Je l'appréhendais depuis un bon bout de temps, mais le moment s'est imposé. Mon fils aîné va commencer sa 6e année dans quelques semaines. L'année sera très difficile. l'échec est fort probable. Je m'attends à un redoublement ou, avec de la chance, une admission dans un programme adapté à ses besoins au secondaire.
Bref, le temps est venu pour lui de comprendre la nature de ses difficultés. Il doit savoir qu'il est autiste.
Je ne voulais pas lui balancer ça en pleine gueule sans contexte et je ne voulais pas qu'il perçoive cela comme une fatalité, ni comme un handicap intellectuel qui l'empêcherait d'être comme les autres ou de faire ce qu'il veut dans la vie. J'ai lu et cherché un matériel qui pourrait m'aider dans cette démarche.
Je me suis inspiré d'un matériel intitulé "Je suis spécial comme tous les autres" qui a été créé par Lydia Côté et Sabrina Barré du SRSOR (Services de Réadaptation du Sud-Ouest et du Renfort). Il m'avait été remis par une intervenante du CSSS. On n'a pas fait toutes les activités proposées, certaines ne me plaisaient pas, mais j'en ai fait la plupart.
On a échelonné ça sur environ deux semaines à raison d'un exercice par jour. Je ne voulais pas que ça devienne une corvée.
Plusieurs exercices visent à amener l'enfant à prendre conscience de ce qui le définit et pour lui faire comprendre que tout le monde est différent. Chacun a ses propres caractéristiques, ses propres goûts, ses propres talents et ses propres difficultés. Il est amené à se comparer aux autres et à identifier des similitudes et des différences. Ces exercices préparent le terrain afin que le jeune comprenne que son autisme ne le définit pas, mais que c'est tout simplement un aspect de qui il est. Une différence comme une autre. Ça dédramatise.
D'autres exercices expliquent le fonctionnement du cerveau en trois étapes: 1- la perception (par un des cinq sens), 2- l'interprétation (par le cerveau) et 3- la réaction. L'idée ici est de l'amener à comprendre que deux cerveaux peuvent interpréter différemment le même stimulus.
J'ai fait ces activités avec mes deux fils et ils ont généralement eu du fun avec ça. Une activité a toutefois été difficile. Dans celle-ci, ils devaient identifier ce qui est facile et difficile pour eux. La seconde liste les a un peu assommé, ils semblaient très attristés par ce qu'ils identifiaient. C'est peut-être moi qui n'ai pas été assez doux ou encore l'activité elle-même qui se terminait sur une note négative, je ne sais pas. J'ai essayé de sauver les meubles en disant que ce n'est pas parce que quelque chose est plus difficile que c'est impossible... qu'avec de la détermination, ils ont déjà réussi à faire plein de choses qui leur semblaient très difficiles au départ, etc.
Puis, on arrive finalement à l'annonce. Je me suis assis sur le balcon avec mon fils. Nous avons une petite chaise berçante à deux places, il s'est collé, j'ai mis mon bras autour de lui et on a jasé. Je suis revenu sur tout ce qui avait été vu dans les activités précédentes. Puis, je lui ai expliqué qu'il y avait un mot pour définir le fonctionnement de son cerveau: autisme. Je lui ai dit que cela ne signifiait pas que son cerveau fonctionnait moins bien ou plus lentement que les autres, mais simplement différemment.
Je lui ai donné quelques exemples de cela. Je lui ai raconté que, quand il était très petit et que je l'amenais dans un magasin, il ne regardait pas les jouets sur les tablettes comme la plupart des autres enfants, il cherchait les prises électriques, les câbles, les bouches d'aération et les tuyaux de climatisation dans le plafond.
Je lui ai expliqué qu'il avait une hypersensibilité au bruit et à la lumière. Que c'est pour cette raison que, parfois, certains bruits l'agressent alors que personne d'autre ne semble même les entendre. Ou qu'il a parfois l'impression que les gens crient alors que ce n'est pas le cas.
Je lui aussi parlé de sa difficulté à identifier les émotions, chez les autres et même chez lui-même. Ou encore ses réactions émotives très fortes à des réalités qui n'affectent absolument pas les autres.
Comme je ne voulais pas parler que d'aspects négatifs, je lui ai également parlé de sa mémoire phénoménale et beaucoup plus détaillée que celle des autres. Ou encore de sa facilité à comprendre le fonctionnement d'appareils mécaniques ou électroniques.
Le guide proposait une analogie que j'ai utilisée. On montre deux voitures identiques. Mais l'une est automatique et l'autre manuelle. C'est comme ça l'autisme, lui ai-je dit. Lorsqu'on voit une personne autiste, on ne voit pas de différence. Mais le cerveau fonctionne différemment, comme la transmission d'une auto. Toutefois, cela ne signifie pas qu'une des autos est meilleure que l'autre et les deux peuvent t'amener là où tu veux aller.
Et le plus important, lui ai-je dit, c'est que je t'ai toujours aimé et que je t'aimerai toujours comme tu es.
Ça s'est généralement bien passé. On a eu les larmes aux yeux à quelques reprises, mais ça a terminé sur une note positive. Il m'a dit qu'il trouvait que c'était beaucoup d'informations à recevoir en même temps, ce qui est une autre caractéristique de l'autisme, alors je lui ai dit de ne pas s'en faire avec ça, qu'on s'en reparlerait.
Des fois, la vie nous câlisse dans la gueule des moments dont on pourrait se passer, mais tout compte fait, ça s'est plutôt bien déroulé. Ce fut un moment difficile, stressant et épuisant émotivement, mais nécessaire.
J'espère que cette meilleure connaissance de qui il est lui sera utile et qu'elle ne deviendra pas un boulet. Je vais tout faire pour que cela ne se produise pas.
Il faut maintenant que j'aie une conversation avec mon fils cadet. Il est important qu'il comprenne aussi la problématique parce que parfois, certains comportements ou propos de son grand frère le blessent et je veux qu'il comprenne qu'il n'est pas en cause, qu'il ne doit pas penser que c'est sa faute et que ça ne veut pas dire que son frère ne l'aime pas.
Ouf... j'ai besoin d'un whisky...
Bref, le temps est venu pour lui de comprendre la nature de ses difficultés. Il doit savoir qu'il est autiste.
Je ne voulais pas lui balancer ça en pleine gueule sans contexte et je ne voulais pas qu'il perçoive cela comme une fatalité, ni comme un handicap intellectuel qui l'empêcherait d'être comme les autres ou de faire ce qu'il veut dans la vie. J'ai lu et cherché un matériel qui pourrait m'aider dans cette démarche.
Je me suis inspiré d'un matériel intitulé "Je suis spécial comme tous les autres" qui a été créé par Lydia Côté et Sabrina Barré du SRSOR (Services de Réadaptation du Sud-Ouest et du Renfort). Il m'avait été remis par une intervenante du CSSS. On n'a pas fait toutes les activités proposées, certaines ne me plaisaient pas, mais j'en ai fait la plupart.
On a échelonné ça sur environ deux semaines à raison d'un exercice par jour. Je ne voulais pas que ça devienne une corvée.
Plusieurs exercices visent à amener l'enfant à prendre conscience de ce qui le définit et pour lui faire comprendre que tout le monde est différent. Chacun a ses propres caractéristiques, ses propres goûts, ses propres talents et ses propres difficultés. Il est amené à se comparer aux autres et à identifier des similitudes et des différences. Ces exercices préparent le terrain afin que le jeune comprenne que son autisme ne le définit pas, mais que c'est tout simplement un aspect de qui il est. Une différence comme une autre. Ça dédramatise.
D'autres exercices expliquent le fonctionnement du cerveau en trois étapes: 1- la perception (par un des cinq sens), 2- l'interprétation (par le cerveau) et 3- la réaction. L'idée ici est de l'amener à comprendre que deux cerveaux peuvent interpréter différemment le même stimulus.
J'ai fait ces activités avec mes deux fils et ils ont généralement eu du fun avec ça. Une activité a toutefois été difficile. Dans celle-ci, ils devaient identifier ce qui est facile et difficile pour eux. La seconde liste les a un peu assommé, ils semblaient très attristés par ce qu'ils identifiaient. C'est peut-être moi qui n'ai pas été assez doux ou encore l'activité elle-même qui se terminait sur une note négative, je ne sais pas. J'ai essayé de sauver les meubles en disant que ce n'est pas parce que quelque chose est plus difficile que c'est impossible... qu'avec de la détermination, ils ont déjà réussi à faire plein de choses qui leur semblaient très difficiles au départ, etc.
Puis, on arrive finalement à l'annonce. Je me suis assis sur le balcon avec mon fils. Nous avons une petite chaise berçante à deux places, il s'est collé, j'ai mis mon bras autour de lui et on a jasé. Je suis revenu sur tout ce qui avait été vu dans les activités précédentes. Puis, je lui ai expliqué qu'il y avait un mot pour définir le fonctionnement de son cerveau: autisme. Je lui ai dit que cela ne signifiait pas que son cerveau fonctionnait moins bien ou plus lentement que les autres, mais simplement différemment.
Je lui ai donné quelques exemples de cela. Je lui ai raconté que, quand il était très petit et que je l'amenais dans un magasin, il ne regardait pas les jouets sur les tablettes comme la plupart des autres enfants, il cherchait les prises électriques, les câbles, les bouches d'aération et les tuyaux de climatisation dans le plafond.
Je lui ai expliqué qu'il avait une hypersensibilité au bruit et à la lumière. Que c'est pour cette raison que, parfois, certains bruits l'agressent alors que personne d'autre ne semble même les entendre. Ou qu'il a parfois l'impression que les gens crient alors que ce n'est pas le cas.
Je lui aussi parlé de sa difficulté à identifier les émotions, chez les autres et même chez lui-même. Ou encore ses réactions émotives très fortes à des réalités qui n'affectent absolument pas les autres.
Comme je ne voulais pas parler que d'aspects négatifs, je lui ai également parlé de sa mémoire phénoménale et beaucoup plus détaillée que celle des autres. Ou encore de sa facilité à comprendre le fonctionnement d'appareils mécaniques ou électroniques.
Le guide proposait une analogie que j'ai utilisée. On montre deux voitures identiques. Mais l'une est automatique et l'autre manuelle. C'est comme ça l'autisme, lui ai-je dit. Lorsqu'on voit une personne autiste, on ne voit pas de différence. Mais le cerveau fonctionne différemment, comme la transmission d'une auto. Toutefois, cela ne signifie pas qu'une des autos est meilleure que l'autre et les deux peuvent t'amener là où tu veux aller.
Et le plus important, lui ai-je dit, c'est que je t'ai toujours aimé et que je t'aimerai toujours comme tu es.
Ça s'est généralement bien passé. On a eu les larmes aux yeux à quelques reprises, mais ça a terminé sur une note positive. Il m'a dit qu'il trouvait que c'était beaucoup d'informations à recevoir en même temps, ce qui est une autre caractéristique de l'autisme, alors je lui ai dit de ne pas s'en faire avec ça, qu'on s'en reparlerait.
Des fois, la vie nous câlisse dans la gueule des moments dont on pourrait se passer, mais tout compte fait, ça s'est plutôt bien déroulé. Ce fut un moment difficile, stressant et épuisant émotivement, mais nécessaire.
J'espère que cette meilleure connaissance de qui il est lui sera utile et qu'elle ne deviendra pas un boulet. Je vais tout faire pour que cela ne se produise pas.
Il faut maintenant que j'aie une conversation avec mon fils cadet. Il est important qu'il comprenne aussi la problématique parce que parfois, certains comportements ou propos de son grand frère le blessent et je veux qu'il comprenne qu'il n'est pas en cause, qu'il ne doit pas penser que c'est sa faute et que ça ne veut pas dire que son frère ne l'aime pas.
Ouf... j'ai besoin d'un whisky...