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ASCENT de Jed Mercurio

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Il y a quelques années de cela, à l'occasion d'une escale à Portsmouth, j'ai visité une librairie. J'y ai découvert un « graphic novel » : « Ascent » qui racontait l'histoire d'un pilote Soviétique durant la guerre de Corée. Je n'achetais pas l'unique exemplaire restant car il était abîmé mais, rentré chez moi, je fis quelques recherches sur Internet et je découvris qu'il s'agissait de l'adaptation d'un roman que je commandais aussitôt.

Lorsque j'étais enfant, je reçus comme cadeau un livre portant sur les conquérants du ciel et de l'espace. L'un de ceux-ci était Youri Gagarine, le premier homme à y être allé (je découvris bien plus tard que son record n'aurait pas du être homologué car il avait reçu pour instruction de sauter en parachute avant l'atterrissage de sa capsule, pour des raisons de sécurité). Mais peu importe, ce fut une révélation pour moi. Youri Gagarine était le premier homme à être allé là où nul avant lui n'était allé, un pionnier et un héros dans les plus purs sens des termes.

Par la suite, je me documentais avec avidité sur l'aventure spatiale Soviétique. L'histoire est écrite par les vainqueurs et ce que nous connaissons de la conquête spatiale le fut essentiellement par les Etats-Uniens. L'ample documentation fournie par la presse occidentale et de nombreux auteurs de l'Ouest y est sans doute pour beaucoup. En comparaison, la course à l'espace du point de vue Soviétique représente le côté face de la pièce. Sous le contrôle strict de l'armée russe, celle-ci demeure en grande partie un mystère propice au développement des hypothèses les plus extraordinaires.

Jed Mercurio, l'auteur de « Ascent » est un ancien pilote de la RAF et un médecin. Au début des années 90, il répond à une annonce du British Medical Journal et se lance dans une fructueuse carrière de scénariste pour la télévision et de romancier. « Ascent » est son second roman, recommandé comme l'un des 1000 romans que chacun devrait lire.

Le héros de celui-ci se nomme Yefgenii Mikhailovitch Yeremin. Son ascension, semée de nombreuses embûches, commence à Stalingrad en 1946. La « Grande Guerre Patriotique » a fait 20 millions de morts dans la fédération, parmi eux, l'ensemble de sa famille. Alors qu'il est emmené à l'orphelinat, il assiste impuissant à l'incendie de la ferme de ses parents et la pluie efface rapidement ses traces de pas dans la boue de sa terre natale.

L'orphelinat n'a rien d'un refuge pour Yefgenii. Dès la première nuit, il est sérieusement battu par trois de ses condisciples. Doué d'une intelligence remarquable, il analyse rapidement les règles de son nouveau foyer – en particulier celles établies par les petits caïds qui y règnent en maîtres - : ne pas se plaindre – jamais - , travailler dur à la reconstruction de la mère patrie. Mais l'orphelinat apporte aussi l'enseignement scolaire et Yefgenii se révèle rapidement extrêmement doué en arithmétique, trigonométrie, algèbre, au grand dam de Babak, le meilleur élève et caïd numéro 1 qui le lui fera chèrement payer.

Un jour, convoqué dans le bureau du Directeur, il entrevoit un moyen de quitter cet enfer. Chaque année un élève – le meilleur – est sélectionné pour l'école d'aviation de Chkalov. Babak est son principal concurrent. Babak le sait et est prêt à tout, même à tuer, pour éliminer la compétition. Yefgenii devra employer les mêmes méthodes que son ennemi pour en triompher. Ce sera la première étape de son ascension.

Six ans plus tard, Yefgenii est devenu pilote de chasse. Il fait partie du corps expéditionnaire soviétique en Corée durant la guerre. La présence de pilotes soviétiques en soutien du régime communiste de Pyongyang est secrète et doit le rester. Leurs uniformes sont nus, dépourvus de toute insigne qui permettrait de les identifier. Les ordres sont stricts : pas d'engagement au-dessus de la mer. Si les Américains venaient à récupérer l'un de leurs pilotes, la famille de celui-ci en subirait les conséquences. Mais Yefgenii est ambitieux, et orphelin. Cette guerre représente une opportunité pour lui de se distinguer. Il bénéfice d'une excellente vue qui lui permet de voir ce que lui seul peut voir.

Peu à peu, puis à une cadence qui impressionne et effraie les as officiels de son escadrille, il accumule les victoires.

Un jour, il commet le défi suprême : d'un coup de peinture rouge, il efface les insignes de l'aviation Nord-Coréenne et les remplace par l'étoile rouge, le marteau et la faucille. Désormais, il sera identifié par les pilotes états-uniens sous le surnom de « Ivan le Terrible ». Autour de lui, les hommes meurent les uns après les autres, mais Yefgenii semble immortel. Il est « l'as des as » de la guerre de Corée. Mais son triomphe n'est qu'officieux.

Et puis, un jour, le défi de trop, l'erreur fatale dictée par l'hubris. Yefgenii doit s'éjecter au-dessus de la mer, gravement blessé. Il est déshonoré, cassé, défait de ses titres et décorations. « Ivan le Terrible » n'a jamais existé. Il est exilé dans une base secrète du cercle polaire, dans l'archipel de François Joseph. Il s'y installe avec son épouse, une veuve qu'il a connu en Corée, qui lui est toute dévouée mais dont il ne partage pas vraiment l'amour. Sa carrière semble achevée, à moins d'une nouvelle guerre.

Et c'est alors, qu'en 1957, survient Spoutnik. Des équipes sont envoyées aux quatre coins de l'Union Soviétique à la recherche de candidats cosmonautes. Aucune ne s'approche de la base de Graham Bell. Il semble qu'une fin heureuse doive être refusée à Yefgenii à jamais, jusqu'à ce qu'un jour, un ultime exploit signe le retour de « Ivan le Terrible » et du respect qui accompagne le titre. Cet exploit ne restera pas ignoré, et un jour, un homme, enfin, se présente : l'ingénieur en chef de la station spatiale de Baïkonour.

Là-bas, Yefgenii côtoiera les Gagarine, Leonov, Komarov... et Korolev. Yefgenii fait maintenant partie de l'équipe qui doit battre les Américains. Puis la mort frappe à nouveau : Korolev, puis Gagarine. Le successeur de Korolev, Mishin ne partage pas les opinions de son prédécesseur. Sa préférence va aux ingénieurs, et quelques soient les efforts de Yefgenii, il se retrouve à nouveau repoussé à la périphérie du programme lunaire : « Zond ».

Malgré tout, Yefgenii est sélectionné mais, du fait de la pusillanimité de Mishin, le programme prend de plus en plus de retard. Les missions non-habitées se succèdent. Et en décembre 1968, arrive Appolo 8, puis Appolo 9.

Les Russes ne sont pas prêt. Ils n'ont pas les ordinateurs nécessaires pour atteindre la lune. Les tests de la fusée N-1 ont échoué. Le problème a été identifié mais son règlement nécessite l'économie de 70 kilos. Mais à tout cela, Yefgenii a une solution. Lui, l'homme qui n'existe pas, partira seul et réalisera, de tête, les calculs nécessaires.

1969 : Voskhodyeniye : Yefgenii Mikhailovitch Yeremin embarque pour son ultime ascension, celle qui lui permettra peut-être, enfin, de laisser son empreinte dans l'Histoire.

J'ignore si on peut classer ce roman dans la catégorie des uchronies, car la plupart des événements qui y sont relatés sont historiques, si ce n'est l'histoire du personnage principal et son destin final. Officiellement, le test raté de la fusée N-1 mit fin aux espoirs Soviétiques de conquête de la Lune.

Que dire de plus, vous devinerez facilement que j'ai adoré ce roman, que je classe parmi les meilleurs que j'ai pu lire. Et je vous en recommande fortement la lecture.





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