C'était la première rencontre de parents de l'année scolaire, la semaine dernière, et je dois dire qu'il s'y est produit quelque chose de réellement exceptionnel.
Il faut tout d'abord que je confie une chose: je ne suis pas un enseignant très conventionnel. J'en parle un peu sur ce blogue et dans mon livre, mais disons simplement que mon fonctionnement est très différent de celui qu'on retrouve dans la plupart des classes de primaire.
Après ce que j'ai vécu il y a quelques années (plaintes de parents, diffamation, harcèlement de la direction, trahison des collègues, dépression majeure, etc.), disons que j'avais adopté un profil très bas. Traumatisé par ce qui m'était arrivé, je me sentais profondément menacé et j'ai donc essayé de passer inaperçu pour survivre. Après une profonde remise en question, j'avais décidé de toujours fonctionner à mon goût dans la classe, mais je ne le disais plus.
Je maintiens le silence radio avec mes collègues. La quasi-totalité d'entre elles ignore tout de ma façon d'enseigner et ça me convient parfaitement. Mais pour les parents, cette année, j'ai décidé d'ouvrir mon jeu. Pourquoi? Parce que je crois à ce que je fais et que ça marche. Et aussi parce que ça fonctionne toujours mieux quand je peux compter sur eux pour m'épauler. J'étais nerveux et stressé, mais j'ai tout e même décidé d'être décomplexé et transparent. Alors j'ai tout dit.
Je leur ai dit que mon approche auprès des jeunes n'était pas axé sur la discipline, mais sur la collaboration. Je ne veux rien savoir de me faire appeler "Monsieur" et de me faire vouvoyer. Je suis là pour travailler avec les jeunes et collaborer avec eux, ai-je dit, pas pour les dominer et les effrayer. Je ne suis pas sur un power trip. Je veux qu'ils soient plus que des noms sur une feuille, je veux apprendre à les connaître, découvrir qui ils sont, quels sont leurs intérêts et leurs passions. D'abord et avant tout pour qu'ils découvrent eux aussi qui ils sont, mais aussi parce que j'ai besoin de le savoir pour élaborer des cours qui vont les accrocher et les intéresser.
Mon cours de français n'est pas axé sur des cours de grammaire touffus et d'interminables périodes passées à noircir des pages de cahiers d'exercices. Le coeur de mon cours de français, ce sont les jeunes qui écrivent. Je veux réveiller leur créativité endormie par des années passées dans le système scolaire qui l'étouffe. Dans ma classe, ils écriront souvent et sur les sujets de leur choix. Je veux qu'ils découvrent le plaisir d'écrire. Les fautes qu'ils devront corriger seront toujours pertinentes puisque ce sont celles qu'ils ont faites eux-mêmes. De plus, leurs textes seront diffusés dans le journal de classe, ce qui a un effet énorme sur leur motivation. Écrire en sachant que le seul qui va te lire, c'est le prof et qu'il ne s'intéresse qu'aux maudites fautes d'orthographe, c'est la recette parfaite pour éteindre la motivation. Écrire en sachant que tous tes potes vont te lire et qu'ils vont s'intéresser au contenu et à ce que tu as à dire, ça c'est motivant!
En lecture, J'ai des séries de romans que nous allons travailler en classe. C'est là-dedans que les jeunes iront eux-mêmes chercher leurs mots de vocabulaire à étudier. Pas question que j'aille en piger dans une quelconque liste aléatoire pondu par des bureaucrates du ministère. Ainsi, les mots viennent d'un contexte précis, ils sont pertinents et les jeunes les retiennent mieux. J'ai dit aux parents que s'ils avaient du mal à faire lire leur jeune, que c'était là une de mes forces et que c'est probablement cette année que ça décollerait. Je leur ai dit de laisser leurs jeunes lire des BD, qu'il y en a de toutes sortes et que ce n'est pas de la littérature pour idiots illettrés, comme le croient encore plusieurs. Je leur ai dit que, de mon côté, je consacrerais la quasi-totalité de mon budget de classe à l'achat de livres et que toute l'année, je les bombarderais de bouquins intéressants et captivants. Je leur ai dit que j'amènerais les jeunes à la bibliothèque municipale régulièrement. Je les ai encouragés à faire de même de leur côté. Je leur ai expliqué qu'une plus grande compétence en lecture est vitale pour le succès de leur jeune.
Dans les autres matières, comme par exemple l'histoire, j'ai dit que j'avais décidé de me libérer des cahiers d'exercices ennuyeux et du matériel aride. Je suis un passionné d'histoire, ai-je dit, je connais ce sujet à fond et je suis parfaitement capable de donner ce cours sans méthode restrictive. Je leur ai dit que je couvrirais le programme, mais que j'en déborderais allègrement pour le rendre plus stimulant. Je vais rendre ça vivant et captivant avec des vidéos, des images, de la musique et que je vais même me costumer pour un cours! Je leur ai dit que, pour moi, le but ultime d'un cours d'histoire n'est pas d'apprendre bêtement par coeur des listes de noms et de dates, mais plutôt de permettre au jeune de comprendre d'où il vient, qui il est et dans quelle société il vit. Dans cette optique, le cours d'histoire devient quelque chose de passionnant qui les touche directement en plein coeur de leur identité.
Je ne répéterai pas ici tout ce que j'ai dit, mais disons simplement que j'étais débordant d'enthousiasme dans ma présentation. Mais en même temps, j'étais plutôt angoissé. J'avais un peu de mal à déchiffrer les expressions faciales des parents. C'est donc avec un niveau d'anxiété assez élevé que je leur ai finalement demandé s'ils avaient des questions. Plusieurs ont levé la main. Et c'est là que j'ai été soufflé.
Ils n'avaient pas de questions.
Ils avaient des compliments.
Je n'ai jamais rien vu de tel. Les parents se sont mis à me bombarder de compliments. "Je n'ai jamais vu mon fils aussi motivé" a dit une mère. "Mon fils n'a jamais voulu ouvrir un livre et lorsque j'ai quitté la maison tantôt, il avait le nez plongé dans un livre que vous lui avez prêté" a dit une autre. "Ma fille ne répondais jamais à mes questions à propos de sa journée, comme si elle avait tout oublié. Maintenant, elle me raconte sa journée avec un sourire sans même que je le lui demande!" a dit un père. "Je n'ai jamais vu mon fils aussi heureux de partir pour l'école le matin!""J'adore votre approche!""Vous avez enseigné à la fille d'une amie à moi l'an dernier et elle m'a dit que vous étiez le meilleur pour préparer les jeunes au secondaire!""Ma fille était tellement heureuse quand elle a appris qu'elle était dans votre classe, elle l'a espéré tout l'été!"
Ça a été comme ça pendant un bon 10 minutes au moins. Je vous jure. Je n'avais jamais vu une chose pareille.
Après seulement UNE SEMAINE d'école!
C'était tellement intense que j'en étais un peu mal à l'aise. J'ai fait des blagues du genre: "Arrêtez, ma tête ne passera plus dans la porte!" J'étais complètement soufflé.
Je ne peux pas vous décrire comment je me sentais face à cette pluie de compliments, surtout à la lumière de l'horreur que j'ai connue il n'y a pourtant pas si longtemps. C'est une validation indescriptible. Et quelle fierté pour moi d'avoir maintenu le cap dans l'adversité, d'avoir continué à enseigner comme je l'entends malgré toute la marde qu'on m'a fait manger au cour des années. Quelle fierté d'avoir maintenu le cap en m'accrochant à la conviction que ce que je faisais était dans le meilleur intérêt des élèves qu'on me confie. Quel bonheur d'être reconnu et apprécié. Je marchais sur un nuage...
À la fin, les parents sont tous venus me serrer la main en souriant et en me remerciant. Par la suite, certains ont écrit à la directrice pour la remercier d'avoir placé leur enfant dans ma classe. Elle m'a fait parvenir copie de ces courriels. Lorsque je l'ai croisée, elle m'a dit: "Tu reçois beaucoup de fleurs ces temps-ci!"
Quel début d'année scolaire CANON, mes amis!
Il faut tout d'abord que je confie une chose: je ne suis pas un enseignant très conventionnel. J'en parle un peu sur ce blogue et dans mon livre, mais disons simplement que mon fonctionnement est très différent de celui qu'on retrouve dans la plupart des classes de primaire.
Après ce que j'ai vécu il y a quelques années (plaintes de parents, diffamation, harcèlement de la direction, trahison des collègues, dépression majeure, etc.), disons que j'avais adopté un profil très bas. Traumatisé par ce qui m'était arrivé, je me sentais profondément menacé et j'ai donc essayé de passer inaperçu pour survivre. Après une profonde remise en question, j'avais décidé de toujours fonctionner à mon goût dans la classe, mais je ne le disais plus.
Je maintiens le silence radio avec mes collègues. La quasi-totalité d'entre elles ignore tout de ma façon d'enseigner et ça me convient parfaitement. Mais pour les parents, cette année, j'ai décidé d'ouvrir mon jeu. Pourquoi? Parce que je crois à ce que je fais et que ça marche. Et aussi parce que ça fonctionne toujours mieux quand je peux compter sur eux pour m'épauler. J'étais nerveux et stressé, mais j'ai tout e même décidé d'être décomplexé et transparent. Alors j'ai tout dit.
Je leur ai dit que mon approche auprès des jeunes n'était pas axé sur la discipline, mais sur la collaboration. Je ne veux rien savoir de me faire appeler "Monsieur" et de me faire vouvoyer. Je suis là pour travailler avec les jeunes et collaborer avec eux, ai-je dit, pas pour les dominer et les effrayer. Je ne suis pas sur un power trip. Je veux qu'ils soient plus que des noms sur une feuille, je veux apprendre à les connaître, découvrir qui ils sont, quels sont leurs intérêts et leurs passions. D'abord et avant tout pour qu'ils découvrent eux aussi qui ils sont, mais aussi parce que j'ai besoin de le savoir pour élaborer des cours qui vont les accrocher et les intéresser.
Mon cours de français n'est pas axé sur des cours de grammaire touffus et d'interminables périodes passées à noircir des pages de cahiers d'exercices. Le coeur de mon cours de français, ce sont les jeunes qui écrivent. Je veux réveiller leur créativité endormie par des années passées dans le système scolaire qui l'étouffe. Dans ma classe, ils écriront souvent et sur les sujets de leur choix. Je veux qu'ils découvrent le plaisir d'écrire. Les fautes qu'ils devront corriger seront toujours pertinentes puisque ce sont celles qu'ils ont faites eux-mêmes. De plus, leurs textes seront diffusés dans le journal de classe, ce qui a un effet énorme sur leur motivation. Écrire en sachant que le seul qui va te lire, c'est le prof et qu'il ne s'intéresse qu'aux maudites fautes d'orthographe, c'est la recette parfaite pour éteindre la motivation. Écrire en sachant que tous tes potes vont te lire et qu'ils vont s'intéresser au contenu et à ce que tu as à dire, ça c'est motivant!
En lecture, J'ai des séries de romans que nous allons travailler en classe. C'est là-dedans que les jeunes iront eux-mêmes chercher leurs mots de vocabulaire à étudier. Pas question que j'aille en piger dans une quelconque liste aléatoire pondu par des bureaucrates du ministère. Ainsi, les mots viennent d'un contexte précis, ils sont pertinents et les jeunes les retiennent mieux. J'ai dit aux parents que s'ils avaient du mal à faire lire leur jeune, que c'était là une de mes forces et que c'est probablement cette année que ça décollerait. Je leur ai dit de laisser leurs jeunes lire des BD, qu'il y en a de toutes sortes et que ce n'est pas de la littérature pour idiots illettrés, comme le croient encore plusieurs. Je leur ai dit que, de mon côté, je consacrerais la quasi-totalité de mon budget de classe à l'achat de livres et que toute l'année, je les bombarderais de bouquins intéressants et captivants. Je leur ai dit que j'amènerais les jeunes à la bibliothèque municipale régulièrement. Je les ai encouragés à faire de même de leur côté. Je leur ai expliqué qu'une plus grande compétence en lecture est vitale pour le succès de leur jeune.
Dans les autres matières, comme par exemple l'histoire, j'ai dit que j'avais décidé de me libérer des cahiers d'exercices ennuyeux et du matériel aride. Je suis un passionné d'histoire, ai-je dit, je connais ce sujet à fond et je suis parfaitement capable de donner ce cours sans méthode restrictive. Je leur ai dit que je couvrirais le programme, mais que j'en déborderais allègrement pour le rendre plus stimulant. Je vais rendre ça vivant et captivant avec des vidéos, des images, de la musique et que je vais même me costumer pour un cours! Je leur ai dit que, pour moi, le but ultime d'un cours d'histoire n'est pas d'apprendre bêtement par coeur des listes de noms et de dates, mais plutôt de permettre au jeune de comprendre d'où il vient, qui il est et dans quelle société il vit. Dans cette optique, le cours d'histoire devient quelque chose de passionnant qui les touche directement en plein coeur de leur identité.
Je ne répéterai pas ici tout ce que j'ai dit, mais disons simplement que j'étais débordant d'enthousiasme dans ma présentation. Mais en même temps, j'étais plutôt angoissé. J'avais un peu de mal à déchiffrer les expressions faciales des parents. C'est donc avec un niveau d'anxiété assez élevé que je leur ai finalement demandé s'ils avaient des questions. Plusieurs ont levé la main. Et c'est là que j'ai été soufflé.
Ils n'avaient pas de questions.
Ils avaient des compliments.
Je n'ai jamais rien vu de tel. Les parents se sont mis à me bombarder de compliments. "Je n'ai jamais vu mon fils aussi motivé" a dit une mère. "Mon fils n'a jamais voulu ouvrir un livre et lorsque j'ai quitté la maison tantôt, il avait le nez plongé dans un livre que vous lui avez prêté" a dit une autre. "Ma fille ne répondais jamais à mes questions à propos de sa journée, comme si elle avait tout oublié. Maintenant, elle me raconte sa journée avec un sourire sans même que je le lui demande!" a dit un père. "Je n'ai jamais vu mon fils aussi heureux de partir pour l'école le matin!""J'adore votre approche!""Vous avez enseigné à la fille d'une amie à moi l'an dernier et elle m'a dit que vous étiez le meilleur pour préparer les jeunes au secondaire!""Ma fille était tellement heureuse quand elle a appris qu'elle était dans votre classe, elle l'a espéré tout l'été!"
Ça a été comme ça pendant un bon 10 minutes au moins. Je vous jure. Je n'avais jamais vu une chose pareille.
Après seulement UNE SEMAINE d'école!
C'était tellement intense que j'en étais un peu mal à l'aise. J'ai fait des blagues du genre: "Arrêtez, ma tête ne passera plus dans la porte!" J'étais complètement soufflé.
Je ne peux pas vous décrire comment je me sentais face à cette pluie de compliments, surtout à la lumière de l'horreur que j'ai connue il n'y a pourtant pas si longtemps. C'est une validation indescriptible. Et quelle fierté pour moi d'avoir maintenu le cap dans l'adversité, d'avoir continué à enseigner comme je l'entends malgré toute la marde qu'on m'a fait manger au cour des années. Quelle fierté d'avoir maintenu le cap en m'accrochant à la conviction que ce que je faisais était dans le meilleur intérêt des élèves qu'on me confie. Quel bonheur d'être reconnu et apprécié. Je marchais sur un nuage...
À la fin, les parents sont tous venus me serrer la main en souriant et en me remerciant. Par la suite, certains ont écrit à la directrice pour la remercier d'avoir placé leur enfant dans ma classe. Elle m'a fait parvenir copie de ces courriels. Lorsque je l'ai croisée, elle m'a dit: "Tu reçois beaucoup de fleurs ces temps-ci!"
Quel début d'année scolaire CANON, mes amis!