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LES BIENVEILLANTES de Jonathan Littel - septième partie

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La première partie est ici.

La seconde partie est ici.

La troisième partie est ici.

La quatrième partie est ici.

La cinquième partie est ici.

La sixième partie est ici.



GIGUE

Partie I : Trahison

Nous en arrivons au dernier chapitre, le plus dantesque de tous, sans doute. Nous sommes en plein Götterdämmerung, ou « crépuscule des dieux », traduction en allemand du nordique Ragnarök.

Thomas, accompagné de Piontek, est venu chercher Aue qui a outrepassé son congé. Il est question de le faire passer en conseil de guerre et « Ces jours ci les conseils de guerre durent cinq minutes. »

Ils tentent de regagner Berlin, mêlés à des colonnes de réfugiés. De temps en temps, un T-34 apparaît, broyant tout sur son passage – véhicules, chevaux, hommes - . Dans les villages abandonnés, un spectacle macabre les attend, tel ce cadavre ligoté à un chêne, en hauteur, les boyaux dégoulinant de son ventre fendu, à moitié arraché par les chiens. Thomas traduit le texte hâtivement badigeonné en russe sur un écriteau : « Tu avais une maison, des vaches, des boîtes de conserve. Qu'est-ce que tu es venu foutre chez nous, pridourak ? » Piontek revient blême, avec quelques provisions, il ne voulait pas nous dire ce qu'il avait vu dans les maisons...

Tous les bourgs sont occupés par les Russes et ils sont contraints d'errer dans la campagne, sans pouvoir faire de feu. Les cadavres se ramassent à la pelle : ceux distordus de femmes, souvent dénudées, même des vieilles ou des gamines de dix ans, avec du sang entre les jambes. Mais aussi, des grappes de pendus, le plus souvent des Völksturm, mornes ballots victimes de Felgendarmes zélés.

Parfois, ils croisent des soldats Allemands isolés, mais ceux-ci refusent de se joindre à eux, craignant d'être pris en compagnie d'officiers SS. Le bon sens les pousse alors à détruire leurs papiers et arracher leurs insignes.

Dans un hameau, ils sont attiré par de la musique d'orgue en provenance d'une église. Là se trouve un vieillard portant monocle, en uniforme d'Obersleutnant de la Grande Guerre. Celui-ci joue « L'art de la fugue », de Johann Sebastian Bach, œuvre considérée comme inachevée et qui a inspiré Beethoven, Mozart et Alban Berg. Selon Martha Cook, musicologue et claveciniste américaine, l'oeuvre serait inspirée de l'Évangile de Luc, en particulier Luc 14 : 27 – 35 :

« 27 Et quiconque ne porte pas sa croix, et ne me suit pas, ne peut être mon disciple 
28 Car, lequel de vous, s'il veut bâtir une tour, ne s'assied d'abord pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi la terminer,
29 de peur qu'après avoir posé les fondements, il ne puisse l'achever, et que tous ceux qui le verront ne se mettent à le railler,
30 en disant : Cet homme a commencé à bâtir, et il n'a pu achever ?
31 Ou quel roi, s'il va faire la guerre à un autre roi, ne s'assied d'abord pour examiner s'il peut, avec dix mille hommes, marcher à la rencontre de celui qui vient l'attaquer avec vingt-mille ?
32 S'il ne le peut, tandis que cet autre roi est encore loin, il lui envoie une ambassade pour demander la paix.
33 Ainsi donc, quiconque d'entre vous ne renonce pas à tout ce qu'il possède ne peut être mon disciple.
34 Le sel est une bonne chose, mais si le sel perd sa saveur, avec quoi l'assaisonnera-t-on ?
35 Il n'est bon ni pour la terre, ni pour le fumier, on le jette dehors. Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

« On a souvent intitulé cette section : « Le coût de la vie de disciple. »
Devenir un disciple implique l’acceptation de placer les exigences du Maître au-dessus de celles de la famille. » (Source : ici)

Jésus appelle à un total renoncement de la part de ses disciples, à la famille, à soi-même, voire à sa propre vie.

« Ils peuvent tout détruire, me dit-il tranquillement, mais pas ça. C'est impossible, ça restera toujours : ça continuera même quand je m'arrêterai de jouer. »

La musique n'aide en rien à apaiser Aue qui se met à bouillir de rage. Il laisse le vieil homme achever le cinquième morceau dit fugue strette.

« Dans la musique classique, la strette (de l'italien stretta, « étreinte, resserrement ») peut désigner un procédé d'écriture en imitation, une partie caractéristique du finale d'un opéra ou d'une œuvre pour chœur, ou bien une indication d'accélération du tempo. » (Source : Wikipedia)

Enfin, il se lève et lui tire une balle dans la tête devant un Thomas indigné. « C'est à cause de ces Junkers corrompus que l'Allemagne perd la guerre. Le national-socialisme s'effondre et eux jouent du Bach. Ça devrait être interdit. » Se souvient-il alors de ce jeune juif, Yakov, virtuose des pièces de Bach, qu'il avait adopté et qui fut tué, devenu inutile ?

A l'aube, ils atteignent la mer et rampent à travers les dunes jusqu'à la plage. Le spectacle de désolation qui les attend pourrait rappeler Dunkerque, après la bataille.

Le lendemain, ils se réveillent entourés d'enfants par dizaines, vêtus de loques, de restes d'uniformes, portant qui, des outils agricoles, qui, des fusils et pistolets-mitrailleurs fait de fil de fer, de bois et de carton, la plupart semblent âgés de dix à treize ans, d'autres pas plus de six. Mais leurs regards sont fermés et menaçants. Le plus âgé s'avance et leur demande sans ménagement leurs identités, tout en se présentant lui-même comme le Kampfgruppe Adam, Generalmajor. Thomas leur répond calmement, Aue est terrifié, Piontek est prêt à leur donner une bonne fessée, mais avant qu'il ait pu esquisser un geste, Adam fait un signe et les enfants se ruent sur lui pour le massacrer. Les enfants continuèrent à frapper jusqu'à ce que sa tête ne soit plus qu'une bouillie rouge dans la neige.

Suit une scène totalement hallucinante où Thomas explique être en mission spéciale pour le Führer. Adam ordonne à un des gamins de demander confirmation par radio, mais celle-ci n'est qu'une boite de conserve sur le fond de laquelle étaient fixées plusieurs vis et cloués des cercles de carton colorié. Un vrai casque de radiophoniste y est reliée. Chacun joue son rôle dans cette « Guerre des boutons » sanglante. Thomas demande à se servir de l'appareil pour contacter Hitler en personne, soliloque, claque des talons et passe le casque à Adam... qui confirme, les yeux humides de larmes.

Dans les jours qui suivent, ils accompagnent cette « croisade des enfants », errant derrière les lignes Russes depuis des mois, tuant impitoyablement Russes et Allemands isolés, qu'ils (considèrent) comme des déserteurs.

Adam se faisait servir par une des filles les plus âgées, puis l'entraînait dans les bois ; les autres se battaient  pour des morceaux de pain et de saucisse, (...) deux ou trois des garçons prenaient une fillette par les cheveux, la jetaient à terre et la violaient devant les autres (…); des garçons se branlaient ouvertement en les regardant (…); plusieurs de ces fillettes à peine pubères paraissaient d'ailleurs enceintes.

Adam est le plus cruel de tous et bénéficie ainsi d'une autorité incontestée. Peut-être, me disais-je, fait-il tuer tous les adultes qu'il rencontre pour rester l'aîné.

Enfin, ils parviennent à rejoindre les lignes allemandes, accompagnés d'un soldat allemand et d'un autre Belge. Les enfants ont refusé de les suivre.

De retour à Berlin, les deux officiers bénéficient d'une mansuétude qui ne touche pas les simples soldats qui sont pendus ou fusillés sur un soupçon, sans ménagement. Aue a vite fait de rendre compte de la mort de Piontek, mais (dois) remplir de nombreux formulaires pour justifier la perte du véhicule.

A la Kurfüstenstrasse, on a installé un bureau qui délivre de faux papiers aux responsables du RSHA considérés comme compromis et Thomas s'en procure tout un jeu. Pour le moment, c'est encore gratuit, plus tard, un jeu complet de papiers en règle ira chercher dans les 80 000 reichmarks. Tout le monde fait n'importe quoi et n'obéit plus à personne. Goebbels promet que le Führer, dans sa grande sagesse prépare en cas de défaite, une mort facile, par le gaz, au peuple allemand. La seconde semaine d'avril, l'orchestre philharmonique donne un dernier concert – le dernier de aria de Brünnhilde, le Götterdämmerung bien entendu, et pour finir la Symphonie romantique de Bruckner. A la sortie, des Hitlerjugend distribuent des capsules de cyanure. Le jour même, meurt Roosevelt et Goebbels lance le mot d'ordre La tsarine est morte.

Ce mot d'ordre fait référence à la guerre de sept ans. En 1762, la Prusse de Frederic II est au plus mal face à une coalition comprenant la France, l'Autriche et la Russie. Seul un miracle peut lui permettre de s'en sortir. Celui-ci arrive avec l'annonce de la mort de la tsarine Élizabeth et le retrait de la Russie de la coalition. Ce 12 avril, Albert Speer est convoqué chez le Führer qu'il trouve dans un grand état d'excitation. « Le grand miracle, celui que j'ai toujours prédit. Qui avait raison ? La guerre n'est pas finie. »

Quoi qu'il en soit, les Berlinois sont désormais indifférents aux bombardements. Sous la Wilhelmplatz, un bunker a été transformé en boite de nuit. Aue y croise un soir Mihaï, un attaché de l'ambassade de Roumanie dont il a été l'amant. Celui-ci le drague ouvertement. Aue l'entraine aux toilettes et lui écrase la gorge à l'aide d'une serpillère.

La même nuit, il retrouve Thomas chez lui. Celui-ci lui délivre une vision prophétique de l'avenir : « L'alliance contre nature de nos ennemis tiendra jusqu'à leur victoire, mais pas beaucoup plus. Les puissances Occidentales auront besoin d'un bastion contre le Bolchevisme. Je leur donne trois ans, au plus. » Pour le reste, il y a des filières en Hollande, en Suisse, les meilleures sont à Rome. « L'Église n'abandonnera pas ses agneaux dans la détresse. (...) Tu sais qu'il y a des types de la Gestapo qui cherchent à se procurer des étoiles et des papiers juifs ? (...) Ils on du mal. Il n'y en a plus beaucoup sur le marché. »

Partout, lampadaires, arbres, ponts, voies aériennes du S-Bahn se voient décorer de pendus : soldats blessés, vétérans fatigués, civils, gamins de seize ans, réfugiés pris au hasard, tous porteurs de l'invariable panneau au cou : JE SUIS ICI POUR AVOIR QUITTE MON POSTE SANS ORDRES. Les loups se dévorent entre eux.

Le 20 avril, c'est l'anniversaire d'Hitler, on accroche des drapeaux à croix gammée sur les ruines et de grandes pancartes signées Goebbels : NOUS REMERCIONS NOTRE FUHRER POUR TOUT. DR. GOEBBELS. En guise de feux d'artifice, l'artillerie russe prend le relais des bombardiers Anglo-Américains.

Un régiment de Français de la division « Charlemagne » parvient à rentrer dans Berlin pour renforcer la « Nordland », et le centre administratif du Reich n'était presque plus défendu que par des Finlandais, des Estoniens, des Hollandais, et des petites frappes parisiennes. Par ailleurs, tout envoi de renforts par la voie des airs devient impossible.

Partie II : Chute

Le 27 avril, Aue a la surprise d'entendre son nom prononcé pour la remise de la Croix allemande en or, en même temps que Thomas et huit autres officiers du RSHA. Les décorations seront remises par le Führer lui-même dans son bunker. Les canalisations le long de la Wilhelmstrasse ont crevé et les tunnels menant au bunker sont partiellement inondés, l'eau atteint les chevilles. Les arrivants doivent remettre leurs armes.

Aue a la surprise d'y retrouver le docteur Hoenegg, devenu « médecin auxiliaire du Führer ». On lui a confié les enfants de Goebbels dont l'épouse a la ferme intention d'empoisonner ceux-ci avant de se donner la mort. Hoenegg l'invite ensuite à une fête organisée le soir même dans la Chancellerie : « Ce sera plein de jeunes vierges fougueuses qui préfèrent offrir leur pucelage à un Allemand, quelle que soit son apparence, plutôt qu'à un Kalmouk hirsute et puant. »

Puis on les fait pénétrer dans une pièce et aligner contre un mur, et entre le Führer : Jamais je n'avais vu le Führer d'aussi près. Il portait un simple uniforme gris et une casquette ; son visage paraissait jaune, hagard, gonflé, les yeux restaient fixes, inertes, puis se mettaient à ciller violemment ; une goutte de bave perlait au coin de sa bouche. L'un après l'autre, chaque officier se voit remettre sa médaille, puis vient le tour de Aue qui se permet alors un geste extraordinaire et complètement fou qui mène à son arrestation immédiate, avec promesse du peloton d'exécution.

Interrogé, torturé, il est enfin jeté dans un cul-de-basse-fosse dans lequel il est bientôt rejoint par « L'ex-Gruppenführer Fegelein ». Celui-ci se dit victime d'une machination de Bormann, mais ne s'inquiète guère : « (...)ma belle-sœur va arranger ça. » Aue n'a aucune idée de qui il parle et n'apprendra que bien des années plus tard le fin fond de cette histoire.

Extirpé de sa cellule et jeté dans un véhicule de la police, Aue profite de la chute d'un obus pour s'enfuir. Errant dans le métro inondé, le voilà qui retombe pour la dernière fois sur ses deux tourmenteurs : Clemens et Weser : « Mais qu'est-ce que vous voulez donc ? » - « On veut la justice. » Ils lui font un résumé de leur enquête et de leurs conclusions. « On t'a déjà jugé, fit Weser d'une voix si basse que j'entendais couler l'eau. On t'a jugé coupable. » - « Vous? Ricanais-je. Vous êtes des flics. Vous n'avez pas le droit de juger. » - «Vu les circonstances, roula la grosse voix de Clemens, on l'a pris, le droit. » - « Alors, dis-je tristement, même si vous avez raison, vous ne valez pas mieux que moi. »

Il n'a pas tort, ces deux hommes – membres d'un corps qui a lui-même sa responsabilité dans l'accomplissement de la Shoah - ne réclament pas la justice pour la complicité de Aue dans celle-ci, mais simplement pour le meurtre de deux personnes parmi des millions d'autres.

Pour autant, Max lui-même, ne s'était-il pas posé la question, en tant que juriste SS, de l'intérêt de sélectionner « des juristes pour assassiner des gens sans procès ? »

Un cri jaillit alors du fond du gouffre : « Les Russes ! Les Russes sont dans le tunnel ! » Weser est tué et Aue en profite encore pour s'échapper, Clemens sur ses talons. Dans la rue, quelques SS, des ruines et des cadavres, et deux vieillards qui déambulent, indifférents à tout. L'un d'eux portait le brassard des aveugles, l'autre le guidait. « Où allez-vous ? » demandai-je en pantelant. - « Nous ne le savons pas », répondit l'aveugle. - « D'où venez-vous ? » demandai-je encore. - « Nous ne le savons pas non plus. »

« Les vieillards aussi sont présents sous les traits de l'aveugle : il symbolise alors la sagesse du vieillard. (...) Les dieux aveuglent ou rendent fous ceux qu'ils veulent perdre, et parfois sauver. Mais, s'il plait aux dieux, le coupable recouvre la vue ; ils sont les maîtres de la lumière. » (Source : Dictionnaire des symboles)

Il parvient jusqu'à l'immeuble de Mandelbrod et Leland qu'il retrouve, biens vivants, attendant calmement l'arrivée des Russes, leurs (nombreuses) valises prêtes. Leurs trois amazones se sont suicidées : J'avais beau scruter leurs jolis visages, j'étais incapable de les distinguer l'une de l'autre, de reconnaître Hilde de Helga ou de Hedwig ; pourtant ce n'étaient pas des jumelles.

Les deux hommes ont conclu un accord avec les Soviétiques : « Le Führer a échoué, prononça froidement Leland. Mais la guerre ontologique qu'il a commencée n'est pas terminée. Qui d'autre que Staline pourrait achever le travail ? »

Aue repart à nouveau, cherchant à retrouver le domicile de Thomas. Il parvient jusqu'au zoo dans lequel les cadavres d'animaux se mêlent à ceux des Waffen-SS.

Le zoo est un symbole particulier. Il fait référence aux instincts des animaux que nous venons admirer. Il fait référence aussi à l'enfermement, à la cage qui retient les instincts qui sont en nous. (Source : http://tristan-moir.fr/zoo/)

Au loin, on distingue les barrissements d'un éléphant affolé. Pour Aristote, l'éléphant est symbole de chasteté et « serait même le vengeur de l'adultère ». (Ibid)

Mais on songe aussi à l'Ecclésiaste 3-19 : « Car le sort des fils de l'homme et celui de la bête sont pour eux un même sort; comme meurt l'un, ainsi meurt l'autre, ils ont tous un même souffle, et la supériorité de l'homme sur la bête est nulle; car tout est vanité. »

C'est là que se joue l'ultime confrontation. Oreste est rejoint par la dernière Érinye, ainsi que par Pylade. Quand tout est accompli, arrivent en trottant (...) un petit éléphant, suivi de trois chimpanzés et d'un ocelot.

Les trois singes représentent évidemment « Les célèbres singes du Jingoro, au temple de Nikko, qui se ferment, l'un les oreilles, le second les yeux, le troisième la bouche (...) (et) sont encore une expression de la sagesse et partant du bonheur ». Quand à l'ocelot, dans la mythologie aztèque, c'est une créature féline très souvent infidèle en amour mais qui peut être calmé en étant allié à un singe.

(...) je restais seul (...) avec le temps et la tristesse et la peine du souvenir, la cruauté de mon existence et de ma mort encore à venir. Les Bienveillantes avaient retrouvé ma trace.

Aue est désormais seul responsable de son destin : « Le destin, ce sont les paroles de trop ou de pas assez, les silences brisés, les secrets non descellés, les lapsus ou les mots manqués, qui font que l'homme est toujours responsable, et seul responsable de ce qui lui arrive : parce que nous sommes responsables de ce que nous avons dit comme de ce que nous n'avons pas dit, nous passons notre vie à répondre de nos paroles et de nos silences ; vivre, et mourir, c'est accomplir, en le choisissant, en le construisant, notre destin. » (Source : Wladimir Troubetzkoy – Les bienveillantes de Jonathan Littel : Etudes réunies par Murielle Lucie Clément)

En même temps, il n'est plus « personne ». « Si deux yeux pour l'humanité correspondent à l'état normal, trois à une clairvoyance surhumaine, un seul révèle un état assez primitif et sommaire des capacités de comprendre. » (Source : Dictionnaire des symboles). On songe ici au cyclope Polyphème qui, amoureux de Galatée – amante d'Icis, fils de Pan, dieu de la foule hystérique – projette un rocher de l'Etna, tuant Icis, exemple d'amour non partagé conduisant à la folie destructrice. Pan, celui qui rend fou celui qui le contemple est le père, et il est mort ; Icis est le fils et il est mort aussi. Mais en quittant les lieux sans laisser un regard en arrière, Aue devient « Personne », celui qui aveugle Polyphème et son propre vengeur. Le narrateur devenu bourgeois dans le nord de la France, n'a en effet pas de nom. La boucle est désormais bouclée. Ulysse ne rentrera jamais chez lui.

« Un homme sans divertissement est un homme plein de misères. » (Pascal - « Divertissement n°5/7 »)




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