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"Je ne veux pas te pousser vers la porte, mais..."

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Je viens d'avoir une rencontre avec ma direction qui me laisse franchement complètement assommé, interloqué et profondément découragé. Bien qu'il n'avait pas l'air fâché et qu'il semblait dire que ce n'était rien de très grave, d'autres commentaires semblaient plutôt indiquer le contraire.

Il me convoque dans son bureau et, essentiellement, me reproche quatre choses. Premièrement, il me dit que des enseignantes se plaignent que ma classe est trop bruyante. Évidemment, je l'ai déjà entendue celle-là, je suis plutôt habitué en fait. Mes classes ont toujours été plus bruyantes, animées et vivantes que les autres et c'est particulièrement vrai cette année. Ce sont des élèves très bavards et agités, ils sont plus jeunes que ce à quoi j'étais habitué, je suis conscient du bruit parfois excessif et j'y travaille, sans toutefois tomber dans la discipline outrancière. Comme ma voisine de classe est un espèce de maîtresse d'école typique qui fait noircir des cahiers à ses élèves toute la journée dans un silence monastique, le bruit qui vient de mon bord la fait chier. Elle me l'a déjà dit, elle a parfois raison et j'ai pris des mesures pour remédier à la situation, mais il faut être un petit peu tolérant aussi, il me semble. Crisse, c'est pas des farces, la DERNIÈRE journée avant les fêtes, mes élèves et moi étions en plein party et elle est venue me dire de faire moins de bruit parce que ses élève étaient EN DICTÉE! La dernière esti de journée avant les fêtes! Dictée, tabarnak! Mais c'est moi qui ai tort et elle qui a raison. Et elle a décidé de se plaindre à la direction. Et elle n'est pas la seule à ce qu'il paraît.

Ensuite, il me reproche de donner des notes trop basses aux élèves, ce qui est toute une coïncidence puisque j'ai justement publié la lettre d'une ex-enseignanteà ce propos l'autre jour. Il me dit QU'AUCUN PARENT NE S'EST PLAINT, mais que l'orthopédagogue et lui trouvent que j'ai donné des notes basses à des élèves qui n'ont pas de difficulté particulière et que je suis trop exigeant, finalement. Encore une fois, j'ai déjà entendu ça. Il faut vraiment que je me fasse à l'idée, c'est ce que veut ce système de merde: des belles notes, des belles statistiques, point final. Pousser des élèves vers l'excellence, c'est une mentalité passéiste qu'il faut reléguer aux oubliettes. En persistant dans cette voie, je suis condamné à me mettre dans le trouble avec tout le monde. Il faudrait bien que je me le rentre dans la tête une esti de fois pour toutes.

Il enchaîne en me disant que je ne corrige pas en utilisant le code de correction OFFICIEL de l'école, que je dois enseigner davantage la lecture EXPLICITE et que je ne porte pas attention aux nombreux plans d'intervention de mes élèves. De toute évidence, ces commentaires doivent provenir encore une fois de la crisse d'orthopédagogue. Ça, sincèrement, ça m'a fait chier. Premièrement, parce qu'elle ne m'a absolument rien dit elle-même, cette petite merde, elle préfère aller se plaindre à la direction. Deuxièmement, parce qu'elle vient carrément se foutre le nez dans mon travail et qu'elle se permet de passer des jugements, comme si elle était la détentrice de la Vérité (avec un grand V) et que tout ce qui est différent est, par définition, moins bon.

Troisièmement, parce que c'est faux, bordel. J'essaie d'utiliser le code de correction de l'école, mais pas de façon fanatique! Il m'arrive de l'adapter à mes besoins. Je sais, quel sacrilège! Mais calvaire, pendant que les enfants des autres classes noircissent des pages de cahiers de grammaire et écrivent des textes originaux seulement de temps en temps, mes élèves écrivent À TOUS LES JOURS! S'il fallait que je passe mon temps à exiger leur petit code débile avec ses petits astérisques, ses petits coeurs et ses petites flèches, je n'en verrais jamais la fin! Et pouvez-vous imaginer une meilleure façon d'écoeurer complètement les élèves que de les forcer à faire une analyse grammaticale complète de chaque câlisse de phrase qu'ils écrivent? Ce que je fais, moi, c'est donner LE GOÛT d'écrire aux élèves, je leur transmets l'amour de communiquer avec la langue écrite. Pis leurs fautes, elles finissent bien par être corrigées.

Pour ce qui est de la lecture explicite, je l'enseigne mais je n'en fais pas un mantra! Mes élèves lisent et je sais donner le goût de la lecture, même aux plus réticents qui détestaient lire avant d'arriver dans ma classe, mais non, ce n'est pas suffisant! Il faudrait que je leur lave littéralement le cerveau avec des stratégies de lecture pour que Madame l'orthopédagogue soit contente. Et finalement, j'ai SEPT plans d'intervention personnalisés et une classe pleine d'élèves qui ont tous leurs besoins spécifiques, il faut bien que je fonctionne là-dedans! Après tout, je suis une seule personne et je fais ce que je peux. Mais bon, il semblerait que ce ne soit pas suffisant pour Madame l'orthopédagogue. En 4 mois, elle a déjà décidé que je ne travaille pas à son goût. Or, rappelez-vous, les ortho sont théoriquement là pour nous AIDER en intervenant auprès des élèves en difficulté, pas de venir se plaindre à la direction quand notre façon de travailler ne fait pas leur affaire!

Finalement il me dit que je ne suis pas un bon joueur d'équipe. Là-dessus, je suis bien conscient que c'est loin d'être ma force mais en même temps, en QUATRE MOIS, qu'est-ce que j'aurais été supposé faire différemment, bordel? J'ai participé à toutes les activités, j'ai fait ma part, je n'ai jamais dit non à leurs initiatives (ce sont plutôt les miennes qui ont été écartées), j'ai offert de partager mes trucs, j'ai fait preuve d'ouverture, etc. Évidemment, je ne dîne pas avec elles parce que ça ne m'intéresse pas, mais mon heure de dîner m'appartient, crisse, je n'ai pas à écouter leurs esti de conversations de bonnes femmes à propos de leurs chums, de leurs p'tites vies plates pis d'Occupation Double, sacrament! Ça ne fait pas partie de ma description de tâche, à ce que je sache!

Mais bref, tout ce temps-là, il me parle sur un ton très relaxe et je ne sens pas du tout qu'on est en situation de crise, là. Il n'y a pas d'agressivité et je ne me fais pas ramasser à proprement parler, c'est plutôt une (longue) liste de doléances. Jusqu'à ce qu'il commence à me dire des trucs du genre "La décision de t'engager n'a pas été unanime, j'ai mis ma tête sur le billot pour toi" et "Je ne regrette pas ma décision, mais je me questionne parfois" et "Tu es dans une situation spéciale puisque tu arrives avec ta permanence, tu n'es pas simplement un contrat qui peut ne pas être renouvelé si ça ne fait pas l'affaire" ou encore "Je préfère te parler plutôt qu'ouvrir un dossier sur toi", etc., etc., etc.

Crissement plus inquiétant que ce qui venait avant, vous en conviendrez! J'ai essayé de le sonder un peu, mais il a immédiatement dédramatisé ses propos en disant qu'il ne regrettait pas (encore) de m'avoir fait engager, mais qu'il avait tout de même "mis sa crédibilité en jeu" pour moi, ce qui laisse entendre qu'il regrette un peu. Puis, il a dit sur un ton qui semblait vouloir dire que ça n'avait pas vraiment d'importance: "C'est certain que tu fais de beaux projets et que tes élèves sont très motivés." Comme s'il n'y avait rien là. Comme si c'était facile à accomplir de nos jours. Comme si ça avait moins d'importance que le respect du code de correction de l'école et le niveau de bruit dans la classe.

Finalement, il me dit qu'il ne veut pas me pousser vers la porte, mais que je devrais me questionner sur l'an prochain, parce que tout semble indiquer que je me retrouverais en deuxième année et comme j'ai plus d'affinités avec des élèves plus vieux, il faut que je réfléchisse à savoir si c'est ma place. Bref, il ne me montre pas la porte, mais il veut que je pense à la prendre. (J'ai appris par la suite qu'il y a une réelle possibilité que je puisse garder la 4e année l'an prochain, qu'il le sait et qu'il a choisi de ne pas me le dire).

Moi, j'étais assis là, assommé et je ne savais plus trop quoi penser. Ni quoi répondre. Je suis nul dans ces situations-là, j'ai l'air volubile comme ça, par écrit, une fois la situation passée, mais quand je suis les deux pieds dedans, je suis pourri pour répondre. Je lui ai finalement dit que j'appréciais sa franchise, que j'allais y voir, que j'étais ouvert à tous les commentaires et qu'il n'hésite pas à me parler s'il y a d'autres problèmes.

Et maintenant, plus j'y pense et plus je me questionne. Il n'a reçu aucune plainte de parents, il me l'aurait dit s'il en avait reçues. Alors que se passe-t-il? Mes collègues ne m'aiment pas la face, ok. Est-ce vraiment tout? Suis-je parano de penser que ma vieille charogne d'ex-directrice (qui, croyez-le ou non, est une bonne amie de la femme de mon directeur, je croyais l'avoir déjà mentionné ici mais je ne retrouve plus le billet) joue un rôle en coulisses dans tout ça?

Une chose est certaine: je termine tant bien que mal l'année et je décrisse de cette école.

Même si, de toute évidence, il semblerait vraiment que ce soit partout pareil.

Je ne m'en sortirai jamais.



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