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LIBRES ENFANTS DE SUMMERHILL de Alexandre S. Neill

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Je suis en train de lire (que dis-je, de DÉVORER) ce livre qui s’intéresse à l’expérience de l’école alternative Summerhill, au Royaume-Uni. Fondée par l’auteur en 1921, elle représente une véritable révolution pédagogique.

Je suis complètement fasciné par ce livre comme je l’ai très rarement été avec des essais de pédagogie. Ce qui m’émerveille ici, c’est tout d’abord de voir (enfin) quelqu’un qui semble partager plusieurs de mes valeurs fondamentales en ce qui a trait à l’éducation. M. Neill partage également plusieurs de mes critiques et de mes réserves face à l’école traditionnelle. Et ce que je trouve absolument captivant, c’est de voir cet homme qui, envers et contre tous, bâti une approche en se fondant sur ces valeurs, mais en les amenant à leur conclusion logique et, avouons-le, parfois assez extrême. Je ne suis pas toujours d’accord avec lui, mais même lorsque je ne le suis pas, ses propos et ses méthodes me font réfléchir et j’adore ça.

Je vous parlerai de ce livre plus en détails à mesure que ma lecture progresse. Mais pour l’instant, j’aimerais vous parler de la préface, question de vous mettre un peu l’eau à la bouche. Elle a été écrite par Maud Mannoni, une psychanalyste française qui s’est beaucoup intéressée à l’éducation.

Elle explique que la démarche de Neill s'inscrit en opposition à celle de l’école traditionnelle, laquelle veut instruire, mais non éduquer. Il dénonçait les parents qui sont hantés par leur conception du succès, c’est-à-dire l’argent. Neill s’est insurgé contre un système qui forme des individus «manipulés» et dociles. Pour lui, il s’agit d’un système malsain qui, au lieu d’imposer une autorité par la contrainte physique, l’impose sournoisement par la contrainte mentale, c’est-à-dire en formant des gens conformes et obéissants qui croient ce que l’on veut bien qu’ils croient.

La pédagogie moderne, explique-t-elle, vise la formation de gens «vertueux» adaptés à une espèce d’idéal de société qui n’existe que dans l’esprit de l’éducateur. On demande donc à l’enfant de se conformer à un modèle. Or, celui-ci fait complètement abstraction des désirs de l’enfant.

L’autre approche, celle de Rousseau ou de Neill, a pour visée l’enfant lui-même. Dans celle-ci, il n'est plus question d'inculquer un modèle aux enfants. Tout ce que souhaitait Neill, c’était de créer des êtres libres, originaux et créateurs.

Sa «révolution» consiste à mettre l’enfant en situation de pouvoir et de le dégager de l’imaginaire parental et social afin qu'il ait un meilleur accès à la vérité de son propre désir.

Neill insiste sur le fait que notre société ne laisse plus aucune place à la fantaisie: «Nous ignorons tout du jeu, car le jeu est pour nous une perte de temps… L’enfant qui a perdu la possibilité du jeu est psychiquement mort.»

À Summerhill, il n’y a pas de hiérarchie, ni de privilège. Adultes et enfants obéissent aux mêmes règles qui sont établies et votées par tout le monde. Chacun a un vote, peu importe son âge. La petite communauté se réunit une fois par semaine pour discuter de tout ce qui a rapport au groupe, y compris les punitions qui peuvent être imposées démocratiquement, au besoin.

Les leçons sont facultatives à Summerhill. Neill est farouchement anti-enseignement parce qu’il considère que celui-ci vient s’opposer à l’éveil intellectuel de l’enfant. Neill considère qu’un enfant qui désire apprendre quelque chose l’apprendra, peu importe la méthode d’apprentissage employée. Si les leçons existent dans cette école, avoue Neill, c’est uniquement parce qu’il ne peut pas empêcher les enfants de vouloir passer des examens pour avoir accès à des collèges d’enseignement supérieur.

Neill raconte que certains enfants qui fréquentent son école n’ont jamais été en classe. Entrés à 5 ans, ils sont sortis à 17 ans, toujours aussi rebelles à toute scolarité qu’à leurs premiers jours. Malgré cela, ils ont appris à lire et à compter et se sont révélés «stables et efficaces» dans leur métier. Summerhill n’a pas produit de génies, dit Neill, mais des artistes de renom, des musiciens, des acteurs, des hommes de science et des mathématiciens qui font œuvre originale, des médecins, des cuisinières, etc.

Mannoni raconte que cette philosophie se retrouve dans plusieurs cultures. Par exemple, au Tibet, lorsqu’on a imposé l’enseignement obligatoire, les gens ont résisté. «Ils sont fous de vouloir enlever nos enfants pour les instruire à un âge où ils ont tant à apprendre!» disait-on. Instruire, explique-t-elle, c’est imposer des idées qui ne sont pas celles de l’enfant. Au Tibet, un enfant n’est pas la propriété de ses parents. Tu peux, dit-on, donner aux enfants ton amour, mais non tes idées. Tu peux essayer de devenir comme eux, mais tu ne peux exiger qu’ils deviennent comme toi, car la vie est un projet et non un retour vers le passé.

Malgré les prédictions de plusieurs, le système de Neill fonctionne, dit-elle. Que des enfants ne se mettent au travail scolaire qu’à 14 ans et qu’ils réussissent tout de même l’examen d’entrée en faculté le prouve.

Neill, dit-elle, se méfie du politique qui clôt les questions qu’il désire maintenir ouvertes. Il ne désire pas s’offrir en exemple, ni que sa philosophie soit adoptée aveuglément. Il affirme même qu’il est possible d’inventer autre chose et de faire mieux que lui. Ce qu’il demande à la postérité, c’est tout simplement que l’idée de Summerhill puisse continuer à vivre, au nom du respect de l’enfance.

Ainsi se termine la préface. Le livre lui-même début avec cette citation de William Blake :

Enfants des âges à venir
En lisant cette page indignée,
Sachez qu’au temps jadis
L’amour, le tendre amour était jugé comme un crime.

La suite est encore plus intéressante.

On s'en reparle!




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