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Honoré Mercier

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Honoré Mercier naît à Saint-Athanase d'Iberville le 15 octobre 1840 dans une famille des plus patriotiques. Son père, Jean-Baptiste Mercier, avait été un fervent supporteur de Louis-Joseph Papineau et des Patriotes de 1837-38 et avait même été emprisonné pour avoir aidé deux Patriotes à s'enfuir vers les États-Unis. On inculque donc à Honoré, dès son plus jeune âge, l'amour de la patrie et la fierté nationale.

Le journaliste 

Ne sachant quelle carrière choisir (il hésitait entre artiste, avocat, soldat et prêtre), Mercier quitte l'école. À 21 ans, il se trouve un emploi dans un bureau d'avocats de Saint-Hyacinthe. Ses employeurs le font connaître par les élites locales. En juillet 1862, il accepte de devenir le nouvel éditeur du journal «Le Courrier de Saint-Hyacinthe». Mercier, qui est de tous les débats, fait connaître ses opinions politiques par le billet du journal. Entre autres, il s'oppose au principe de «Rep by Pop» dans le contexte du Canada-Uni, croyant que celui-ci rendrait les francophones encore plus minoritaires et serait une menace à la société canadienne-française. Il se prononce en faveur d'une institution de crédit pour les fermiers, désirant mettre un terme à la vague d'émigration vers les États-Unis.

On commença à parler d'une possible confédération en 1864. À cette époque, Mercier quitte Saint-Hyacinthe pour Montréal où il compte poursuivre ses études en droit. Il collabore avec le journal «Le Courrier» pendant un certain temps, mais lorsque le propriétaire du journal l'enjoint de se prononcer en faveur de la confédération, Mercier refuse et démissionne. Il considère alors le projet de confédération comme un mécanisme qui servirait à écraser les francophones. Mercier s'endette pour poursuivre ses études, acceptant de livrer des discours anti-confédération à l'occasion. Il est accepté au Barreau le 3 avril 1865.

L'avocat 

Mercier retourne à Saint-Hyacinthe où il ouvre son propre bureau d'avocat. Il retrouve avec joie ses vieux amis et sa fiancée qui lui avait tant manqué. Après plusieurs discussions, Mercier en vient à changer d'opinion sur la confédération et il décide de l'endosser. En février 1866, il se joint à nouveau à l'équipe du journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe qui prend position pour la confédération de George-Étienne Cartier et John A. MacDonald. Mais il se retrouve vite en désaccord avec les politiques de Cartier lorsque ce dernier demande à Londres d'arbitrer un désaccord entre le Canada-uni et les Maritimes. Mercier trouve que cette manoeuvre perpétue un statut colonial suranné et constitue un dangereux précédent et une menace à l'autonomie des provinces. Il quitte le journal le 23 mai.

Mercier devient le meilleur avocat de droit criminel de la région. Sa réputation grandit. Il se marie le 29 mai 1866 et le couple a un premier enfant en 1867. Mais ce nouveau bonheur est de courte durée. Sa femme, de santé fragile, décède le 16 septembre 1869. Mercier se réfugie dans son travail, question de se tenir occupé. Puis, il rencontre la belle-soeur d'un de ses amis et se marie à nouveau le 9 mai 1871. Il retrouve graduellement sa joie de vivre et se sent prêt à tenter l'aventure en politique.

Le politicien 

 Il se joint au nouveau parti National en 1871, créé par des Libéraux et des Conservateurs qui désirent «mettre les intérêts nationaux devant les intérêts partisans». Mercier est élu à la Chambre des communes d'Ottawa, le 28 août 1872. Mais le parti ne s'avère pas être à la hauteur des idéaux de Mercier. Lors d'un débat au sujet du droit des francophones du Nouveau-Brunswick à des écoles francophones catholiques, Mercier prend la défense des Acadiens et lance un appel d'union de tous les Canadiens de langue française. Ce discours ne plaît pas du tout au Premier ministre canadien, John A. MacDonald, ni au chef de l'opposition d'ailleurs. On fait savoir à Mercier qu'il doit respecter la ligne du parti. Mercier est indigné de cette rebuffade. En 1874, on fait savoir à Mercier qu'il n'y a pas de place pour lui au sein du parti. Déçu et blasé, il retourne à la pratique du droit.

En 1878, les nouvelles positions du parti libéral de Wilfrid Laurier plaisent à Mercier qui tente à nouveau sa chance en politique. Il est battu aux élections du 17 septembre 1878 et a droit au traditionnel «charivari» à sa porte. Mais seulement deux mois plus tard, c'est le Premier ministre libéral du Québec, Henry-Gustave Joly de Lotbinière, qui fait appel à Honoré Mercier. Il a besoin d'un bon orateur pour tenir tête à Chapleau, l'étoile montante du Parti conservateur. Mercier est élu à l'Assemblée nationale en juin 1879.

Le chef

Mercier devient rapidement plus populaire que le Premier ministre Joly lui-même. Dans une période de grand désaccord au sein même des partis, Mercier continue de rêver à une grande coalition de députés de différents partis. Le 18 janvier 1883, Joly démissionne comme chef du parti libéral du Québec et Honoré Mercier est désigné successeur. Il entreprend de rassurer l'Église et le peuple et de faire remonter le parti dans l'opinion publique. Il s'oppose aux politiques centralisatrices du gouvernement fédéral et dénonce le Premier ministre Chapleau comme une marionnette du fédéral. Il s'oppose également à la pratique fédérale de piger dans les revenus du Québec pour ensuite redistribuer l'argent dans les autres provinces. Honoré Mercier devient également un des premiers à définir la confédération canadienne comme un pacte entre les provinces et à affirmer que celles-ci retiennent leur pleine souveraineté.

Suite à la révolte des Métis du Manitoba en 1885, Louis Riel est arrêté et condamné à mort pour haute trahison par un jury exclusivement anglais. Les francophones du Québec, majoritairement pro-Riel, réclament qu'il soit libéré. Les anglophones croient qu'il doit être pendu. La population se retrouve profondément divisée sur la question, catholique contre protestant, anglophone contre francophone. Le Premier ministre du Canada, Macdonald, déclare: «Même si tous les chiens du Québec aboient, Riel sera pendu!» Louis Riel est exécuté le 16 novembre. Au Québec, les drapeaux sont mis en berne alors que les gens portent le brassard noir en deuil du frère disparu. Plusieurs conservateurs et libéraux québécois s'allient spontanément pour mettre fin au gouvernement MacDonald. La coalition dont Mercier a toujours rêvé commence à prendre forme.

Le Premier ministre 

 Aux élections de 1886, Mercier rallie les libéraux et les conservateurs mécontents à sa cause et est élu Premier ministre du Québec. Suivant sa politique d'autonomie provinciale, le Premier ministre Mercier convoque la première conférence interprovinciale qui a lieu à Québec du 20 au 28 octobre 1887. Toutes les provinces y sont représentées, sauf la Colombie-Britannique et l'Île-du-Prince-Édouard qui craignent de déplaire à MacDonald. Les délégués se mettent d'accord sur 26 résolutions qui visent à augmenter l'autonomie des provinces et à abolir le droit de veto du gouvernement fédéral, au grand déplaisir de MacDonald. Par la suite, le Premier ministre de l'Ontario, Oliver Mowat, dira de Mercier : «He was head and shoulders above every one of us.»

MacDonald a sa revanche peu après. En effet, autorisé à emprunter 3,5 millions de dollars pour stabiliser les finances publiques, les marchés de New York et de Londres refusent de prêter la somme à Mercier à cause d'émissaires du gouvernement canadien qui ont été envoyés sur les lieux pour ternir sa réputation et détruire sa crédibilité. Mercier se retourne secrètement vers le Crédit Lyonnais et se rend à Paris en janvier 1888 pour finaliser l'entente. MacDonald vient d'être déjoué.

En 1887, après seulement un an de gouvernement Mercier, le Québec a beaucoup progressé. Le chemin de fer Québec - Lac Saint-Jean est complété, un bureau d'immigration québécois a été ouvert à Montréal et un comité de la santé a été créé. Mercier s'attaque au pouvoir de taxer du gouvernement fédéral et à sa capacité de forcer les Québécois, par le billet de la conscription, à aller se battre dans de sanglantes et lointaines guerres qui ne les concernent pas. Des lois sont votées pour contrôler les conditions sanitaires et le travail des enfants dans les usines. Mercier nomme les trois premiers inspecteurs d'usine de la province.

En 1888, Mercier fait du développement économique sa priorité. Il fonde des écoles de soir pour les travailleurs, subventionne le développement des chemins de fer et modernise les routes de la province pour aider l'industrie laitière et permettre la colonisation de nouvelles régions. Il investit également dans des études préliminaires qui mèneront à la construction du pont de Québec. En juin, soucieux de voir le Québec assumer les droits et devoirs de patrie des francophones d'Amérique, il envoie deux délégués à la 17ième convention des Canadiens-Français à Nashua, au New Hampshire. La popularité de Mercier ne cesse d'augmenter, il fascine littéralement les foules.

En 1889, Mercier poursuit ses réformes. Il fait agrandir le territoire québécois vers le nord, malgré les réticences du gouvernement fédéral. Mais Mercier, si populaire auprès des francophones, est très bas dans l'estime des anglophones de la province. MacDonald ne lui a toujours pas pardonné sa conférence interprovinciale et ses idées déplaisent aux financiers anglophones de Montréal. Les francophones se répandent de plus en plus, s'installent dans les Cantons de l'Est (jusque là presque exclusivement anglais et protestants) ainsi que dans l'est et le nord de l'Ontario. Mercier, le chef si ouvertement catholique, francophone et patriotique dérange de plus en plus. Le jour de la Saint-Jean-Baptiste 1889, Mercier déclare : «La province de Québec est catholique et française et restera catholique et française. Tout en affirmant notre amitié et notre respect pour les représentants des autres races et religions, tout en déclarant notre empressement de leur donner leur juste part en tout et partout (…) nous déclarons solennellement que nous ne renoncerons jamais aux droits qui nous sont garantis par les traités, par la loi et la constitution (…) Cessons nos luttes fratricides et unissons-nous!» 

Le 17 juin 1890, Mercier est réélu pour un second mandat. En février 1891, il met son prestige et son organisation au service de Wilfrid Laurier lors des élections fédérales. Laurier perd mais obtient un nombre record de sièges québécois. Puis, Mercier part pour une visite diplomatique en France, en Belgique et à Rome et il est accueilli de façon triomphale en tant que chef d'état français et catholique. Mais le gouvernement canadien sabote à nouveau ses tentatives d'emprunt. Mercier s'est fait des ennemis puissants et il ne se doute pas des machinations qui se préparent dans son dos.

La défaite 

Puis, le complot porte ses fruits. En 1892, le scandale du réseau ferroviaire de la baie des Chaleurs éclabousse le gouvernement. Au sommet de sa gloire, Mercier ne prend d'abord pas au sérieux les accusations qui sont portées contre lui et tarde à se défendre. En fait, il n'est au courant de rien. Puis, tout s'écroule. Le lieutenant-gouverneur Auguste-Réal Angers, un conservateur nommé par Ottawa, restreint le gouvernement. Le 18 septembre, Mercier met sur pied une commission d'enquête provinciale. Le 16 décembre, sans attendre les conclusions de la commission, Angers congédie Mercier de son poste de Premier ministre du Québec. Le 8 mars 1892, après une campagne électorale particulièrement sale et vicieuse où tous les coups sont permis, les conservateurs obtiennent 52 sièges contre seulement 12 pour l'équipe de Mercier. Le 20 avril, Mercier est traîné devant les tribunaux sous des accusations de fraudes criminelles. Il est finalement acquitté. La population fait preuve d'un regain de sympathie suite au verdict et il revient à Montréal en triomphe. Malgré tout, le mal est fait. Ruiné physiquement et financièrement, il retourne à la pratique du droit.

Le visionnaire 

Le 3 février 1893, après une douloureuse faillite personnelle et des traitements contre son diabète, Mercier reprend son siège de député à l'Assemblée nationale. Mais Gabriel Marchand est maintenant chef du parti. Le 4 avril, il donne un superbe discours devant 6000 personnes au Parc Sohmer. Il partage avec la foule sa vision prémonitoire de l'avenir du Canada en ces mots: «Quand je dis que nous ne devons rien à l'Angleterre, je parle au point de vue politique car je suis convaincu, et je mourrai avec cette conviction, que l'union du Haut et du Bas Canada ainsi que la Confédération nous ont été imposées dans un but hostile à l'élément français et avec l'espérance de le faire disparaître dans un avenir plus ou moins éloigné. J'ai voulu vous démontrer ce que pouvait être notre patrie. J'ai fait mon possible pour vous ouvrir de nouveaux horizons et, en vous les faisant entrevoir, pousser vos coeurs vers la réalisation de nos destinées nationales. Vous avez la dépendance coloniale, je vous offre l'indépendance; vous avez la gêne et la misère, je vous offre la fortune et la prospérité; vous n'êtes qu'une colonie ignorée du monde entier, je vous offre de devenir un grand peuple, respecté et reconnu parmi les nations libres.»

Il parle également d'une grande alliance francophone, avec un siège central à Paris, qui aurait pour mandat la défense des francophones du monde entier (des rêves de Francophonie). Ce discours plonge Mercier dans une autre controverse. On le soupçonne, non sans raison, de rêver à voix haute d'une république indépendante canadienne-française. Aujourd'hui on reconnaît que l'homme était en avance sur son époque.

Mais ses problèmes de santé s'aggravent et il est bientôt contraint de quitter la vie publique. Il est hospitalisé et décède le 30 octobre 1894. Une foule de plus de 70 000 personnes accompagne son cortège funèbre vers le cimetière.

Malheureusement, l'avenir ne s'avéra pas aussi rose que Mercier l'avait espéré. La vision de Mercier qui mettait le Québec aux premiers rangs de la confédération et les Canadiens français à l'avant-plan des peuples d'Amérique du Nord prit une tournure pour le pire. L'assimilation des Franco-américains, la mise en minorité et la disparition quasi-totale des francophones de l'ouest et la grande crise des années 30 restreignit considérablement des horizons du peuple du Québec qui se retrouva isolé, minoritaire et exploité. Il faudra attendre les années 60 pour voir le Québec reprendre ses affaires en main.

Honoré Mercier est devenu un des symboles du nationalisme québécois. C'est le sculpteur français Paul Chevré qui réalisa le monument à la mémoire de l'honorable Honoré Mercier. Cette oeuvre fut érigée par la législature de la province de Québec sous le gouvernement de Lomer Gouin, gendre de Mercier. Elle est située en face du parlement, du côté sud, sur l'avenue Dufferin. L'inauguration du monument eut lieu le 25 juin 1912. La cérémonie fut présidée par sir François Langelier, lieutenant-gouverneur de la province de Québec, à l'occasion du premier Congrès de la langue française.




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