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LAÏKA de Nick Abadzis

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Attention, préparez vos mouchoirs.

L'histoire commence à une date non précisée (probablement 1944) dans la presqu'île de Kolyma en Sibérie extrême-orientale. En plein hiver, en pleine nuit, en pleine tempête, un homme solitaire marche. Alors qu'on se rapproche progressivement de lui, ses propos prononcés à voix haute deviennent compréhensibles : « Je suis un homme d'avenir. Je ne vais pas mourir. »

L'homme est-il fou ? Le voici qui s'adresse à la lune, comme si elle pouvait lui répondre. Il tousse, crache ses dents, mais par une série de circonstances invraisemblables, il va parvenir au port de Madagan... et survivre.

Cet homme, rappelé à Moscou pour la révision de son procès se nomme Korolev. Sergey Pavlovich Korolev. Et, effectivement, c'est un homme d'avenir.

Dix-huit ans plus tard, nous le retrouvons, en tant qu'ingénieur en chef à Tiouratam, au Kazakhstan. Il y faite son premier triomphe : là-haut, tout là-haut dans le ciel, plus haut qu'aucun objet de main humaine n'a jamais été propulsé, un petit ballon métallique tourne inlassablement. C'est le premier satellite artificiel : Spoutnik I.

«Aujourd'hui enfin, les hommes ont cessé de se penser comme une civilisation bimensionnelle, prisonnière d'une boule... Désormais, il regarderont vers le ciel...» (Korolev)

Khrouchtchev, le premier secrétaire de l'Union Soviétique est content. Bientôt, réalisant la portée de cet exploit, il sera enthousiaste... et commencera à exiger plus, toujours plus.

Entre alors, la triste héroïne de cette histoire, écrite et dessinée par Rick Abadzis. Nous sommes à Moscou, en 1954, et à ce stade du récit elle s'appelle Koudriavka. Son histoire aurait pu être écrite par Charles Dickens... s'il s'était intéressé aux chiens.

Koudriavka naît dans un foyer chaleureux, mais qui doit se débarrasser d'elle, faute de place. Passant de main en main, elle finit à la rue, en compagnie d'autres chiens errants, profitant de la générosité occasionnelle de quelques Moscovites.

Abadzis utilise ici un procédé dans lequel les quelques personnes ayant montré de la générosité envers la petite chienne au cours de son existence pleine de rebondissements semblent s'adresser à elle à travers l'espace et le temps pour lui prodiguer des conseils : « Il ne faut pas s'inquiéter. Ne regarde jamais derrière toi. Ne t'inquiète pas. Ne t'inquiète pas. » Et parfois Koudriavka rêve, et à travers ses rêves, retrouve la chaleur du foyer perdu, après un saut autour de la Terre, au milieu des étoiles.

Un jour, Koudriavka est attrapée par la fourrière. Son destin est en marche et va croiser celui de Korolev.

1956 : Koudriavka est désormais devenue Jouchka (« Petite bébête »). La voici prise en main par le Docteur Oleg Gueorguivitch Gazenko, chargé de la sélection canine à l'Institut de Médecine Aéronautique. Il va y faire la connaissance de la belle Yelena Alexandrovna Doubrovski, assistante pour l'entraînement des chiens. On devine que le docteur Gazenko n'est pas indifférent à la beauté de la camarade Doubrovski. De son côté, celle-ci va s'amouracher très vite de Jouchka, que, hasard des circonstances, elle rebaptisera immédiatement Koudriavka (« Frisette »).

À mots couverts, Gazenko va révéler à Doubrovski, la teneur du programme qui réclame autant de chiens – ou plus exactement de chiennes – comme cobayes. C'est un projet classé « secret d'état » au cours duquel les sujets sont soumis à des tests brutaux : centrifugeuse, simulateur de vibrations, vols en apesanteur, etc. Et parfois, il y a des « accidents ».

Malgré les avertissements de ses supérieurs, Doubrovski a bien du mal à ne pas éprouver de sentiments pour ses « cobayes » qu'elle imagine parfois s'adressant à elle, exprimant leurs sentiments sur les épreuves qu'on leur fait subir, sur la dangerosité du « programme », la suppliant de les ramener chez elle. Koudriavka est sa préférée. Elle semble capable de supporter l'insupportable.

Et puis un jour, l'accident. Deux chiennes ne reviennent pas. À partir de là les tensions vont grandir entre Doubrovski et Gazenko qui tente de mettre en garde celle-ci contre l'ambition sans borne de Korolev : « Il n'a presque aucun respect pour les gens... encore moins pour les chiens. »

1957 : Spoutnik. Le temps s'accélère, Khrouchtchev a donné un mois à Korolev pour dépasser son exploit, à l'occasion de la révolution d'octobre 1917. Le prochain vol sera habité. Il transportera un chien.

Trois chiennes sont sélectionnées. Korolev exige de les voir. En sortant de sa cage, Koudriavka est anormalement agitée. Korolev la rebaptise aussitôt Laïka (« L'aboyeuse »).

Cette nuit là, Korolev va voir Laïka et dans un monologue cœur à cœur, il tente de s'excuser pour ce qu'il va lui faire, faisant un parallèle entre leurs destinées respectives. « Je suis un homme d'avenir. Et tu seras la chienne la plus célèbre de l'histoire. »

Plus tard, dans une conversation, Korolev et Doubrovski ont cet échange :

Doubrovski : « Il y a des choses qu'on peut changer... »

Korolev : « ...et d'autres qui sont scellées par le destin. »

Je vous laisse découvrir par vous-mêmes la suite de cette histoire déchirante. Mais je vous aurai prévenu : préparez vos mouchoirs.

« Travailler avec les animaux
est une source de souffrance pour nous tous.
Nous les traitons comme des bêtes
qui ne savent pas parler. »

Oleg Gueorguivitch Gazenko, 1998

« Laïka » a été classée parmi « Les 1001 BD qu'il faut avoir lues dans sa vie ».





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