours comme ceci que ça commence.
Toujours le même cirque qui se répète, inlassablement.
Comme dans le Jour de la marmotte...
Quand je quitte l'école à la fin de la journée, je laisse toute cette merde derrière moi et je passe à autre chose. Et lorsque je blogue, c'est justement pour penser à autre chose et me changer les idées, alors passer mon temps à geindre à propos de mes collègues serait contre-productif. Et en plus, la plupart du temps, c'est tellement con et sans intérêt...
Cela étant dit, il vient de se produire une altercation avec une collègues que je trouve très éloquente et qui vous donnera une idée de ce que c'est que d'être un homme qui travaille dans une école primaire. Je vais donc la partager avec vous. Et comme cela s'est produit via courriels, vous allez avoir le grand honneur et l'extraordinaire privilège de lire les courriels en question.
Ces courriels ont tous été envoyés à la directrice et aux quatre enseignants de 6e année, dont moi. Je ne les ai pas modifiés, à part pour cacher les noms des gens impliqués. Pour plus de clarté, lorsqu'il sera question de moi, le rectangle sera orangé.
Tout commence donc avec ce courriel de la directrice:
La première qui répond à ce courriel est ma collègue de 6e année dont j'ai déjà parlé sur ce blogue et que nous appellerons Brittany. Elle écrit ceci:
Ceci m'a un peu agacé. Voyez-vous, lorsque je suis arrivé à cette école il y a 4 ou 5 ans, j'ai offert aux deux autres enseignantes (dont Brittany) de m'occuper de l'album des finissants puisque je l'avais toujours fait dans mes écoles précédentes et que le résultat était pas mal beau. Elles avaient accepté.
Or, j'ai cru comprendre par la suite que ceci était une source de frustration pour Brittany. Elle ne m'a jamais rien dit, évidemment. Généralement, mes collègues féminines ne viennent jamais me voir pour régler les problèmes et les sources de friction. Elles ne disent rien, préfèrent parler dans mon dos et laisser le problème prendre de l'ampleur et puruller.
Brittany était donc déterminée à reprendre l'album des finissants. Si elle était simplement venue me dire qu'elle y tenait à ce point, j'aurais accepté de le lui laisser avec plaisir. Après tout, ce n'est pas comme si je n'avais rien d'autre à faire. Mais non! L'approche directe est beaucoup trop simple! Elle a préféré manigancer, comploter et mentir, comme elle le fait à propos de tout.
Elle est donc venue me voir l'an dernier et m'a dit: "La directrice souhaite que ce soit moi qui m'occupe de l'album des finissants." Cela m'a étonné sur le coup, mais j'ai simplement répondu: "Ah, d'accord." Mais ça me chicotait un peu, je me demandais pourquoi la directrice aurait souhaité cela. Je suis donc aller la voir et elle n'avait aucune idée de quoi je parlais. Brittany avait inventé cette histoire pour s'assurer que j'accepte de lui redonner l'album.
J'ai trouvé ça extraordinairement puérile et idiot, mais je n'en ai pas fait un plat. Ce genre de choses se produit à longueur de semaine, alors s'il fallait que je déchire ma chemise à chaque fois, on n'en finirait plus. Parfois, il faut accepter d'être l'adulte raisonnable et de s'élever au-dessus de ces interminables et pitoyables mesquineries.
Cette année, j'ai donné mon nom pour le comité des finissants et la directrice m'a choisi. Je n'y tenais pas particulièrement, mais chaque prof est tenu de s'impliquer dans au moins un comité et celui-là me semblait moins nul que les autres. Il semblerait que cela ait froissé Brittany au plus haut point car il paraît qu'elle en était la responsable avant. Mais une fois de plus, elle ne m'a rien dit directement.
Bref, je n'ai pas aimé que Brittany s'approprie à nouveau l'album des finissants sans nous consulter. Je me suis rappelé la tactique malhonnête qu'elle a utilisée l'an dernier pour prendre le contrôle de l'album. Ça m'a agacé. Et contrairement à mes collègues féminines, lorsque quelque chose m'agace suffisamment, je le dis. J'ai donc répondu ceci:
C'est un peu frette, j'en conviens, mais c'est poli, franc et direct. Avec des gars, ça n'aurait pas été un problème. Mais pour les femmes, ceci constitue une forme "d'agression".
Disons que Brittany n'a pas apprécié. Elle a décidé de sortir les gros canons et a répondu ceci (en ne l'envoyant pas seulement à moi, mais également à la directrice et à mes collègues):
Vous dire que j'étais furieux serait un euphémisme. J'étais déterminé à ne pas lui laisser le dernier mot, à ne pas la laisser me traiter ainsi en toute impunité.
Alors j'ai répondu à son message point par point:
Elle n'a pas répondu.
La directrice, elle, nous a envoyé ceci:
Alors on verra bien pour la suite.
En ce qui me concerne, je veux des excuses publiques. Je veux qu'elle se rétracte. Et je veux qu'à l'avenir, elle ne s'adresse plus à moi sans qu'une tierce personne soit présente afin qu'il y ait un témoin pour démentir ses futures fabulations.
Je sais qu'à vos yeux, chers lecteurs, ceci semblera tellement stupide et insignifiant. Et vous avez parfaitement raison, ça l'est. C'est pour ça que je n'en parle pas sur ce blogue. C'est tellement con que j'ai l'impression de m'abrutir en m'abaissant au même niveau que ces gens.
Mais c'est comme ça tout le temps, tout le temps, tout le temps... à propos de tout, tout, tout...
Et croyez-moi, j'ai beau souhaiter rester au-dessus de tout ceci, inévitablement, ça me pète au visage. Je déteste les conflits stupides pour des raisons futiles comme celle-ci. Mais les frustrations non-exprimées des femmes-enfants prennent de l'ampleur, les petites tensions grandissent, les manigances des princesses éplorées deviennent des attaques en règle. Et le cirque de la diffamation démarre.
C'est toujours, toujours, toujours la même chose. Et ça fait 20 ans que ça dure.
Toujours le même cirque qui se répète, inlassablement.
Comme dans le Jour de la marmotte...
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Éliane Gamache Latourelle: héroïne féministe
Extrait de l'inspirant article:
Depuis la publication de La jeune millionnaire en 2014, Éliane Gamache Latourelle est une conférencière convoitée. Son histoire, celle d'une pharmacienne devenue millionnaire à 30 ans, a séduit des milliers de personnes.
Jamais entendu parler... mais tout ce que j'ai besoin de savoir est là: elle est une femme et elle est devenue millionnaire.
Ne m'en dites pas plus, mon opinion est faite. C'est un symbole vivant de courage, de détermination et de succès! Un modèle à suivre! Un modèle parfait pour nos filles! Une héroïne féministe!
Imaginez ça! Une jeune femme! Par définition, membre d'une minorité opprimée et victime de toutes les foudres du monstrueux patriarcat misogyne! Et elle a décidé de combattre et de vaincre le dragon masculin! Elle a renversé le tyran à pénis! Au nom de ses soeurs outragées, elle a explosé l'iniquité salariale et défoncé le plafond de verre pour devenir MILLIONNAIRE!
Une femme millionnaire! C'est merveilleux! Extraordinaire! Génial! Imaginez la quantité de souliers, de sacoches, de vêtements et de produits de beauté de luxe qu'on peut s'acheter quand on est millionnaire! Il y a vraiment de quoi rêver!
Vraiment, inutile de m'en dire plus sur cette nouvelle icône vivante! Je m'empresse de la placer sur un piédestal et je me prosterne à ses pieds! Cette Jeanne d'Arc des temps modernes doit immédiatement être élevée au statut de sainte! Offrons-lui le prestigieux poste de gouverneure générale, d'autres avant elle l'ont obtenu pour moins que ça!
Achetons son livre! Allons à ses conférences! Parlons d'elle de façon dithyrambique dans tous les médias! Donnons-lui notre argent! Vite! Ne pas le faire serait sexiste et misogyne!
Gloire à toi Éliane! Nous sommes ton troupeau, guide-nous vers la Terre Promise!
Mais sous les apparences se cachait une femme vivant à crédit et croulant sous les dettes, qui a laissé des associés et des clients déçus et désenchantés par la « fausse représentation » dont ils s'estiment victimes.
Mensonge! C'est impossible! Complot du patriarcat! Tout le monde sait que les femmes ne mentent pas! Qu'il faut toujours les croire sur parole! Ce sont probablement des hommes jaloux qui l'ont trahie et volée! Les salauds!
C'était à l'automne 2014. La salle de réception du Ritz était bondée de visages connus. Sous les chandeliers, les serveurs chargés de plateaux circulaient parmi les vedettes du showbiz et du monde des affaires ; ici le millionnaire Luc Poirier, là-bas le dragon Serge Beauchemin. Plus loin, Julie du Page, Anne-Marie Losique, Kim Lizotte et Mireille Deyglun souriaient pour les caméras tandis qu'au lutrin sur la petite estrade, l'animatrice Isabelle Maréchal se préparait à présenter l'héroïne du jour : une blonde à peine trentenaire du nom d'Éliane Gamache Latourelle.
Je reconnais seulement deux noms là-dedans. Anne-Marie Losique, grande entrepreneure affublée d'un quotient intellectuel de l'ordre du génie. Si elle est là, elle aussi, pour acclamer Éliane, alors c'est du sérieux!
Et Isabelle Maréchal, un autre HÉROÏNE FÉMINISTE! Celle-là même qui a écrit les immortelles paroles (levez-vous s'il vous plaît): «Jusqu'à quel âge une femme peut-elle porter une minijupe, un bikini ou les cheveux longs?» Bien dit! Quel courage! Quelle question primordiale à débattre sur les ondes! Il est temps qu'on en parle!
Pascale Navarro, une autre grande féministe, l'a également écrit dans cet article, Isabelle Maréchal est elle-même une héroïne féministe qui doit se battre quotidiennement contre les salopards phallocrates misogynes qui lui posent des questions sexistes et injustes! Si c'est ELLE qui présente Éliane, alors aucun doute possible, sa crédibilité doit être béton!
(...) Ariane Leduc, qui a racheté en avril 2017 L'Activatrice, l'entreprise de coaching d'affaires de la pharmacienne, est tombée des nues en ouvrant ses livres. Selon les états financiers consultés, l'entreprise avait enregistré une perte nette de 52 196 $ en 2015, un an après sa création.
« J'ai compris que j'avais acheté une coquille vide, bourrée de dettes, de soldes de crédit impayés et de clients furieux d'avoir déboursé 5000 $ pour des services qu'ils n'avaient pas obtenus », déplore l'entrepreneure.
Tais-toi, marionnette du patriarcat! Suppôt du Satan phallocrate! Éliane ne peut pas avoir menti! Ton comptable est un homme, c'est ça? Ah! le salaud...
« J'écris ce livre pour les jeunes femmes talentueuses qui veulent un modèle de réussite autre que des... hommes d'un certain âge», affirme Éliane Gamache Latourelle dans son livre, un argument de vente qui lui a valu de se retrouver aux micros de Benoit Dutrizac et de Denis Lévesque et qui lui a ouvert la porte du monde lucratif des conférences d'affaires.
Elle dédie son livre aux jeunes femmes talentueuses... quelle grandeur d'âme! Quelle femme extraordinaire! Enfin quelqu'un qui s'intéresse à cette minorité humiliée, exploitée, méprisée et réduite à l'esclavage pas tous ces porcs du patriarcat!
Enfin un modèle de réussite pour les femmes! Ben quoi? Elles ne vont tout de même pas s'inspirer d'hommes d'un certain âge tout de même! Ces types-là ont... gulp... un pénis! Ce sont tous des salauds sexistes ces gens-là! Et leur peau est flasque! Leurs cheveux sont grisonnant! Leurs ongles d'orteils ne sont même pas manucurés! C'est pas sérieux!
Éliane, elle, est un modèle adéquat! Elle est belle! Elle est jeune! Elle est riche! Ses cheveux sont impeccables! Sa peau est ferme! Ses ongles sont bien manucurés! Son makeup est parfait! Elle a tous les attributs de l'héroïne de rêve! Et en plus! Elle n'a pas de vilain pénis! Héroïne? Que dis-je? C'est une DÉESSE!
La « jeune millionnaire » en a profité pour attirer l'attention d'une clientèle féminine, jeune, inexpérimentée, mais enthousiaste et prête à débourser 5000 $, le prix d'entrée pour un an de coaching à L'Activatrice. Quant à celles qui manquaient de moyens, mais pas d'ambitions, elles pouvaient toujours s'inscrire au programme EDR - Entrez et devenez riche - offert par la femme d'affaires au prix de 150 $ pour la journée.
Quelle femme extraordinaire! Non satisfaite d'atteindre la richesse elle-même, elle veut partager son succès! Elle veut aider ses soeurs à s'élever elles aussi, à s'extirper de la fange, à vaincre le patriarcat et à s'enrichir elles aussi! Elle est tout simplement sublime! Pincez-moi quelqu'un! Non! J'ai changé d'idée! ne me pincez pas! Laissez-moi croooooooooooire! Tiens Éliane, prends mon 5000$! Je veux être exposé à ta lumière purificatrice!
Sa clientèle est féminine, jeune et inexpérimentée? Et alors? Ça n'a aucune importance! Ce sont des FEMMES! Elles sont fortes! Elles sont puissantes! Elles peuvent réaliser tous leurs rêves! Ce sont des héroïnes elles aussi! Des princesses modernes! Vous insinuez qu'elles sont naïves? Comment osez-vous? Elles ne vont pas laisser des maudits sexistes comme vous leur balancer des préjugés misogynes moyennageux par la tête! Vous ne les empêcherez pas d'atteindre leur plein potentiel!
Ariane Leduc et son conjoint Maxime Lachapelle, deux jeunes entrepreneurs dans la trentaine, ont découvert la pharmacienne à l'émission de Denis Lévesque. Charmés par cette jeune femme pleine d'aplomb, ils l'ont contactée par Facebook et ont payé 350 $ pour la rencontrer pendant une heure. Elle leur a demandé d'ouvrir leurs livres. « On a tout déballé : la valeur de nos REER, nos placements, nos économies. Elle disait que c'était pour faire notre bilan financier, mais on soupçonne que c'était aussi pour voir l'état de nos liquidités », affirme Ariane Leduc.
Mensonge! Calomnie! C'est probablement son salopard de conjoint misogyne qui a mis ces idées traîtresses et hérétiques dans la tête de la pauvre petite Ariane!
La première rencontre a été suivie d'une consultation de 500 $ pour trois heures. « Éliane nous a assurés que ce montant serait déduit si on prenait un coaching annuel avec elle. Le coaching coûtait 5000 $. On était flattés qu'elle nous l'offre. On avait une confiance aveugle en elle et on était convaincus qu'elle allait nous aider à faire notre premier million. Les premières rencontres étaient pertinentes, mais plus le temps passait, moins c'était le cas. C'était décevant vu l'argent qu'on avait payé, mais on n'osait pas se plaindre de peur qu'elle ne se fâche », avoue l'entrepreneure.
Non mais c'est vrai! Il ne faudrait tout de même pas qu'elle se fâche! Elle est belle! Riche! Jeune! Famous! Qui sommes-nous pour la critiquer, nous, pauvres losers qui sommes moins beaux, moins riches, moins jeunes et pas célèbres du tout? Et en plus, c'est une femme! On ne va tout de même pas la critiquer! ce serait sexiste! On n'est pas des misogynes tout de même!
La clientèle de la jeune millionnaire était constituée, entre autres, de jeunes femmes, en période de transition et souvent vulnérables. Selon sept d'entre elles, la pharmacienne jouait sur leurs faiblesses, leur répétant qu'elles étaient « capables », mais se fâchant si elles ne suivaient pas ses conseils.
Une femme qui se fâche quand on ne fait pas ce qu'elle veut? Calomnie! Je travaille dans un milieu féminin depuis 20 ans et je peux vous confirmer que cela n'arrive jamais!
(...) « Éliane disait que pour réussir en affaires, il fallait tout payer à crédit. J'ai fait l'erreur de l'écouter », raconte Maude-Andrée D'Amours, qui a utilisé les services de coaching d'Éliane Gamache Latourelle et dit s'être endettée de 10 000$ à la suite des consultations.
À ce chapitre, Éliane Gamache Latourelle pratiquait ce qu'elle prêchait. Selon Ariane Leduc, qui a eu accès à ses livres en rachetant L'Activatrice, la jeune millionnaire ne possédait rien et payait tout à crédit : sa BMW X5 à 1684 $ par mois, son penthouse dans le Vieux-Montréal au loyer locatif mensuel de 7000 $ et ses virées dans les restos chics.
Encore des calomnies! Des femmes qui s'endettent et qui vivent à crédit? Ben voyons donc! Comment ces êtres aussi sublimes pourraient-ils faire une chose pareille?
Vous êtez allés dans un centre d'achat récemment? Vous y avez vu des femmes qui magasinent frénétiquement et qui se bousculent pour acheter des trucs insipides, en vogue et trop chers qui ne seront portés qu'une ou deux fois et qui ne serviront qu'à flatter leur ego et à masquer leur superficialité? Ça n'arrive jamais!
La surconsommation, le gaspillage, la pollution, ce sont tous des fléaux de ces salopard d'hommes, encore une fois!
Ça va faire!
Je refuse de continuer à citer cet article! Le sexisme et la misogynie qui s'en dégage sont insupportables! Les attentes qui sont formulées envers Éliane sont irréalistes, inacceptables et sexistes! Jamais on ne demanderait à un homme d'être intègre! Jamais on exigerait qu'un homme soit transparent! A-t-on jamais entendu un homme être accusé de malhonnêteté! De toute évidence, on s'acharne sur Éliane parce qu'elle est une femme!
Éliane est un génie! Une prophète! Un exemple éblouissant d'intelligence, de fiabilité, de stabilité et de jugement, comme le démontrent si bien ces exemples inspirants:
(...) À l'automne 2016, Ariane Leduc et Maxime Lachapelle se souviennent que la pharmacienne parlait de moins en moins d'affaires et de plus en plus de Dieu. (...) ils ont été invités à quelques reprises à des soirées de prière, présidées par le pasteur Steve Rasier, l'agent de Rachid Badouri, en compagnie de Joey Scarpellino et du motivateur David Bernard, connu aussi comme l'ex-valise 34 du Banquier.
Selon eux, la pharmacienne insistait pour que tous les invités se présentent avec leur Bible. (...) Éliane Gamache Latourelle leur aurait promis que Dieu était la clé et qu'il allait leur faire voir la lumière.
(...) En avril 2017, elle a proposé à Ariane Leduc de racheter son entreprise. « Elle venait d'avoir une révélation de Dieu qui lui avait dit de partir en Californie et de me vendre L'Activatrice. Elle avait aussi un autre plan : se marier avec Justin Bieber. C'était très sérieux. Elle avait un billet pour son concert à Punta Cana et m'a fait lui réserver une chambre dans tous les hôtels où il logeait pendant sa tournée du printemps. »
Tsk... Justin Bieber ne la mérite pas!
Et, évidemment, maintenant que toute cette histoire est terminée, le grand Patrick Lagacé va nous pondre un article pour nous dire à quel point les gens qui l'ont cru ont été naïfs et comment le subterfuge aurait dû sembler évident.
Il évitera de vous dire qu'il a lui-même été roulé dans la farine par une simple petite directrice d'école primaire ouvertement sexiste à l'égard de ses employés masculins et qui a préféré sauvé sa peau en attaquant publiquement la mère d'un enfant profondément troublé. Les gens qui ont lu mon livre savent de quoi je parle. Tout un exemple à suivre, mon Pat!
Donnons le mot de la fin à Sophie Durocher:
Désolée de dire ça comme ça, mais si la pharmacienne millionnaire avait été un gars au lieu d’être une fille, personne ne lui aurait donné l’heure de la journée. Alors que là, pensez donc, « Une femme qui réussit brillamment en affaires, on en a tellement peu, ça nous prend des modèles , bla, bla, bla ».
Si un homme était arrivé avec ces mêmes prétentions, on aurait examiné ses allégations avec beaucoup plus de sérieux.
(...) Récemment, on a présenté dans les écoles secondaires du Québec un programme pour encourager l’entrepreneuriat chez les jeunes... uniquement destiné aux filles. Cette ségrégation me semblait tout à fait incompréhensible.
L’événement s’appelait Glambition Québec.
Pourquoi n’aurait-on pas offert dans les écoles des journées de littératie financière, pour les filles ET pour les garçons, pour apprendre aux jeunes Québécois à se méfier des charlatans qui leur promettent de l’argent facile ?
Pourquoi ne pas avoir présenté aux gars ET aux filles des modèles d’entrepreneurs, hommes ET femmes, qui ont travaillé fort pour en arriver où ils sont ?
Autrement dit, pourquoi on n’aurait pas envoyé le message clair que, homme ou femme, la clé de la réussite, c’est l’effort ?
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Anthony Geoffroy II
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Le tribunal populaire féministe...
Libérons la parole des femmes!
Célébrons la pluie d'allégations et d'accusations qui inondent les réseaux sociaux!
Croyons-les toutes sur parole!
Et si des hommes se font accuser faussement et qu'ils voient leur réputation anéantie et leur carrière en ruines... on s'en fout, comme le disait cette grande féministe remplie de vertu est d'empathie!
Yves Boisvert vient d'en faire un papier.
Autant ce type-là peut être exaspérant, borné, biaisé et malhonnête, autant il peut être solide dans ses moments de lucidités.
Comme je ne me suis jamais gêné pour le planter quand il dit des conneries (ici, ici et ici), je me dois de le féliciter lorsqu'il tient des propos éclairés (comme ici, ici et ici).
Voici quelques extraits de sa dernière chronique:
L’affaire a duré trois heures et demie.
Mercredi après-midi encore, Patrick Brown était donné favori pour devenir premier ministre de l’Ontario aux élections de juin. Mercredi à 22 h, un reportage de CTV relayait deux allégations d’« inconduite sexuelle » remontant à 2008 et 2012.
À 23 h, il faisait un point de presse pour rejeter « catégoriquement » les accusations et annoncer qu’il se défendrait.
À 1 h 25, après que le personnel de son bureau au complet eut claqué la porte et que les députés de son parti l’eurent poussé vers la sortie, il démissionnait.
Cette chute politique en accéléré en elle-même est un condensé de l’air du temps. Dès que les mots « inconduite sexuelle » sont prononcés, il ne faut pas perdre une seconde : il faut liquider l’accusé. Tout de suite.
Aucun politicien ne s’est porté à la défense du chef conservateur. Ça se comprend : on ne veut pas être associé à un harceleur, peut-être à un agresseur sexuel.
Mais sans le défendre, est-ce que quelqu’un aurait pu dire : ça mérite d’être examiné, prenons un petit pas de recul, le temps de vérifier le sérieux de l’affaire ?
Pas du tout. Personne ne veut avoir l’air de « minimiser », de ne pas croire, même de douter. Personne ne veut avoir l’air d’être du mauvais côté de l’histoire.
Non : dès que les allégations sont faites, la condamnation est prononcée sur-le-champ, l’exécution doit avoir lieu avant le chant du coq…
(...) Mais encore faut-il voir de quoi on l’accuse.
Dans le premier cas, une femme raconte qu’il y a 10 ans, elle a rencontré Brown par l’entremise d’un ami commun dans un bar de Barrie, où il était conseiller municipal. Elle était au high school et n’avait « pas l’âge légal pour boire » – 19 ans en Ontario. Elle avait beaucoup bu, lui pas du tout. Il l’a invitée chez lui avec leur ami. Il lui a fait visiter sa maison, l’a emmenée dans une chambre où il aurait baissé son pantalon et lui aurait demandé de lui faire une fellation, ce qu’elle aurait fait. Puis elle est partie.
L’autre cas remonte à 2012, quand il était député fédéral. Il avait laissé sa carte professionnelle à une étudiante en première année d’université, âgée de 18 ans. Elle est devenue employée à son bureau cet été-là. Lors d’une soirée, il lui a offert à boire. Elle est allée chez lui. Ils étaient assis sur un lit. Il l’a embrassée, s’est placé sur elle… jusqu’à ce qu’elle lui dise d’arrêter. Ce qu’il a fait. Puis il l’a conduite chez ses parents. Elle en a parlé à son père. Elle estime qu’il s’agit d’une « agression sexuelle », mais n’a jamais porté plainte. Et elle est retournée travailler à son bureau le reste de l’été. « Dans tout autre job, je me serais adressée aux ressources humaines », a-t-elle dit à CTV. Mais dans ce contexte, c’était impossible, dit-elle. Et l’été suivant, elle est retournée travailler pour Brown, afin de « ne pas laisser passer une occasion de carrière ».
En admettant que tout cela soit vrai, difficile de monter un dossier d’agression sexuelle. Les deux femmes étaient jeunes, mais avaient l’âge légal pour consentir à une activité sexuelle.
Dans un cas, la plaignante a consenti. Dans l’autre, d’après le récit de la femme elle-même, Brown a arrêté dès qu’elle le lui a demandé.
Ça ne veut pas dire que ce n’est pas une « inconduite ». Un politicien dans la trentaine qui ramène chez lui une employée d’été de 18 ans en état d’ébriété dans le but évident d’avoir une relation sexuelle manque de jugement, d’éthique et commet une inconduite.
Jeudi, des reporters disaient que Brown, célibataire de 39 ans, traîne « une réputation ». Peut-être.
Mais entre la grossièreté, le mauvais jugement, l’inconduite et l’agression pure et simple, on dirait qu’il n’y a plus vraiment lieu de faire des distinctions. Il ne convient pas non plus de poser des questions.
Des questions comme (j’ose à peine…) : mettons que ce n’est pas vrai ?
***
Présumer de la bonne foi d’une personne qui se plaint, ça ne veut pas dire sacraliser sa parole. Il y a eu, il y a et il y aura des gens mal intentionnés, des gens qui exagèrent, des gens qui fabulent.
(...) n’allons pas penser qu’il n’y aura pas des vengeances à venir. On le voit tous les jours au palais de justice, dans les affaires commerciales, criminelles et matrimoniales, avec des gens qui témoignent sous serment, la main sur le cœur.
Sachant cela, ceux qui font les lois, plus que tous les autres, devraient eux aussi rappeler certains principes – comme le droit d’être entendu avant d’être condamné, la présomption d’innocence, l’importance de distinguer un reportage et un jugement de cour et de ne pas sauter aux conclusions définitives en 37 minutes…
Il y a un opportunisme un peu suspect dans l’empressement de la classe politique à montrer qu’elle prend l’inconduite sexuelle au sérieux et à dire « moi aussi, moi aussi ! ».
Il y a aussi les germes de dérapages à venir…
(...) Alors je dis seulement ceci : les jugements sommaires émis la nuit sur des preuves anonymes mal documentées risquent de produire d’autres injustices, d’autres sortes de victimes aussi, et de ne rendre service à aucune victime de harceleur ou d’agresseur.
Célébrons la pluie d'allégations et d'accusations qui inondent les réseaux sociaux!
Croyons-les toutes sur parole!
Et si des hommes se font accuser faussement et qu'ils voient leur réputation anéantie et leur carrière en ruines... on s'en fout, comme le disait cette grande féministe remplie de vertu est d'empathie!
Yves Boisvert vient d'en faire un papier.
Autant ce type-là peut être exaspérant, borné, biaisé et malhonnête, autant il peut être solide dans ses moments de lucidités.
Comme je ne me suis jamais gêné pour le planter quand il dit des conneries (ici, ici et ici), je me dois de le féliciter lorsqu'il tient des propos éclairés (comme ici, ici et ici).
Voici quelques extraits de sa dernière chronique:
L’affaire a duré trois heures et demie.
Mercredi après-midi encore, Patrick Brown était donné favori pour devenir premier ministre de l’Ontario aux élections de juin. Mercredi à 22 h, un reportage de CTV relayait deux allégations d’« inconduite sexuelle » remontant à 2008 et 2012.
À 23 h, il faisait un point de presse pour rejeter « catégoriquement » les accusations et annoncer qu’il se défendrait.
À 1 h 25, après que le personnel de son bureau au complet eut claqué la porte et que les députés de son parti l’eurent poussé vers la sortie, il démissionnait.
Cette chute politique en accéléré en elle-même est un condensé de l’air du temps. Dès que les mots « inconduite sexuelle » sont prononcés, il ne faut pas perdre une seconde : il faut liquider l’accusé. Tout de suite.
Aucun politicien ne s’est porté à la défense du chef conservateur. Ça se comprend : on ne veut pas être associé à un harceleur, peut-être à un agresseur sexuel.
Mais sans le défendre, est-ce que quelqu’un aurait pu dire : ça mérite d’être examiné, prenons un petit pas de recul, le temps de vérifier le sérieux de l’affaire ?
Pas du tout. Personne ne veut avoir l’air de « minimiser », de ne pas croire, même de douter. Personne ne veut avoir l’air d’être du mauvais côté de l’histoire.
Non : dès que les allégations sont faites, la condamnation est prononcée sur-le-champ, l’exécution doit avoir lieu avant le chant du coq…
(...) Mais encore faut-il voir de quoi on l’accuse.
Dans le premier cas, une femme raconte qu’il y a 10 ans, elle a rencontré Brown par l’entremise d’un ami commun dans un bar de Barrie, où il était conseiller municipal. Elle était au high school et n’avait « pas l’âge légal pour boire » – 19 ans en Ontario. Elle avait beaucoup bu, lui pas du tout. Il l’a invitée chez lui avec leur ami. Il lui a fait visiter sa maison, l’a emmenée dans une chambre où il aurait baissé son pantalon et lui aurait demandé de lui faire une fellation, ce qu’elle aurait fait. Puis elle est partie.
L’autre cas remonte à 2012, quand il était député fédéral. Il avait laissé sa carte professionnelle à une étudiante en première année d’université, âgée de 18 ans. Elle est devenue employée à son bureau cet été-là. Lors d’une soirée, il lui a offert à boire. Elle est allée chez lui. Ils étaient assis sur un lit. Il l’a embrassée, s’est placé sur elle… jusqu’à ce qu’elle lui dise d’arrêter. Ce qu’il a fait. Puis il l’a conduite chez ses parents. Elle en a parlé à son père. Elle estime qu’il s’agit d’une « agression sexuelle », mais n’a jamais porté plainte. Et elle est retournée travailler à son bureau le reste de l’été. « Dans tout autre job, je me serais adressée aux ressources humaines », a-t-elle dit à CTV. Mais dans ce contexte, c’était impossible, dit-elle. Et l’été suivant, elle est retournée travailler pour Brown, afin de « ne pas laisser passer une occasion de carrière ».
En admettant que tout cela soit vrai, difficile de monter un dossier d’agression sexuelle. Les deux femmes étaient jeunes, mais avaient l’âge légal pour consentir à une activité sexuelle.
Dans un cas, la plaignante a consenti. Dans l’autre, d’après le récit de la femme elle-même, Brown a arrêté dès qu’elle le lui a demandé.
Ça ne veut pas dire que ce n’est pas une « inconduite ». Un politicien dans la trentaine qui ramène chez lui une employée d’été de 18 ans en état d’ébriété dans le but évident d’avoir une relation sexuelle manque de jugement, d’éthique et commet une inconduite.
Jeudi, des reporters disaient que Brown, célibataire de 39 ans, traîne « une réputation ». Peut-être.
Mais entre la grossièreté, le mauvais jugement, l’inconduite et l’agression pure et simple, on dirait qu’il n’y a plus vraiment lieu de faire des distinctions. Il ne convient pas non plus de poser des questions.
Des questions comme (j’ose à peine…) : mettons que ce n’est pas vrai ?
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Présumer de la bonne foi d’une personne qui se plaint, ça ne veut pas dire sacraliser sa parole. Il y a eu, il y a et il y aura des gens mal intentionnés, des gens qui exagèrent, des gens qui fabulent.
(...) n’allons pas penser qu’il n’y aura pas des vengeances à venir. On le voit tous les jours au palais de justice, dans les affaires commerciales, criminelles et matrimoniales, avec des gens qui témoignent sous serment, la main sur le cœur.
Sachant cela, ceux qui font les lois, plus que tous les autres, devraient eux aussi rappeler certains principes – comme le droit d’être entendu avant d’être condamné, la présomption d’innocence, l’importance de distinguer un reportage et un jugement de cour et de ne pas sauter aux conclusions définitives en 37 minutes…
Il y a un opportunisme un peu suspect dans l’empressement de la classe politique à montrer qu’elle prend l’inconduite sexuelle au sérieux et à dire « moi aussi, moi aussi ! ».
Il y a aussi les germes de dérapages à venir…
(...) Alors je dis seulement ceci : les jugements sommaires émis la nuit sur des preuves anonymes mal documentées risquent de produire d’autres injustices, d’autres sortes de victimes aussi, et de ne rendre service à aucune victime de harceleur ou d’agresseur.
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Les cris et les injures d'Elizabeth May
Un politicien masculin est la cible d'allégations de comportements inappropriés?
Une politicienne est la cible d'allégations de comportements inappropriés?
Non seulement elle garde sa job, mais en plus, on accuse ses détracteurs d'être des sales sexistes qui s'en prennent injustement à elle parce qu'elle est une femme.
Ça ne s'invente pas.
Extrait de la renversante nouvelle:
Selon un article du Toronto Star publié samedi, trois anciens employés reprochent à Mme May d'avoir créé un milieu de travail hostile par ses cris et ses insultes.
Des cris et des insultes! Rien que ça!
Ça me rappelle les confessions des agents du service secret à propos d'Hillary Clinton.
Y'a pas à dire, on a vraiment besoin de plus de femmes en politique... les cris et les injures feront le plus grand bien à tout le monde!
Rob Rainer, un de ceux qui reprochent à Mme May son attitude, a parlé à La Presse canadienne. Il a occupé les fonctions de directeur général intérimaire pendant sept mois en 2014. Il a voulu témoigner de son expérience parce qu'il a entendu dire que d'autres employés avaient été intimidés.
Selon lui, il a choisi le bon moment pour témoigner puisque le mouvement #MoiAussi vise à stigmatiser les inconduites en milieu de travail.
Tu pensais vraiment que ce mouvement féministe s'intéresserait à toi, mon Rob? Tu croyais vraiment que cette initiative féministe s'intéresserait à toi, un HOMME? Mon pauvre Rob, tu es bien naïf...
Il a confié qu'il avait été injurié à quatre ou cinq reprises par Mme May, ajoutant qu'elle l'avait souvent dénigré devant d'autres personnes. (...) «Elle cherche à nous faire sentir minable. C'est ce que ressens en ce moment.»
Et maintenant, préparez-vous à voir la réaction du parti vert:
Dans un communiqué de presse du parti, publié quelques heures après la parution de l'article, les Verts ont défendu leur chef en soutenant qu'elle était «soumise à des normes différentes que ses homologues masculins».
«Un homme avec ces qualités est admiré pour son leadership. Une femme avec les mêmes qualités est perçue comme autoritaire et intimidante. Ces stéréotypes dépassés liés au genre n'ont plus leur place au Canada du XXIe siècle», écrit le Parti.
Vous voyez ça?
Ils ne nient même pas les allégations!
Ce qu'ils disent, essentiellement, c'est que Mme May est critiquée parce qu'elle est une femme.
Selon eux, si un homme hurlait, insultait, intimidait et méprisait ouvertement les gens autour de lui, personne n'en ferait un cas.
Quelle bande de tarés!!!!!!!!!!!!!!
Professeure de science politique à l'Université Western, Cristine de Clercy, (...) «(Les femmes) font souvent l'objet d'un examen plus intensif. Il semble que pour une femme chef de parti, ne pas se conformer aux règles de comportements sexistes - comme parler bas, être plus respectueux, être moins rude - est moins acceptable pour certains.»
Quelle cruche... et ça enseigne à l'université!
M. Reiner s'insurge contre le parti qui a choisi d'en faire une querelle de sexe. Il a soutenu que le comportement de Mme May convenait aux propres règles de la formation.
«Cela n'a rien à voir avec les genres. Si un homme avait agi comme cela, je témoignerais de la même façon», a-t-il dit.
La justice n'intéresse plus personne, mon pauvre Rob.
Le contexte, les faits, les preuves, les séquelles, rien de tout cela n'a la moindre importance.
Tu es un homme et tu critiques une femme. Donc, t'es un sale sexiste et c'est elle la victime. C'est le seul scénario qui est admis.
Merci féminisme!
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Apostolis Tsolakis II
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George et la souris...
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Bari Weiss
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