Je n'ai jamais été un très grand fan des systèmes d'émulation. L'argent scolaire et les nananes du genre me semblaient être des méthodes peut-être justifiables pour de très jeunes enfants, mais pas vraiment pour des élèves pré-ados de 6e année. J'ai toujours pensé que des jeunes de l'âge de mes élèves étaient (ou devraient être) suffisamment raisonnables pour comprendre le but réel de l'école et l'intérêt véritable de s'investir dans leurs études. Découvrir qui on est ainsi que le monde qui nous entoure, approfondir ses connaissances, aiguiser son intelligence, apprendre à surmonter des difficultés, acquérir de nouvelles habiletés, apprendre à vivre en société, voilà quelques-uns des véritables rôles de l'école. Les systèmes d'émulation me semblaient donc être une espèce de détournement de l'essentiel.
Cette année, j'ai un nouveau collègue de 6e qui utilise un système appelé ClassDojo. Il m'expliquait que cela consistait essentiellement à accorder ou à enlever des points aux élèves en fonction de leur comportement et de leur travail, lesquels points leur servaient à acheter des privilèges. Il m'expliquait que l'intérêt d'un tel système était également de tenir les parents informés de ce qui s'est passé dans la journée. En effet, ces derniers peuvent voir si leur jeune a gagné ou perdu des points en classe.
Ce dernier aspect a piqué ma curiosité et m'a amené à réfléchir et à reconsidérer ma position. Je me suis dit qu'un tel système méritait peut-être un essai. Comme ClassDojo ne m'emballait pas trop, je me suis mis à chercher des alternatives et je suis tombé sur un programme appelé Classcraft. Je l'ai trouvé prometteur, alors j'y ai inscrit ma classe gratuitement, sans trop savoir s'il m'emballerait vraiment ou pas. Finalement, les élèves et moi avons tellement adoré que j'ai décidé de nous abonner.
En gros, le jeu se déroule dans un monde fantaisiste du genre Seigneur des anneaux. Les élèves doivent se créer un personnage et se réunir dans un sous-groupe. Leur perso peut être un guerrier, un mage ou un guérisseur. Chaque catégorie de personnages possède des caractéristiques et des habiletés qui lui sont propres. Par exemple, le guerrier a plus de point de vie et peut encaisser plus de dommages, mais le mage a plus de points de pouvoir qui lui permettent d'utiliser divers sorts. Une équipe bien équilibrée qui compte au moins un personnage de chaque type a de meilleures chances de réussir.
Au gré des journées, l'enseignant (le maître du jeu) peut récompenser les aventuriers en leur accordant des points d'expérience, ce qui permet aux élèves de monter aux niveaux supérieurs. En montant de niveau, les élèves ont accès à de nouveaux pouvoirs, de nouveaux uniformes pour leur avatar et de nouveaux compagnons (il s'agit habituellement de petites créatures mythologiques). En cas de mauvais comportements, les élèves peuvent perdre des points de vie et s'ils tombent à zéro, ils "tombent au combat". Ce qui est intéressant, c'est que si cela se produit, non seulement le jeune subit une conséquence négative, mais en plus toute son équipe perd des points de vie. Cela fait en sorte que des élèves qui se comportent généralement mal ou qui ne font pas leurs devoirs sont doublement motivés de faire l'effort de bien se comporter puisque leurs camarades en subissent aussi les conséquences.
En plus de tout ça, si l'enseignant le souhaite, les évaluations et les pratiques de français peuvent devenir des combats dans lesquels les élèves affrontent des monstres. S'ils répondent bien à la question, le monstre encaisse du dommage mais dans le cas contraire, c'est le joueur ou l'équipe qui perd des points. C'est absolument génial et c'est l'aspect du jeu que je préfère. Je n'ai jamais vu des élèves avoir autant de plaisir à faire des exercices de français et de maths de ma vie et je n'ai jamais vu des élèves souhaiter aussi ardemment s'améliorer afin d'être en mesure de battre le monstre lors de leur prochain combat. C'est phénoménal.
Ce jeu a eu un impact majeur sur le fonctionnement de ma classe et sur la motivation des élèves. Je n'ai jamais utilisé un programme qui se marie aussi bien avec le travail que je fais auprès des élèves. Je suis vraiment emballé et si vous êtes un(e) collègue, je vous encourage fortement à l'essayer. C'est québécois, par dessus le marché!
Évidemment, comme n'importe quel programme, ce ne sont pas tous les aspects du jeu qui sont intéressants, mais le prof a la capacité de personnaliser le jeu à son goût. L'interface graphique est encore assez sommaire, mais j'ai bon espoir qu'avec de plus en plus d'abonnés et de revenus, les concepteurs du jeun seront en mesure de nous offrir des graphiques et des animations plus élaborées.
Contrairement à ce que je craignais, je n'ai pas l'impression que le jeu constitue un détournement du rôle réel de l'école. J'ai plutôt le sentiment qu'il s'agit d'un ajout à ce que je fais déjà. Un plus.
Si vous l'essayez, vous m'en donnerez des nouvelles!