Extraits d'une excellente entrevue avec Salman Rushdie:
Quelque chose a changé dans les mentalités depuis Les Versets sataniques?
Plus de vingt-cinq ans après Les Versets sataniques, il semble qu'on en ait tiré de mauvaises leçons. Au lieu d'en déduire qu'il faut s'opposer à ces attaques contre la liberté de s'exprimer, on a cru qu'il fallait les calmer par des compromis et des renoncements.
Pourquoi?
On peut déplorer un retour du politiquement correct dans les milieux intellectuels. Mais ce dont personne ne parle, c'est la peur. Si on ne tuait pas des gens en ce moment, si les bombes et les kalachnikovs ne parlaient pas aujourd'hui, le débat serait bien différent. La peur se déguise en respect.
Peut-on blâmer l'Occident?
(...) Oui, l'aventure de Bush là-bas - si mal conçue -a contribué à la situation actuelle. Mais la grande erreur historique dont nous payons le prix aujourd'hui reste le soutien occidental à l'Arabie saoudite. Avant que cette dynastie soit consacrée grande maîtresse planétaire du pétrole, le wahhabisme n'était qu'une secte microscopique dénuée de la moindre influence. Mais sa richesse colossale lui a permis de propager pendant des générations et dans le monde entier sa vision de l'islam. Et voici sa croyance fanatique érigée en norme religieuse mondiale.
Quand je vois le président américain interrompre sa visite au Taj Mahal pour rejoindre les leaders occidentaux accourus à Riyad au décès du prince, je voudrais rappeler que ces gens ne sont pas nos amis, ils sont la source du poison.
Que faut-il faire?
En finir avec ce tabou de la prétendue "islamophobie". Je le répète. Pourquoi ne pourrait-on débattre de l'islam ? Il est possible de respecter des individus, de les préserver de l'intolérance, tout en affichant son scepticisme envers leurs idées, voire en les critiquant farouchement.