Mon fils aîné a beaucoup de difficultés à l'école.
L'an dernier, en 3e année, il a eu des échecs en lecture. Ses résultats d'écriture et de résolution de problèmes de maths étaient également inquiétants.
Nous l'avons fait évaluer par la psychologue de l'école. Son rapport évoquait de multiples possibilités mais demeurait très vague et recommandait de nouvelles évaluations. Nous sommes donc allés voir le pédiatre qui nous a référé au CLSC.
En attendant une évaluation plus poussée, nous sommes passés à l'action. Nous avons inscrit notre fils à une clinique privée d'orthopédagogie. Depuis plus d'un an, il est donc suivi une heure par semaine. À 80$ l'heure, notre budget familial s'en ressent, mais cela s'est avéré être un excellent investissement. Surtout dans le contexte actuel de coupes sauvages et de mises à pied en éducation. Notre fils avait clairement besoin de plus d'aide et de soutien que ce que l'école était capable de fournir.
Parallèlement à cela, je me suis mis à faire lire mon fils à tous les jours. Ça a été très difficile au début, mais c'est maintenant devenu un incontournable dans notre quotidien. Nous nous assoyons ensemble et il me lit des romans. Lorsqu'il commence à perdre intérêt, j'en lis un petit bout en faisant voix et effets sonores, parfois je le chatouille ou je blague, question de rallumer son intérêt. Je l'arrête aussi et je le questionne sur ce qu'il lit, question de vérifier sa compréhension. Ça l'a beaucoup aidé.
J'ai également insisté auprès des autorités scolaires afin que mon fils ait un ordinateur portable et un programme de synthèse vocale mis à sa disposition pour les évaluations de lecture. Encore une fois, ce n'était pas gagné d'avance dans ce contexte de coupures et en attente d'un diagnostic, mais j'ai réussi. Et pour rendre cet outil également pertinent en écriture, je lui ai fait faire des exercices de tape-touche pour qu'il améliore sa vitesse de frappe.
Tous ces efforts ont porté fruit et s'est beaucoup amélioré en lecture. Au-delà des notes qui ont généralement peu de valeur à mes yeux (étant moi-même enseignant, je ne connais que trop bien leur subjectivité), il a développé un véritable intérêt pour la lecture et pour les livres et je suis très fier de cet accomplissement.
Il est maintenant en 4e année. Et cette fois-ci, c'est en écriture qu'il échoue.
Au mois d'octobre, après environ 6 mois d'attente, la clinique santé mentale jeunesse du CLSC nous a enfin donné rendez-vous. Guillaume a été évalué par un pédiatre, une orthophoniste et un psychoéducateur. L'une des rencontres a été filmée et visionnée par une équipe de spécialistes.
J'ai assisté à l'une d'elle. Il avait tellement de mal à répondre à ce qu'on lui demandait de faire que j'ai pleuré tout le long. Mais je me forçais de sourire parce qu'il me jetait souvent des coups d'oeil. Comme j'étais assis à quelques mètres de lui, j'ai réussi à lui cacher les larmes.
Un mois plus tard, nous étions rencontrés afin de connaître le verdict des spécialistes.
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Plusieurs hypothèses me semblaient plausibles. J'avais hâte de mieux comprendre les difficultés de mon fils mais en même temps, j'étais terrorisé. J'ai essayé de me préparer autant qu'un père le peut, mais ce fut peine perdue.
L'équipe interdisciplinaire a finalement diagnostiqué un trouble du spectre de l'autisme.
Vous dire que ça nous a ramassé comme une tonne de briques serait un euphémisme.
Je savais bien que la possibilité existait, mais elle me semblait peu probable. Mes connaissances de l'autisme étaient très sommaires et ce que j'en savais ne me semblait pas correspondre à ce que j'observais chez mon fils. Je croyais que les autistes détestaient être touchés, mais Guillaume est très affectueux. Je croyais que les autistes étaient incapables d'établir un contact visuel lors de conversations, mais Guillaume regarde les gens qui lui parlent. Je croyais que les autistes avaient horreur des bruits stridents, mais bien que Guillaume y soit parfois sensible, il ne les a pas en aversion. Les spécialistes ont d'ailleurs expliqué que l'absence de ces symptômes expliquaient qu'il n'ait pas été diagnostiqué plus tôt. Évidemment, mon fils n'est pas un autiste sévère, mais c'est néanmoins sa réalité et la source de ses difficultés.
Le pédiatre nous a expliqué que certains autres signes étaient présents chez lui et qu'ils ne mentaient pas. Il nous a expliqué qu'il ne pensait pas comme nous. Que ses intérêts inhabituels et son attention à certains détails triviaux étaient des indicateurs solides. Il nous a expliqué que Guillaume avait beaucoup de mal à déchiffrer les interactions sociales et qu'il ne percevait pas, par exemple, la différence entre une taquinerie et une insulte. Il nous a expliqué que notre fils avait beaucoup de difficulté au niveau de son imagination, ce qui rendait les tâches d'écriture particulièrement ardues pour lui.
Mais c'est lorsqu'ils nous ont fait signé les formulaires pour "personne handicapée" que ça a fessé le plus fort.
Les jours et les semaines suivantes ont été pour moi une montagne russe d'émotions. C'est comme si j'avais traversé les cinq étapes du deuil!
Il y a eu le choc initial, suivi du déni. Je me suis dit que ça ne se pouvait pas, qu'ils avaient dû se tromper, qu'ils l'avaient observé lors d'une de ses mauvaises journées, qu'il n'est pas toujours comme ça. Je me suis même questionné à propos de leur compétence.
Puis, il y a eu la colère qui s'est sans doute immiscée dans le ton de certains de mes billets sur ce blogue. J'étais révolté, pourquoi ceci devait-il arriver à mon fils à moi? Le sentiment d'injustice était très, très intense.
Un peu en même temps, j'ai traversé une espèce de phase de panique et de dépression. Mon anxiété était par moment dans le plafond. Je me demandais si c'était de ma faute. J'ai fait des recherches à propos des causes possibles. Je me suis demandé si je ne l'étais pas moi-même. J'imaginais des scénarios catastrophes sur la suite des choses. Je me sentais complètement impuissant de l'aider. Je m'en suis voulu de ne pas l'avoir soupçonné plus tôt. Je me sentais profondément coupable pour toutes les fois où j'étais mal intervenu auprès de lui pour des choses qu'il ne pouvait peut-être tout simplement pas comprendre. Je me suis vraiment senti comme le dernier des cons.
Je ne suis pas complètement sorti de cette phase, d'ailleurs.
Mais j'entre maintenant dans la phase ultime de l'acceptation.
Guillaume est toujours Guillaume, il est le même petit garçon qu'il a toujours été et que j'ai toujours aimé. Il est mon fils aîné, c'est avec lui que j'ai découvert la paternité qui demeure la plus belle expérience de ma vie et ses accomplissements emplissent toujours son papa d'une fierté sans bornes. Je l'ai toujours aimé tel qu'il était et je l'aime encore tel qu'il est. Rien n'a changé. Mon p'tit gars est toujours le même et je suis déterminé à le couvrir d'amour, à être toujours là pour lui et à ne jamais le laisser tomber.
On a fait beaucoup de progrès ensemble et maintenant que je sais qu'il est autiste, je pourrai le comprendre mieux et l'aider plus efficacement. D'autres progrès sont possibles et on va continuer à travailler fort. Son autisme ne disparaîtra pas, mais je vais tout faire en mon pouvoir pour qu'il réussisse et qu'il s'accomplisse comme être humain, non pas malgré son autisme, mais avec celui-ci. Je l'aime tel qu'il est et il est absolument primordial qu'il s'aime tel qu'il est, lui aussi.
Je ne sais pas si je vais y parvenir, mais j'ai bien l'intention de m'y investir corps et âme.
Ne vous surprenez donc pas, chères lectrices et chers lecteurs, de voir des articles à propos de l'autisme apparaître sur ce blogue dorénavant et sachez que ceux-ci font partie de ma quête de compréhension.
Je veux comprendre comment il pense, comment il perçoit le monde qui l'entoure et ce qu'il comprend des gens. Je veux comprendre ce qu'il ne comprend pas afin de peut-être mieux le lui expliquer. Je veux mieux cerner ses difficultés afin de l'aider à les surmonter. Je veux mieux le comprendre afin d'avoir des attentes réalistes et des interventions plus appropriées. Je veux mieux identifier ses extraordinaires forces afin de mieux l'aider à les exploiter. Je veux essayer d'entrevoir l'univers à travers ses beaux grands yeux noisette. Je veux le connaître plus pour l'aimer mieux.
J'ai donc ajouté l'onglet "autisme" au menu de gauche et j'y ajouterai des billets au gré de mes découvertes et de mes questionnements.
L'an dernier, en 3e année, il a eu des échecs en lecture. Ses résultats d'écriture et de résolution de problèmes de maths étaient également inquiétants.
Nous l'avons fait évaluer par la psychologue de l'école. Son rapport évoquait de multiples possibilités mais demeurait très vague et recommandait de nouvelles évaluations. Nous sommes donc allés voir le pédiatre qui nous a référé au CLSC.
En attendant une évaluation plus poussée, nous sommes passés à l'action. Nous avons inscrit notre fils à une clinique privée d'orthopédagogie. Depuis plus d'un an, il est donc suivi une heure par semaine. À 80$ l'heure, notre budget familial s'en ressent, mais cela s'est avéré être un excellent investissement. Surtout dans le contexte actuel de coupes sauvages et de mises à pied en éducation. Notre fils avait clairement besoin de plus d'aide et de soutien que ce que l'école était capable de fournir.
Parallèlement à cela, je me suis mis à faire lire mon fils à tous les jours. Ça a été très difficile au début, mais c'est maintenant devenu un incontournable dans notre quotidien. Nous nous assoyons ensemble et il me lit des romans. Lorsqu'il commence à perdre intérêt, j'en lis un petit bout en faisant voix et effets sonores, parfois je le chatouille ou je blague, question de rallumer son intérêt. Je l'arrête aussi et je le questionne sur ce qu'il lit, question de vérifier sa compréhension. Ça l'a beaucoup aidé.
J'ai également insisté auprès des autorités scolaires afin que mon fils ait un ordinateur portable et un programme de synthèse vocale mis à sa disposition pour les évaluations de lecture. Encore une fois, ce n'était pas gagné d'avance dans ce contexte de coupures et en attente d'un diagnostic, mais j'ai réussi. Et pour rendre cet outil également pertinent en écriture, je lui ai fait faire des exercices de tape-touche pour qu'il améliore sa vitesse de frappe.
Tous ces efforts ont porté fruit et s'est beaucoup amélioré en lecture. Au-delà des notes qui ont généralement peu de valeur à mes yeux (étant moi-même enseignant, je ne connais que trop bien leur subjectivité), il a développé un véritable intérêt pour la lecture et pour les livres et je suis très fier de cet accomplissement.
Il est maintenant en 4e année. Et cette fois-ci, c'est en écriture qu'il échoue.
Au mois d'octobre, après environ 6 mois d'attente, la clinique santé mentale jeunesse du CLSC nous a enfin donné rendez-vous. Guillaume a été évalué par un pédiatre, une orthophoniste et un psychoéducateur. L'une des rencontres a été filmée et visionnée par une équipe de spécialistes.
J'ai assisté à l'une d'elle. Il avait tellement de mal à répondre à ce qu'on lui demandait de faire que j'ai pleuré tout le long. Mais je me forçais de sourire parce qu'il me jetait souvent des coups d'oeil. Comme j'étais assis à quelques mètres de lui, j'ai réussi à lui cacher les larmes.
Un mois plus tard, nous étions rencontrés afin de connaître le verdict des spécialistes.
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Plusieurs hypothèses me semblaient plausibles. J'avais hâte de mieux comprendre les difficultés de mon fils mais en même temps, j'étais terrorisé. J'ai essayé de me préparer autant qu'un père le peut, mais ce fut peine perdue.
L'équipe interdisciplinaire a finalement diagnostiqué un trouble du spectre de l'autisme.
Vous dire que ça nous a ramassé comme une tonne de briques serait un euphémisme.
Je savais bien que la possibilité existait, mais elle me semblait peu probable. Mes connaissances de l'autisme étaient très sommaires et ce que j'en savais ne me semblait pas correspondre à ce que j'observais chez mon fils. Je croyais que les autistes détestaient être touchés, mais Guillaume est très affectueux. Je croyais que les autistes étaient incapables d'établir un contact visuel lors de conversations, mais Guillaume regarde les gens qui lui parlent. Je croyais que les autistes avaient horreur des bruits stridents, mais bien que Guillaume y soit parfois sensible, il ne les a pas en aversion. Les spécialistes ont d'ailleurs expliqué que l'absence de ces symptômes expliquaient qu'il n'ait pas été diagnostiqué plus tôt. Évidemment, mon fils n'est pas un autiste sévère, mais c'est néanmoins sa réalité et la source de ses difficultés.
Le pédiatre nous a expliqué que certains autres signes étaient présents chez lui et qu'ils ne mentaient pas. Il nous a expliqué qu'il ne pensait pas comme nous. Que ses intérêts inhabituels et son attention à certains détails triviaux étaient des indicateurs solides. Il nous a expliqué que Guillaume avait beaucoup de mal à déchiffrer les interactions sociales et qu'il ne percevait pas, par exemple, la différence entre une taquinerie et une insulte. Il nous a expliqué que notre fils avait beaucoup de difficulté au niveau de son imagination, ce qui rendait les tâches d'écriture particulièrement ardues pour lui.
Mais c'est lorsqu'ils nous ont fait signé les formulaires pour "personne handicapée" que ça a fessé le plus fort.
Les jours et les semaines suivantes ont été pour moi une montagne russe d'émotions. C'est comme si j'avais traversé les cinq étapes du deuil!
Il y a eu le choc initial, suivi du déni. Je me suis dit que ça ne se pouvait pas, qu'ils avaient dû se tromper, qu'ils l'avaient observé lors d'une de ses mauvaises journées, qu'il n'est pas toujours comme ça. Je me suis même questionné à propos de leur compétence.
Puis, il y a eu la colère qui s'est sans doute immiscée dans le ton de certains de mes billets sur ce blogue. J'étais révolté, pourquoi ceci devait-il arriver à mon fils à moi? Le sentiment d'injustice était très, très intense.
Un peu en même temps, j'ai traversé une espèce de phase de panique et de dépression. Mon anxiété était par moment dans le plafond. Je me demandais si c'était de ma faute. J'ai fait des recherches à propos des causes possibles. Je me suis demandé si je ne l'étais pas moi-même. J'imaginais des scénarios catastrophes sur la suite des choses. Je me sentais complètement impuissant de l'aider. Je m'en suis voulu de ne pas l'avoir soupçonné plus tôt. Je me sentais profondément coupable pour toutes les fois où j'étais mal intervenu auprès de lui pour des choses qu'il ne pouvait peut-être tout simplement pas comprendre. Je me suis vraiment senti comme le dernier des cons.
Je ne suis pas complètement sorti de cette phase, d'ailleurs.
Mais j'entre maintenant dans la phase ultime de l'acceptation.
Guillaume est toujours Guillaume, il est le même petit garçon qu'il a toujours été et que j'ai toujours aimé. Il est mon fils aîné, c'est avec lui que j'ai découvert la paternité qui demeure la plus belle expérience de ma vie et ses accomplissements emplissent toujours son papa d'une fierté sans bornes. Je l'ai toujours aimé tel qu'il était et je l'aime encore tel qu'il est. Rien n'a changé. Mon p'tit gars est toujours le même et je suis déterminé à le couvrir d'amour, à être toujours là pour lui et à ne jamais le laisser tomber.
On a fait beaucoup de progrès ensemble et maintenant que je sais qu'il est autiste, je pourrai le comprendre mieux et l'aider plus efficacement. D'autres progrès sont possibles et on va continuer à travailler fort. Son autisme ne disparaîtra pas, mais je vais tout faire en mon pouvoir pour qu'il réussisse et qu'il s'accomplisse comme être humain, non pas malgré son autisme, mais avec celui-ci. Je l'aime tel qu'il est et il est absolument primordial qu'il s'aime tel qu'il est, lui aussi.
Je ne sais pas si je vais y parvenir, mais j'ai bien l'intention de m'y investir corps et âme.
Ne vous surprenez donc pas, chères lectrices et chers lecteurs, de voir des articles à propos de l'autisme apparaître sur ce blogue dorénavant et sachez que ceux-ci font partie de ma quête de compréhension.
Je veux comprendre comment il pense, comment il perçoit le monde qui l'entoure et ce qu'il comprend des gens. Je veux comprendre ce qu'il ne comprend pas afin de peut-être mieux le lui expliquer. Je veux mieux cerner ses difficultés afin de l'aider à les surmonter. Je veux mieux le comprendre afin d'avoir des attentes réalistes et des interventions plus appropriées. Je veux mieux identifier ses extraordinaires forces afin de mieux l'aider à les exploiter. Je veux essayer d'entrevoir l'univers à travers ses beaux grands yeux noisette. Je veux le connaître plus pour l'aimer mieux.
J'ai donc ajouté l'onglet "autisme" au menu de gauche et j'y ajouterai des billets au gré de mes découvertes et de mes questionnements.