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THE PUNISHER: BORN de Ennis, Robertson et Palmer

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J'aime pas Garth Ennis. D'accord, c'est un grand scénariste de comic-books qui a reçu un paquet de prix, mais c'est aussi un gros cave.

Je m'explique, Garth Ennis est né en Irlande du nord en 1970. A l'origine catholique, il a rejeté ce qu'il considère comme une religion décadente et hypocrite pour devenir athée. Fasciné par le sujet de la seconde guerre mondiale, il est un fervent admirateur de l'esprit anglais et du principe du « Rule Brittania ». Il est également profondément francophobe.

Alors, vous me direz qu'il a le droit. Le problème, c'est que tout cela s'accompagne d'un esprit fanatique que je qualifierais de pénible et chiant à la longue. Ça relève chez lui carrément de la pathologie.

« That said, the volume (Preacher: All Hell's a-Coming) closes with a flash-back episode so outrageously anti-French that would land Ennis and co in some trouble were the slur directed at any other nationality. » (Source)

« Both a celebration as well as criticism of America and its myriad mythologies, a jab at organized religion (Ennis himself being a staunch atheist), and of course, French people getting beaten up at one point. It’s bloody, sacrilegious, and over-the-top. » (Source) (A propos de Preacher : Gone to Texas)

Ajoutons à cela qu'il est l'auteur ultra-controversé de la série « Crossed » qui est sans doute ce que j'ai lu de plus ignoble comme BD dans ma vie.

« En plus de faire régresser les Hommes à un état primitif dans lequel se nourrir et copuler deviennent les priorités principales, elle (l'infection) les libère des verrous qui les protègent normalement de leurs pulsions primaires les plus abjectes : viol, torture, cannibalisme, pédophilie, mutilations, et j'en passe. Ces individus infectés ont perdu toute morale, empathie ou sentiment de honte. » (Source)

Alors, vous demandez-vous, pourquoi est-ce que j'en parle si je n'aime pas ça ? Et bien disons que, comme dans le « paradoxe du singe savant», si on laissait un singe taper indéfiniment sur une machine à écrire, il finirait par écrire « Hamlet », autrement dit un chef-d'œuvre. Et cela, Ennis, l'a fait au moins à deux reprises avec... « The Punisher ».

Je ne peux pas dire que ce personnage soit mon préféré de l'univers Marvel, loin de là. Je le trouve assez primaire et peu intéressant et pourtant je possède deux volumes de mini-séries présentant ses aventures, toutes deux scénarisées par un auteur à qui j'aimerais mettre une tarte à la crème à la sauce piment rouge dans la gueule. Il s'agit de « Born » et de « The end » qui datent respectivement de 2003 et 2004.

Ce qui m'a attiré chez la première, ce sont d'abord les superbes couvertures de Wieslaw Walkuski qui représentent le visage statufié d'un G.I . La couverture du trade paperback représente par exemple ce qui apparaît comme un buste casqué, s'effritant pour laisser apparaître un crane humain.

« Born » est dessinée par Darick Robertson et encrée par Tom Palmer. Si graphiquement, on n'est pas vraiment dans le domaine du chef-d'œuvre, le résultat est toutefois redoutablement efficace.

« Born » est une « prequel ». Même si le titre complet est « The Punisher : Born », le personnage à la combinaison noire frappée d'un crane blanc n'y apparaît à aucun moment. L'action de cette mini-série de quatre épisodes se situe essentiellement sur une période de quatre jours en octobre 1971, dans le camp retranché de Valley Forge à la frontière Viet-Namo-Cambodgienne. Ce camp a été installé là afin de contrecarrer les mouvements des Viet-Congs.

La série porte sur deux personnages principaux : le narrateur, Stevie Goodwin qui représente la bonne conscience de l'Amérique, son visage humain, altruiste et plein de compassion, et le Captain Frank Castle. Si l'un est la face pile de l'Amérique, l'autre est bel et bien sa face sombre, totalement opposée en apparence à la première, même s'il arrive que l'un fasse preuve de cynisme et l'autre d'une certaine empathie. A ces deux individus, on pourrait rajouter un troisième personnage, non-identifié et invisible. Qu'est-il donc ? La mort, le diable, le fameux abîme Nitzschéen ? Seul Frank Castle est en tout cas conscient de sa présence qui le hante régulièrement. C'est le monstre que l'on croyait vaincu.

«Commettre le meurtre à l’appel du paganisme du sang, le commettre à l’appel du paganisme technique, c’est une seule et même chose, car le paganisme a besoin de meurtre pour pouvoir subsister».
Hermann Broch, « Le Tentateur. »

Comme l'écrit Juan Asensio sur son blogue: « Car la lumière s’est faite en lui : l’art seul est gratifié du don de prédire ce qui est encore inexprimable, et qui pourtant est déjà à portée de la main».

L'objectif de Garth Ennis ici, est en fait de démontrer que Castle est un homme avide de sang, fasciné par la guerre : « He likes action, he likes adrenaline, and as he's starting to discover, he likes killing (...)and that the later deaths of his family were little more than an excuse. »
(Proposal for Born by Garth Ennis)

Le premier jour :

L'histoire commence avec l'arrivée d'un C130 Hercules sur la base de Valley Forge. Trois roquettes jaillissent de la jungle et l'une d'elle arrache une aile du mastodonte volant qui s'écrase à proximité de la piste, en plein sur le camp et les désœuvrés qui l'occupent.

Dans la jungle, un groupe de Marines observent placidement la scène. C'est une patrouille, ou plus exactement « la » patrouille, celle du Captain Frank Castle, composée et dirigée par les derniers hommes du camp retranché à se préoccuper de faire leur boulot. Vingt-neuf en tout sur plus d'une centaine.

Nous voici présentés à Stevie Goodwin, à trente-quatre jours et un réveil du grand départ. « I will not die in Viet-Nam », se dit-il. « I will no fall in love with war with Captain Frank Castle ».

Frank Castle mène la patrouille. Stevie a une confiance en lui, en fait, il a « foi » en lui. En six mois d'activité à Valley Forge, il n'a pas perdu un seul homme. C'est une véritable légende vivante, une légende constituée de récits trop sombres pour être crus, murmurés entre soldats dans la nuit viet-namienne, black-ops, missions secrètes, assassinats et enlèvement de général ennemi. C'est son troisième tour et l'état-major ne sachant plus que faire de lui l'a assigné à Valley Forge : « Alas for Captain Castle, he is running out of war. »

La patrouille tend une embuscade à une unité de ravitaillement ennemie qui est entièrement massacrée, et tandis que les hommes prélèvent des trophées sanglants sur les cadavres, Stevie détourne les yeux, songeant à ce qu'il fera de retour au pays, aux femmes qu'il rencontrera, à celle dont il tombera amoureux et qui lui donnera des fils à qui il fera découvrir l'Amérique, la vraie, pas ce cauchemar tropical. Un jour, ils apprendront que leur père a fait la guerre et ils poseront sur lui un regard nouveau, lui poseront des questions sur ce qu'il a fait là-bas « and I will never, ever tell them. »

De retour à la base, Castle fait son rapport au Colonel Ottman qui a ici un petit air de Mark Hamill. Son bureau est décoré de photos de femmes nues et il boit, et pas de l'eau. Il accueille avec indifférence le rapport de son subordonné, qui est pourtant plus qu'inquiétant. Les Viet-Congs sont en mouvement et les patrouilles sont insuffisantes à les freiner. Il se prépare quelque chose. Ottman lui annonce l'arrivée du Général Padden pour une inspection surprise et lui assigne la tache de lui offrir un tour du camp. Lui aura « la malaria ».

Le général n'est pas content et le fait savoir à Castle de façon claire, cette base est une honte. Castle lui réplique que son état et l'indifférence des hommes est la réponse à l'apparente indifférence de l'état-major lui-même. Valley Forge est la dernière base en activité dans la région et elle est virtuellement oubliée du monde. Le général lui annonce son intention de recommander la fermeture de celle-ci. Le soir tombe et alors qu'il prononce ces mots en se dirigeant vers son hélicoptère, le visage de Castle est progressivement enveloppé d'ombre qui en fait un masque noir. Il propose au général de lui apporter la preuve irréfutable que Valley Forge doit rester active.

Une fois cette preuve apportée et l'hélicoptère reparti, on retrouve Castle assis contre un bunker, perdu dans ses pensées. Deux êtres ont droit à des bulles de pensée dans cette BD : Steevie et Castle, ou plutôt la « part d'ombre » de celui-ci, qui le tente et l'asticote :

« I can fix it so you can do this forever, Frank. There'll be a price to pay but you can keep on going and never have to stop. 
Just say the word and I can fix it.
Who am I ?
Is that what you're asking ?
Well, who do you think I am, Frank...? »

Le second jour :

La patrouille est de nouveau de sortie. Steevie retrouve son ami Angel, un jeune noir dans la cahute des junkies. Ceux-ci sont pourvus par Coltrane et Garcia, les deux pires raclures de la base, mais il suffit d'une apparition de Castle pour qu'ils se calment.

Angel est la raison de Steevie pour participer à la patrouille, aussi près qu'il soit du grand départ. Il le lui doit car Angel lui a sauvé la vie.

Au bout de quelques heures de marche, la patrouille tombe dans une embuscade de franc-tireurs. Les hommes qui ne tombent pas sont tétanisés par la peur. Castle s'empare de la M-60 et met fin à lui tout seul au combat : « The war has bred a saying oft-repeated : « Payback is a motherfucker. » At Valley Forge we have another. « If you think payback's bad... You haven't met Frank Castle. »

L'un des franc-tireurs est vivant, ou plutôt vivante. L'un des hommes – McDonald - décide de prendre du bon temps avec elle. Les autres les entourent. Steevie et Angel détournent les yeux. Castle met fin à cette petite fête. Plus tard, Steevie est témoin d'un autre incident, impliquant encore une fois Castle. Il le gardera pour lui.

Mais Castle l'a vu.

« Because this place is hell an we need a man like him to lead us through it, and what that says about us is unthinkable. 
Because of the look he has in his eyes, the one that's always there. 
And worst of all... 
Because what he did to that girl today was his idea of helping her out. »

Le troisième jour :

« We cannot loose in Vietnam.
Try as we might. »

Ainsi commence ce chapitre, par les pensées de Steevie illustrées d'images de bombardements aériens, de destruction de villages, d'exécutions de masse, de largage d'agent orange que des enfants lèchent sur leurs bras.

Là, j'avoue avoir un peu tiqué sur quelques cases montrant le bombardement d'un pont à haubans embouteillé de véhicules. Je doute fort que le Viet-Nam du nord ait disposé de telles infrastructures à l'époque et que ses habitants aient eu droit à leurs véhicules personnels. Fin de la parenthèse.

« Because when we are gone... When the brave little fighters kick us out, and we finally loose all stomach for this wretched, knotted puzzle of a war...
No one – no one – in South East Asia, or anywhere on earth, will look at what is left of Vietnam...
And think it smart to fuck with the United States. »

Sur la base de Valley Forge, alors que Steevie s'interroge à haute voix sur leur présence dans ce pays, Angel s'émerveille du décollage de F4 Phantom II, un appareil largement utilisé par tous les corps d'armée, des Marines à l'USAF, en passant par la Navy, pour un total d'environ 150 victoires pour 676 appareils abattus durant la guerre. Mais pour le Captain Castle, cela représente une très inquiétante nouvelle. Les chasseurs volent sous la couverture nuageuse, ce qui signifie l'avènement d'un très violent orage. Valley Forge ne bénéficiera d'aucune couverture aérienne et devra se débrouiller seule en cas d'attaque ennemie. Mais de tout cela, Ottman n'en a rien à faire et à cet instant, Castle est à ÇA de le tuer.

Dans la nuit, l'ombre revient le hanter, le narguer. Il pourrait être le maître de Valley Forge à cette heure-ci. Personne ne poserait de question. Pas au moment où la base aurait le plus besoin de lui.

« That's what got you worried ?
That urge you have to give every motherfucker in the world exactly what they deserve ?
Because you can, Frank. You can. I keep telling you. I can fix it for you if you'll only say the word.
You can kill every single one of them.
That's the gift I'll give you.
It can be yours. »

Castle a ensuite une conversation avec Steevie. Il lui parle de sa famille, de sa femme, sa fille, un bébé pour bientôt. « I sometimes think they might be my last chance. »

Plus tard, l'ombre lui répond : « I'm your last chance, Frank. To be what you want to be. »

Steevie et Angel ont leur propre échange. Steevie désapprouve l'usage de drogue d'Angel et tente de le convaincre de vaincre son addiction. Lui non plus n'en a plus pour longtemps. Lui aussi peut rentrer chez lui. Celui-ci lui répond que son Amérique idéale, façon « Ozzie and Harriet » (une série à longue durée des années cinquante) n'existe pas : « That's the real America right there, back when you was shootin' each other, rapin' red indians an callin' me nigga... »

Et puis l'attaque commence.

Des sapeurs font exploser les barbelés. Castle réclame des fusées éclairantes. Le spectacle qui se révèle aux Marines les cloue sur place C'est...

Le dernier jour :


C'est Armaggeddon. L'ultime bataille de Valley Forge. Les Marines, ou ceux qui le peuvent encore, se battent pour leur vie dans l'obscurité d'où jaillissent d'incessantes explosions, sous une pluie drue qui empêche tout support aérien et perturbe les échanges radios. Les Viet-Congs se précipitent comme une marée avançant à la vitesse d'un cheval au galop, avec un fanatisme absolu, insouciants de leurs pertes.

Le poste de commande est pris, les canonniers qui n'ont pas abandonné leurs armes ont été passé à la baïonnette; les junkies au lance-flamme. Steevie et Castle courent vers la piste où l'on se bat encore, au corps à corps, Marines et Viet-Congs indistincts les uns des autres, s'étripant à coups de poings et d'armes blanches dans l'obscurité rougeoyante.

« In the end I can do no more than follow on a killer's heels, rushing with him to his Alamo. »

Soudain, au milieu de cet enfer, une vision miraculeuse, les F4 sont là, larguant des barils de napalm.

Petit à petit, le cercle autour de Castle rétrécit.

« Pressé de toutes parts, il se bat jusqu'à l'épuisement de ses forces et l'on peut se demander dans quelle faible mesure, l'appât de la rançon a pu retenir la main de ces guerriers avides, mais farouches, tout sanglants des coups que le roi leur portait. La voix de son fils cadet âgé de 14 ans, Philippe (qui en gardera le surnom de Hardi) qui était revenu se glisser à ses côtés retentit encore dans l'épopée française : — Père, gardez-vous à droite ! — Père, gardez-vous à gauche ! » 
(Jean-Michel Tourneur-Aumont, La Bataille de Poitiers et la construction de la France, Université de Poitiers, 1943)

Au beau milieu des combats, pressé de toutes parts, luttant avec une furie démoniaque, Castle est toujours harcelé par l'ombre.

« I can give it to you Franck.
There will be a price but nothing's free...
Say no, and you're one more KIA on a hill that no one cared about to start with.
Say yes...
And I'll give you what you've wanted all these years.
But you have to say it...
Say it...
Say it...
A war that lasts forever, a war that never ends, but you have to say the word, Frank...

Et là, un masque inhumain, le visage d'une bête sauvage, d'un démon sorti de l'enfer fait face au lecteur ET DONNE SA RÉPONSE.

Le lendemain à l'aube, une flottille de HUEY apparaît dans le ciel et se pose sur ce qui reste de Valley Forge. Au milieu de douzaines de cadavres, les soldats ne trouvent qu'un seul homme encore debout, ou plutôt une chose recouverte de sang des pieds à la tête, l'uniforme déchiré, les yeux rouge sang, la carcasse brisée d'un M-16 à la main, une vision d'horreur au milieu d'un champ de ruines duquel s'élève un nuage de fumée qui prend la forme d'un symbole, celui que choisira bientôt un homme qui vient de naître des entrailles d'un volcan.

Épilogue :

Aéroport John F. Kennedy. Frank Castle, en uniforme de parade, un bras en écharpe et s'appuyant sur une béquille sort du couloir de l'arrivée des passagers. Sa famille l'attend : sa femme, sa fille, son fils qu'il n'a jamais vu et qui observe cet étranger de grands yeux étonnés et inquiets.

Happy end.

Not.

Un soupir. L'ombre se rappelle une dernière fois à lui. Elle a rempli sa part du marché et elle a un dernier message pour lui avant de s'effacer à tout jamais de sa mémoire, horrible et glaçant :

« You remember I mentionned there'd be a price...? »




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