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L'Amérique ou le disparu

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Soyez avertis: cet article sera totalement dépourvu d'objectivité. En effet, je suis un fan fini de Réal Godbout et je tripais sur cette BD avant même de l'ouvrir. En plus, comme je n'ai jamais lu le roman de Kafka qui l'a inspirée, je n'ai aucune raison de me plaindre des inévitables modifications qui surviennent lorsqu'on passe d'un médium à l'autre.

Dès le départ, la table est mise. Lorsque le navire qui transporte notre jeune héros pénètre dans le port de New York, il aperçoit la statue de la liberté qui tient à bout de bras... son épée! Nous ne sommes donc pas exactement dans l'Amérique telle que nous la connaissons, mais bien dans une Amérique qui a été poussée à son extrême, un endroit plus capitaliste, plus sauvage et plus cruel, mais tout de même plausible et crédible.

L'histoire est celle d'un jeune Allemand de 17 ans, Karl Rossman, qui est forcé de s'exiler en Amérique après avoir engrossé la bonne, événement dans lequel et comme dans tout le reste, il fait figure de victime. Car en toute chose, Rossman est ce jeunot naïf et inexpérimenté qui traverse la vie avec insouciance et qui fait confiance trop facilement. Si de temps à autres, certaines personnes lui viennent en aide, dans la plupart des cas, les gens qui l'entourent ont des intentions beaucoup plus égoïstes et ne cherchent qu'à exploiter le jeune homme sans le moindre scrupule. En fait, la plupart des gens qu'il rencontre sur son chemin sont tordus d'une manière ou d'une autre. À travers les rencontres de ce jeune exilé, on découvre cette Amérique du début du XXe siècle, un endroit qui ne pardonne pas mais où, étrangement, des opportunités parfois imprévues se présentent au tournant d'un chemin.

Le scénario coule à un bon rythme et on ne sent pas du tout que Godbout coupe les coins ronds, qu'il tente de passer trop vite ou qu'il s'attarde inutilement sur certaines scènes. Le roman original ne semble pas être pour lui une contrainte, mais plutôt un tremplin et une source d'inspiration. Les situations dans lesquelles se retrouve Rossman sont tantôt tragiques, tantôt comiques et toujours divertissantes et captivantes. En fait, cette BD m'a hypnotisé.

Pour ce qui est des dessins... les mots me manquent. Ceci est l'oeuvre la plus renversante de Godbout. Cet artiste accompli est au sommet de son art. Certaines planches sont tout simplement renversantes. Il est intéressant de souligner que Godbout y a consacré les SEPT dernières années! Et ça se voit. Ses planches sont vraiment superbes. Les scènes de ville sont particulièrement impressionnantes et riches en détails qui sont rendus encore plus évidents par l'absence de couleurs. Pour ce qui est des personnages, ils sont expressifs à souhait, comme seul Godbout sait les dessiner. J'ai toujours adoré Godbout, mais c'est véritablement à un super-Godbout auquel on a droit ici. Je n'exagère pas, je parle d'un niveau de maîtrise et de sophistication parfaitement comparable à un Hergé! Il mérite sa place parmi les très grands noms de la bande dessinée.

Ça me brise le coeur de l'écrire, mais s'il était né Belge ou Français, il serait indubitablement considéré à sa juste valeur.

Bref, cette BD est un véritable chef-d'oeuvre et doit absolument être lue pour être crue. Chapeau au maître incontesté de la BD québécoise et espérons qu'il ne faudra pas attendre sept autres années avant d'avoir le privilège de se mettre du Godbout sous la dent!



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